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La Scena Musicale - Vol. 16, No. 1 septembre 2010

Amorcer l’année d’enseignement sans y laisser sa peau

Par Lucie Renaud / 1 septembre 2010


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Le téléphone ne dérougit pas et vous songez à prendre des leçons de jonglerie, histoire de pouvoir faire rentrer vos nouveaux élèves dans vos (trop) rares périodes libres ? Respirez un grand coup et prenez votre temps. Vous pensez peut-être que je suis tombée sur la tête ou que je n’ai que cinq élèves, tous admirablement doués ou que j’habite sur une île déserte, coupée de tout contact avec la réalité ? Mais non ! Comme plusieurs professeurs, j’ai une maison, une famille, un chien et un travail exigeant en plus de mon enseignement.

S’il y a une chose que j’ai comprise en prenant de l’expérience (à défaut de sagesse), c’est que les aspects de nos vies dont nous sommes le plus fiers sont souvent ceux qui nous ont pris le plus de temps. Quand j’ai commencé à enseigner, je m’attendais à ce que les élèves aient travaillé pendant des heures et me démontrent par leurs progrès éloquents la pertinence de mes conseils. Après quelques semaines (mois, années) légèrement frustrantes, j’en suis venue à la conclusion que je devais diminuer mes attentes. Oui, autrefois, jadis, je m’exerçais deux heures par jour (de gré ou, bien souvent, de force). Cela ne représente plus la réalité d’aujourd’hui.

Maintenant, je prends exemple sur une copine qui me confiait ne plus rien attendre de son couple et préférer être surprise par les attentions de son conjoint, quand il y pense. Je n’attends rien des élèves, mais j’espère toujours secrètement être surprise. Dès que je dénote un progrès, si minime soit-il, que ce soit du rythme, de la lecture, de l’interprétation ou de l’enthousiasme, je me dis que la journée devient mémorable. Je le mentionne d’ailleurs régulièrement aux élèves quand ils me comblent de leur attention musicale. Je constate que ce relatif détachement me permet de mieux investir le temps que je passe en leur compagnie. Je choisis plutôt de leur apprendre à travailler, une note, une mesure, une page à la fois, pour que, demain ou dans dix ans, ils puissent voler de leurs propres ailes.

Je prends aussi le temps de connaître leur personnalité et leur vécu, étonnamment différents. L’un d’eux est particulièrement espiègle, une autre d’une intensité parfois troublante, un troisième légèrement exalté, un quatrième plutôt silencieux, mais il a toujours des choses étonnantes à révéler quand on s’y attarde. Il y a celle pour qui la musique est une échappatoire, celle qui assiste au cours « parce qu’il le faut », mais qui se fait souvent prendre au jeu ou encore cette femme qui a toujours rêvé de se perfectionner en classique et qui se le permet enfin, à 70 ans… « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. » En ce début d’année, je vous souhaiterai donc du temps de qualité,  pour vous, pour vos élèves, pour l’amour de la musique… 

Vous avez des questions pédagogiques que vous souhaiteriez voir traitées ici ? N’hésitez pas à me contacter au lrenaud(a)scena.org

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