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La Scena Musicale - Vol. 15, No. 1

Critiques / Reviews

September 1, 2009


Politique de critique: Nous présentons ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique ne constitue pas un jugement négatif.

Review Policy: While we review all the best CDs we get, we don’t always receive every new release available. Therefore, if a new recording is not covered in the print version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior.





indispensable/a must!
excellent/excellent
très bon/very good
bon/good
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< 10 $
11–20 $
21–30 $
 > 20 $
 > 41 $
Critiques/Reviewers
NB
RB
FC
EC
BD
AL
PER
CR
JKS
Critiques/Reviewers
Normand Babin
René Bricault
Frédéric Cardin
Éric Champagne
Bruno Deschênes
Alexandre Lazaridès
Paul E. Robinson
Camille Rondeau
Joseph K. So

Musique vocale

Carmina Burana: Codex Buranus Original Version
Clemencic Consort
Oehms OC 635 (71 min 58 s)
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C’est le Clemencic Consort qui a jeté les bases de l’interprétation de la musique médiévale profane telle qu’on l’a connue dans le dernier quart du XXe siècle, notamment avec son excellent enregistrement de 1974 de la version originale des Carmina Burana. Ce disque, encore disponible chez Harmonia Mundi, proposait un traitement populaire, festif et par moments humoristique de l’œuvre – compilation de mélodies variées aux textes licencieux, contestataires ou lyriques tirées d’un manuscrit bavarois du XIIIe siècle. La nouvelle version proposée récemment – près de 35 ans plus tard – par le même ensemble dirigé par le même chef regroupe encore plus de chansons que la première. Elle a aussi l’avantage considérable d’offrir les traductions des textes, qui manquaient cruellement à la précédente; pour apprécier l’originalité de cette poésie et l’imagination dont font preuve les interprètes pour la mettre en valeur, il faut en comprendre le sens. Si le Consort est resté fidèle à sa conception d’origine, les contrastes sont ici encore plus accusés, l’audace encore plus poussée et les musiciens plus assurés, cela sans que l’exécution perde de son coloris brut ou de sa spontanéité. Le mélomane qui ne posséderait qu’un seul disque de musique médiévale profane serait comblé par celui-ci.   CR

Handel: Samson
Thomas Cooley (Samson), Sophie Daneman (Dalila), Franziska Gottwald (Micah), William Berger (Manoa), Wolf Matthias Friedrich (Harapha), Michael Slattery; NDR Chor; Festspiel Orchester Göttingen/Nicholas McGegan
Carus 83.425 3 SACD (CD1: 60 min 9 s; CD2: 57 min 46 s; CD3: 49 min 17 s)
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Sans posséder les ressorts dramatiques des oratorios qui l’avaient précédé, Samson (1743) demeure une partition à connaître. La situation initiale – l’infortune de Samson, prisonnier des Philistins qui lui ont enlevé la vue et l’ont privé de sa force redoutable en lui coupant les cheveux – n’avance pas durant les deux premiers actes, malgré les confrontations de Samson avec son père Manoa, l’épouse traîtresse Dalila ou le fier-à-bras Harapha et les invocations de l’Israélite Micah. Les nombreux récitatifs ne pallient pas ce manque de rebond dramatique, d’autant plus qu’ils sont le maillon faible de l’interprétation, mais la beauté des chœurs y supplée. Au troisième acte, avec la mort de Samson rapportée par un messager, le ton côtoie le grandiose. Le plateau vocal est dominé par Thomas Cooley (magnifique « Torments, alas ! ») et Franziska Gottwald (sublime dans « Return, Oh God of hosts ! »), alors que Sophie Daneman, à la voix pure mais mince, ne réussit pas à rendre la duplicité de Dalila. Sous la baguette active de McGegan, l’orchestre maintient l’élan de bout en bout. AL

L’accordéoniste
Kimberly Barber, mezzo-soprano; Peter Tiefenbach, piano; Mary-Lou Vetere, accordion; The New Berlin Ensemble (Julie Baumgartel, violin; Paul Pulford, cello; Carol Bauman, percussion)
ACCCD09 (59 min 16 s)
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The album title, L’accordéoniste, comes from one of the songs on the disc immortalized by the great Edith Piaf. It is also the name of this new Canadian group of several very talented classical artists. It may seem a little surprising that, given her purely classical training, mezzo Kimberly Barber, a noted Octavian, Komponist, Xerxes and Regina, has chosen French and German cabaret songs of Weill, Hollaender, Eisler and Bienert for her new project. An artist of great artistic range, Barber delivers these songs idiomatically and fearlessly, without operatic artifice, her attention to textual nuance exemplary. Nor is she afraid to dip into chest voice, so essential in these songs. I particularly like her gritty and world-weary delivery of “Was bekam des Soldaten Weib?” It reminds me so much of Teresa Stratas’ version in her The Unknown Kurt Weill album back in 1981 – even their timbres are similar. Also delicious is “Je cherche un millionaire”, and of course “La Vie en Rose”, which ends the disc. The inimitable Peter Tiefenbach contributes not just his pianistic expertise but also the occasional vocals. Accordionist Mary-Lou Vetere shows off her virtuoso playing in several solo numbers. The recorded sound is clear and warm, with a welcome sense of immediacy.   JKS

Vivaldi, Pergolesi, Bach
Daniel Taylor, contre-ténor; Emma Kirkby, soprano; Theatre of Early Music
BISSACD-1546 (74 min 50 s)
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Il faut une certaine patience pour aller jusqu’au bout de cet enregistrement sur lequel pèse une grisaille sonore considérée sans doute par d’aucuns comme un équivalent de recueillement spirituel. Les cordes du Theatre of Early Music ne semblent pas rechercher l’alchimie sonore; les instruments coexistent sans fusionner; tout comme les couleurs, les variations dynamiques sont curieusement réduites et les phrasés souvent alanguis dans le Stabat Mater de Vivaldi et le Salve Regina en fa mineur de Pergolèse. Par bonheur, le paysage change avec le Psaume 51, « Tilge, Höchster, meine Sünden », BWV 1083, de Bach, qui est en fait une transcription assez libre du Stabat Mater de Pergolèse. Doit-on en remercier les effectifs différents, passés en studio un an après les deux enregistrements précédents ? Une certaine animation s’empare ici de l’ensemble et c’est avec intérêt qu’on découvre cette composition encore peu connue du cantor de Leipzig. Quant aux solistes, s’ils éprouvent de la ferveur, ils parviennent rarement à la communiquer.   AL

Webern: Vocal and Orchestral Works
Tony Arnold, Claire Booth, soprano; David Wilson-Johnson, basse; Simon Joly Chorale; Twentieth Century Classics Ensemble; Philharmonia Orchestra/Robert Craft
Naxos 8.557531 (79 min 32 s)
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Parfois, la conception générale que se fait un chef de la musique d’un compositeur le met sur une fausse piste. Dans ce disque, c’est un pointilliste coloré et accessible que Craft fait émerger en Webern. Cela donne par moments d’excellents résultats, comme dans les Lieder (dont le superbe op. 19) ou les Variations op. 30. L’originale orchestration du Ricercare de Bach, par contre, est une demi-réussite: Craft fait certes ressortir les jeux formels et l’intimité recherchés par Webern, mais au prix d’une certaine intensité. Quant à l’op. 5, œuvre « expressionniste » s’il en est, elle défile sans vigueur, avec des tempos assez lents, des dynamiques aplaties, des col legno battuto inégaux. En bout de ligne, on ne peut cependant manquer de souligner cet important ajout à la trop maigre discographie webernienne, qui fera grand plaisir aux amateurs.  RB

Musique instrumentale

Beethoven: Symphonies 2 & 6
Royal Flemish Philharmonic/Philippe Herreweghe
PentaTone Classics PTC 5186 314 (72 min 59 s)
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Après une Missa Solemnis qui, en 1995, avait frappé les esprits par la sonorité claire et les textures inattendues apportées par les instruments d’époque de l’Orchestre des Champs-Élysées, Philippe Herreweghe enregistre avec le Royal Flemish Philharmonic une intégrale des symphonies de Beethoven. Malgré une réelle énergie et un souci évident de respect du texte, ce quatrième disque, consacré aux deuxième et sixième symphonies, déçoit. L’enregistrement un peu fade montre qu’il ne suffit pas de soulager une interprétation du début du XIXe siècle de l’enflure romantique que deux siècles lui ont conférée pour faire de la musique intéressante. On a demandé ici à une formation d’instruments modernes d’adopter une esthétique d’époque. Or, il semble que les musiciens, privés de leur vibrato et de leur « musicalité » habituels, ne trouvent plus les moyens de modeler une phrase, de nourrir un son ou d’insuffler une vie intérieure à un mouvement. On ne peut que soupirer après la fraîcheur de l’Orchestre des Champs-Élysées, et regretter un disque qui risque de conforter dans leur opinion les gens qui soutiennent qu’une approche historique enlève toute vie, spontanéité et saveur à une interprétation.   CR

Crime Music: Bernard HerrmannRevisited
Ensemble Ulysse/Antoine Bustros
Disques XXI XXI-CD 2 1644 (52 min 38 s)

Né au Caire, Antoine Bustros vit à Montréal. Il a étudié à l’Université McGill et pris des cours particuliers auprès d’Elmer Bernstein. Sa fréquentation du jazz et de la musique contemporaine l’a manifestement bien préparé à réaliser ces arrangements pour orchestre de chambre de la musique de Bernard Herrmann. Le travail de Bustros est d’autant plus notable qu’il a fait œuvre d’archéologie musicale en tirant ces œuvres de l’ombre. Retrouvées dans de vieux cartons jaunis et rédigées de la main du maître, les partitions des six suites composées en 1953 et 1954 pour une série radiophonique intitulée Crime Classics sont typiques du style de Herrmann: orchestrations savantes et remarquablement colorées baignant dans des atmosphères mystérieuses. Les arrangements de Bustros respectent l’aspect évocateur des commentaires musicaux de Herrmann, élément essentiel pour transmettre la puissance émotive des sous-textes originaux et franchement géniaux que cet homme hors du commun savait créer. Peu de compositeurs ont élevé la musique « cinématographique » à un tel degré de raffinement. La célébrissime suite Psycho, quant à elle, bénéficie d’un traitement de chambre qui rehausse sa brillante modernité. Les musiciens de l’ensemble Ulysse sont tout à fait à la hauteur de la tâche.  FC

Evgeny Kissin: Prokofiev Piano Concertos 2 & 3
Evgeny Kissin, piano; Philarmonia Orchestra/Vladimir Ashkenazy
EMI 50999 2 64536 2 (61 min 48 s)
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Nous connaissions déjàKissin dans le jubilatoire Troisième Concerto de Prokofiev. Enregistré ici devant un public particulièrement discret, le pianiste étale toute sa maestria, démontant avec une facilité évidente tous les pièges de l’œuvre pour offrir à l’auditeur un moment de musique pure, belle et enjouée. Mais c’est l’hallucinante interprétation du Deuxième Concerto qui marque ce disque. Une œuvre sombre et angoissée, où Kissin produit le son noir et profond exigé. L’impitoyable solo de piano du premier mouvement donne des sueurs froides. Et le scherzo qui suit, où le pianiste se montre parfaitement indifférent aux défis techniques, laisse pantois. Seuls quelques petits accrocs à l’entente entre le soliste et l’orchestre nous rappellent qu’il s’agit d’un concert enregistré devant public.  NB

Nielsen: Symphony No. 4 ‘The Inextinguishable’/Symphony No. 5
Danish National Symphony Orchestra/Michael Schønwandt
Naxos 8.570739 (75 min 3 s)
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The Symphony No. 4 was written during World War I, and that probably explains the dueling timpani in the fourth movement. There is conflict in the score but overall this is life-affirming music. Schønwandt and his fine orchestra, capturing both the grandeur and the melancholy in the music, have given us one of the best recordings ever made of this magnificent score. There is detail, virtuosity and excitement. The resonance of the Danish Radio Concert Hall may be somewhat excessive but this music needs lots of reverberation. In Symphony No. 5, a snare drummer gone mad replaces the battling timpanists. Again, an exciting and beautiful performance. With this CD Schønwandt and the DNSO have completed their cycle of the six Nielsen symphonies. Terrific performances at a bargain price.   PER

Together: Music by Assad, Piazzolla, Bartok and Gershwin
New Century Chamber Orchestra/Nadja Salerno-Sonnenberg
NSS Music (59 min 57 s)
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Like all classical artists, violinist Nadja Salerno-Sonnenberg has fallen victim to the virtual collapse of the recording business. The big companies are mere shadows of their former selves and have neither the interest nor the resources to maintain a roster of artists such as NSS. But being the aggressive and imaginative person she is, NSS simply started her own record company. For good measure she also started her own chamber orchestra in Los Angeles. This excellent new CD bears the first fruits of these new enterprises. The orchestra plays at the same high level as its famous leader and obviously revels in the reper­ toire. Gidon Kremer has recorded a terrific version of Piazzolla’s Four Seasons of Buenos Aires for DVDbut there is certainly room for another one as good as this. There are quotations from Vivaldi and a lot of tango, as you might expect. The Brazilian composer Clarice Assad has written several works for NSS. The New Century Chamber Orchestracommissioned Impressions for Chamber Orchestra, which contains some Brazilian elements but is not folkloric in any sense – Assad has come up with some fresh ideas for string ­ orchestra. www.nssmusic.com, www.ncco.org   PER

Musique de chambre et solo

A Treasury of Russian Romantic Piano
Nadejda Vlaeva, piano
Music & Arts CD-1224 (1 h 17 min 02 s)
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Du début àla fin, ce CD tiendra en haleine l’auditeur le plus blasé. D’abord en raison de la brillante sélection des pièces, pour la plupart
mal connues, mais surtout grâce à la phénoménale intensité d’interprétation et à la foudroyante technique de Nadejda Vlaeva. Ayant travaillé avec le légendaire Lazar Bergman (cela s’entend !), cette pianiste hors norme nous convie à un récital idéal où tout est beau. La pièce la plus simple (écoutez les deux Rebikov) a droit au même traitement royal que les très complexes Medtner, Liapunov et compagnie. On voudrait tout retenir. Je réécouterai souvent la bouleversante interprétation de la Fantaisie op. 28 de Scriabine et serai reconnaissant à Nadejda Vlaeva de m’avoir fait découvrir la splendide Deuxième sonate op. 60 de Bortkiewicz, compositeur ukrainien dont le langage harmonique se situe quelque part entre Richard Strauss et Rachmaninov. Vlaeva défend cette musique avec une telle ardeur ! Le premier mouvement, qui ouvre le CD, emporte l’auditeur dans une tourmente qui ne se calmera qu’après le finale (Agitato), étonnant et victorieux dénouement d’un authentique drame musical. Si l’emballage et le titre du CD ne paient pas de mine, le contenu est exceptionnel. Un incontournable.  NB

Bartók/Schumann: Violin Sonatas
Gidon Kremer, violin; Martha Argerich, piano
EMI Classics 50999 6 93399 2 9 (CD1: 58 min 1 s; CD2: 48 min 47 s)
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C’est un récital donné à Berlin en 2006 que reproduit le présent enregistrement. Récital de choix qui met en présence deux grands noms du monde musical pour interpréter deux grands compositeurs, tantôt en solo, tantôt en tandem. De ce programme original émerge l’exigeante Sonate pour violon seul (1944) de Bartók, que Kremer conçoit comme un poèmedont le sommet émotif, qu’on dirait d’un autre monde, est sans conteste le troisième mouvement, Melodia. Composition plus extérieure et moins maîtrisée, la Première Sonate pour violon n’en demeure pas moins remarquable ici. En comparaison, la Deuxième Sonate pour violon de Schumann convainc moins; il est vrai qu’elle date de la dernière époque de la vie du compositeur, où son écriture était devenue évasive, difficile à cerner. La prise de son semble aussi quelque peu lointaine, le violon se laissant parfois submerger par le piano. Martha Argerich interprète les Kinderszenen de façon moins habitée qu’elle ne le fait chez Deutshe Grammophon.   AL

Brahms: The String Quintets
The Nash Ensemble
Onyx 4043 (55 min 40 s)
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Opter pour deux altos plutôt que deux violoncelles dans un quintette à cordes paraît contraire à toute logique, la ligne de basse devenant d’autant plus mince. Le Nash Ensemble ne réussit pas complètement à compenser ce relatif handicap (quand même approuvé par Brahms et Mozart). Le violoncelliste Watkins fait cependant un travail fort honnête dans les passages importants, dont le tout début de l’op. 111. La véritable force du quintette, outre son excellent jeu d’ensemble, réside dans sa capacité de faire ressortir la splendide légèreté de ces magnifiques partitions. Brahms y explore à fond l’harmonie post-romantique, tout en se surpassant d’un point de vue mélodique. Tout cela, les Nash le mettent en avant: accords bien équilibrés, dynamiques très larges (les pianissimi relèvent du miracle), voix qui toutes chantent; même le rythme casse-cou de la fin de l’op. 111 tranche comme du silex. Sans doute l’une des meilleures versions présentement disponibles.   RB

Ginastera String Quartets
Ensō Quartet; Lucy Shelton, soprano
Naxos 8.570780 (73 min 31 s)
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Les trois quatuors à cordes du compositeur argentin Alberto Ginastera couvrent l’ensemble de son parcours créateur et offrent une excellente opportunité de découvrir un univers musical fascinant. Le Quatuor no 1 (1948) est parsemé de références folkloristes et d’influences du pays, ce qui en fait une œuvre très agréable et divertissante. Son mouvement lent est d’ailleurs d’une touchante beauté. L’écho folkloriste est moins direct dans le Quatuor no 2 (1958), bien que manifeste dans certaines formules rythmiques et dans l’invention mélodique. Cette œuvre est nettement mieux maîtrisée que la première, portée qu’elle est par un souffle indéniablement argentin souligné de nouveau par la mélancolie du mouvement lent. Bien que plus contemporain dans son langage, le Quatuor no 3 (1973), avec soprano, est une œuvre envoûtante. D’esthétique néo-expressionniste, il a recours à des techniques d’écriture plus nouvelles qui n’amoindrissent en rien son potentiel expressif. La musique est ici entièrement au service des textes, créant des atmosphères dépouillées mais très évocatrices. Les musiciens du quatuor Ensō sont excellents. L’on sent chez eux un investissement total dans cette musique qui gagnerait à être entendue plus souvent !   EC

Ming: Music of Alice Ping Yee Ho
Beverley Johnson, percussions; Penderecki String Quartet; University of Toronto Percussion Ensemble
Centrediscs CMCCD 14409 (66 min 57 s)
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Originaire de Hong Kong, la compositrice Alice Ping Yee Ho habite et travaille à Toronto depuis 1982. Ses réalisations reflètent la dualité typique d’un héritage asiatique renouvelé par une perspective et une technique tout occidentales. Des quatre œuvres regroupées sur ce disque, trois font référence directement à la culture chinoise et japonaise, soit par le biais d’un mot évocateur (Kami, qui signifie en japonais esprits de la nature) ou d’un poème (Ming, un ancien poème chinois). Le résultat est très intéressant, la vitalité et l’énergie côtoyant la contemplation et le calme. Chaque œuvre révèle un univers sonore très accessible, avec ici et là des moments d’une rare beauté (le mouvement pour vibraphone de Forest Rain est un pur bijou). La percussionniste Beverley Johnson possède une solide technique et un sens musical très développé. Elle fait preuve d’une grande virtuosité dans les œuvres pour percussions seules Forest Rain et Ming. Elle est accompagnée par l’ensemble de percussions de l’Université de Toronto pour Kami, qui brille par sa vivacité et son exubérance, et par le quatuor à corde Penderecki pour Evolving Elements, une œuvre plus sobre et introspective. Une jolie découverte !   EC

Villa-Lobos: The Complete String Quartets
Cuarteto Latinoamericano
Dorian Sono Luminus DSL-90904 (6 CD: 6 h 29 min 56 s; 1 DVD)
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Tout comme Brilliant Classics, Dorian vient de mettre en coffret les Quatuors à cordes de Villa-Lobos, remastérisés pour l’occasion, que le Cuarteto Latinoamericano avait enregistrés entre 1995 et 2001. Un DVD d’accompagnement propose le Premier Quatuor et une entrevue avec les membres de l’ensemble mexicain, soit les trois frères Saúl, Arón et Alvaro Bitrán et l’altiste Javier Montiel. Leur complicité, fondée sur une longue collaboration (le Cuarteto a vu le jour en 1982), se manifeste dans la fluidité des échanges entre les instruments. Elle leur permet aussi de se jouer des complexités rythmiques qui parsèment ces œuvres–essayez le Scherzo: Vivace du Huitième Quatuor ! La composition des quatuors s’échelonne sur un peu moins d’un demi-siècle, de 1915 à 1957, en marge des courants européens que le compositeur brésilien semble avoir voulu réinventer à sa manière. Tous suivent le schéma en quatre mouvements à l’exception du premier, qui en compte six. Leur originalité tient à la place qu’ils font au folklore brésilien autant qu’au goût de l’innovation de Villa-Lobos. En dépit d’inégalités et de formules parfois faciles, c’est donc une véritable somme, et de rare qualité, qui nous est proposée dans cette intégrale. Elle soutiendra la comparaison avec celle de Chostakovitch. Notes de programme en anglais seulement.  AL

DVD

Dvořák: Rusalka
Renée Fleming, Larissa Diadkova, Sergei Larin, Franz Hawlata, Eva Urbanova, Michel Sénéchal; Orchestra and Chorus of the Opéra national de Paris/James Conlon. Stage Director: Robert Carsen
Arthaus Musik 107 031 (155 min)
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Le plateau vocal de cette captation vidéo, dominé par Renée Fleming et bien appuyé par le chef Conlon, défend avec conviction la très belle partition du plus célèbre opéra de Dvorák. Cela ne fait pas oublier les incongruités visuelles majeures de cette production. Astucieuse dans sa façon de départager le monde des humains de celui des ondins et des dryades, la scénographie n’en paraît pas moins laborieuse. De plus, elle est indifférente aux rapports entre le texte et les situations, péché mignon des spectacles en mal de modernité. La mise en scène est esclave d’effets artificiels de dédoublement en miroir. La nature dans laquelle baigne le fantastique est elle-même absente, tandis que le monde « civilisé » qui accueille Rusalka se réduit à une froide chambre à coucher dans une sorte d’hôtel deux étoiles; personnages et figurants vont et viennent sans raison dans ce lieu supposément intime. Les données du livret deviennent ainsi carrément absurdes, ce qui n’est pas sans déteindre sur le plaisir proprement musical de l’auditeur.   AL

Mahler: Symphony No. 1/Beethoven: Piano Concerto No. 3
Margarita Höhenrieder, piano; Staatskapelle Dresden/Fabio Luisi
Medici Arts DVD 2057718 (127 min)
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Without a doubt the Staatskapelle Dresden is the least known of the world’s great orchestras. Its main problem for many years was being behind the Iron Curtain. But it has a long and distinguished history and close connections with many important composers such as Wagner and Richard Strauss. Today it sounds as glorious as ever and under current music director Fabio Luisi it deserves to be ranked with the very best ensembles.
Fabio Luisi is not a household name either but on the evidence of his Mahler First he is an exceptional leader. Luisi looks like a schoolmaster and conducts with scholarly care through the first few minutes of the symphony. But then, without doing anything untoward, he starts to enliven his players and create some real excitement. It helps a lot that this concert was recorded at the Philharmonie im Gasteig in Munich. This hall is excellent, and you can really hear the richness of the string textures and the deep resonance of the percussion. This Mahler First is as good as any available on DVD.
This concert, recorded live April 9, 2008, features pianist Margarita Höhenrieder – a onetime student of Leon Fleisher – in a very good performance of Beethoven’s Piano Concerto No. 1.   PER

Tan Dun: Marco Polo
Charles Workman, Sarah Castle, Stephen Richardson, Nancy Allen Lundy, Zhang Jun, Netherlands Chamber Orchestra/Tan Dun
Stage Director: Pierre Audi
Opus Arte DVD OA 1010D (156 min)
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Marco Polo, which had its premiere in Munich in 1996, was Tan Dun’s first full-length opera. This performance, recorded last November in Amsterdam, is another in a fascinating East-meets-West series of works by a composer born in China but now living in the United States. Ostensibly, the opera is about the thirteenth-century Italian explorer’s trip to China, but the libretto by Paul Griffiths operates on many levels simultaneously. And that is the problem. The text, the action and the music seem to be working at cross-purposes. Marco Polo is played by two singers representing his inner and outer being, giving us a physical, spiritual and musical journey all at once. Much is made of ‘time-space’ and there are attempts to represent the seasons symbolically. Dante and Shakespeare make cameo appearances, and even Gustav Mahler appears on stage accompanied by an excerpt from Das Lied von der Erde. I must confess that I couldn’t make head or tail of what it was all about but the sets and costumes are fantastic, the singers extraordinary and Tan Dun’s music as evocative and exciting as ever.   PER

Wagner: Tristan und Isolde
Richard Decker (Tristan); Iordanka Derilova (Isolde); Alexandra Petersamer; Ulf Paulsen (Kurwenal); Marek Wojciechowski (King Marke); Anhaltische Philharmonie Dessau/Golo Berg; Director: Johannes Felsenstein
Arthaus Musik 101 325 (2 DVDs 224 min)
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Recorded live from the Anhaltisches Theater Dessau in 2007, this Tristan und Isolde proves you don’t need the so-called “A” house with unlimited budget to produce a viable – indeed enjoyable – Tristan. All you need is fine singing, intelligent direction, basic but atmospheric sets and committed orchestral playing and conducting. Unlike typical opera productions, the singers are in front of the orchestra, which is visible from the partially sunken pit. The singers don’t have to push to be heard. The stage is mostly bare except for a few suggestions of a ship in Act One and Stonehenge-like rock formations in Act Two. The backdrop is an evocative projection of the Irish Sea. The performance, well captured on video, is quite magical. It benefited from the intelligent direction of Johannes Felsenstein, who happens to be the son of the legendary Walter Felsenstein. Tristan is American heldentenor Richard Decker, who has built a very respectable career in the German heldentenor fach of Parsifal, Florestan, Walther von Stolzing, and Bacchus. He is an engaging and sympathetic Tristan and has the vocal stamina to do justice to the demanding Act Three delirium scene. Bulgarian Iordanka Derilova is a bright-voiced, youthful, and passionate Isolde. Svelte of figure with an expressive face, Derilova is not afraid to act with her body – her interactions with Decker generate sparks. While not a true dramatic soprano and though her pronounced vibrato may not be to everyone’s taste, she is on balance a very fine Isolde. The best singing comes from the King Marke of Marek Wojciechowski, whose rich, smooth, dark bass recalls the great Matti Salminen. Golo Berg leads the Anhaltische Philharmonie Dessau in a well-paced, lyrical performance. The video quality is fine, but the audio is occasionally uneven – near the beginning of the Act Two love duet, the voices suddenly recede into the background for no good reason. The accompanying booklet has the usual performance information, brief synopsis, and a short essay by Susanne Schultz, principal dramatic advisor of Theater Dessau. Unfortunately, there is nothing about the production itself, and no extra material on the DVD. Perhaps not a Tristan for the ages, but this is a highly enjoyable performance.   JKS

Livre

Musicophilia, la musique, le cerveau et nous
Oliver Sacks
Paris: Éditions du Seuil (474 p.)
ISBN: 9782020969765
Oliver Sacks est un neurologue américain très connu qui porte un intérêt particulier à la musique, étant lui-même musicien à ses heures. Avec ce best-seller, il trace un portrait des plus érudits du rapport entre le cerveau et la musique. Il étudie, entre autres choses, comment certains handicaps, accidents ou infirmités peuvent altérer la perception de la musique. Un grand nombre des phénomènes qu’il décrit ne sont pas connus du grand public. Il parle, par exemple, d’une personne qui s’est découvert un intérêt pour la musique après avoir été frappée par la foudre. Il observe que certaines maladies comme le syndrome de Williams accentuent l’attrait pour la musique. Ou encore, il cite ce musicien qui, à la suite d’une attaque cérébrale, a perdu la mémoire à court terme, mais rien de ses connaissances musicales. Sacks nous fait découvrir que la musique n’est pas qu’une digression dans l’évolution humaine, mais en fait partie intégrante.   BD

(c) La Scena Musicale