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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 7

Miles @ Berlin

Par Marc Chénard / 1 avril 2011


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Si l’on considère la dernière décennie jazzistique à Montréal, elle a été quand même assez faste. Les universités, McGill en tête, y sont pour quelque chose dans le développement de jeunes talents voués à la note bleue, mais notre scène a aussi été enrichie par l’arrivée de musiciens d’ailleurs, attirés tout simplement le train de vie de la ville et son milieu culturel. Bien que la métropole ait retenu la majorité de ses « talents-maison », certains se sont lancés dans la grande aventure de l’exil en terre étrangère. Parmi eux, le contrebassiste Miles Perkin a fait le grand saut en 2008, élisant domicile à Berlin, la grande capitale allemande réunie et véritable point chaud culturel du Vieux Continent.

Lors d’un bref passage en ville en octobre dernier, sur l’invitation du Off Festival de Jazz, Miles Perkin prit un moment pour dresser un bilan de ses activités dans sa ville adoptive. « Montréal est quand même excellente pour la musique, mais elle est parfois en proie à des modes et demeure quand même assez isolée. À Berlin, par contre, on ne sent pas de courants particuliers ou des modes. Le public est très curieux de nature, toujours prêt à essayer de nouvelles choses et ne quitte jamais les salles en cours de spectacle. » Installé depuis 2008, il avait pourtant fréquenté la ville et le pays avant cette date, son amie étant citoyenne allemande et danseuse professionnelle.

Natif de Brandon au Manitoba (comme Karl Jannuska, qui fit l’objet du premier article de cette série consacrée aux exilés du jazz montréalais, v. LSM 16-5, févr. 2011, p. 34), Miles Perkin a reçu très tôt des encouragements de son père, professeur de musique au collège de la ville; de plus, il s’intéresse à la musique vocale en chantant dans une chorale pendant sa jeunesse. En 1999, il débarque à Montréal à l’orée de la vingtaine, s’enrôlant à McGill dans son programme d’études jazz, obtenant son baccalauréat cinq ans plus tard. Comme tout musicien de section rythmique, il se prête à plusieurs formations, la plus durable étant celle du batteur Thom Gossage (qui nous promet le cinquième opus de son ensemble Other Voices dans les prochains mois), mais aussi des collaborations avec des artistes populaires comme Jorane ou la regrettée Lhassa de Sela. Parmi ses activités montréalaises, il fonda son propre groupe (Common Thread), un sextette inhabituel comptant une harpe et une guitare « lap steel » (voir discographie ci-dessous) et enregistra en 2007 un disque solo à la contrebasse, publié à compte d’auteur.

Outre le désir d’élargir ses propres horizons musicaux, Miles Perkin s’est rendu également à Berlin pour s’inscrire à son institut de jazz, réputé comme l’une des meilleures écoles en Europe. Durant son stage, il a travaillé sous la tutelle de Greg Cohen (accompagnateur de choix de John Zorn et d’Ornette Coleman), bouclant ses études par un récital de maître en mai dernier. Comme tout nouvel arrivant, Miles a dû persévérer pour se frayer un chemin, mais il note que Berlin se fait accueillante pour les jeunes musiciens, surtout ceux qui sont enclins à l’expérimentation. « Il y a des cliques, comme partout, mais ce n’est pas un monde clos, on peut trouver sa place dans la scène parce qu’il y a une sorte de confrérie entre musiciens. D’un point de vue pratique aussi, Berlin attire beaucoup de jeunes créateurs parce que le coût de la vie y est bien moins élevé que dans d’autres grandes villes du continent. »

Avant même de quitter Montréal, Perkin avait fait connaissance du pianiste hexagonal Benoît Delbecq, avec qui il a réalisé une séance studio (non publiée), suivie d’un enregistrement en quartette avec Gossage et Tom Arthurs, un trompettiste britannique vivant également à Berlin. (Plus récemment, le bassiste et le trompettiste ont formé le trio Glue avec le concours du batteur Yorgis Dimitriadis, groupe d’improvisation à la fois très libre et très intimiste.) Parmi ses activités musicales de l’heure, Miles a lancé une série mensuelle de rencontres de musiques improvisées « Open Ears » au Kunst-Fabrik Schlot au centre-ville. Ces derniers temps, il a eu la chance de partager la scène avec des musiciens de premier plan, entre autres, le trompettiste Axel Dörner, le saxo ténor Tobias Delius, le pianiste Achim Kaufmann – avec lequel il compte enregistrer sous peu en trio. Même s’il est loin de son pays natal, la présence canadienne n’est néanmoins pas absente de la ville, car il enregistre et tourne avec un compatriote, le saxo alto Peter van Huffel, en plus de jouer dans le quartette pancanadien Yellowknife.

De toute évidence, Miles Perkin commence à trouver sa place dans le milieu, mais une ombre plane sur le tableau pour lui, soit le problème épineux de la diffusion de la musique dans un marché mondial : « Comme personne n’achète plus de CD, il semble que la situation devient de plus en plus difficile pour cette musique. Je crois qu’il faut vraiment inventer de nouvelles structures pour se produire et se diffuser. C’est pourquoi j’ai décidé pour le moment de mettre mes enregistrements en ligne pour écoute et téléchargement à prix modique. »

www.milesperkin.com

Miles Perkin sur disque

Enregistrements personnels

2010 » Glue – Disponible en ligne :
http://not-applicable.bandcamp.com/album/glue

2009 » Miles Perkin Quartet

2008 » Aposiopesis (Solo) Autoproduction

2008 » Common Thread –
The Guessing Game (Autoproduction)

2005 » Common Thread (Ombu Records)

Comme accompagnateur

2011 » Thom Gossage Other Voices –
Hic et ubique (Independent)

2010 » Steve Raegele Trio – Last Century (Songlines)

» Peter Van Huffel Quartet – Like the Rusted Key (Fresh Sound)

2009 » Lhasa de Sela – Lhasa (Audiogram)

2008 » Thom Gossage Other Voices –
Impulsi (Independent)

2007 » Jorane – Vers à soi (Tacca)

2006 » Thom Gossage Other Voices – 5
(Effendi)

»Lauzier-Perkin-Kuster – Today is a Special Day (Ambiances Magnétiques)

2004 » Tom Walsh – Phat Head with Steve Swell (Ombu records)

2003 » Thom Gossage Other Voices – The Now Beyond (Les disques Effendi)


(c) La Scena Musicale 2002