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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 7

Lock: 30 ans et une nouvelle création

Par Nathalie De Han / 1 avril 2011


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Le célèbre chorégraphe montréalais Édouard Lock souligne le 30e anniversaire de sa compagnie La La La Human Steps avec une nouvelle création inspirée des opéras baroques Didon et Énée (Purcell) et Orphée et Eurydice (Gluck). La pièce, créée en janvier à Amsterdam, met en vedette Diana Vishneva – la danseuse étoile du légendaire Ballet Kirov – et sera présentée début mai en première nord-américaine à Montréal.

L’oscillation

Lock cumule trois décennies de créations couronnées de succès planétaires, mais a le triomphe modeste. À propos de sa démarche artistique, il commence : « C’est difficile d’être spécifique : trente ans, c’est une vie ! » Le chorégraphe élude les questions sur ses réalisations ou l’ampleur de son œuvre et préfère plutôt évoquer la fantastique suite d’expériences humaines vécues, les partenariats artistiques étant d’abord des collaborations avec des danseurs, des compositeurs, des sculpteurs. « Et là, les souvenirs débouchent ! », dit-il. Ses collaborations avec David Bowie (1988) et Frank Zappa (1992), sa longue relation artistique avec l'interprète Louise Lecavalier (1981-1998)… la liste est longue. Le chorégraphe a une voix grave et énergique : « Le chiffre ne compte pas, ce qui m’importe, c’est de ressentir le même niveau d’excitation et d’implication de pièce en pièce ».

Le processus reste le même, explique le créateur : éliminer beaucoup de choses, en accueillir d’autres et enclencher une impulsion qui évolue selon la relation au public et les intérêts de ce dernier – deux variables qui changent en permanence. La création a prise dans le quotidien et l’environnement de l’artiste, elle amplifie le chuchotement de son dialogue avec la société. Cet échange devient éventuellement une prise de position, qui sera à son tour abandonnée pour une autre et ainsi avance la spirale. L’individu se compose de la somme de toutes les expériences qu’il a vécues, mais cette série d’expériences n’est pas forcément linéaire : une conscience sautille entre il y a trois secondes, dix ans et deux minutes à une vitesse telle qu’il n’y a plus de séparation entre un moment et l’autre, et c’est précisément cette oscillation qui permet un point de vue, une prise de position. « C’est mystérieux, cela va trop vite pour qu’on puisse bien comprendre », remarque Édouard Lock. Pourtant, les mêmes termes décrivent ses pièces.

Collision

La recherche du détail, de la spécificité est la signature du chorégraphe. Il insiste sur la personnalisation et l’individualité de chaque interprète. La complexité physique équivaut au moins à celle de la pensée, dit-il. Il aime les détails en surcharge, qu’il perçoit comme la manifestation d’une pensée active. Lock force la virtuosité de ses interprètes à l’abstraction. En mouvement, ils sont androgynes et sans âge. La distorsion que provoque la rencontre des concepts fascine Édouard Lock. Il va plus loin : « Quand le public entre dans un lieu en ayant déjà une opinion sur ce qui va y être présenté, la collision de l’objet artistique est un choc ! » La résonance des opéras Didon et Énée et Orphée et Eurydice ont intéressé Édouard Lock. Les traces du premier sont musicales et c’est de l’histoire languide d’Orphée dont on se souvient : « Il ne faut pas alourdir la danse avec trop de narratif, on la simplifie. La danse et la musique sont des mondes libres que le public relie à sa guise », résume Lock, qui a souhaité poursuivre ici sa collaboration avec le contrebassiste Gavin Bryars qui interprétera en direct sur scène la musique du spectacle. Les deux hommes ont développé un air de connivence : « Nos deux mondes aiment se parler, ça se passe naturellement. » Baptiser sa nouvelle création ? L’exercice ne le passionne pas. « J’y arrive toujours tardivement, je suis peut-être encore plus tardif cette fois-ci », dit-il, l’air de parfaitement s’amuser.

» Les 5, 6 et 7 mai, salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts
À noter : la première exposition consacrée à la compagnie, l’Exposition 30e Anniversaire La La La Human Steps, sera présentée à l’Espace culturel Georges-Émile Lapalme de la Place des arts à compter du 7 avril. Aux éléments de décors, des costumes et des archives s’ajoutent ainsi qu’un corpus de photos et de vidéos prises au fil des ans par le chorégraphe lui-même. www.lalalahumansteps.com


(c) La Scena Musicale 2002