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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 7 avril 2010

Quatuor Bozzini : le goût du risque

Par Myriam Bonfils / 1 avril 2010


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Ils ont en commun la polyvalence et un goût du risque prononcé. Ils décident alors d’harmoniser leurs cordes. Ils mettent de côté leur personnalité musicale propre, pour faire éclore un tout, un accord parfait, le quatuor Bozzini. C’est ainsi que le violoniste soliste Clemens Merkel et la violoniste concertiste Nadia Francavilla se joignent aux sœurs Stéphanie (altiste) et Isabelle (violoncelliste) Bozzini. Au fil des ans, l’ensemble se construit au gré et au rythme de la musique nouvelle et de la diversité des compositeurs et créateurs contemporains. Aujourd’hui, le Quatuor Bozzini fête ses dix ans, avec ce même goût pour l’aventure, un non-conformisme que n’égale que son authenticité.

Le Quatuor a choisi de contribuer à l’évolution de la société artistique en portant la musique qu’il interprète toujours au-delà d’elle-même : « On se met au service de la musique d’abord. On s’efface derrière elle. Nous voulons laisser parler la musique peu importe l’époque », explique Isabelle Bozzini. S’effacer derrière la musique, c’est le propre d’un quatuor selon l’artiste, ce qui le différencie d’un trio avec piano par exemple qui donne plus de place à l’individu. Dans le quatuor, l’ensemble prime et passe devant l’individualité des musiciens. « Le quatuor à cordes demande une certaine abnégation. Il n’y a rien pour enrober la musique. La façon dont on joue est très pure, pour laisser place uniquement à l’essence musicale. On a choisi de faire résonner les cordes pour atteindre une harmonie fantastique, mais on ne peut pas tricher ni arrondir les coins », ajoute la violoncelliste.

Pour en arriver à un tel consensus, il a fallu que les quatre musiciens partagent le même but, notamment être prêts à s’aventurer en terrain inconnu. C’est mission réussie. Isabelle Bozzini rapporte d’ailleurs avec fierté le plus beau compliment qu’on leur ait fait en ces dix ans : « La somme des parties est encore mieux que les parties individuelles ! »

L’ensemble tire son originalité de la diversité de son répertoire. Il choisit de développer surtout les œuvres contemporaines, des plus incontournables aux plus expérimentales, en allant jusqu’au bout de sa curiosité, mais en effleurant au passage quelques partitions classiques. En dix ans, le quatuor peut s’enorgueillir d’avoir commandé une quarantaine d’œuvres, d’en avoir créé près d’une centaine et d’avoir reçu de nombreux prix. À Montréal, qui l’a vu naître, il présente régulièrement sa Série QB, une série de trois concerts dans l’acoustique intime de la chapelle Saint-Louis. Montréal a également le privilège d’accueillir son salon des compositeurs, cet événement de musique de chambre qui met l’accent sur la nouvelle musique canadienne. Il y a aussi le Composer’s Kitchen, un atelier annuel destiné à la relève musicale qui offre la chance de travailler avec des interprètes professionnels. Le Quatuor est régulièrement invité en tournée en Europe et aux États-Unis. Il possède et dirige également sa propre étiquette de disques, la collection qb,qui lancerace printemps son 11e titre. Enfin, on ne compte pas ses participations aux cours de maîtres, résidences et ateliers.

À travers ce canevas de réalisations, le quatuor Bozzini s’est donné pour mission de soutenir la relève, développer la musique nouvelle et assurer l’avenir de sa discipline en jetant des ponts entre les différentes générations d’artistes. N’ayant pas froid aux yeux, le groupe ne joue que la musique à laquelle il croit, repoussant sans cesse les limites de l’expérimentation musicale. Pour ce faire, il a su s’entourer et s’inspirer de compositeurs dotés de la même fougue.

Au terme de ces dix ans de parcours, il faut bien sûr fêter avec une saison intéressante, mais pour le quatuor, il est surtout temps de s’arrêter et faire le bilan : « C’est une année charnière, un processus de réflexion et de questionnement à tous points de vue : les différentes rencontres avec les compositeurs, le son, le répertoire, le développement musical, notre rythme de tournées, nos disques : ça a été presque un marathon », confie Isabelle Bozzini. Selon elle, il faut maintenant s’interroger sur la direction à prendre. Les réponses lui viennent facilement : « Nous aimerions nous rapprocher davantage des jeunes compositeurs, être branchés sur les nouvelles idées », dit-elle.

Les bases sont établies. Les membres de l’ensemble sont satisfaits du chemin parcouru et fiers des réalisations. Pour la suite, on ne parle pas d’un changement de direction, mais plutôt d’une continuation. « Il faut poursuivre, dit la violoncelliste, surtout avec notre Kitchen qui  nous tient beaucoup à cœur. Nous voulons donner plus de moyens, plus de visibilité aux jeunes, notamment avec une collecte pour un fonds de dotation. Nous voulons développer le réseau local et pas seulement à l’extérieur où le marché est plus favorable. Nous voulons donc plus de concerts ici au Québec et au Canada. Bref, nous voulons ramener la musique près des gens. ».

Pour ce qui est du répertoire, tout reste à explorer pour le quatuor. « Dans la musique ancienne, on a fait du Beethoven, du Schubert. Nous voulons faire du Haydn. Dans la musique moderne, nous avons Giacinto Scelsi et Iannis Xenakis dans notre radar », révèle Isabelle Bozzini. Le quatuor entend tout de même mettre l’accent sur la musique nouvelle, pas assez jouée selon elle : « Nous avons pris du retard sur la musique d’aujourd’hui et il faut se battre pour la faire connaître et tracer le chemin vers le public. »

Parmi les projets qui l’animent, le quatuor innove en mêlant à la musique plusieurs disciplines artistiques, en explorant par exemple les relations entre musique et architecture. Mélodie, harmonie et rythme, tout devient structure et espace. Ce thème fera l’objet d’un concert qui sera présenté en décembre 2010.

Dans un avenir plus lointain, le Quatuor Bozzini voudrait que l’on retienne son soutien aux jeunes créateurs, sa contribution à la richesse et à l’évolution de l’art. Mais par dessus tout, l’ensemble voudrait laisser en héritage la musique qu’il aura fait vivre, qu’il aura aimé. « Je voudrais qu’on se rappelle de notre musique et non d’Isabelle Bozzini ou de Clémens Merkel ou de chacun de nous », conclut la violoncelliste.


Quatuor Bozzini en concert :
» 8 avril à 20 h : Vancouver new Music Concert Series, Scotia Dance Centre, Vancouver. 514 845-4046.
» 20 avril à 20 h : Série Hommage : Gilles Tremblay : Salon des compositeurs I, à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, Montréal. 514 845-4046
» 22 avril à 20 h : Salon des compositeurs II, à la Chapelle historique du Bon Pasteur, Montréal. 514-872-5338.
» 23 avril à 20 h : Série Hommage : Gilles Tremblay : Salon des compositeurs III, à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, Montréal. 514 845-4046
» 1er mai à 18 h 30 : Composer’s Kitchen 2010, à la chapelle Saint-Louis, église Saint-Jean-Baptiste, Montréal. 514-523-3611.
» 12 mai à 20 h : Concert à Oldenbourg en Allemagne.
» 14 mai à 20 h : Festival Nova Sendesaal Bremen, à Brême en Allemagne.
» 22 juin à 20 h : Suoni per il Popolo, à la Sala Rossa, Montréal. 514-523-3611.


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