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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 10 juillet 2010

Prix d’Europe : en route vers le deuxième centenaire

Par Roxana Pasca / 1 juillet 2010


Version Flash ici.

L’Académie de musique du Québec a été créée en 1870 par décret de la reine Victoria. Le but de cette académie était de promouvoir et de soutenir l’univers musical québécois. En 1911, par décret du premier ministre Lomer Gouin, on créa le Prix d’Europe, concours voué à soutenir la carrière d’un élément, si ce n’est du plus talentueux, de la relève musicale. Cette même année, la bourse d’études d’une valeur de 25 000 $ pour d’éventuelles études en Europe fut gagnée par la pianiste Clotilde Coulombe.

En 1915, le Prix d’Europe fut décerné à un dénommé Wilfrid Pelletier. Ce dernier allait devenir le chef principal au Metropolitan Opera de New York où, pendant 28 ans, il partagea le pupitre avec le grand Arturo Toscanini. Wilfrid Pelletier fut également un des moteurs de la création de l’Orchestre symphonique de Montréal, institution qui vient de fêter, il y a un an, son 75e anniversaire.

En 1934, ce fut Georges Lindsay, organiste, qui gagna le Prix d’Europe. Bien que les détails de sa future carrière restent assez mal connus, nous savons toutefois qu’un jeune garçon l’assistait dans tous ses concerts. Ce même jeune homme créa, un cinquantaine d’années plus tard, le plus important festival international de musique classique qui existe au Québec : le Festival international de Lanaudière. Il s’agit bien sûr du père Fernand Lindsay CSV.

Outre la bourse d’études de 25 000 $, le Prix d’Europe offre également, depuis 20 ans, une bourse de 4 000 $, le prix John Newmark, en hommage au grand pianiste du même nom. Les deux premières éditions de ce prix furent gagnées par un jeune pianiste, Alex Benjamin, qui se trouve aujourd’hui à la tête de la direction musicale du Festival de Lanaudière.

En 1958, la lauréate du Prix d’Europe fut Lise Boucher, qui connut une carrière fructueuse, non seulement comme pianiste, mais également comme pédagogue au Conservatoire de musique de Montréal. Aujourd’hui, cette dernière est vice-présidente de l’Académie de musique du Québec et responsable du concours Prix d’Europe, pour lequel elle se dévoue corps et âme.

En 1961, c’est le compositeur Jacques Hétu qui se vit décerner la bourse d’études. Bien qu’il nous ait quittés au début de cette année, le compositeur des Abîmes du rêve restera dans nos mémoires comme étant l’un des plus grands compositeurs québécois, dont le répertoire compte plus de 80 œuvres.

En 1962, Collette Boky fut la lauréate de ce prix. S’ensuit alors une immense carrière de chanteuse d’opéra sur les plus grandes scènes du monde, allant de la Scala de Milan au Metropolitan Opera de New York.

En 1979, ce fut le tour de Chantal Juillet de recevoir la bourse d’études. Cette dernière est présentement une des plus grandes violonistes du monde. On la retrouve notamment sur étiquette EMI dans un coffret qui réunit les plus grands violonistes de notre temps.

Plus près de chez nous maintenant, Wonny Song (piano) remporta le Prix d’Europe en 2003, Caroline Chéhadé (violon) en 2007, Valérie Milot (harpe) en 2008, Marie-Ève Poupart (violon) en 2009 et Tristan Longval-Gagné (piano) cette année.

Il ne fait aucun doute qu’ils furent nombreux, parmi les gagnants du Prix d’Europe, à marquer l’univers musical québécois et international. Il ne serait pas exagéré de dire que ce prestigieux concours a fait l’histoire musicale du Québec de 1911 à nos jours, que ce véritable joyau du patrimoine québécois fait partie de notre culture, de notre identité. « Aujourd’hui, on parle régulièrement d’identité. Mais une identité, on ne l’invente pas, elle existe. Tout ce qu’il faut, c’est être sensible, l’observer, la soutenir, la promouvoir », dit Michel Buruiana, président du comité d’honneur de l’Académie de musique du Québec et conseiller du Prix d’Europe.

Retracer véritablement l’histoire du Prix d’Europe et de ses lauréats demanderait beaucoup plus que cette brève énumération. C’est pour cette raison que, outre le projet d’album photo souvenir et celui du documentaire, Jean Laurendeau (clarinettiste, ondiste et membre du dernier jury du Prix d’Europe) est en train de préparer un livre sur ce prestigieux concours. Cet ouvrage sortira en 2011, année du 100e anniversaire du Prix d’Europe.

Une véritable restructuration

Pour le deuxième centenaire du Prix d’Europe, Lise Boucher et Michel Buruiana ont annoncé une restructuration complète de l’Académie de musique du Québec et du Prix d’Europe.

Cette grande restructuration commence, tout d’abord, par la promotion du concours. « On a formé un comité d’honneur composé de grandes personnalités venant de tous les milieux, affirme Michel Buruiana. Ce sont là des gens qui croient profondément en la mission du prix d’Europe. » En effet, outre le président, Michel Buruiana, et la vice-présidente, Danielle Blouin (présidente, Raoul Blouin Ltée), nous retrouvons dans ce comité Alex Benjamin (directeur artistique du Festival de Lanaudière), M. M. Ciciovan (peintre de renom), Sylvain Guy (cinéaste), Luce Moreau (présidente-directrice générale de l’Orchestre Métropolitain), Me Adrian Popovici (avocat et professeur émérite de droit à l’Université de Montréal et à l’Université McGill), Pierre Noreau (président de l’Agence universitaire de la Francophonie) et des grands de la musique comme Kenneth Gilbert (claveciniste et professeur au Conservatoire national supérieur de Paris), Hélène Mercier (pianiste), Marc Durand (pianiste et professeur titulaire à l’Université de Montréal), Nicole Lorange (soprano) et André Gagnon (pianiste et compositeur).

Afin de promouvoir le Prix d’Europe, les organisateurs ont également décidé qu’il y aura, chaque année, une ou deux grandes personnalités invitées à faire partie du jury. Cela permettra de faire connaître le talent d’ici et éventuellement de le faire briller aux quatre coins du monde. « C’est une manière d’atteindre plusieurs buts avec toujours une même envie, celle d’aider la jeunesse, de la promouvoir et faire en sorte que les rêves deviennent réalité », dit Michel Buruiana. Lise Boucher, qui partage les idées de son conseiller, souhaite également que le concours ait plus de participants : « Voilà ce que je souhaite pour le deuxième centenaire du Prix d’Europe : qu’il soit plus connu et qu’il y ait plus de jeunes qui viennent se présenter au concours », affirme-elle.

Pour souligner le 100e anniversaire du Prix d’Europe, ses organisateurs souhaitent également augmenter le montant de la bourse accordée. « En 1911, le prix a été créé afin de soutenir les études d’un jeune talent québécois en Europe. Aujourd’hui, il est très difficile de pouvoir étudier pendant deux ans en Europe avec 25 000 $ », dit Michel Buruiana. Et c’est grâce à la Banque Toronto Dominion que le Prix d’Europe peut faire un saut si important. Cette dernière a permis au concours de créer quatre nouveaux prix, chacun d’une valeur de 5 000 $. « Maintenant que le nombre de participants est plus élevé, il devient difficile pour notre jury de comparer entre des pianistes, des instrumentistes et des chanteurs, explique Lise Boucher. C’est pour cette raison que le Prix d’Europe a décidé de créer quatre catégories : le clavier, le chant, les cordes et les vents. » Donc, pour le deuxième centenaire de ce prestigieux concours, la manière de juger les candidats sera modifiée et les prix augmentés.

Outre ces grandes restructurations et bonifications, les organisateurs on également décidé de créer un prix de journalisme, profil musique, en hommage au légendaire critique de La Presse Claude Gingras. « Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, M. Gingras a accompagné l’univers musical québécois et canadien au delà de cinquante ans, la moitié du prix d’Europe, affirme Michel Buruiana. M. Gingras fut, comme nul autre, le chroniqueur de son époque, les yeux, les oreilles et la voix de son époque. » Ce nouveau prix va primer trois genres d’articles : information musicale, chronique musicale et critique musicale.

Le deuxième centenaire du prestigieux Prix d’Europe promet de belles surprises grâce à l’implication et au dévouement de ses organisateurs. Ces derniers travaillent corps et âme pour redonner un souffle de renouveau, de perfectionnement et de force à ce concours, véritable joyau du patrimoine et de la culture du Québec.


Les gagnants 2010

Le dimanche 13 juin s’est tenue, à la salle Claude-Champagne de l’Université de Montréal, la 99e cérémonie de proclamation des lauréats du prestigieux concours Prix d’Europe. Les auditions, qui ont eu lieu à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, se sont déroulées du 8 au 11 juin et ont accueilli une vingtaine de jeunes musiciens québécois. Outre Marie Daveluy, Jean Laurendeau et Marcel Saint-Cyr, le jury de cette année comprenait également deux juges étrangers : le chef d’orchestre roumain Gheorghe Costin ainsi que la pianiste de renom Evelyne Brancart.

Après le concert, ce fut la remise des prix de cette année. Le prix du Centre de musique canadienne fut remis à Olivier Hébert-Bouchard (piano), le prix Claire Charbonneau-Clerk fut remis à Jean-Sébastien Lévesque (piano), le prix Guy Soucie fut remis à Matthieu Latreille (orgue), le prix Béatrice Kennedy-Bourbeau fut remis à Andreas Stoltzfus (trompette), le prix TD Canada Trust fut remis à Laurent Deleuil-Millette (chant) et le prix John Newmark fut remis à Isabelle Tardif (percussion). Le Prix d’Europe, c’est-à-dire la bourse d’études de 25 000 $ attribuée par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec, fut remis au pianiste Tristan Longval-Gagné.

(c) La Scena Musicale 2002