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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 2 October 2009

Les musiciens à l’écoute : Oliver Jones + Julie Lamontagne

Par/by Marc Chénard / October 1, 2009


Introduit dans le magazine Downbeat dans les années 1940 par Leonard Feather, le Blindfold Test est reconnu comme l’un des artifices du journalisme de jazz. D’autres publications ont repris depuis cet exercice qui consiste à soumettre un musicien à un test d’écoute à l’aveugle, sans aucune information sur les exécutants des pièces choisies.
L’article suivant s’inscrit dans cette lignée, mais en doublant la mise. Deux pianistes de chez nous, soit Oliver Jones et Julie Lamontagne, ont bien voulu prêter leurs oreilles en commentant les mêmes pièces, interprétées par des pianistes de générations et de styles différents. Aucun des deux n’a été informé de la participation de l’autre à cette épreuve. Voici leurs réponses, données dans leurs langues respectives.

Mal Waldron : In the Land of Clusters (Solo)
One More Time (Sketch Records, 2002)
Oliver Jones:(As the piece is playing.) Sounds like Monk having fun. Would it be Cecil (Taylor)? (After piece ends.) Well, it’s nothing I would want to put on and listen to, like during dinner time. In terms of experimentalism, I would give it two and a half stars. (After identification.) I’m surprised, it doesn’t sound like him.
Julie Lamontagne:Ça me laisse perplexe. On dirait un langage semi-classique, mais avec une touche plus rude. C’est comme si on jetait de la couleur pour arriver à faire un tout. Je ne sens pas de direction harmonique. Ça ne me touche pas beaucoup (Après identification.) Je ne le connais pas. Deux étoiles on va dire.

Brad Mehldau : Time Café
(duo avec le bassiste Darek Oles)
Like A Dream (Disques Cryptogrammophone). Album sous le nom du bassiste.
O.J.: I’ve heard this tune before. It sounded a little bit like Brubeck. Could it be Tommy Flanagan? I’d give this five and a half. (After.) Brad would have been my third or fourth choice. I heard him play this, not here but maybe in Europe. Very inventive and beautifully done. He’s probably the only one of the younger piano players who has truly impressed me. He’s heads above everyone else.
J.L.: Le pianiste est plus linéaire que le bassiste dont la liberté rythmique offre beaucoup de possibilités. J’aurais préféré que le pianiste ouvre la machine un peu plus. Ça me déroute un peu de ne pas savoir qui joue. (Après.) Cela doit être parmi ses premiers disques. J’ai pensé à lui parce qu’il a fait d’autres versions de cette pièce. J’ai cru que c’était un imitateur par la façon d’utiliser la main gauche. Comme note, je donne trois et demie.

Irène Schweizer : Hackensack (comp. Th. Monk). Duo avec le batteur Hank Bennink
Disques Intakt, 1995.
O.J.: A piano-drum duo is unusual, as you say. I do know of one pianist in New York who did that for a while, but can’t think of his name. I’d give two and half stars to this recording, perhaps three. But I’m stumped on this one. (After.) No, I don’t know her.
J.L. : Monk est le premier nom qui me vient en tête ici, mais c’est sa pièce. Je voudrais bien savoir qui est le batteur. (Après identification.) Je ne le connais pas. (Après identification de la pianiste.) Ah, vraiment, c’est une pianiste. C’était bien, mais pas nécessairement ce que j’aime. Je donnerais trois étoiles parce que c’est audacieux, intéressant au niveau de la batterie, qui amène un genre de beat Nouvelle-Orléans pour lier cela à l’éclectisme de l’écriture de Monk. On dirait que la pièce le permet.

Ran Blake : Wende (trio avec Ed Schuller, b. et Geore Schuller, btr.)
Sonic Temples (GM Records, 2001).
O.J.: I tried very hard to figure out who that was by the chording, but cannot say. The approach is completely different. He voices very beautifully. I’d give this one three and a half stars. (After.) I can’t remember hearing that much of his work or ever seeing him, but know his name through pupils of his. He’s really considered much more of a teacher. He’s really in a category by himself. I found it very inventive.
J.L. : Je trouve cela vraiment super intéressant. On dirait qu’ils sont presque dirigés. On pense qu’on va entendre un contre-chant, mais on n’y va pas. On te titille constamment. Le pianiste a un jeu vraiment intéressant, un vrai contrôle de la main droite et de la gauche. On entend les textures. Sa touche est intéressante, très différente des autres choses entendues. La palette de couleurs est là. Ils se suivent tous, vont là, puis reviennent, puis vont ailleurs, ça bouge constamment. (Après.) Une touche différente des autres pianistes de jazz. Trois étoiles.

Myra Melford : The Turning Point (trio avec L. Horner, b. et R. Nicholson, btr.)
Now & Now (Enemy Records, 1991)
O.J.: I’d give it about three stars. I found it more experimental, but did not hear any lines, or melody. A fine piano player, for sure, but don’t know who it is. (After.) Have not heard her name. Was that an original?
J.L. : Ici, je n’accroche pas à cause de la composition et la direction de la pièce. Au début, on entend un pianiste un peu bluesy, puis quand le groupe entre, le thème n’est plus bluesy, mais modal. Ça me rend perplexe. (Après.) Je suis quand même curieuse d’entendre autre chose d’elle. C’est le développement de la composition qui me fait presque décrocher de son jeu. Je me demande vers où ça va. Je vais donner deux étoiles et demie.

Paul Bley : Fig Foot (quartette avec J. Surman, saxo b., G. Peacock, b. et T. Oxley, btr.)
Adventure Playground (Disques ECM, 1991)
O.J.: I really loved that one, great groove, great group, but no idea who it is. Can I give that a seven? I know several people who play things like that, but no name comes to mind. (After.) Paul, playing like this? (Laughs.) It’s so strange to hear Paul in that type of groove. I haven’t heard him doing anything like this. It sounded like a well-rehearsed group, unlike those Paul works in. I’d like to listen to the rest of the record.
J.L. : C’est ma préférée. Je donne trois et demie frisant même le quatre. Vraiment intéressant au niveau de la composition, comment la mélodie bouge, comment les musiciens se passent les phrases, l’intro de basse aussi. C’est un enregistrement fait par un vrai groupe. On ne sent pas ici qu’il y a quelqu’un qui dirige le band; il y a une réelle communication et les phrases coulent. Ce sont des musiciens de haut niveau. (Après) Ah oui ! Ça ne me surprend pas d’entendre Bley jouer ainsi. Et c’est sa pièce. Vraiment intéressant dans l’écriture. L’utilisation du saxo est tout aussi intéressante. Vive ECM !

» Oliver Jones en concert les 20 et 25 octobre. Nouveau disque Pleased to Meet You - avec Hank Jones (Justin Time Records): sortie le 13 octobre.
» Julie Lamontagne en concert le 22 et 30 octobre.

(c) La Scena Musicale