David Jacques : guitariste sans frontières Par Caroline Rodgers
/ 1 juillet 2011
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Si l’on devait décrire le guitariste
David Jacques et son impressionnant parcours en un seul mot, ce serait
« polyvalence » ! Soliste, chambriste, professeur, arrangeur, homme
d’affaires, ce touche-à-tout a déjà, à 32 ans et au gré de mille
et un projets, exploré aussi bien le répertoire classique et baroque
que le tango, le jazz, le rock et la musique populaire.
Reconnu avant tout comme spécialiste
de la musique ancienne et de la musique de chambre, David Jacques est
membre de l’Ensemble Caprice, et joue régulièrement avec les Violons
du Roy et Les Voix Baroques, entre autres. Et si on l'entend le plus
souvent à la guitare classique ou baroque, au luth ou au théorbe,
il gratte aussi volontiers de la guitare électrique !
Sur disque, le musicien a participé
à plus de trente enregistrements (huit en solo) comprenant deux coffrets.
Les abonnés de La Scena Musicale peuvent l’écouter sur le
CD découverte de ce mois-ci.
Pédagogue
Comme si les quelque 250
concerts par an qu’il donne ici et à l’étranger depuis dix ans
ne suffisaient pas à l’occuper, David Jacques est aussi professeur.
Il enseigne au département de musique du Cégep de Sainte-Foy et à
la Faculté de musique de l’Université Laval. «
Il y a quelques années, j’ai toutefois choisi d’enseigner à mi-temps,
précise-t-il. Quand je donne un concert à l’extérieur, je prends
l’avion le vendredi et je reviens le dimanche. La plupart du temps,
mes étudiants n’en souffrent pas trop. En fait, ils bénéficient
de ces voyages, car j'en rapporte toujours du nouveau répertoire. »
Depuis toujours, ce sont des guitaristes
qui écrivent pour la guitare. David Jacques, lui, réserve la composition
pour ses vieux jours. « Cependant, je fais beaucoup d’arrangements
pour les Productions d’Oz, à Saint-Romuald, le plus important éditeur
de musique de guitare au monde. Mon travail rayonne de cette façon
dans plusieurs pays. »
L’interprète
Le monde de la guitare évolue un peu en marge du reste du monde
musical, avec ses propres sociétés, concerts et concours. Mais ces
activités ont tendance à attirer davantage les guitaristes que le
grand public, ce que regrette David Jacques. « J’aime sortir de notre
cadre habituel en jouant de la musique de chambre, dit-il. À mon sens,
la guitare y a vraiment sa place à côté des autres instruments. Par
exemple, en baroque, j’assure généralement la partie du continuo.
Nous ne sommes pas nombreux au Québec à posséder ce savoir-faire.
Pour cette raison, je suis pigiste dans au moins une quinzaine d’ensembles
de musique ancienne. Cela me permet d’aborder des compositeurs que
les guitaristes ne fréquentent pas d'ordinaire, comme Purcell. »
Le musicien possède une collection d’une
cinquantaine d’instruments anciens. « La guitare est un instrument
qui n’est pas très sonore, mais à certaines époques les gens lui
ont trouvé de grandes ressources d'expression, explique-t-il. Elle
offre une proximité et une intimité que d’autres instruments n’ont
pas, et suggère d’autres émotions. »
En formation de chambre, le musicien
peut exploiter ce qu’il considère comme l’une de ses principales
qualités d'interprète : la faculté d'être très à l’écoute de
ses pairs. L’autre atout indispensable à tout guitariste, à
son avis, est la connaissance des styles. « L’instrument a 500 ans
de répertoire et il a été modifié à maintes reprises, dit-il. Pour
aborder toute cette richesse, il faut connaître l’instrument, son
évolution et sa musique. Il faut aussi avoir des connaissances de base
en arrangement et en transcription, car de tout temps, les guitaristes
ont dû adapter la musique à leur instrument. C’est encore le cas
aujourd’hui. »
David Jacques n’a d’ailleurs de cesse
d’approfondir sa culture musicale. En plus d'un vaste assortiment
d’instruments, il possède une collection… de diplômes ! Après
un Prix du Conservatoire de musique de Québec, un baccalauréat en
éducation musicale et une maîtrise en interprétation en guitare classique
de l’Université Laval, et un doctorat en interprétation de la musique
ancienne à l’Université de Montréal, il a commencé un baccalauréat
en interprétation jazz, qui n’est pas terminé. Impressionnant bagage.
Ce spécialiste du répertoire ancien
ne voue pas pour autant un culte au passé. Quand on lui demande s’il
aurait aimé vivre en un autre temps, il répond non. « Le XXIe siècle
abonde en compositeurs et d’interprètes inspirants pour la guitare
classique. Le répertoire explose et la technique se raffine, dit-il.
Je suis heureux de vivre à notre époque ! »
Au-delà du baroque
En plus de ses activités de chambriste et de soliste, David Jacques
accompagne des chanteurs et participe à des spectacles populaires,
comme Beatles Forever, un hommage aux Fab Four.
Il a formé pendant plusieurs années
le duo Carmen et David avec sa conjointe, la chanteuse de jazz Carmen
Genest. Ensemble, ils ont enregistré trois albums. Toutefois, la naissance
d’une petite fille il y a 14 mois a mis les activités du duo en veilleuse
!
Il accompagne également la chanteuse
Marie-Josée Lord dans son nouveau spectacle, Voyage Latin, qui fait
régulièrement salle comble. Sa collaboration avec le bandonéoniste
Denis Plante dans l’ensemble Tango Boréal lui tient aussi beaucoup
à cœur. « Ces temps-ci nous jouons, avec les Violons du Roy, le Double
Concerto pour bandonéon, guitare et orchestre de Piazzolla. »
Au rayon de ses compositeurs préférés,
Astor Piazzolla l'emporte d'ailleurs sur un Ponce ou un Villa-Lobos
! « Il m’a toujours beaucoup inspiré par l'audace, la fougue et
la nostalgie qui se dégagent de ses œuvres, dit-il. J’aime aussi
Augustin Barrios, pour la légèreté et l'humeur ensoleillée de sa
musique. Et j’apprécie beaucoup Claude Gagnon, mon ami et collègue,
pour son côté instinctif et impressionniste. »
En ce qui concerne les interprètes,
c'est David Russel qu’il admire le plus, pour sa sensibilité et sa
sonorité.
Le musicien entrepreneur
Selon un vieux cliché, les musiciens - les artistes en général
- ne seraient pas doués pour les affaires... Ce n’est certes pas
le cas de David Jacques, véritable musicien entrepreneur qui gère
sa carrière avec succès.
En 2002, il fondait sa propre entreprise
de création et de gestion musicale, Productions DJ, qui fait la promotion
de ses spectacles et de ceux des nombreux duos, trios et autres ensembles
dont il fait partie. L’entreprise propose des concepts très variés
d’animation musicale et de spectacles pour événements en tout genre.
Depuis sa fondation, elle a présenté plus de 2000 spectacles dans
25 pays. « La gestion et le marketing m’intéressent beaucoup, dit-il.
Dans ma bibliothèque, j’ai autant de livres sur les affaires, le
marketing, la vente et les finances que sur la musique. »
Originaire de la Beauce, coin de pays
réputé pour être un incubateur d'entreprises, David Jacques
a grandi au sein d’une famille d'entrepreneurs. Cet intérêt s’est
transposé à la musique vers la fin de ses études de maîtrise. Avec
son professeur, Rémi Boucher, il a appris comment un musicien peut
arriver à bien gagner sa vie. « Rémi Boucher fait partie de ceux
qui m’ont montré comment accéder au marché international en tant
que guitariste soliste, monter un site Internet et inventer des façons
de faire sa propre promotion », explique-t-il.
Sa maîtrise en poche, il organise déjà
une tournée à l'étranger. En Australie. « Dans ma tête, jouer à
l’international, c’était réservé aux artistes accomplis. Mais
Rémi Boucher m’a fait comprendre qu’en présentant le bon répertoire
et en développant des contacts, on pouvait y arriver, même avant d'être
très connu. »
Et si cette première tournée s'est
avérée déficitaire, ce fut néanmoins une excellente école et un
tremplin vers une belle carrière internationale ! « J’ai beaucoup
appris de cette expérience, et grâce à un important effet de bouche
à oreille, j’ai été invité à d’autres festivals. On a commencé
à me téléphoner en pleine nuit de l’autre bout du monde ! Puis,
j’ai peaufiné mes techniques de vente et développé des trucs pour
me faire connaître. » Par exemple en s'associant à des compositeurs
étrangers. « Le compositeur organisait ma tournée dans son pays,
et, en échange, je créais ses œuvres. Cela m’a permis d’enregistrer
plusieurs nouvelles œuvres et de faire la promotion de la guitare tout
en me faisant connaître. »
Dans ce métier, il faut certes du talent
et de la personnalité. Mais pour David Jacques, savoir se vendre et
gérer sa carrière est un autre atout fondamental. « Mon cheminement
m'a montré que les deux sont nécessaires, dit-il. Si je n’avais
pas lancé ma propre entreprise, les gens me feraient sans doute des
offres quand même, sauf que je ne pourrais pas organiser mes propres
projets. Je dépendrais des ensembles ou des orchestres qui m'engagent,
tandis que là, je discute directement avec les diffuseurs. Mieux encore,
je suis devenu moi-même un employeur. Je donne du travail à beaucoup
de musiciens à Québec. Quand on prend l’avion ensemble pour aller
jouer en Europe, j’en retire autant de satisfaction qu’à la fin
d’un concert réussi ! »
Pour lui, tous les chemins sont bons
pour faire apprécier son instrument. « Je ne refuse jamais une offre
de concert, dit-il. Je ne tiens pas à jouer seulement dans des grandes
salles ou les festivals importants. Je joue tout aussi bien dans des
écoles ou les musées. Jamais je ne vais déprécier un diffuseur de
spectacles qui m’offre l’occasion de faire découvrir la guitare
au public. »
David Jacques en concert:
» Festival Music and Beyond à Ottawa le 15 juillet, de nouveau avec
Tango Boréal et les Violons du Roy
» Festival des Hautes Laurentides avec Tango Boréal le 7 août, et
avec Marie-Josée Lord le 12 août
» Domaine Forget avec les Violons du Roy et Tango Boréal, le 20 août
www.davidjaques.com
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