Brahms & les masses Par Camille Rondeau
/ 8 juillet 2009
« Quand, avec sa baguette magique,
il empruntera leur pouvoir à des masses puissantes, le chœur et l’orchestre,
alors attendons-nous à un aperçu encore plus merveilleux des mystères
du monde spirituel… »
C’est ainsi qu’en 1853, Robert
Schumann prédisait l’avenir glorieux d’un jeune compositeur d’à
peine vingt ans dont il avait entendu quelques lieder et des pièces
pour piano, Johannes Brahms.
Quatre ans plus tard, celui-ci
produisit sa première œuvre d’envergure, la Sérénade en
ré mineur, qu’il écrivit d’abord pour nonet avant de l’orchestrer.
Une autre Sérénade suivra en 1859. Entre-temps, il composa
son premier concerto pour piano, qu’il avait d’abord conçu comme
une symphonie et qu’il avait notée pour deux pianos. Or, l’utilisation
du piano s’imposa et l’œuvre fut orchestrée dans la forme qu’on
lui connaît aujourd’hui.
La symphonie initialement projetée
comprenait une marche funèbre qui fut alors abandonnée, mais que Brahms
reprit pour en faire le deuxième mouvement de ce qui allait devenir
l’une de ses plus grandes œuvres : Un requiem allemand, pour
chœur, orchestre et solistes. Le caractère œcuménique et humaniste
du livret, en plus d’une musique tout à fait exceptionnelle, en font
l’une des œuvres chorales du XIXe siècle les plus appréciées encore
aujourd’hui.
Parmi les nombreuses autres compositions
pour chœur, orchestre et solistes de Brahms, on compte quelques œuvres
composées de 1869 à 1871, dont la plus connue est la Rhapsodie
pour contralto. C’est aussi de cette époque que datent les orchestrations
qu’il fit de trois de ses célèbres Danses hongroises ainsi
que les Variations dites « sur un thème de Haydn », thème
dont l’authenticité est aujourd’hui fortement contestée.
Brahms travailla longuement à
sa première symphonie, créée en 1876; en effet, on en retrouve des
esquisses dès 1854. Une telle gestation est sans doute due à la pression
ressentie face aux attentes du public et des musiciens, très élevées
à l’égard d’une symphonie d’un compositeur qui avait déjà
produit plusieurs œuvres dans la lignée de Beethoven. On peut voir
un hommage à ce dernier dans le fait que la structure de la symphonie
de Brahms se rapproche de celle de la Cinquième
de son prédécesseur, tant par l’évolution tonale entre do mineur
et do majeur que par la grande ressemblance entre le thème du dernier
mouvement et l’Hymne à la joie.
Avec cette première symphonie,
il semble que Brahms ait acquis une meilleure confiance en son habileté
à traiter l’écriture orchestrale. C’est donc assez rapidement
que se succédèrent sa deuxième symphonie, qui connut un grand succès
dès sa création en 1877, sans doute parce que plus lumineuse et accessible
que la première, son concerto pour violon un an plus tard et les
Ouverture pour une fête académique et Ouverture tragique.
En 1881, l’ajout d’un scherzo à son second concerto pour piano
en fit l’une des œuvres concertantes du XIXe siècle formellement
les plus proches de la symphonie.
La troisième symphonie connut
un immense succès, et c’est peut-être encore aujourd’hui la plus
appréciée des quatre, le troisième mouvement, Poco allegretto,
étant sans doute l’une des mélodies les plus célèbres de Brahms.
La dernière symphonie est souvent considérée comme l’une de ses
œuvres les plus classiques, surtout en raison de la grande chaconne
du finale, basée sur une structure de huit mesures répétée trente-cinq
fois. Sa dernière œuvre orchestrale est le Double concerto,
pour violon et violoncelle.
Schumann avait donc vu juste; si
Brahms restera toujours l’un des plus grands maîtres des genres intimes,
ses œuvres à grand effectif, bien qu’elles demeurent toujours assez
conservatrices tant par leur forme que par leur orchestration, révèlent
un musicien extraordinaire, à l’instar du géant Beethoven qu’il
vénérait. n |
|