Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 4 décembre 2010

Le chœur sur la main

Par Anne Stevens / 1 décembre 2010


Version Flash ici

La notion de chœur amateur est paradoxale : par l’étymologie même du mot, il s’agit de personnes qui font une activité pour l’amour de l’art (latin amator, du verbe amare, aimer). Donc, un chœur amateur pourrait être formé de personnes qui se réunissent tout bonnement chez les uns ou les autres pour chanter, parce qu’elles aiment ça, un point c’est tout. Pourtant, ce n’est pas ce qu’on entend généralement par « chœur amateur ». La plupart du temps, seuls les choristes eux-mêmes sont des amateurs, n’étant pas rémunérés pour leurs services, même s’ils atteignent parfois un niveau approchant celui de professionnels. Les choristes amateurs ne sont pas non plus des bénévoles, car ils sont de prime abord les principaux bénéficiaires de leur activité musicale.

Paradoxalement, si les choristes eux-mêmes sont des amateurs, on peut se demander si ce qualificatif est justifié pour les chœurs en tant que tels, dès lors qu’ils ne donnent pas de concerts gratuits, mais font payer aux auditeurs le privilège de les écouter. Et pourquoi donner des concerts payants ? En fait, un chœur, aussi amateur soit-il, a peu de chances de survivre s’il ne donne pas de concerts, ne se fait pas connaître et n’attire pas ainsi de nouveaux membres. Les concerts donnent une impulsion et un but à l’activité chorale, et ils permettent également de recruter des choristes pour remplacer ceux qui partent. Or, parler de concerts, c’est parler d’argent. Les choristes ne gagnent pas leur vie en chantant, mais le chœur, si !

Produire un concert, cela signifie, entre autres : louer une salle, embaucher des instrumentistes ou des solistes, imprimer des affiches et des billets… Même si le chœur ne déploie que de modestes moyens, il devra budgéter chacune de ses activités de façon très serrée. D’autre part, en dehors même des concerts, un chœur fait face à de grosses dépenses : engager un chef et un pianiste-répétiteur, louer un local de répétition… Le produit de la vente des billets de concert suffira peut-être à dégager un petit bénéfice, mais rarement à financer les activités courantes du chœur.

Contrairement aux professionnels, qui reçoivent des bourses et des subventions – fort maigres, certes –, les amateurs n’ont que rarement accès à une aide financière. Ils peuvent se prévaloir du programme de subventions de contrepartie de Placements Culture, d’un programme du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), demander une bourse à la Fondation Liette-Turner ou tenter leur chance au concours de l’Association des communautés chorales canadiennes. Sous certaines conditions, le CALQ peut subventionner la production d’un concert.

D’après Louis Lavigueur, directeur musical du Chœur polyphonique de Montréal, cette situation n’est pas chose nouvelle, et il y a belle lurette que les chœurs amateurs doivent se débrouiller. Alors, comment font-ils pour rester à flot ? Il y a les cotisations des membres, les dons, la publicité dans les programmes de concerts, les soupers spaghetti, les bazars, voire des lave-autos ou la location d’estrades… ou, plus rarement, un contrat avec un lieu de culte ou un orchestre professionnel. Bien évidemment, plus les projets du chœur sont ambitieux, plus il devra faire preuve de créativité dans ses efforts de financement.

Pour attirer les donateurs, certains chœurs choisissent de s’associer à une œuvre de bienfaisance, soit en lui versant une partie du produit de la vente des billets, soit en organisant un concert-bénéfice conjoint. Le prix élevé des billets pour de tels événements se justifie alors, puisque ce n’est pas juste le chœur qui en bénéficie. En effet, même constitué en organisme sans but lucratif, le chœur n’est pas à proprement parler une œuvre caritative, et son impact positif sur la société en général n’est pas forcément reconnu, aussi réel soit-il.

À titre d’exemple, le Chœur polyphonique de Montréal et le Phare Enfants et Familles se sont associés pour mettre sur pied un concert de Noël assorti d’un cocktail. Le Phare est un organisme qui contribue au mieux-être d’enfants dont la vie est menacée par la maladie et qui soutient leurs familles. Le prix des billets a été fixé de façon à assurer la pérennité du chœur tout en contribuant au financement des activités du Phare.

La musique chorale est une activité très prisée : à elle seule, l’île de Montréal compte une bonne cinquantaine de chœurs et Laval, au moins une dizaine. Cela en fait, des choristes amateurs ! Pour soutenir leur chorale, on leur demande d’assister aux répétitions, de participer aux concerts, de se perfectionner aux camps et ateliers, toutes des activités qui coûtent cher. Ils doivent donc également prendre part aux efforts de financement, qu’il s’agisse de la vente de billets ou de la recherche de donateurs et de commanditaires.

Si l’on a la chance de faire partie de l’entourage d’un ou d’une choriste, il ne faut pas manquer d’acheter des billets, d’assister aux concerts ou de devenir donateur ou commanditaire. Un chœur, c’est également l’occasion de faire du bénévolat : siéger au conseil d’administration, prêter main-forte aux concerts, créer une fondation...

Tout le monde bénéficie de l’existence du plus grand nombre possible de chœurs amateurs : les choristes, qui y trouvent une source de créativité, de beauté et de convivialité, et leurs auditeurs, qui ont l’occasion d’assister à des spectacles d’une qualité exceptionnelle et d’une incroyable diversité à un prix très raisonnable. Choristes ou non, nous pouvons tous faire notre part pour favoriser la diffusion de la musique.


Polyphonie sous le gui, concert-bénéfice et cocktail. Chœur polyphonique de Montréal et musiciens de l’Orchestre symphonique des jeunes de Montréal, sous la direction de Louis Lavigueur. En association avec le Phare Enfants et Familles. Le 12 décembre 2010 à 16 h, salle Tudor de la Maison Ogilvy, 1307, rue Sainte-Catherine Ouest. Billets : 100 $. Information : 450-689-6009.


(c) La Scena Musicale 2002