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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 8 mai 2010

Un Schumann réhabilité

Par Anne Stevens / 1 mai 2010


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Robert Schumann (1810-1856) est connu et aimé pour ses œuvres pianistiques et ses lieder. En cette année bicentenaire de sa naissance, le temps est toutefois venu d’explorer les autres facettes d’un leg aussi riche que méconnu, à l’image de son créateur tourmenté.

Vouant un culte à la littérature autant qu’à la musique, évoluant entre romantisme effréné et classicisme rigoureux, attiré par le rationalisme alors qu’il tentait de repousser la folie qui le guettait, silencieux voire renfrogné en société, mais passionnément épris de la grande pianiste Clara Wieck, Schumann vivra sa dualité jusque dans la postérité.

Alors qu’il jouissait déjà de son vivant d’une certaine notoriété pour ses œuvres intimistes (piano solo, lieder), de vastes pans de sa production plus ambitieuse (pièces orchestrales et chorales) furent dépréciés par ses contemporains comme par certains biographes. Vers la fin de sa trop courte vie, alors qu’il ressentait déjà les atteintes du mal qui allait ravager son esprit, Schumann s’est attaqué à des formes complexes qu’on lui reproche parfois de mal dominer.

C’est de cette époque tardive que date la Messe en ut mineur op. 147, ou Missa sacra. Écrite en février-mars 1852, la Messe ne connut qu’une représentation partielle avant la mort prématurée de son auteur. Comment ce libre-penseur, qui se disait « religieux sans religion », luthérien de surcroît, en est-il venu à se tourner vers l’ordinaire de la messe ? Chef d’un chœur à Düsseldorf, ville catholique, Schumann composa alors plusieurs œuvres chorales destinées aux fêtes religieuses qui ponctuaient la vie de la cité rhénane. Attiré par la musique sacrée, « but suprême de l’artiste », et par la musique chorale, il disait que chanter en chœur rend bon musicien.

Écrite pour chœur mixte, orchestre et solistes, la Messe se caractérise par une grande unité de ton. C’est essentiellement une œuvre chorale, avec des interventions discrètes des solistes, à laquelle s’ajoute un Offertorium, superbe motet marial pour soprano, hommage ému à l’éternel féminin. De l’implorant Kyrie à l’Agnus Dei solennel en passant par un vigoureux Credo et un Sanctus éthéré, l’œuvre recèle des passages à la beauté saisissante dans lesquels les choristes sont invités à faire valoir une grande palette d’émotions.

La Messe est l’une des œuvres choisies par Louis Lavigueur, chef des Chœurs polyphonique et classique de Montréal et de l’Orchestre symphonique des jeunes de Montréal, pour souligner l’année Schumann. Celui-ci tenait en effet à faire connaître ces pages mésestimées, dont il apprécie les éléments harmoniques recherchés, la spiritualité et la sérénité. Loin d’un style grandiose ou triomphaliste, le maestro y perçoit le sens de l’accomplissement, peut-être la résignation, d’un compositeur qui se sait malade.

C’est la veuve du compositeur qui, bravant les réticences de Brahms, sauva cette Messe posthume de la disparition en la faisant publier. Un siècle plus tard, elle fut réhabilitée par certains critiques qui voyaient dans la manière tardive de Schumann des signes précurseurs du XXe siècle. Il s’agit maintenant de faire revivre cette musique, ce que fera maestro Lavigueur le 5 juin 2010 à 20h en l’Église Saint-Jean-Baptiste.

« Hommage à Schumann  », samedi 5 juin 2010 à 20h, Église Saint-Jean-Baptiste, rue Rachel coin Henri-Julien. Informations : 514-389-6875. Schumann : Messe op. 147 et Symphonie no 1 op. 38 ; Brahms : Schicksalslied op 54.


(c) La Scena Musicale 2002