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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 3 novembre 2010

Robert Lepage : l’alchimiste de l’art total

Par Daniel Turp / 1 novembre 2010


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La planète lyrique attendait avec fébrilité la présentation par le Metropolitan Opera de New York de la  première production de son nouveau Ring de Richard Wagner. Le choix de l’administrateur général du MET, Peter Gelb, de confier la mise en scène de l’ensemble de la Tétralogie au génie créateur de Robert Lepage n’était certes pas étranger à l’effervescence.

Lors de la première, le 27 septembre dernier, à laquelle j’ai assisté, un accueil favorable a été réservé par le public new-yorkais au prologue du Ring et à la mise en scène de L’Or du Rhin par Robert Lepage. Le dramaturge québécois, devenu « l’alchimiste » de l’opéra, s’impose comme un metteur en scène qui cherche à métamorphoser l’art lyrique, tout en respectant les conventions de l’art total et les œuvres du répertoire qui lui sont confiées. L’alchimie s’était déjà opérée dans Le Château de Barbe bleue de Béla Bartók et Erwartung d’Arnold Schoenberg, La Damnation de Faust d’Hector Berlioz et plus récemment dans Le Rossignol d’Igor Stravinski. Mais c’est sans doute dans ce début de la tétralogieque Robert Lepage a poussé à ses limites une volonté de transformation de l’opéra. Celle-ci repose notamment sur l’utilisation des nouvelles technologies, notamment de l’impressionnant dispositif scénique conçu par l’équipe d’Ex Machina. Plusieurs scènes en donnent une illustration tangible, qu’il s’agisse de celle où les filles du Rhin chantent en suspension au début de l’opéra ou le voyage de Lotan et Loge vers le Nibelheim sur l’escalier en forme de spirale qu’est devenue la machine. Si le succès de Das Rheingold doit beaucoup à sa scénographie, il repose autant sur une distribution de très haut niveau, principalement la performance remarquable du baryton-basse Eric Owens dans le rôle d’Alberich. La direction musicale de James Levine, dont tous ont remarqué la fragilité lorsqu’il est venu recueillir les applaudissements fort mérités de la foule, a été convaincante à tous égards.

La projection de L’Or du Rhin dans les cinémas du monde entier, dans le cadre de la série MET Live in HD, a assuré un rayonnement mondial au Ring conçu par Robert Lepage. La production cinématographique a permis d’apprécier davantage encore l’Alberich d’Eric Owens, de même que le Wotan de Bryn Terfel et le Loge de Richard Croft. La beauté de certains costumes, dont celui de la Fricka de Stephanie Blythe, peut être mieux perçue à l’écran. La proximité qu’offre le cinéma permet également de mieux juger des choix scéniques de Robert Lepage. Ainsi, la scène d’ouverture avec les filles du Rhin m’a semblé encore davantage réussie. La dernière scène, qui n’avait pu être appréciée en raison de la panne du dispositif scénique lors de la première à New York, ne m’a toutefois pas complètement convaincu. Sans doute aurais-je préféré une autre façon d’utiliser le dispositif scénique, ou les effets qu’il est capable de produire, pour illustrer la montée du Walhalla et présenter le château de Wotan.

» Deux autres projections de L’or du Rhin dans le cadre des « ENCORE » de la série MET Live in HD sont prévues les 20 et 29 novembre 2010.


(c) La Scena Musicale 2002