Le chœur sur la main Par Anne Stevens
/ 1 décembre 2010
Version Flash ici
La notion de chœur amateur est paradoxale
: par l’étymologie même du mot, il s’agit de personnes qui font
une activité pour l’amour de l’art (latin amator, du verbe
amare, aimer). Donc, un chœur amateur pourrait être formé de
personnes qui se réunissent tout bonnement chez les uns ou les autres
pour chanter, parce qu’elles aiment ça, un point c’est tout. Pourtant,
ce n’est pas ce qu’on entend généralement par « chœur amateur
». La plupart du temps, seuls les choristes eux-mêmes sont des amateurs,
n’étant pas rémunérés pour leurs services, même s’ils atteignent
parfois un niveau approchant celui de professionnels. Les choristes
amateurs ne sont pas non plus des bénévoles, car ils sont de prime
abord les principaux bénéficiaires de leur activité musicale.
Paradoxalement, si les choristes eux-mêmes
sont des amateurs, on peut se demander si ce qualificatif est justifié
pour les chœurs en tant que tels, dès lors qu’ils ne donnent pas
de concerts gratuits, mais font payer aux auditeurs le privilège de
les écouter. Et pourquoi donner des concerts payants ? En fait, un
chœur, aussi amateur soit-il, a peu de chances de survivre s’il ne
donne pas de concerts, ne se fait pas connaître et n’attire pas ainsi
de nouveaux membres. Les concerts donnent une impulsion et un but à
l’activité chorale, et ils permettent également de recruter des
choristes pour remplacer ceux qui partent. Or, parler de concerts, c’est
parler d’argent. Les choristes ne gagnent pas leur vie en chantant,
mais le chœur, si !
Produire un concert, cela signifie, entre
autres : louer une salle, embaucher des instrumentistes ou des solistes,
imprimer des affiches et des billets… Même si le chœur ne déploie
que de modestes moyens, il devra budgéter chacune de ses activités
de façon très serrée. D’autre part, en dehors même des concerts,
un chœur fait face à de grosses dépenses : engager un chef et un
pianiste-répétiteur, louer un local de répétition… Le produit
de la vente des billets de concert suffira peut-être à dégager un
petit bénéfice, mais rarement à financer les activités courantes
du chœur.
Contrairement aux professionnels, qui
reçoivent des bourses et des subventions – fort maigres, certes –,
les amateurs n’ont que rarement accès à une aide financière. Ils
peuvent se prévaloir du programme de subventions de contrepartie de
Placements Culture, d’un programme du Conseil des arts et des lettres
du Québec (CALQ), demander une bourse à la Fondation Liette-Turner
ou tenter leur chance au concours de l’Association des communautés
chorales canadiennes. Sous certaines conditions, le CALQ peut subventionner
la production d’un concert.
D’après Louis Lavigueur, directeur
musical du Chœur polyphonique de Montréal, cette situation n’est
pas chose nouvelle, et il y a belle lurette que les chœurs amateurs
doivent se débrouiller. Alors, comment font-ils pour rester à flot
? Il y a les cotisations des membres, les dons, la publicité dans les
programmes de concerts, les soupers spaghetti, les bazars, voire des
lave-autos ou la location d’estrades… ou, plus rarement, un contrat
avec un lieu de culte ou un orchestre professionnel. Bien évidemment,
plus les projets du chœur sont ambitieux, plus il devra faire preuve
de créativité dans ses efforts de financement.
Pour attirer les donateurs, certains
chœurs choisissent de s’associer à une œuvre de bienfaisance, soit
en lui versant une partie du produit de la vente des billets, soit en
organisant un concert-bénéfice conjoint. Le prix élevé des billets
pour de tels événements se justifie alors, puisque ce n’est pas
juste le chœur qui en bénéficie. En effet, même constitué en organisme
sans but lucratif, le chœur n’est pas à proprement parler une œuvre
caritative, et son impact positif sur la société en général n’est
pas forcément reconnu, aussi réel soit-il.
À titre d’exemple, le Chœur polyphonique
de Montréal et le Phare Enfants et Familles se sont associés pour
mettre sur pied un concert de Noël assorti d’un cocktail. Le Phare
est un organisme qui contribue au mieux-être d’enfants dont la vie
est menacée par la maladie et qui soutient leurs familles. Le prix
des billets a été fixé de façon à assurer la pérennité du chœur
tout en contribuant au financement des activités du Phare.
La musique chorale est une activité
très prisée : à elle seule, l’île de Montréal compte une
bonne cinquantaine de chœurs et Laval, au moins une dizaine. Cela en
fait, des choristes amateurs ! Pour soutenir leur chorale, on leur demande
d’assister aux répétitions, de participer aux concerts, de se perfectionner
aux camps et ateliers, toutes des activités qui coûtent cher. Ils
doivent donc également prendre part aux efforts de financement, qu’il
s’agisse de la vente de billets ou de la recherche de donateurs et
de commanditaires.
Si l’on a la chance de faire partie
de l’entourage d’un ou d’une choriste, il ne faut pas manquer
d’acheter des billets, d’assister aux concerts ou de devenir donateur
ou commanditaire. Un chœur, c’est également l’occasion de faire
du bénévolat : siéger au conseil d’administration, prêter main-forte
aux concerts, créer une fondation...
Tout le monde bénéficie de l’existence
du plus grand nombre possible de chœurs amateurs : les choristes, qui
y trouvent une source de créativité, de beauté et de convivialité,
et leurs auditeurs, qui ont l’occasion d’assister à des spectacles
d’une qualité exceptionnelle et d’une incroyable diversité à
un prix très raisonnable. Choristes ou non, nous pouvons tous faire
notre part pour favoriser la diffusion de la musique.
Polyphonie sous le gui, concert-bénéfice
et cocktail. Chœur polyphonique de Montréal et musiciens de l’Orchestre
symphonique des jeunes de Montréal, sous la direction de Louis Lavigueur.
En association avec le Phare Enfants et Familles. Le 12 décembre 2010
à 16 h, salle Tudor de la Maison Ogilvy, 1307, rue Sainte-Catherine
Ouest. Billets : 100 $. Information : 450-689-6009. |
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