Vers un nouvel âge d’or du cinema américain ? Par Jason Béliveau
/ 13 avril 2008
Le 23 mars 1998, 57 millions de
téléspectateurs regardent la soixante- dixième cérémonie des Oscars. C’est l’année du gigantesque et barbant Titanic de James Cameron, qui rafle onze statuettes et bat tous les records imaginables du box-office. Dix ans plus tard, le 24 février dernier, la diffusion de la cérémonie sur la chaîne ABC récolte les pires cotes d’écoute de toute son histoire : 32 millions de téléspectateurs. Plusieurs attribuent cette mauvaise performance à la grève des scénaristes qui se termina le 12 février et qui, pendant toute sa durée, risquait d’annuler la tenue de la cérémonie. Une absence de vedettes (Brad Pitt, Angelina Jolie) aurait aussi contribué à ces faibles cotes. D’autres par contre pointent du doigt les films en nomination, pour la plupart acclamés par la critique, mais ignorés des foules (au moment de l’écriture de ce texte, parmi les cinq longs métrages sélectionnés pour l’Oscar du meilleur film, seul Juno a dépassé le cap des 100 millions de dollars au box-office). Impossible de nier que cette année la plupart des films sélectionnés par l’Académie ne sont pas des films « populaires » ou à « grand public ». Les frères Coen nous ont proposé No Country For Old Men, western glauque, froid et teinté d’un humour existentiel à décontenancer un certain nombre de cinéphiles. Paul Thomas Anderson pour sa part a eu l’ambition d’un Welles et d’un Huston avec There Will Be Blood, titre qui a sûrement trompé les amateurs d’hémoglobine, mais qui résume adéquatement une fresque démesurée des ambitions de l’Amérique du début du 20e siècle. Deux autres films sélectionnés sont beaucoup plus classiques dans leur forme et dans leur contenu. Cette absence d’originalité ne dilue en rien de bonnes intentions (Michael Clayton) ou un certain classicisme contrôlé (Atonement). Reste que c’est loin d’être suffisant pour charmer l’Académie et un large auditoire. Seul Juno de Jason Reitman, le Little Miss Sunshine de l’année, a pu rallier une critique dithyrambique et conquérir un public important.
Sans vouloir associer une certaine
indifférence de ce public et un encensement de la critique à un gage
de qualité, impossible de nier que quantité de films esthétiquement
intéressants réalisés l’an dernier aux États-Unis sont souvent
passés inaperçus dans les salles de cinéma. La plupart de ces films
proviennent de jeunes réalisateurs au sommet de leur forme. On a qu’à
penser à David Fincher, avec son Zodiac cruellement oublié
par l’Académie cette année, à Paul Thomas Anderson avec There
Will be Blood ou à Todd Haynes avec I’m Not There. À
ces cinéastes s’ajoutent des acteurs piqués par le syndrome « Clint
Eastwood » et passant de l’autre côté de la caméra. Ben Affleck
a tourné son premier film, Gone Baby Gone, adapté d’un roman
de Paul Haggis (Mystic River) et Sean Penn nous est revenu avec
son quatrième long métrage, Into the Wild.
Cette recrudescence du film d’auteur
à l’intérieur du système de production hollywoodien n’est pas
sans rappeler l’époque du nouveau Hollywood des années 1970, où
une génération de cinéastes nourrie par le cinéma européen prit
d’assaut une industrie chancelante depuis l’avènement de la télévision.
On se retrouve aujourd’hui avec une troisième génération de cinéphiles/cinéastes,
génération issue du vidéoclip et de l’explosion du film indépendant.
Ces jeunes (être dans la trentaine ou la quarantaine dans le système
hollywoodien, c’est être très jeune) avaient démontré jusqu’à
présent un contrôle formel complet, le maniérisme obscurcissant parfois
le contenu. Mais depuis l’année dernière, plusieurs ont atteint
la maturité. Revenons à David Fincher et à son dernier film, Zodiac.
Fincher, l’hyperactif à la lentille stroboscopique (Fight Club,
Panic Room), opte cette fois-ci pour une réalisation très sobre,
laissant toute la place au récit et au jeu des acteurs (réminiscence
de son Seven, toutefois beaucoup plus surréel). Anderson s’est
aussi assagi depuis Magnolia et Boogie Nights (pour le
mieux, me permets-je d’ajouter). Peut-être qu’il a simplement appris
à contrôler ses tics nerveux.
Quant aux thèmes ou sujets de
ce nouveau cinéma, il est intéressant d’y voir une synthèse kaléidoscopique
du 20e siècle américain. Il est question de l’extraction du pétrole
au début du siècle (There Will Be Blood), de la vie d’une
des plus importantes figures musicales modernes, Bob Dylan (I’m
Not There), d’un des cas les plus célèbres de meurtres en série
et d’une psychose partagée (Zodiac) ou d’un retour à la
nature et aux mythes fondateurs des États-Unis (Into the Wild).
L’histoire nous l’apprend : une ambition dans les thèmes couplée
à une exécution irréprochable laisse sa marque. Il est facile d’imaginer
que la majorité de ces films risquent de s’insérer aisément dans
le canon cinématographique américain et qu’ils seront étudiés
dans dix ans dans les universités. Parlant de ce rapport au passé
cinématographique américain, on a entendu parler plus d’une fois,
à propos de There Will Be Blood, du Citizen Kane de notre
siècle. Sommes-nous témoins des balbutiements d’une nouvelle période
néoclassique ? Un travail s’effectue afin de se réapproprier les
mythes du pays de l’Oncle Sam. Parmi les plus récurrents, celui de
la conquête territoriale fut magistralement exploré sous un nouvel
angle (Into the Wild, There Will Be Blood). La nouvelle
génération, nostalgique d’une époque où le cinéma américain
était différent, respecté et respectable, risque de continuer cette
exploration d’un passé commun. Pendant que plusieurs cinémas mondiaux
regardent droit devant, le cinéma américain est toujours bien content
de se réconforter en se citant. Quand cela donne des films de la qualité
de ceux vus l’an dernier, qui s’en plaindra ? n
Films à venir
L’arrivée du printemps rime
avec l’arrivée des superproductions et, même si la saison se fait
tardive cette année, elle ne fera pas exception à la règle. Ne soyez
pas étonnés si cette sélection verse un peu dans l’adolescent ou
dans la puérilité; cette période de l’année est souvent la meilleure
occasion de retrouver
l’enfant en nous. Mais si les superhéros vous laissent de marbre,
vous pouvez toujours permettre aux vieux rockers de faire fondre la
neige avec leurs décibels.
SHINE A LIGHT
À l’affiche le 4 avril
Un autre documentaire musical pour
Martin Scorsese, cette fois-ci sur un concert des Rolling Stones au
Beacon Theater à New York, pendant la tournée pour leur album A
Bigger Bang. Besoin de références ? On se souviendra du documentaire
Last Waltz du même cinéaste, tourné en 1976, sur le dernier concert
du groupe The Band, ou de No Direction Home, sur la transformation
du Bob Dylan chansonnier folk en rock star. Les Stones, cadrés par
16 caméras et une impressionnante équipe technique, seront accompagnés
sur scène par plusieurs artistes invités, dont Jack White, Christina
Aguilera et le guitariste Buddy Guy. En se croisant les doigts pour
une présentation en format IMAX.
U2 3D
À l’affiche le 22 avril
Restons dans le documentaire musical.
Tourné en Amérique latine pendant la tournée Vertigo en 2006, U2
3D a la particularité d’être le premier concert filmé et projeté
grâce à une technologie numérique 3D. Qu’est-ce que cela signifie
? Une immersion incroyable pour tous les admirateurs du groupe irlandais,
reconnu pour ses concerts hautement pyrotechniques. Bono et The Edge
dans toute leur gloire tridimensionnelle, cela vous dit ? Douze pièces
sont jouées, dont les classiques Sunday Bloody Sunday, Where
the Streets Have No Name et One. Apparemment, l’effet est
réussi et accompagne parfaitement la performance.
IRON MAN
À l’affiche le 2 mai
Qu’est-ce qui sépare cette adaptation
de la bande dessinée de Marvel Comics de celles produites en chaîne
depuis 5 ans? Peut-être les noms au générique : le cinéaste Jon Favreau
(scénariste de Swingers), Robert Downey Jr., Gwyneth Paltrow,
Jeff Bridges et Samuel L. Jackson. Ou peut-être simplement le sujet :
l’industriel Tony Starks, fabricant d’armes pour le gouvernement
américain, est capturé en Afghanistan, où il est forcé de travailler
pour l’ennemi. C’est alors qu’il se construit une armure de métal
afin de s’échapper. On devine la suite : Starks devient Iron Man,
défenseur de la veuve et de l’orphelin. Reste à savoir si l’alcoolisme
du personnage, rappelant étrangement les déboires de Downey Jr., sera
abordé.
INDIANA JONES AND THE KINGDOM
OF THE CRYSTAL SKULL
À l’affiche le 22 mai
Harrison Ford revêt pour la quatrième
(et dernière ?) fois son fedora dans cet autre volet de la célèbre
série de films créée par Georges Lucas et Steven Spielberg. À noter
que l’archéologue maniant le fouet est apparu la dernière fois sur
nos écrans il y 19 ans. Peu d’information quant à l’histoire,
si ce n’est que l’action se déroule en 1957 et qu’un M. Jones
vieillissant devra combattre des agents de l’Union soviétique afin
d’obtenir un crâne de cristal. Est-ce suffisant pour mettre l’eau
à la bouche ? Spielberg affirme que les effets spéciaux de synthèse
seront maintenus à un minimum et que Ford, maintenant âgé de 64 ans,
a exécuté lui-même toutes ses cascades. Cate Blanchett, John Hurt,
Jim Broadbent et Ray Winstone partageront l’écran avec l’aventurier
globe-trotter. |
|