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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 10 juillet 2010

Exposition Xenakis de l’importance du geste

Par Lucie Renaud / 1 juillet 2010


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Comment définir Iannis Xenakis ? Certains retiendront ses dons de compositeur, d’autres d’architecte, tous de visionnaire. Le Centre Canadien d’Architecture a donc choisi d’organiser une exposition-événement qui explore le rôle fondamental joué par le dessin dans l’œuvre de l’artiste. En les mettant en lien avec la musique, les croquis deviennent jalons d’un travail préliminaire comprenant aussi calculs de probabilité, étude des densités des textures et, avant toute chose, recherche d’une continuité sonore. L’événement se veut aussi polymorphe que Xenakis, lui qui a signé plusieurs partitions particulièrement avant-gardistes, tout en participant avec l’équipe de Le Corbusier à de nombreuses réalisations architecturales, notamment celles du Pavillon Philips, premier édifice autoportant au monde, ou du couvent de La Tourette, actuellement en rénovation.

Les commissaires de l’exposition, Sharon Kanach – spécialiste en musique contemporaine qui a étroitement collaboré avec Xenakis pendant une vingtaine d’années – et Carley Lovelace – critique d’art qui a suivi les cours du compositeur à la Sorbonne de 1972 à 1989 – proposent un programme thématique inspiré. Ce dernier révèle, dans un premier temps, des compositions musicales telles les légendaires Metastasis ou Achorripsis, accompagnées de certaines esquisses préparatoires et, dans un second, des polytopes (du grec poly, plusieurs et topos, lieu), environnements d’art total axés sur la musique, dont celui présenté à Montréal lors de l’Expo 67, l’une des œuvres les plus connues du genre, qui joue avec la spatialisation du son et permet au spectateur de devenir partie intégrante de l’expérience sensorielle.

La matière de cette exposition, organisée par le Drawing Center de New York, provient essentiellement du fonds Iannis Xenakis de la Bibliothèque nationale de France ainsi que des archives personnelles de la veuve de l’artiste et comprend plusieurs documents inédits. « Nous avons cherché à démontrer les rapports entre musique et architecture, a expliqué Sharon Kanach lors d’une visite guidée. Pour Xenakis, les deux font partie d’une même idée. Il existe peu de créateurs aussi protéiformes que lui, pour qui connaissance et intuition sont des applications possibles d’une même idée. » Elle admet qu’il s’est avéré particulièrement difficile d’extraire une soixantaine de documents qui sauraient à la fois éclairer et démystifier le travail du compositeur : « Nous avons surtout souhaité montrer le côté humain de ce génie. »

Celui qui se considérait lui-même comme le Bartók grec a toujours privilégié une approche architectonique de la musique, pourtant en opposition avec une musique graphique. Malgré ses dessins préparatoires, souvent d’une beauté plastique saisissante (par exemple ses études pour la distribution des musiciens), son premier but demeure de parvenir à une partition « traditionnelle », déchiffrable, que les musiciens peuvent rejouer. On peut ainsi suivre le parcours d’une œuvre, d’une première arborescence à une série de calculs méticuleux, algébriques, rythmiques ou de densité, processus souvent fascinant.

Des concerts (donnés notamment par le Nouvel Ensemble Moderne, Sixtrum, Transmission), des projections de films (dont Charisma X, proposé le 15 juillet après la prestation du NEM), des conférences, des ateliers pour toute la famille et un concert hommage seront également présentés en périphérie de l’exposition.

www.cca.qc.ca/xenakis

(c) La Scena Musicale 2002