Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 4 décembre 2010

el Sistema : Un système omniprésent

Par Jonathan Govias / 1 décembre 2010


Version Flash ici

C’est un secret de polichinelle que maestro Abreu n’aime pas vraiment le nom el Sistema. Il faut dire que ce n’est pas lui qui a choisi cette appellation : le programme est nommé selon une convention bureaucratique imposée par le financement gouvernemental. Les gouvernements ont tendance à s’occuper de « systèmes » tels que ceux de la santé ou de la justice, mais de la même manière qu’aucun de ces termes ne renvoie à une procédure médicale ou judiciaire unique, el Sistema n’est pas une façon unique d’enseigner. Comme l’a indiqué le premier article de la série, il s’agit d’un acronyme (FESNOJIV) désignant le réseau national d’orchestres de jeunes.

Il n’existe probablement aucun pays où les citoyens n’envisagent pas avec suspicion la participation du gouvernement dans un programme. Or, le système qui sous-tend el Sistema a largement évité la complexité, la rigidité et le gaspillage, sans compter la corruption endémique dans de nombreuses régions du globe, en établissant une séparation effective entre les núcleos et l’administration nationale. Le rôle de l’organisme fédéral est essentiellement de débourser des fonds pour les salaires des enseignants et de coordonner les projets à l’échelle nationale et internationale, en laissant aux núcleos régionaux la latitude et la souplesse nécessaires pour répondre aux conditions locales le plus efficacement possible.

Cette structure de gestion est en soi digne de bien des études, dans une perspective d’entreprise, pour la confiance qu’elle accorde à ses employés, mais el Sistema a également une fonction pédagogique précieuse : il s’agit d’un réseau à l’échelle de l’organisation, à travers lequel les personnes et l’information peuvent évoluer pour le plus grand bien commun. Au sein du réseau, il existe toujours un endroit approprié pour un étudiant qui veut jouer ou pour un ensemble qui est d’un niveau à la fois assez élevé et suffisamment accessible. Si un élève devient trop avancé pour l’orchestre de sa petite ville natale, il peut toujours poursuivre son développement musical dans un grand centre un peu plus loin. Et cela se poursuit ainsi : pour ceux qui possèdent la motivation nécessaire, le chemin depuis le groupe débutant jusqu’à l’Orchestre Símon Bolívar est clairement tracé.

Mais de même que les étudiants peuvent grimper au sein du réseau, ils peuvent également revenir vers le bas, apportant de nouvelles connaissances et des expériences à partager. Les musiciens de 14 ans qui ont remporté les auditions nationales pour travailler auprès de sir Simon Rattle cet été sont retournés dans leurs régions respectives dotés de sensibilités professionnelles et artistiques renforcées, tout comme les anciens de l’Orchestre Símon Bolívar retournent souvent dans leurs villes natales après avoir pu travailler avec des musiciens de l’Orchestre philharmonique de Berlin, désireux de partager leur expertise nouvellement acquise.

El Sistema n’est pas un programme ou une méthode, mais un réseau qui crée des possibilités et qui renforce les capacités internes des ressources de la manière la plus efficace possible. Il élimine la concurrence entre les ensembles tout en facilitant le développement à long terme. C’est un mécanisme qui s’adapte à tous les niveaux de capacité des participants, remplissant ainsi un rôle essentiel dans la mission sociale du FESNOJIV.

Ce sera également l’aspect le plus stimulant et intéressant à reproduire dans le cadre de l’évolution internationale du mouvement musical.

[Traduction : Anne Stevens]


Jonathan Govias est un chef d’orchestre, consultant et éducateur pour les programmes el Sistema sur trois continents. Pour en savoir davantage sur el Sistema, visitez www.jonathangovias.com


(c) La Scena Musicale 2002