Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 2 octobre 2010

Au rayon du disque

Par Alain Londes / 1 octobre 2010

English Version...


<

Version Flash ici.

Les mondes du piano

Yves Léveillé et Eri Yamamoto : Pianos
Effendi Records FND100

Une proposition artistique en duo demeure un projet délicat, d’autant plus lorsqu’il s’agit de bien marier deux styles ou deux cultures. Dans cette formule, le montréalais Yves Léveillé partage ici l’espace sonore avec la pianiste japonaise Eri Yamamoto. Établie à New York depuis 1995, cette dernière a déjà trouvé sa voix, du moins aux dires de Herbie Hancock. Elle a rencontré Léveillé en 2004. Cette collaboration donne ici un programme de compositions originales aussi mélodieuses que délicates. Pour Ainsi Dire, en ouverture du disque, est plein de fraîcheur; dénué de redondances ou de clichés, ce thème donne l’impression d’avoir été conçu pour une trame sonore cinématographique. Les deux musiciens jouent avec un style parsemé de lyrisme contemplatif, l’un accompagnant aisément l’autre sans qu’il soit nécessaire de chercher à les distinguer. Pourtant, chacun sait aussi ajouter sa touche personnelle. Les deux morceaux insérés au milieu du programme sont en fait des solos : Montreal Dance par Yamamoto et Rencontre par Léveillé. Les fans d’Yves Léveillé attendront avec impatience son tout nouveau projet en quartette, présenté en première au Off Festival de Jazz (voir détails dans cette section).

Eric Reed et Cyrus Chestnut : Plenty Swing, Plenty Soul
Savant SCD 2104

Sur la photo reproduite à l’endos du boîtier, on y voit les pianistes Eric Reed et Cyrus Chestnut aux deux extrémités de la scène, l’espace entre eux occupé par le contrebassiste Dezron Douglass et le batteur Willie Jones III à la batterie. Coup sur coup, ces musiciens s’attaquent à I'll Remember April et All The Things You Are, deux standards qui donnent le ton à cette fabuleuse soirée enregistrée dans le célèbre club Dizzy's au Lincoln Center à New York. La musique est bien campée dans le style du trio classique d’Oscar Peterson – à une différence près, soit le nombre de pianos. Ces deux champions du jazz mainstream de tradition classique affichent leur exubérance collective dans un swing d’une magnifique profondeur qui vient à culminer dans un classique bop, Two Bass Hit. Dans une autre composition plus contemplative, Prayer, dédiée à son ami George Cables, sérieusement malade au moment de cet enregistrement, Eric Reed joue avec beaucoup d’âme et trahit son affinité pour la musique sacrée noire. En conclusion de programme, le duo se retranche dans un blues, Plenty Swing, Plenty Soul, marquant une belle fin à plus d’une heure de musique faite pour remuer les pieds.

Bill Charlap et Renée Rosnes : Double Portrait
Blue Note Records

Il est ironique que le dernier morceau de l’album Double Portrait se termine par Never Will I Marry. Car voilà que Bill Charlap et son épouse, Renée Rosnes, sortent un album plein d’intimité et de tendresse. Le projet est un vrai dialogue artistique d’une certaine profondeur et d’une belle qualité organique. Grâce à leur relation intime, chacun suit ici son instinct par rapport à l’autre. Ils ouvrent leur récital sur un numéro brésilien rapide, soit Chorinho de Lyle Mays, qui aboutit tout droit dans Double Portrait de Jobim. Ailleurs, on trouve trois morceaux rendant hommage à des géants du jazz avec lesquels Charlap et Rosnes ont eu la chance de jouer. Du côté de Rosnes, Ana Maria représente son lien musical avec Wayne Shorter, puis Inner Urge avec Joe Henderson. Charlap, pour sa part, rappelle sa collaboration avec Gerry Mulligan dans Little Glory. Rosnes démontre ses prouesses musicales et son originalité avec The Saros Cycle qui, comme son titre le suggère, possède une structure cyclique où l’harmonie et la mélodie sont savamment dosées. La célèbre complainte My Man’s Gone Now, de Porgy and Bess, est présentée de manière recueillie, la mélodie bien mise en évidence dans une interprétation tout à fait sentie.

 

Autour du Off

Michel Berthiaume : Departure
Les disques XXI, XXI-CD 2 1645 http://michelberthiaume.com

C’est au cours de sa maîtrise, en 2005, que le batteur Michel Berthiaume a composé ces pièces. Un travail intellectuel de recherche et d’expériences diverses est donc à la base du véritable travail d’orfèvre que sont ces compositions. Notons aussi que le musicien prend la peine d’expliquer, dans le livret, le défi particulier propre à chacun des morceaux. Une première écoute distraite de ce disque ne permet cependant pas de l’attribuer à un batteur. Ce qui doit, somme toute, être un bon signe pour ce jeune compositeur ! Mais il y a tout de même un solo de batterie en ouverture du disque. L’oreille, ravie, avale autant les mélodies du trompettiste Bill Mahar que du pianiste Josh Rager, le beau son (et le phrasé à la hauteur) du guitariste Kenny Bibace, sans oublier la rythmique précise du contrebassiste Sage Reynolds. De toute évidence, il y a de la cohésion dans cet ensemble. Ces musiciens jouent tous ensemble depuis longtemps et ça paraît. Bill Mahar, qui a aussi beaucoup joué avec le regretté batteur Bernard Primeau, a une affinité presque naturelle avec cet instrument, ce qui nous vaut des échanges fort chaleureux. Si vous ne l’avez pas deviné, l’attention est littéralement happée à partir de la deuxième écoute par les grandes qualités de ce premier opus du batteur Michel Berthiaume.

Jean-Christophe Beney Quartet : The Link
FairJazz PFJ001  http://jeanchristophebeney.com

Moins éclaté que les disques précédents de Jean-Christophe Beney, soit Polychromy et Pop Up (le pianiste John Roney délaisse ici le Fender Rhodes), mais plus près de l’esprit de Cassiopée, The Link est cependant un projet plus ambitieux sur le plan de l’écriture et de la cohésion de groupe. Cette cinquième offrande du saxophoniste est une suite en cinq parties toutes entrecoupées d’un morceau de transition. Le lyrisme du compositeur et saxophoniste est en cela très bien servi par la formule. Excellent mélodiste, Beney sait développer des thèmes d’une simplicité souvent touchante et qui ne sont pas sans rappeler une certaine chanson française. Mais la richesse des échanges entre le piano et le saxophone, entre autres, nous entraîne bien au-delà de la simple ritournelle. Les envolées coltraniennes du ténor, comme le solo de la Transition 3, sont d’une beauté poignante. La section rythmique, pour sa part, n’est pas en reste : soutenant leurs volubiles compagnons solistes, le contrebassiste Fraser Hollins et l’efficace Martin Auguste à la batterie cimentent le tout avec précision.


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002