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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 2

Critiques // Reviews

Par/by René Bricault, Frédéric Cardin, Francine Bélanger, Julie Berardino, Éric Champagne, Joseph K. So, Alexandre Lazaridès, Paul E. Robinson / October 1, 2010


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MUSIQUE VOCALE

Brahms: Nänie, Gesang der Parzen, Alt-Rhapsodie, Schicksalslied
Chor des Bayerischen Rundfunks/Alice Coote; Bamberger Symphoniker- Bayerische Staatsphilharmonie/Robin Ticciati
Tudor 7167 (47 min 54 s)

Robin Ticciati is a 26-year-old British conductor who has shot to prominence in the last few years. He was the youngest conductor ever to appear at La Scala, and he has made impressive debuts with the London Symphony and the Los Angeles Philharmonic. He made his Canadian debut this past season with the Toronto Symphony. The music on this CD is autumnal in character and the sort of thing one would normally expect to hear in the hands of older conductors. These are tidy performances but they don’t penetrate much inside the music. Ticciati is surely much too quick in the Alto Rhapsody and his soloist, British mezzo-soprano Alice Coote is too light and sounds uncomfortable in her lower register. The best thing about the performances is the first-rate singing of the Bavarian Radio Chorus. Appearances to the contrary, there is only one orchestra performing on this CD. The Bamberg Symphony also calls itself the Bavarian National Philharmonic. PER

G.F. Haendel: Scipione
Les Talens Lyriques/Christophe Rousset
Aparté AP005 (3CD : 171 min 19 s)

C’est au Festival de Beaune que fut redécouvert cet opéra de Haendel composé tout de suite après les trois chefs-d’œuvre que furent Giulio Cesare, Tamerlano et Rodelinda. Et c’est en 1993 qu’on enregistra cette version (il s’agit donc d’une réédition) avec une jeune équipe alors pleine de promesses, constituée d’un jeune claveciniste nouvellement promu chef et d’une soprano appelée à rayonner, Sandrine Piau. Scipione raconte l’histoire du général romain Scipion dit l’Africain, vainqueur de Carthage en 209 av. J-C., et de son amour malheureux de la belle Bérénice. Conçu comme opéra « intermédiaire », c’est-à-dire posé entre d’autres œuvres plus « substantielles », Scipione recevait pour cet enregistrement une rare performance. Grâce aux jeunes Talens Lyriques, le général reprend vie de belle façon, vitaminé par la passion et la conviction de Christophe Rousset et ses musiciens. On y découvre de très beaux airs et une partition soignée et illuminée par une direction alerte. Puisque cette gravure était épuisée depuis plusieurs années, il faut lever notre chapeau à la maison Aparté qui nous redonne la chance d’écouter cet opus méconnu du « cher Saxon ». À noter qu’en 2010, l’opéra « ressuscité » est le Bellérophon de Lully. Avec Rousset et les Talens Lyriques. FC

Wagner: Father and Son – Scenes and Arias
Simon O’Neill, tenor; Susan Bullock, soprano; Thomas Grace, Sir John Tomlinson, bass-baritone; New Zealand Symphony Orchestra/Pietari Inkinen
EMI Classics 50999 4 57817 2 8 (79 min 42 s)

Thirty-nine-year-old New Zealand tenor Simon O’Neill has risen quickly as a leading tenor in the Wagnerian and dramatic Italian repertoires. He is in demand in major houses such as Covent Garden, La Scala, and the Met, singing Siegmund, Siegfried, Parsifal, Lohengrin, Florestan, Cavarodossi – all the heavyweight stuff. O’Neill has a sturdy stage presence and a clear, bright tenor of pleasant timbre and a firm top that carries well, but to my ears he lacks the baritonal heft of a true heldentenor. However, youth is on his side and his singing here is fresh and attractive, if occasionally stiff-sounding, his pacing too measured and unidiomatic. On the disc are scenes and arias involving Siegmund and his son Siegfried, and Lohengrin and his father Parsifal, thus the gimmicky title. Also featured is soprano Susan Bullock – COC’s Brunnhilde in 2006 – who contributes a few bars of music as a very shrill Sieglinde and an excessively girlish-sounding Kundry. British bass-baritone John Tomlinson is also not at his best as a wobbly Hagen. Faring better is the New Zealand Symphony Orchestra under the direction of Pietari Inkinen. The orchestra is well captured by the engineers, sounding rich and full, although Inkinen could have conducted with greater incisiveness and fluidity. On balance this is a worthwhile purchase for Wagnerites curious about this new tenor. JKS

MUSIQUE INSTRUMENTALE

Alondra de la Parra: My Mexican Soul
Philharmonic Orchestra of the Americas/Alondra de la Parra
Sony Classical 8869775555552 (2 CD : 128 min)

On entend beaucoup parler ces temps-ci de la nouvelle génération de jeunes chefs-étoiles en pleine ascension (les Gustavo Dudamel, Yannick Nézet-Séguin, Stéphane Denève). Voici qu’apparaît maintenant Alondra de la Parra, Américaine d’origine mexicaine, née à New York en 1980 (tiens, on se sent vieux). Sony a eu l’idée de nous la faire connaître en lui offrant l’espace de non pas un, mais deux disques. Mme de la Parra a eu le flair de les consacrer à du répertoire à la fois plus « léger » (bien que souvent très sophistiqué) et moins connu. Les compositeurs au programme (de Moncayo à Carlos Chavez, en passant par Revueltas et Ponce, et plusieurs autres plus obscurs) sont d’origine mexicaine et l’album prouve que la tradition symphonique est non seulement vivante mais grandissante dans cette pointe sud de l’Amérique du Nord. Le répertoire choisi est moderne, mais on ne peut plus accessible et coloré. Très agréable à écouter de bout en bout. Alondra de la Parra dirige avec passablement de maîtrise l’Orchestre philharmonique des Amériques, ensemble qu’elle a elle-même fondé. Les jeunes musiciens n’ont rien à envier à leurs collègues adultes. À surveiller. FC

Beethoven : Complete Piano Concertos
Paul Lewis, piano; BBC Symphony Orchestra/Jiri Belohlavek
Harmonia Mundi 902053.55 (3 CD : 2 h 56 min)

Cette énième lecture des cinq concertos pour piano de Beethoven n’en est pas une à prendre à la légère, encore moins à oublier parmi la pléthore d’autres versions disponibles sur le marché. Paul Lewis est un interprète qui a déjà fait ses preuves avec les sonates du même Ludwig, mais aussi avec celles de Franz Schubert, parcours sublime à découvrir absolument. Le pianiste anglais est ici appuyé par un Belohlavek sensible et limpide, qui sait relever les détails les plus délicats, et ce, en parfaite harmonie avec le jeu économe, mais fougueux, de Lewis. On appréciera particulièrement les rondos lumineux, pleins d’élan, mais sans aucune précipitation, ainsi que les mouvements médians introspectifs. Une réussite absolue. FC

Brahms: Piano Concerto No. 2 - Klavierstücke, op. 76
Nicholas Angelich, piano; Frankfurt Radio Symphony Orchestra/Paavo Järvi
Virgin Classics 50999 266349 2 0 (74 min 37 s)

Brahms est austère ? Brahms orchestre mal ? Brahms est conservateur ? Ceux qui le pensent se rendront un grand service en se procurant ce disque. Angelich et Järvi voient dans le Deuxième concerto pour piano du grand Allemand une occasion de célébrer le plaisir de (bien) jouer. La communication entre soliste et ensemble s’établit dès le départ et ne se démentira pas. L’équilibre cor/piano, flûte/piano et vents solo entre eux méritent une mention particulière. Le jeu costaud et viril d’Angelich ne craint pas l’intimité la plus méditative, qualités fortement sollicitées dans les pièces de l’op. 76. Une prise de son imparfaite et des passages polyrythmiques manquant quelque peu de clarté constituent les seules réserves. RB

Casella : Symphonie No. 2, Scarlattiana
Martin Roscoe, piano; BBC Philharmonic/Gianandrea Noseda
Chandos CHAN 10605 (76 min 58 s)

Il est à souhaiter que cet enregistrement permette à la Deuxième Symphonie (1908-1910) de Casella d’atteindre le statut qu’elle mérite, celui d’une œuvre de répertoire, assez riche malgré ses faiblesses pour que chaque audition en révèle de nouveaux aspects. Quelque peu trop nourrie de réminiscences postromantiques, Mahler surtout, mais aussi Strauss ou Rimski-Korsakov, elle possède indéniablement un ton propre, volontiers « funèbre », en souvenir sans doute de la Deuxième de Mahler, elle aussi en do mineur. Casella y pressent la fin d’un monde, et la Grande Guerre lui donnera raison peu d’années plus tard. Même si les cinq mouvements surabondent en indications agogiques, les fluctuations demandées sonnent de façon naturelle sous la baguette de Noseda. Davantage tourné vers le XXe siècle, le divertissement Scarlattiana (1927) est formé de thèmes empruntés à Scarlatti qui en a imaginé quelques centaines dans ses célèbres « exercices » pour le clavecin. Cette œuvre séduisante transcende la formule du pot-pourri par le traitement raffiné d’un orchestre restreint auquel est incorporé un piano à la partie souvent bondissante. AL

Dvorak: Slavonic Dances Op. 46 & Op. 72
Budapest Festival Orchestra/Ivan Fischer
Channel Classics CCS SA 90210 (70 min 28 s)

This is not a new recording. It first appeared in 1999 on Decca and is now being reissued on Channel Classics. For me, the gold standard in these wonderful pieces has always been recordings by Vaclav Talich and the Czech Philharmonic and George Szell and the Cleveland Orchestra. Whenever I go back to these recordings to listen to one particular dance I invariably end up listening to all the rest of them too. These conductors are almost unique in realizing the charm and beauty of these works with perfect tempi and exquisite phrasing. And their orchestras sound ideal for the music.
I generally admire Fischer for his imagination and curiosity as a conductor, and I found his recording of Brahms’ Hungarian Dances revelatory. But here he often seems to be taking unusual tempi just to be different. On the other hand, the Op. 72 dances were written later and are often much quirkier and more surprising than the earlier set. And in the gypsy-like Op. 72 No. 5 Fischer and his orchestra offer a strong and compelling performance. PER

Haydn Violin Concertos – Mendelssohn Octet
Gil Shaham, violin; Sejong Soloists
Canary Classics CC08 (62 min 06 s)

This CD features Gil Shaham leading a group of hand-picked players known as the Sejong Soloists. The name comes from a 15th century Korean emperor known as a great lover of the arts. The artistic director is Hyo Kang, a revered teacher at Yale University and the Juilliard School; Gil Shaham was one of his students.
The major work is the Mendelssohn Octet, and one can’t help but be swept away by the virtuosity of the playing. But for me—and I find this to be a chronic problem with Mendelssohn performances these days—the quick tempi are way too fast. There are no technical problems whatsoever for these musicians but that is not the point. The music needs time to breathe.
Also on this CD are Haydn’s Violin Concerto No. 1 in C major and Violin Concerto No. 4 in G major. Again, the playing is remarkably good but again the quick tempi sound rushed, especially the first movement of the C major.
The fine playing is also undermined by the hard-edged artificial sound quality. In sum, a great album for string players; not so much for admirers of Mendelssohn and Haydn. PER

Mahler: Symphonie No. 2 “Resurrection”
Alice Coote, mezzo-soprano; Natalie Dessay, soprano; Orfeon Donostiarra; Frankfurt Radio Symphony Orchestra/Paavo Järvi
Virgin Classics 50999 694586 0 6 (85 min 11 s)

Mahler disait vouloir dépeindre le monde entier dans ses symphonies. De toute évidence, Järvi l’a pris au pied de la lettre, car rarement ai-je entendu une Deuxième aussi riche de sens. Le chef fait ressortir une pléthore de subtilités, tant orchestrales (glissandi de harpes, cuivres hors-scène) que formelles (contrôle absolu des dynamiques et tempi). Sa façon de modifier instantanément ces tempi à la barre d’un si grand orchestre force l’admiration. L’intonation frise la perfection, les voix pures se plient humblement aux exigences de la partition. Certes, la prise de son, quelque peu diffuse, exagère les contrastes dynamiques (rendant certains pianissimi presque inaudibles), mais la précision d’ensemble transcende d’emblée ce défaut mineur. C’est avec des interprétations pareilles qu’un chef d’orchestre passe à l’histoire. RB

Roussel: The Complete Symphonies and other Orchestral Works
Royal Scottish National Orchestra/Stéphane Denève
Naxos 8.504017 (4 CD : 265 min 25 s)

Réalisée au cours des 3 dernières années, cette intégrale des sublimes symphonies d’Albert Roussel (1869-1937), ainsi que de plusieurs autres œuvres orchestrales (Bacchus et Ariane, Le Marchand de Sable, Rhapsodie flamande, etc.) n’attendait plus que sa mise en coffret, question d’en faire une suggestion cadeau fort excitante. L’écriture brillamment impressionniste, et parfois aussi puissamment rythmique de Roussel, se prête admirablement bien à la direction enthousiaste du jeune Stéphane Denève, à la tête d’un ensemble luxuriant aux accents épiques. Quatre disques offerts à un prix dérisoire (encore plus que d’habitude pour Naxos), qui constituent une addition essentielle à toute bonne discothèque. FC

Shostakovich: Symphony No. 8
Royal Liverpool Philharmonic Orchestra/Vasily Petrenko
Naxos 8.572392 (61 min 57 s)

Brilliant young conductor Vasily Petrenko and his Liverpool orchestra are working their way through all the Shostakovich symphonies. Nos. 5, 9 and 11 have already appeared and they are impressive recordings. If I am less enthusiastic about their latest release it is partly because I have never been convinced that the Eighth is one of the composer’s successes. Several other Shostakovich symphonies are uneven but for me the unrelenting bombast and/or depressing introspection are just too much in the Eighth. Listeners who feel otherwise may enjoy the committed performance more than I did. I have a DVD of the Eighth by Mravinsky and the Leningrad Philharmonic – presumably, an absolutely authoritative performance – and even Mravinsky does not appear to have much enthusiasm for the work. PER

R. Strauss: Don Juan – Eine Alpensinfonie – Der Rosenkavalier Edition Karl Böhm Vol. VIII
RIAS Symphonie-Orchester/Karl Böhm
Audite 95.611 (79 min 32 s)

Karl Böhm (1894-1981) was one of the foremost conductors of his generation. He made many recordings with the Berlin and Vienna Philharmonic Orchestras and often conducted at the Met. He was an especial authority of the operas and concert music of Richard Strauss. He knew Strauss well and conducted several first performances. These recordings were made in 1952 and 1954 with the orchestra now known as the Deutsche Symphonie Orchester Berlin, and predate recordings Böhm made with the Dresden Staatskapelle and the Berlin Philharmonic.
In the notes for this CD Böhm’s virtues as a conductor are listed as, “accuracy, precision, discipline and Kapellmeister-like aplomb.” Talk about damning with faint praise! In fact, Böhm could be plodding and dull – especially in the recording studio – but he could also be poetic and electrifying. That is certainly the case in these performances. This is a virile and fiery Don Juan; in An Alpine Symphony Böhm goes for maximum volume and intensity in all the great climaxes. The sound is state of the art for the period and the remastering of the original tapes is excellent. PER

Walton: Symphonies Nos 1 & 2
Orchestre National de Lille/Owain Arwel Hughes
BIS SACD-1646 (70 min 41 s)

Les symphonies de William Walton (1902-1983) ne font malheureusement pas encore partie du répertoire orchestral du XXe siècle, contrairement à quelques-unes de Vaughan Williams ou même d’Elgar. C’est dommage car elles constituent un exemple probant de l’évolution du langage symphonique de ce siècle. La Première, postromantique dans l’acception sibélienne du terme, bénéficie d’une écriture soignée et attentive à l’équilibre des forces en présence. Le premier mouvement trahit les doutes de son auteur. On hésite entre introspection et monumentalisme, entre mélodie « à l’ancienne » et tonalité élargie. Le deuxième mouvement est ludique et un brin espiègle. L’Andante qui suit reflète l’esprit d’un romantique aux passions intenses, teintées d’obscurité et d’espoir de lumière. Le mouvement final est grandiose et resplendissant. La Symphonie no 2, encore moins connue que la première, illustre la volonté de l’auteur de demeurer en phase avec son temps, sans renier ses racines. On assiste au déploiement d’une œuvre aux accents résolument romantiques, mais insérée dans un canevas empruntant parfois à l’impressionnisme, parfois à un modernisme plus astringent. Un bijou à découvrir absolument. L’Orchestre de Lille est remarquable, malgré une certaine brillance exagérée de la prise de son, seul hic de ce disque. FC

MUSIQUE DE CHAMBRE + SOLO

Bach: Les six suites pour violoncelle
Brian Manker, violoncelle
Production Storkclassics SK1001

Bach Cello Suites
Luigi Piovano, violoncelle
Eloquentia EL1021

JS Bach - Six Suites for Solo Cello
Winona Zelenka, violoncelle
Marquis 774718150929


La popularité des éternellement géniales Suites de Bach pour violoncelle solo ne se dément pas, comme en témoignent ces trois nouvelles versions. Nous avons d’abord Brian Manker, le calme expérimentateur de nombreux ornements (toujours justes et cohérents) à la ligne mélodique – par là moins recommandable comme version unique que comme bel ajout à une collection de versions. Ensuite Luigi Piovano, l’artiste mûr : lyrisme chaleureux et expressivité à la limite de l’exagération. Enfin Winona Zelenka, sobre, sans prétention et au très bel instrument. Manker et Piovano baignent dans une mer de réverbération (plus avantageuse au timbre rond et plein du second qu’à celui plus mince et archaïsant du premier), tandis que Zelenka jouit d’un environnement acoustique idéal de beauté et de précision. Si précis, en fait, qu’il capte et diffuse les nombreux frôlements de cordes adjacentes par l’archet… Rien ici pour détrôner les Pablo Casals, Yo-Yo Ma ou Maurice Gendron de votre collection, mais des efforts d’une pareille noblesse méritent une oreille attentive. RB

Carnaval & Concertos
Frédéric Demers, trompette; Frédéric Lapointe, batterie; Ensemble Magnitude6; Ensemble à vent de Sherbrooke/François Bernier
Fidelio FACD024 (58 min 39 s)

La facture musicale de ce disque correspond très bien à son titre. Il s’en dégage une atmosphère de kiosque à musique du siècle dernier, voire de fête foraine. Frédéric Demers est un trompettiste apparemment très en demande sur les scènes canadiennes, en plus d’être professeur au Conservatoire de musique de Val-d’Or ainsi qu’au Collège Regina Assumpta à Montréal. M. Demers a choisi de s’attaquer à un répertoire mettant de l’avant une technique brillante et virtuose, à défaut de profondeur émotive. Bien sûr, diront plusieurs, c’est un peu le destin de cet instrument de frapper l’imaginaire par ses feux d’artifices plutôt que par ses capacités introspectives, mais quoi qu’il en soit, la nature de la chose est ici pleinement assumée et avec passablement de brio. L’Ensemble à vents de Sherbrooke est particulièrement impressionnant dans Le Carnaval de Venise à Montréal. On notera aussi le rafraîchissant arrangement jazz pour trompette et batterie du Vol du Bourdon, fébrilement mené par Demers et son partenaire à la batterie. FC

Chopin: Études, Sonatas et Impromptus
Janina Fialkowska, piano
ATMA Classique ACD2 2554 (2 CD : 2 h 16 min)

Fialkowska ne jouit ni de l’herculéenne technique ni de la maîtrise formelle d’un Marc-André Hamelin, mais possède néanmoins un indéniable sens poétique, jumelé à un toucher coulant et coloré. Ainsi, les Études de l’op. 10 s’avèrent-elles légèrement supérieures à celles de l’op. 25, les Impromptus meilleurs que les Sonates (malgré d’excellents moments de musique, comme le délicat et feutré troisième mouvement de la Troisième Sonate, p. ex.). Il s’agit d’une réédition d’enregistrements datant de 1997 et 1999, avec une qualité sonore assez bonne pour l’époque, et maintenant offerts dans un format suffisamment économique pour détruire tout scrupule critique. RB

Holmboe: The Complete String Quartets
The Kontra Quartet
Dacapo 8.207001 (7 CD : 472 min 25 s)

La musique de Vagn Holmboe (1909-1996) est enracinée dans la nature nordique, ses espaces vastes et glaciaux, sa rusticité et son folklore. Son corpus de quatuors à cordes est l’un des plus solides (musicalement et artistiquement parlant) qui soient, à la hauteur de celui de Chostakovitch, même s’il ne fait malheureusement pas encore partie du répertoire courant. Même si Holmboe a attendu assez tard (43 ans) avant d’écrire son premier opus pour cette formation, une fois lancé, il n’arrêta plus d’en composer jusqu’à quelques années avant sa mort. Résultat : une vingtaine d’œuvres aux accents sombres et graves, imprégnés de couleurs bartokiennes, de grisaille émotionnelle, mais aussi d’espoir et de rédemption. Un condensé du siècle dernier quoi. Au prix de 2 CD pour un total de 7, on serait fou de s’en passer. FC

Impressions on Chopin: Keep Swingin’ Chopin
Leszek Mozdzer, arrangements & piano
Naive V5229 (65 min 20 s)

Leszek Mozdzer est un pianiste jazz de formation classique. Polonais de naissance, il est facile de comprendre pourquoi la musique de Chopin exerce sur lui un attrait puissant. Depuis déjà une bonne quinzaine d’année, il revisite, à la fois sur disque et en concert, le répertoire du compositeur. Ce disque Naïve est en fait une réédition d’un disque paru à la fin des années 1990. La science et l’art de Mozdzer sont en tout point fort originaux. Il ne faut pas s’attendre ici à des « variations jazzistiques » à la Peterson ou Jacques Loussier. Les lectures de Mozdzer sont littéralement des réécritures de la trame narrative et de la syntaxe chopiniennes, avec un brin d’exotisme harmonique orientalisant (il transforme ici tel nocturne ou une mazurka en improvisation de type impressionniste et modal). Loin d’être des exercices futiles ou gratuits, encore moins mercantilistes ou racoleurs, les réflexions (car ses lectures sont pleinement « réfléchies ») de Mozdzer font ressortir la modernité et l’atemporalité, ainsi que l’universalité, de Chopin. On découvre dans sa musique l’annonce de Satie et du jazz, et une ouverture au monde bien plus sincère et fondamentale qu’une certaine musique du monde actuelle. FC

Konge af Danmark: l’Europe musicale à la cour de Christian IV
Les Witches (Odile Edouard, violon; Claire Michon, flûtes; Sylvie Moquet, dessus et basse de viole; Pascale Boquet, luth et théorbe; Freddy Eichelberger, orgue)
Alpha 163 (68 min 30 s)

Ce disque est une incursion dans l’univers méconnu de la musique à la cour du Danemark du roi Christian IV dans la première moitié du XVIIe siècle. On y fait des rencontres surprenantes de qualité (étant donné leur obscurité). Les noms de Pederson, Vierdanck, Maercker et Gitsou n’ont pas traversé les siècles, c’est le moins que l’on puisse dire. D’autres sont plus familiers : Scheidt, Tobias Hume, Thomas Simpson. Cela illustre l’ouverture sur le reste de l’Europe dont faisait preuve cette petite cour et son souverain, ainsi que sa volonté de recruter des esprits artistiques de haut niveau. On remarque également un lien assez étroit avec l’Angleterre (Hume, Simpson, Maynard, Robinson), ce qui n’est guère surprenant étant donné les croisements nombreux entre les deux familles royales. La production Alpha est encore une fois impeccable. Livret illustré de grande qualité, notes informatives et intelligentes, prise de son claire et équilibrée, interprétations irréprochables de l’ensemble Les Witches. La crème de la crème. FC

Corigliano – Rota – Korngold : Œuvres pour piano
Jimmy Brière, piano
Analekta AN 2 9973

Dans ce disque brillant consacré aux œuvres de compositeurs primés de musique de film, Jimmy Brière, pianiste montréalais à la technique irréprochable, s’illustre clairement comme un artiste de la trempe de Schnabel. L’interprète, dans chacune des œuvres, livre une prestation si variée, si riche en subtilités et en surprises qu’elle confère à merveille tout son pouvoir évocateur, voire programmatique, à un tel type de musique. Somme toute, le goût du risque de Brière le sert extrêmement bien ; le disque entier est un rare monument de lyrisme, tantôt radieux, tantôt effrayant, rendant bien la richesse des œuvres, particulièrement du Corigliano. L’épreuve de son premier mouvement, extrait noir consacré exclusivement à la main gauche, est parfaitement réussie !
La grande expressivité chez Brière l’entraîne néanmoins à de légers excès, celui-ci sacrifiant parfois la cohérence des mouvements plus rapides et joyeux à son imagination qui évoque un peu trop l’imagerie cinémotographique, particulièrement dans Korngold. On en regrette presque l’absence d’un support visuel ! Brière n’en est pas pour autant maniéré; lesdits mouvements sont merveilleusement pétillants, légers. Ils expriment tout le charme et la magie du chef-d’œuvre d’enfance d’un compositeur de génie. JB

Liszt : 12 Études d’exécution transcendante
Maurizio Baglini, piano
Decca 476 3882 (79 min 25 s)

Depuis sa victoire aux Masters de piano de Monte-Carlo en 1999, Maurizio Baglini fait figure de vedette pour certains, mais ce que l’on entend sur ce CD, son second chez Decca, suscite bien des réserves. La virtuosité indispensable n’y trouve pas son compte et l’instabilité rythmique y semble généralisée, par excès de précaution ou pour sacrifier aux coquetteries d’un rubato artificiel. Ainsi, dans Mazeppa, l’imperceptible hésitation dans les redoutables sauts entre octaves et tierces d’accompagnement partagées entre les deux mains suffit pour nuire à l’élan d’une course qu’on imagine effrénée. De plus, le respect des notes staccato et lourées, nécessaire pour distinguer les voix et faire ressortir la structure de la pièce, n’est pas observé. Des négligences similaires peuvent être relevées ailleurs, entre autres dans Wilde Jagd et Chasse-neige. Les pièces plus lentes du recueil, d’une atmosphère délicate difficile à rendre, paraissent plutôt longuettes, la poésie n’étant pas de la partie. Le programme est complété par deux pièces des 12 Grandes Études de 1837 dont la virtuosité envahissante et gratuite justifie les remaniements de Liszt en vue d’une exécution simplement… « transcendante » ! AL

Mendelssohn : Œuvres pour violoncelle et piano
Daniel Müller-Schott, violoncelle; Jonathan Gilad, piano
Orfeo C 750 101 A (72 min 28 s)

L’œuvre pour violoncelle et piano de Mendelssohn n’est pas considérée généralement comme une partie majeure de sa production, en comparaison des symphonies ou des quatuors par exemple. Il n’en reste pas moins que la seconde Sonate (1843), bien supérieure à son aînée de l’opus 45 (1838), toutes deux gravées sur le présent CD, est une sorte de chef-d’œuvre. L’adagio se révèle être une page subtilement écrite et empreinte d’un lyrisme à la fois assagi et émouvant, tandis que les mouvements extrêmes puisent aux mêmes sources que les célèbres trios. C’est la pièce de résistance d’un programme homogène où l’on trouve aussi des Variations concertantes (1829), huit au total, gracieuses, certes, mais sans réelle originalité, ainsi que quatre œuvres brèves qu’on pourrait tenir pour des pièces de salon, transcriptions de lieder du compositeur et feuilles d’album dont l’époque était friande. Toutes ces œuvres quelque peu négligées par la discographie sont très bien servies ici par deux musiciens dont la complicité, indispensable à ce genre de répertoire, saute pour ainsi dire aux oreilles. AL

Schumann : Kinderszenen, op. 15 – Brahms : Paganini Variations op. 35
Claudio Arrau, piano
Pentatone Classics PTC 5186 170 (45min 27s)

Ce disque enregistré en 1974 a été repris en version CD en 2009 pour notre plus grand plaisir. Le pianiste y oppose, en quelque sorte, ces miniatures plus simples de Schumann aux Variations plus complexes de Brahms, lesquelles demandent une grande virtuosité. Cependant, tout l’album s’écoute avec un réel bonheur. Ce sont des pièces bien connues et souvent reprises, mais l’intérêt de ce disque réside dans le fait qu’il s’agit ici d’un des plus grands pianistes du vingtième siècle. FB

DVD et BLU-RAY

Handel: Admeto
Tim Mead, Marie Arnet, William Berger, Andrew Radley, David Bates, Kirsten Blaise, Wolf Matthias Friedrich; Festspielorchester Göttingen/Nicholas McGegan
Mamu Dance Theater/Tadashi Endo
Mise en scène: Doris Dörrie
C major 702104 (Blu-ray 202 min)

Un opéra de Haendel inspiré d’Euripide peut-il être transposé dans le Japon du 18e siècle, avec ses princes grecs réincarnés en samouraïs et Hercule en lutteur sumo ? Un retentissant oui ! La mise en scène pleine d’invention et de références transculturelles de la cinéaste Doris Dörrie, bien épaulée par une distribution jeune et dynamique, ainsi que par un directeur musical visiblement convaincu par l’argument, remplit toutes ses promesses. Les décors et les costumes ajoutent au dépouillement zen, véritables haïkus visuels, de l’audacieuse vision de la metteure en scène. Une réalisation unique qui démontre, si besoin était, à quel point l’opéra peut-être un vecteur de créativité sensationnel lorsque laissé entre les mains d’artistes inspirés. Bravo ! FC

Leonard Bernstein: Reflections (Including a complete performance of Milhaud: Le Boeuf sur le toit)
A film by Peter Rosen
Orchestre National de France/Leonard Bernstein
Medici Arts 3078728 (70 min)

This Peter Rosen film dates from 1978 when Bernstein was in his prime – he died in 1990 – and touches on all the high points of his career up to that point. There are numerous interviews with Bernstein and excerpts from rehearsals, mostly with the Israel Philharmonic. It is a valuable documentary but anyone wishing to know virtually everything about Bernstein is referred to Humphrey Burton’s authoritative biography.
The “bonus” performance of Milhaud’s Le Boeuf sur le toit has nothing whatsoever to do with the documentary but is in itself a revelation, and as such, an important addition to the Bernstein videography. I have always enjoyed this witty piece but Bernstein’s conducting reveals what a complex and fascinating work it really is. Bernstein was widely admired for his Mahler but he illuminated everything he conducted. PER

Mozart: La Clemenza di Tito, Glyndebourne Festival 1991
Philip Langridge, Ashley Putnam, Diana Montague, Martine Mahe, Elzbieta Szmytka, Peter Rose; The Glyndebourne Chorus; The London Philharmonic Orchestra/Andrew Davis
Arthaus Musik 100407 (143 min)
HHIIII
The Glyndebourne Festival has recently started to issue films of its productions, some from many years ago. Presumably, the only reason for mining the archives is to bring to the public productions of unusual quality. That was certainly the case with the already-released Idomeneo of 1985 with a cast headed by the likes of Gundula Janowitz and Luciano Pavarotti. But this film of La Clemenza di Tito features no such superstars and the overall impression is of a high school production. In fact, this is not a film of a live performance but a BBC television version of a Glyndebourne production. The original stage director was Nicholas Hytner but the BBC director was Robin Lough. One could scarcely imagine a more lifeless and boring rendering of this late Mozart opera. This is the kind of filmed opera production that gave opera a bad name until the Met HD Live broadcasts came along. The acting and direction are dreadful and the singing merely adequate. PER

Schubert: Symphonies Nos. 8 & 9
NDR Sinfonieorchester/Günter Wand
Director: Hugo Käch
Arthaus Musik DVD 107 123 (85 min)

Günter Wand recorded these symphonies no fewer than three times before, in the same year – 1995 – with the Berlin Philharmonic. So why issue more versions? Obviously those who admired the great German conductor can’t get enough of their idol. For the rest of us it might be too much of a good thing. Günter Wand laboured in obscurity in Cologne and Hamburg most of his creative life until sometime in the 1980s when people began to realize that as giants like Furtwängler, Böhm, Knappertsbusch, Klemperer, Walter and Jochum began to disappear, and Karajan became increasingly limited by ill health, Wand was one of the few remaining conductors widely respected in the core German repertoire. He was soon in great demand for concerts outside Germany. Not only that, his health continued to be excellent and he conducted almost until the day he died, in February 2002, at the age of 90.
In this video, recorded live at the closing concert of the 1995 Schleswig-Holstein Festival, Wand appears to be in top form, giving beautifully shaped but exciting performances of both symphonies. While many elderly conductors take slower tempos much the same way aging pitchers lose something off their fastball, when appropriate, Wand took the same fast tempi he always did. Nor did he spare brass and timpani. In the last movement of the Ninth Wand goes for maximum volume and gets it. Obviously, he understood Schubert to be speaking the same language as Bruckner, albeit in the early stages. All in all, this is inspired music making and an important documentation of a great conductor. PER

Stravinsky and the Ballet Russes: The Firebird – Le Sacre du printemps
Mariinsky Orchestra and Ballet/Valery Gergiev
BelAir Classiques BAC041 (123 min)

This DVD not only features excellent performances of both ballets, it also has great historic value. Le Sacre du printemps caused a scandal at its first performance in 1913 and both music and ballet were changed forever. But while the music is often performed today, until recently audiences had little sense of what the ballet looked like. So Millicent Hodson and William Archer went to work and tried to recreate Nijinsky’s original choreography and Nicholas Roerich’s sets and costumes. Since choreographers seldom leave detailed notes on their work this was a monumental task.
The results speak for themselves in this 2008 Mariinsky Theatre production but there is also an illuminating documentary attached as a bonus on this DVD in which Hodson and Archer discuss what they did and how they did it. I must confess that I found Pt. 1 of Le Sacre du printemps somewhat silly and at odds with the lacerating primitivism of Stravinsky’s score, but Pt. 2 was more effective.
The Firebird production is also a reconstruction of the original 1910 Ballet Russes production and it is very impressive; but then The Firebird is a much more traditional ballet and poses fewer problems. PER

Szymanowski : King Roger
Scott Hendricks, Olga Pasichnyk, John Graham-Hall, Will Hartmann; Wiener Symphoniker/Mark Elder
Mise en scène: David Pountney
Bregenzer Festspiele
C major 702808 (89 min)

Le Roi Roger de Karol Szymanowski s’impose de plus en plus comme l’un des plus fascinants (et importants) opéras du 20e siècle. À la jonction du romantisme tardif et du modernisme expressionniste, de Wagner, Strauss, Scriabine et Ravel, cet opéra monumental a de quoi satisfaire les plus récalcitrants. La thématique abordée était plutôt audacieuse lors de sa création en 1926 : les attraits d’une sorte de paganisme originel sont valorisés, au détriment de la religion chrétienne, rigide et intolérante. Les forces en présence sont impressionnantes. Le Wiener Symphoniker dirigé par Mark Elder est à la fois souverain et intimiste, alors que les solistes, excellents, sont superbement appuyés par une mise en scène sanguinairement grandiose (cœurs sensibles s’abstenir), surtout dans les scènes d’orgie païenne signées par David Pountney. Ses choix esthétiques ne seront pas du goût de tous, mais ils ont l’avantage de dynamiser un livret qui risque de tomber trop facilement dans le verbiage statique. C’est dans la petite ville de Bregenz, adossée au majestueux lac Constance, et hôte d’un festival d’opéra en plein air (le Bregenzer Festspiele) d’une qualité à rendre jaloux les plus grandes métropoles du monde qu’a été capté cet enregistrement appelé à faire date. Une grande réussite. FC

Tchaïkovski : Eugène Onéguine
Mariusz Kwiecien, Tatiana Monogarova, Andrey Dunaev; solistes, chœur et orchestre du Théâtre du Bolchoï
Direction : Alexander Vedernikov
Mise en scène : Dmitri Tcherniakov
BelAir classiques BAC046 (150 min)

Revisité par Dmitri Tcherniakov, Eugène Onéguine prend des allures étonnamment contemporaines. Non seulement l’action est campée dans les années 1950 et rejette toutes formes de folklorisme vieillot, mais les personnages acquièrent une profondeur psychologique déroutante. Décors et costumes somptueux soutiennent un théâtre très proche de Tchekhov et de Stanislavski, laissant une grande place aux émotions brutes et aux ambiguïtés existentielles de ce drame déchirant, voire pathétique. La partition est bel et bien respectée, mais certaines scènes sont présentées sous un nouvel angle. Cela passe très bien, même si on s’éloigne de l’original (la scène du duel devient plus ambiguë, montrant plus un accident involontaire qu’un réel duel d’honneur). Néanmoins, ce genre d’adaptation comporte toujours quelques invraisemblances, par exemple le couplet de Triquet, ici chanté par Lensky qui fait le pitre sans grand succès. Musicalement, c’est d’un très haut niveau. Tatiana Monogarova, qui partage avec son personnage le même prénom, a une voix magnifique et joue avec une justesse éblouissante. Mariusz Kwiecien campe un Onéguine froid et distant, mais avec une voix très solide aux couleurs sombres. L’orchestre et les chœurs sont en tout point parfaits pour soutenir la splendide musique de Tchaïkovski. Une production qui mérite d’être vue. EC

Wagner : Die Meistersinger von Nürnberg
Falk Struckmann, Ain Anger, Johan Botha, Adrian Eröd, Ricarda Merbeth, Michael Schade; Chor der Wiener Staatsoper; Orchester und Bühnenorchester der Wiener Staatsoper/Christian Thielemann
Medici Arts 2072488 (293 min)

Cette présentation des Maîtres chanteurs de Nuremberg donnée à Vienne en janvier 2008 reprenait une production dont le célèbre Otto Schenk avait été le metteur en scène, plus de trente ans auparavant. À la revoir, on s’interroge sur les raisons de ce choix, tant l’inspiration en paraît d’un réalisme convenu, sans envolée poétique ou imaginative. On s’étonne, par exemple, d’être si peu amusé au deuxième acte par la sérénade de Beckmesser en train de se faire doublement rouler dans la farine par Eva et Sachs, avant de se faire rosser par David. La fausse bonhomie de la scène finale, peuplée d’une masse bigarrée et un peu perdue, ne suscite guère d’enthousiasme; les costumes, censés évoquer le Moyen Âge, frappent plutôt par leur anachronisme ou leur hétérogénéité. Quant au plateau vocal, il s’en tire assez bien, avec le Hans Sachs de Falk Struckmann bon chanteur et comédien, encore que Walther (Johan Botha) et Eva (Ricarda Merbeth) forment un couple improbable, tant par leur physique que par leur indifférence patente au jeu. De son côté, Adrian Eröd est un Beckmesser agile, quoique trop caricatural pour ce rôle aux nuances exigeantes. Christian Thielemann, après un Prélude anémié, tire son épingle du jeu par un soutien attentif au chant. AL

LIVRE

La Réparation du piano
Par Carl-Johan Forss
Montpellier: Éditions L’Entretemps, 2010 (515 p.)
ISBN 978-2-35539-106-4
L’auteur norvégien Carl-Johan Forss est un spécialiste réputé des méthodes pédagogiques relatives aux technologies du piano; son ouvrage est destiné à la formation de spécialistes dignes de ce nom. Il leur recommande même d’en savoir jouer, ce qui aurait réjoui Benedetti Michelangeli qui pouvait démonter et remonter son instrument en plus d’en jouer en maître. Mais s’il parcourt ce livre au titre peu « grand public », le mélomane ou le pianiste amateur y trouvera aussi son compte, comme dans l’apprentissage de quelque langue seconde. Non seulement à cause du vocabulaire spécialisé – et combien riche – d’un métier qui permet de nommer les innombrables parties d’un mécanisme complexe, mais aussi parce qu’il y a là, détaillée et illustrée de photos et de schémas dans une mise en page aérée, une démarche dont la logique l’apparente à celle d’une syntaxe. On en sort émerveillé par l’ingéniosité, entre science et art, qui a présidé au perfectionnement de ce produit étonnant du savoir-faire humain qu’est le piano dans ses multiples avatars historiques, savoir-faire fondé sur plusieurs siècles de tâtonnements et de recherches. AL

Working with Bernstein
By Jack Gottlieb
New York: Amadeus Press, 2010 (384 p.)
ISBN: 978-1-57467-186-5

Jack Gottlieb worked closely with Leonard Bernstein for more than three decades. Gottlieb edited Bernstein’s writings and compositions and carried out all sorts of other functions as Bernstein’s musical assistant. Twenty years after Bernstein’s death Gottlieb is still involved with the maestro as “the senior member of the Leonard Bernstein Office.” No doubt about it, Gottlieb was close to Bernstein and remains one of his most important representatives. How disappointing then to have to report that this new book fails to provide much insight into the life and times of one of America’s greatest musicians.
My first impression of the book is that it is not a book at all, but a file folder of bits and pieces of unrelated information that dropped off That Table, as Gottlieb calls it, where Bernstein worked and where important meetings were held. The book has no organization and nobody seems to have edited it. Perhaps after all this time there is nothing more to say. Or perhaps Gottlieb has nothing more to say on the subject of Leonard Bernstein but tries to say it anyway. The ultimate explanation may be that, as Gottlieb himself makes perfectly clear, Gottlieb considers himself a composer and rather resents the fact that much of his career was devoted to enabling another composer, and that this is what he will be remembered for, not for the music he himself wrote. Jack Gottlieb may well be a fine composer but to the world at large he scarcely exists as a composer of any kind.
To be fair, in spite of its slapdash appearance there is some valuable material in this book. Part Two, titled “My Notes on LB’s Notes” is essentially a collection of programme notes and an analysis of various Bernstein compositions, most of them written during Bernstein’s lifetime and presumably with the maestro’s approval. I am not sure I would agree with Gottlieb’s claim that Bernstein’s ballet score The Dybbuk is his finest work but Gottlieb’s discussion of the work is insightful, even though we have seen it before in the liner notes for the 1981 DG recording.
We also get some insight into Bernstein’s working methods as a conductor. Bernstein apparently marked his scores in intricate detail and often added comments. Gottlieb quotes some of them and directs conducting students and researchers to the New York Philharmonic library where Bernstein’s scores are now stored.
The personal recollections are scattered, often maddeningly brief and obscure, and references to family members often made without sufficient context. And for all his analytical prowess in discussing Bernstein’s music, Gottlieb is surprisingly superficial when it comes to Bernstein’s conducting. In 1988 Gottlieb compiled a list of Bernstein’s finest recordings and this list is included in the book. But his comments are much too vague to be useful. For example, here is Gottlieb’s entire comment on Bernstein’s Vienna Philharmonic recordings of the Schumann symphonies:
LB believed in the original versions and never tampered with them, as have so many other conductors. His belief in the rightness of the orchestration is here for all to hear. (p. 159)
Some specific examples, please? And how can a case be made for the quality of Schumann’s orchestrations using recordings? Problematic balances in concert can be easily clarified in the recording studio.
Humphrey Burton’s Leonard Bernstein (New York: Doubleday, 1994) remains the best book yet written about Bernstein both for its breadth and depth, and for its author’s ability to fairly evaluate Bernstein’s strengths and weaknesses. PER


(c) La Scena Musicale