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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 3 novembre 2010

Percussions Claviers de Lyon : il était trois fois

Par Lucie Renaud / 1 novembre 2010


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Les contes de Perrault ont alimenté les rêves de nombre d’enfants au fil des siècles. Comment ne pas frémir au souvenir du dialogue entre le loup déguisé en Mère-grand et le Chaperon rouge, rêver d’être éveillée par un baiser comme la Belle au bois dormant ou souhaiter vaincre l’ogre par la ruse comme le Petit Poucet. Dénaturés par des dizaines de relectures, ces petits bijoux du classicisme sombrent trop souvent dans l’édulcoré ou le moralisateur. C’était compter sans la volonté des Percussions Claviers de Lyon de réhabiliter le texte, en y associant la musique de Maurice Ravel. « La pertinence du propos et la beauté de la langue nous ont séduits, tout autant que la musique de Ravel, toujours très juste au niveau des descriptions », explique Gérard Lecointe, directeur musical de l’ensemble. Ce rapprochement naturel entre les deux univers s’est vu ensuite magnifié par l’ajout d’une essentielle dimension picturale, le texte original de Perrault se trouvant ainsi doté d’un double habillage.

Le choix de Ravel n’était certes pas fortuit, ce dernier s’étant déjà inspiré de La Belle au bois dormant et du Petit Poucet pour écrire Ma Mère l’oye, cinq pièces enfantines pour piano quatre mains, qu’il orchestrera par la suite. Confiant de ne pas dénaturer le langage si particulier du compositeur en l’adaptant aux percussions claviers, Gérard Lecointe a donc décidé de puiser dans l’ensemble du catalogue de Ravel pour en extraire les pages les plus évocatrices, de L’enfant et les sortilèges aux Valses nobles et sentimentales, en passant par Daphnis et Chloé. Ainsi, la célèbre Pavane pour une infante défunte, une fois intégrée à la trame narrative du Petit Chaperon rouge, en souligne l’étrangeté et le malaise et « Une barque sur l’océan », tirée des Miroirs, détournée de son propos, permet d’évoquer une atmosphère lourde.

La mise en scène a été confiée à Emmanuelle Prager alors que le travail vidéo de Louise Kelh, entre photos et toiles de maîtres, prolonge les récits, les images s’animant, se transformant, se pliant aux subtilités du texte. Les personnages, qui n’ont rien d’évanescent, se laissent décrypter et s’amalgament aux pages de Ravel sans les surcharger. La lectrice, lumineuse, grandeur nature, présence essentielle, rassurante, à l’avant-plan, ne tient pourtant qu’à la magie d’un autre écran. Les musiciens deviennent liens entre les mondes réel et imaginaire, entre visuel et mots, complices, participants ou simples témoins de l’action.

Gérard Lecointe souhaite que le jeune public réagisse à la pureté de la langue et ne se sente pas déchiré entre texte, image et musique. « Chaque chose a sa place, remarque-t-il. L’image peut bouger mais, en même temps, on peut aussi écouter de la musique. Les enfants d’aujourd’hui vivent dans un monde d’images, mais on parle plus rarement de la musique. On pourrait être bluffé, mais les enfants savent écouter. » Surtout quand on sait raconter…

Il était 5 musiciens ...
Créées en 1983 par cinq jeunes musiciens désireux d’innover, les Percussions Claviers de Lyon sont composées de deux marimbas, deux vibraphones, un marimba basse, un xylophone et trois glockenspiels, instrumentation qui favorise à la fois une lecture harmonique et mélodique du répertoire. Avec une dizaine d’enregistrements à son actif (dont une relecture audacieuse de West Side Story et un disque consacré aux œuvres pour percussion de Gavin Bryars), l’ensemble a joué en Europe aussi bien qu’en Asie.
À l’invitation de Sixtrum, qui soutient le groupe français en matière de logistique, il offrira également un récital le 20 novembre, salle Claude-Champagne, premier d’une série de projets qui liera les deux ensembles au fil des prochaines années, qui devrait se concrétiser par une tournée canadienne conjointe dans deux ou trois ans. Ce programme se veut représentation fidèle du travail des percussionnistes et intégrera travail de transcription (des œuvres de Satie et Debussy) et trois œuvres écrites pour l’ensemble : Après Masques de Gérard Lecointe, hommage avoué à Debussy, la première nord-américaine d’At Portage and Main (deux rues importantes de Winnipeg) de Gavin Bryars et la création mondiale d’une œuvre du compositeur Thierry Pécou (né en Martinique), L’arbre aux fleurs.

Les coups de cœur de Rémi Boucher
Le directeur artistique du Festival Coups de théâtre Rémi Boucher n’a aucune intention de se reposer sur ses lauriers à quelques semaines de cette 11e édition de l’événement. « Nous avons développé une niche, en situant la présentation des spectacles dans le cadre de la création, a-t-il expliqué en entrevue. Nous avons toujours souhaité que le festival soit un lieu de ressourcement, de rencontre et d’étonnement. » Pouvant compter sur un public fidèle, qui à la fois revient et se renouvelle (générations successives de jeunes spectateurs obligent), il a eu à cœur dès les premières années d’installer une dynamique qui favorise les échanges, sans exclure une certaine provocation entre les propositions. La programmation évitera le plus possible les spectacles convenus pour favoriser les projets novateurs : « Nous souhaitons offrir un instantané de l’évolution de la création dans le monde pour jeune public, en repoussant ses limites et en rejoignant directement les enfants. »
Nous lui avons demandé de nous proposer trois incontournables du Festival, mais il a insisté pour en offrir quatre : Trois Contes des Percussions Claviers de Lyon, « un très beau moment de théâtre musical », le spectacle d’ouverture Satin et vin blanc, conçu par des adolescents, qui réunit danse, théâtre et vers du poète néerlandais Hans Lodeizen, Mécanique céleste, « un parcours théâtral avec arts visuels » et la première montréalaise de Tono, présenté aux Olympiques de Vancouver, hommage aux traditions autochtones d’Amérique, lauréat du prestigieux Dora Mavor Moore Award.


(c) La Scena Musicale 2002