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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 10

CMIM : Benjamin Beilman

Par Renée Banville / 1 juillet 2010


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Dès sa première apparition en quart de finale, le prodige américain d’à peine 20 ans a montré qu’il possédait cette étincelle qui produit les grands artistes. En plus d’une solide technique, d’une musicalité et d’une maturité impressionnantes, il possède une incroyable assurance pour un jeune musicien. Ces qualités ne se sont pas démenties en finale, alors que le jury du Concours Musical International de Montréal (CMIM) reconnaissait le talent exceptionnel de ce violoniste en lui accordant le Premier Prix. L’assurance avec laquelle il a interprété le Concerto de Sibelius en finale donnait au public l’impression d’entendre un violoniste chevronné. Le public a salué par une ovation monstre celui que le critique du Devoir Christophe Huss a appelé « l’ange musical de la compétition ».

Le lendemain de la finale, encore sous l’émotion, Benjamin Beilman considère comme un honneur d’avoir été sur scène avec des finalistes de si haut niveau. Chaussé de petites lunettes noires accentuant son air sérieux, il dégage en entrevue cette même tranquille aisance qu’il a démontrée depuis le début du concours. Il se dit envahi de bonheur, d’autant plus qu’il a failli ne pas arriver à temps pour le concours. Un vol retardé au départ lui a fait rater sa correspondance pour Montréal. C’est grâce à un passager généreux qui lui a cédé sa place qu’il a pu finalement se rendre à destination. Un signe du destin ? Les candidats étant logés dans des familles d’accueil, Benjamin a eu le privilège de se trouver dans un environnement calme avec une hôtesse dynamique et compréhensive qu’il appelle affectueusement sa « host mom ». Pour se détendre, il faisait de longues promenades avec le petit chien de la maison qui l’a pris en affection.

Un début de carrière fulgurant

Amateurs de musique sans être musiciens, les parents de Benjamin ont inscrit leurs deux enfants en musique afin d’ajouter un complément à leur formation générale. De deux ans l’aînée, Elizabeth a commencé l’étude du violon à cinq ans. Assistant aux leçons de sa sœur, Benjamin fredonnait ensuite ce qu’il avait entendu. Dès l’âge de cinq ans, il voulut l’imiter et fut à son tour initié au violon à l’école Suzuki d’Atlanta où il habitait. De 2002 à 2007, il étudia avec Almita et Roland Vamos au Music Institute de Chicago. Actuellement résident de Philadelphie, il poursuit ses études avec Ida Kavafian au Curtis Institute of Music où il est chef d’attaque des seconds violons du Curtis Symphony Orchestra. Benjamin Beilman a été lauréat de plusieurs concours aux États-Unis, dont deux en 2009 où il a obtenu le Premier Prix : Corpus Christi International Competition et Schmidbauer International Young Artist Competition. Malgré son jeune âge, il possède déjà une vaste expérience, autant comme soliste que comme chambriste. Il a été soliste invité de plusieurs orchestres, dont le Philadelphia Orchestra. Il se produit au festival de Marlboro depuis l’âge de 17 ans.

Un premier grand concours

Malgré une feuille de route impressionnante, le CMIM est le premier grand concours international pour Benjamin Beilman. L’aplomb qu’il affiche sur scène n’a pas toujours été aussi évident. Il a appris de son professeur à ne pas lutter contre le stress, mais à le laisser venir et à le transformer en énergie pour l’aider à se propulser. Se préparer mentalement et physiquement à trois épreuves musicales différentes était pour lui une nouvelle expérience. Avant une épreuve, il aime écouter de la musique de chambre, particulièrement Brahms, Dvorák et Schubert, interprétée par le Quatuor Guarneri, son quatuor favori. La profondeur de cet ensemble et son approche musicale le touchent au plus haut point. C’est ce son qu’il conserve à l’esprit avant d’entrer en scène. Un son qu’il continue de peaufiner avec son instrument dont il est particulièrement fier. Du maître luthier napolitain Antonio Gagliano, le violon (1790 ?) est entre les mains de Benjamin grâce à un emprunt et au soutien financier de ses parents. Il a mis du temps avant de se faire l’oreille à la puissance et à la sonorité unique de ce violon. Après deux ans, il commence seulement à tirer tout le potentiel de ce magnifique instrument. Il lui reconnaît un son riche, particulièrement dans le registre grave, mais il lui reste à obtenir le timbre qu’il recherche dans l’aigu. Profondément attaché à son violon, il lui a donné le nom de Francesca, « un prénom féminin qui lui va bien », dit-il.

Au sujet des œuvres interprétées, Benjamin Beilman porte une affection particulière à la sonate en sol majeur de Beethoven qu’il a jouée en demi-finale, une sonate qui passe d’une remarquable subtilité à une explosion d’émotions. Il considère l’œuvre canadienne imposée cette année, One for Solitude de Kelly-Marie-Murphy, comme une création imposante. Les violonistes Kremer, Grumiaux, Oïstrakh, Milstein et Ehnes sont ses préférés, de même qu’Augustin Hadelich, une étoile montante qui est aussi son ami.

Un avenir prometteur

Benjamin Beilman ne s’attendait pas à remporter cet important concours. Réfléchissant à son proche avenir, il remet maintenant en question ses projets pour l’automne, dont le concours international de violon d’Indianapolis en septembre. Il lui semble difficile de s’engager si tôt dans un autre grand concours. Il veut d’abord se donner un temps de réflexion et discuter avec son professeur avant de prendre une décision. Mais quelles que soient les avenues qui s’offrent à ce talentueux violoniste, elles devraient mener à une carrière internationale florissante. On se réjouit que Montréal ait participé à la découverte de cet artiste prodigieux qu’on souhaite revoir souvent sur nos scènes.

Une nouveauté cette année : toutes les épreuves (quart de finale, demi-finale et finale) ont été diffusées en audio-vidéo sur Espace classique et sont disponibles pendant un an au www.radio-canada.ca/Espace_Musique/cmim2010


(c) La Scena Musicale 2002