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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 1

Au service de la musique et du texte

Par Lucie Renaud / 1 septembre 2009


Pianiste collaborateur recherché, répétiteur vocal, chef assistant au Bayerische Staatsoper de Munich et à La Scala de Milan, Massimiliano Muralli ne fait rien à moitié. Mû par une recherche de l’excellence, il aborde avec une même fougue la création d’œuvres contemporaines au piano – notamment de Kagel et Berio – la direction d’orchestre ou la transmission des beautés du répertoire à la jeune génération. Lors de sa présence au Festival de Knowlton, il a pris quelques instants pour nous entretenir des défis liés au monde lyrique.

En séance de travail avec les chanteurs, il insiste avant toute chose sur le respect du texte : « Au cours des 10 dernières années, j’ai remarqué que les chanteurs s’inquiètent constamment de leur sonorité, de l’ampleur de leur voix, mais très souvent, ils ne comprennent pas ce qu’ils chantent. Vous avez une histoire à raconter et tant de façons différentes de le faire. Il est essentiel de comprendre pourquoi un compositeur et un librettiste ont choisi un mot en particulier. Était-ce pour sa sonorité, parce qu’il comprenait plus de consonnes, à cause de l’inflexion particulière d’une syllabe ? Vous devez aussi saisir le phrasé et comment les émotions étaient transmises à une époque donnée. Bien sûr, la musique doit rester vivante, elle n’est pas un objet de musée. Pourtant, te amo ne veut pas dire la même chose quand Mozart le dit ou Bellini. » Il raconte en souriant l’histoire d’un ténor célèbre qui avait transformé les incises de Mozart en longues phrases, chantées d’un seul souffle. « Je l’ai arrêté et lui ai dit: “C’est superbe, mais ce n’est pas ça !” Il m’a répondu : “Mozart est mort depuis longtemps, je fais ce que je veux !” Il vous reste ensuite à le convaincre… »

De pianiste à chef, il a grimpé les échelons un par un, au gré des hasards de la vie. Recommandé par un ami pour se joindre à l’orchestre du Maggio Musicale Fiorentino, il s’est peu à peu pris au jeu de décortiquer les techniques des différents chefs invités. Si ses premières expériences du genre ont été supervisées par Zubin Mehta, il a aussi étudié avec Sergiu Celibidache et Piero Bellugi, en plus de travailler avec Kent Nagano, Lorin Maazel, Riccardo Muti ou Semyon Bichkov. « En tant que chef, vous avez une responsabilité énorme : une erreur et 100 personnes plongent dans le néant avec vous ! Vous devez savoir ce que vous souhaitez transmettre, pas seulement parce que vous l’avez lu dans un livre. Que signifie une partition mais surtout, que signifie-t-elle pour le public d’aujourd’hui ? La meilleure expérience vient du travail effectué dans les théâtres, à comprendre ce qui fonctionne et surtout, ce qui ne fonctionne pas. Bien sûr, je me sens plus à l’aise aujourd’hui, mais vous avez besoin de travailler constamment, il n’y a jamais de répit. »

Il espère voir l’univers de l’opéra amorcer un virage important dans les années qui viennent et s’inquiète de ce que le vedettariat et la volonté constante de découvrir la prochaine voix nuisent à l’art lyrique. Il regrette que certains chanteurs ne puissent saisir leur chance, pour une question de physique, de mise en marché. « J’espère que dans cinq ans, nous reverrons nos priorités. »

(c) La Scena Musicale