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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 4

Le musicien : un athlète de la scène !

Par Isabelle Duchesne, B.Sc., Pht, FCAMT / 1 décembre 2010


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L’article qui suit est le premier d’une série sur la prévention des blessures spécifiques du musicien. Il est tiré principalement d’un article publié par l’auteure en janvier 2010 dans la revue Le médecin du Québec dans un numéro spécial portant sur la médecine des arts. Nous aborderons dans cette série les particularités du musicien, les facteurs de risque prédisposant aux blessures musculosquelettiques, les principales catégories de diagnostics ainsi que la prise en charge thérapeutique de ces blessures.

Vous êtes étonnés que les musiciens souffrent ? Sachez que la rapidité et la précision de mouvement du musicien sont sans comparaison avec les autres professions. En effet, le neurologue Frank Wilson a mesuré que les musiciens peuvent exécuter jusqu’à 38 notes en trois secondes ! Vous connaissez le Boléro de Ravel ? En 14 minutes, le percussionniste y fera 5144 mouvements de bras sans arrêt ! Cela requiert une concentration et un contrôle musculaire importants pour débuter de façon presque inaudible pianissimo avec un crescendo graduel jusqu’à la conclusion fortissimo et, bien sûr, à un rythme parfait ! Le musicien doit être considéré comme un athlète de la scène et traité ainsi !

Une grande coordination est requise chez le musicien pour l’exécution des mouvements, souvent à une vitesse vertigineuse et pendant plusieurs heures. À cela pourront s’ajouter le poids de l’instrument (par exemple, un saxophone alto pèse 2,27 kg) et le maintien d’une position statique prolongée non ergonomique et non physiologique.

De plus, il est très difficile d’isoler certains mouvements exigés par la pratique de l’instrument (que je vous invite à essayer). Songeons par exemple que l’extension de l’annulaire est complètement inhibée par la flexion complète du majeur et de l’auriculaire et qu’il est plus difficile d’écarter les doigts lorsque ceux-ci sont en flexion plutôt qu’en extension. La performance musicale exige donc des gestes contre nature !

Comment comprendre les particularités du musicien ?
En quoi le musicien se compare-t-il à l’athlète d’élite ? Il faut prendre en considération l’entraînement à un âge précoce, une exigence de performance de haut calibre où la dextérité physique détermine le degré de succès, le fait que la réussite financière dépend du niveau d’excellence, parce qu’il s’agit d’un domaine très compétitif où les niveaux d’endurance psychologique et de stress sont très élevés et que le musicien et l’athlète sont tous deux prédisposés aux blessures de surusage. Enfin, afin de pouvoir exceller dans sa discipline, le musicien, tout comme l’athlète, doit faire preuve de force, de flexibilité, de coordination, d’endurance et d’agilité, comme le souligne N.F Quarrier dans son article Performing Arts Medicine: The Musical Athlete.

Le musicien se distingue également du fait qu’il sera très touché par des changements subtils de ses habiletés motrices à l’instrument. De plus, son examen comporte un aspect unique, soit l’évaluation avec son instrument, ce qui aidera le clinicien à poser le bon diagnostic et déterminer le problème à l’origine de la blessure.

Il est reconnu depuis plusieurs décennies que la pratique et la performance musicales peuvent être sources de douleurs et de blessures. Celles-ci peuvent avoir un impact important sur les études musicales ou sur la carrière professionnelle du musicien en raison des difficultés de performer qu’elles entraînent.

le SAVIEZ-VOUS ?

Une grande coordination de mouvements, souvent exécutés à une vitesse vertigineuse et pendant plusieurs heures : voilà ce qui est requis du musicien ! La prévalence de troubles musculosquelettiques liés à l’exécution de la musique est de 39 à 47 % chez les musiciens professionnels et de 17 % chez les étudiants universitaires. La localisation de la blessure est directement associée à l’exécution spécifique et au poids de l’instrument, à la posture lors du jeu et au mouvement induit lors du jeu instrumental. Les trois principaux diagnostics sont les atteintes d’origine musculosquelettique chez 64 % des patients, les atteintes de nerfs périphériques (neuropathies) chez 20 % et la dystonie de fonction (ou crampe occupationnelle) chez 8 %. Afin de pouvoir exceller dans sa discipline, le musicien, tout comme l’athlète, doit faire preuve de force, de flexibilité, de coordination, d’endurance et d’agilité. Une récupération de toutes ces composantes par une réadaptation adéquate est nécessaire pour retrouver ses habiletés motrices à l’instrument et conséquemment la qualité de son expression musicale.


Prochain article : Quels sont les facteurs de risque et quelle est l’atteinte musculosquelettique la plus fréquente chez le musicien ?

Isabelle Duchesne est physiothérapeute chez Kinatex Sports Physio Rosemont et traite depuis plusieurs années des musiciens professionnels.

Références bibliographiques
Horvath J. Playing (less) hurt. An injury prevention guide for musicians. 3e éd. Kearney, Morris Publishing, 2003. 295 p.
Dupuis M. « Les pathologies de l’appareil locomoteur chez le musicien », Union médicale du Canada, 1993, nov-déc.
Quarrier N.F. « Performing Arts Medicine: The Musical Athlete », J Orthop Sports Phys Ther, 1993; 17(2):90-5
Brandfonbrener A. « Musculoskeletal problems of instrumental musicians », Hand Clin, 2003; 19: 231-239.


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