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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 7 April 2008

Gauguin et la musique contemporaine

by Laurier Rajotte / April 13, 2008


Le 14 mai prochain, l’Ensemble contemporain de Montréal (ECM) clôturera sa saison avec un concert inspiré de la célèbre toile de Gauguin au titre trois fois interrogatif et non moins existentiel, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Orchestré par Véronique Lacroix, directrice artistique de l’ECM, l’événement réunira les compositrices Melissa Hui, Analia Llugdar, Luna Woolf et Danielle P. Roger, la chorégraphe et met teure en scène Marie-Josée Chartier, l’artiste-sculpteure Lisette Lemieux, la conceptrice lumière Lucie Bazzo, le violoniste Jonathan Crow, la pianiste Jacynthe Riverin, le perlustrateur audio Michel F. Côté, l’improvisatrice Diane Labrosse ainsi que les 14 musiciens qui formeront l’ECM. Le concert a pour titre « Les Marquises », clin d’œil à cet archipel de la Polynésie française où Gauguin passa les dernières années de sa vie et au fait inhabituel de voir une équipe de création formée uniquement de femmes.

Des créations musicales et Charles Ives

Au programme des « Marquises » nous retrouvons 4 créations musicales de compositrices montréalaises et une œuvre du compositeur américain Charles Ives : D’où venons-nous ? (Hui); Que sommes-nous ? (Llugdar); Où allons-nous ? (Woolf); Who Knows ? (Roger); The Unanswered Question (Ives), composée en 1906. Ceci expliquant cela, les questions agiront en véritable leitmotiv tout au long de la soirée. « Dès le départ, les grandes lignes étaient tracées : les œuvres et questions de Gauguin et d’Ives allaient faire partie de l’événement », raconte Véronique Lacroix. La directrice souhaite amener la création au plus large public possible et, pour ce faire, elle a choisi de garder un lien avec de la matière connue. « Je veux que le public se rattache à quelque chose. La toile de Gauguin et la pièce d’Ives sont des chefs-d’œuvre aujourd’hui connus et reconnus, pour le reste, c’est le pari de la création. »

Paul Gauguin et « Les Marquises »

Peinte à Tahiti, en terre d’exil, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? représente le cycle de la vie et est considérée comme la plus grande œuvre du célèbre peintre. Hasards ou coïncidences, exil ou simple émigration, les quatre compositrices du concert « Les Marquises », qui résident aujourd’hui à Montréal, proviennent des quatre coins du globe : Chine, Argentine, États-Unis et Canada. « Ce n’était pas l’idée de base, mais cela a vite orienté la démarche, précise Mme Lacroix. La multiplicité dans le tableau qui emprunte plusieurs chemins pour décrire le cycle de la vie se rapportait bien au projet et aux origines diverses des compositrices. Mais on ne veut pas nécessairement s’associer à l’esthétique de Gauguin, c’était d’ailleurs la crainte de certaines compositrices. Après réflexion, nous avons toutes conclu qu’il s’agissait d’une œuvre qui à une certaine époque a ouvert les perspectives artistiques et qui ouvre encore à un questionnement philosophique toujours actuel. Pourquoi s’en priver ?! Nous étions toutes d’accord pour dire que le questionnement philosophique était suffisamment fort pour éviter les questions esthétiques associées à l’œuvre. »

L’ECM et les autres disciplines artistiques

C’est maintenant une tradition à l’ECM que d’organiser des concerts thématiques et de réunir différentes disciplines artistiques : danse, cinéma, arts visuels. « On fait un concert ensemble, mais on ne le fait pas seulement dans l’optique d’enchaîner une pièce après l’autre. On fait une proposition artistique complète incluant un aspect visuel, affirme Mme Lacroix. Les rencontres de création se font en compagnie et des compositrices et de la metteure en scène /chorégraphe. » Parmi les quatre créations musicales, une est consacrée à la danse et elle sera chorégraphiée par Marie-Josée Chartier, véritable artiste multidisciplinaire dont la réputation n’est plus à faire tant pour son travail avec la voix que pour ses créations avec les arts visuels.

« Il y a beaucoup d’occasions de faire un concert uniquement de musique, explique Véronique Lacroix. Lorsque j’ai créé mon ensemble, l’une de mes premières préoccupations était de tisser des liens entre la musique et les autres formes d’art. La musique doit être vivante à travers les autres arts. Je ne me sens pas engagée dans une mission, car cela va de soi. Réunir différentes formes d’art est un mode de vie pour plusieurs artistes. »

Toujours dans un but de rassembler les disciplines artistiques, le travail de l’artiste-sculpteure Lisette Lemieux prolongera le concept « Les Marquises » dans une dimension sculpturale. L’installation s’articulera autour de grands pans de tissu rugueux blancs dans lesquels seront découpées les trois phrases qui apparaissent dans le tableau de Gauguin et sur lesquels seront projetés des éclairages qui souligneront la rugosité des surfaces. Mme Lemieux enseigne les arts visuels à l’UQAM depuis 1979 et a déjà collaboré avec la chorégraphe Marie-Josée Chartier.

Et des interprètes

Une des grandes promesses des « Marquises » est certainement le choix des interprètes. D’abord, il y a Jonathan Crow. Célébré pour ses performances autant classiques que contemporaines, le jeune violoniste interprétera la partition de Lyna Woolf. Ensuite, il y a la solide pianiste Jacynthe Riverin qui interprétera la partition d’Analia Llugdar. Enfin, le très créatif duo Michel F. Côté et Dianne Labrosse, qui sait maîtriser le son dans l’espace et improviser des merveilles, interviendra dans la structure de Danielle P. Roger.

Une soirée de mai

Le concert « Les Marquises » est comme un grand tableau en plusieurs parties « et sans pause », précise-t-on. « Il ne faut pas s’attendre à quelque chose de précis, nous dit la directrice de l’ECM. Moi, je propose un contexte artistique vivant qui permet à qui sera présent ce soir-là d’attraper certaines choses, certains points de repères connus : la pièce de Charles Ives, le tableau de Gauguin, des personnalités musicales. Il m’est difficile de parler des moindres détails avant d’avoir vu toute la musique, mais c’est le défi de l’ECM : ici, c’est d’abord et avant tout de la création. »

Finalement, on constate que pour l’événement, l’accent est mis sur les questions à caractère existentiel énoncées dans le titre du tableau de Gauguin. « On voulait que les questions fassent partie du concert et, de là, chaque compositrice a reçu une question et c’est devenu d’une certaine façon le thème de sa pièce. Somme toute, il n’y a pas de prétention philosophique derrière ce concert, conclut Mme Lacroix. Le prétexte principal, c’est de pouvoir rencontrer des œuvres musicales nouvelles à partir de certains éléments connus afin de les situer et mieux les apprécier et de passer une bonne soirée. »

Les Marquises, Ensemble contemporain de Montréal

14 mai 2008, 19 h 30, salle Pierre-Mercure


(c) La Scena Musicale