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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 7 April 2008

Critiques/Reviews

April 13, 2008


Politique de critique : Nous présentons ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique ne constitue pas un jugement négatif. Vous trouverez des critiques additionnelles sur notre site Web www.scena.org.

Review Policy: While we review all the best CDs we get, we don’t always receive every new release available. Therefore, if a new recording is not covered in the print version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.

HHHHHH indispensable / a must!

HHHHHI excellent / excellent

HHHHII très bon / very good

HHHIII bon / good

HHIIII passable / so-so

HIIIII mauvais / mediocre

$ < 10 $

$$ 10–15 $

$$$ 15–20 $

$$$$ > 20 $

Critiques / Reviewers

AL Alexandre Lazaridès

FB Francine Bélanger

JKS Joseph K. So

LPB Louis-Pierre Bergeron

PD Pierre Demers

PMB Pierre Marc Bellemare

PG Philippe Gervais

RB René Bricault

SH Stephen Habington

MUSIQUE VOCALE

Josquin : Missa Sine nomine et Missa Ad fugam

The Tallis Scholars/Peter Phillips

Gimell CDGIM039 (68 min 50 s)

HHHHHH $$$$

Dans le monde fascinant de la musique de la Renaissance, la parution d’un nouveau disque des Tallis Scholars constitue un événement en soi. Et pour cause : leur version des deux seules messes en canon de Josquin des Prés (une de jeunesse, l’autre de la maturité) frôle la perfection. Certains trouveront le résultat sonore quelque peu neutre, pour ne pas dire terne, mais la clarté et la subtilité qui ressortent de ce « défaut » sont exigées par la musique elle-même. L’intonation et l’équilibre des voix en bénéficient au point où l’on ne saurait demander mieux. Les chanteurs ont visiblement appris, sous Peter Phillips, à laisser leur ego de côté au profit de la partition – et des auditeurs ! L’ajout de deux révisions de mouvements attribués à Josquin stimule la curiosité et augmente le plaisir. RB

Guillaume Dufay : Missa Se la face ay pale

Diabolus in Musica/Antoine Guerber

Alpha 908 (67 min 5 s)

HHHHHH $$

Guerber nous convie à une expérience qui dépasse le simple domaine musical. Indépendamment des croyances religieuses de chacun, personne ne restera insensible à l’élévation spirituelle dégagée par une telle musique (surtout lorsqu’elle est aussi brillamment interprétée). Dufay est le plus grand compositeur du XVe siècle. Il n’a pas tant influencé les musiciens à venir que résumé toute la musique faite avant lui – celle du Moyen Âge – qu’il a portée à son pinacle. Sa messe est construite selon le principe du « cantus firmus » qui veut que les cinq parties de l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus) partagent une même source musicale – ici une chanson profane de Dufay intitulée Se la face ay pale (Thomas Binkley et son Studio der Frühen Musik ont donné une version remarquable de cette chanson sur l’album Adieu m’amour paru en 1975, réédité en CD en 1991, mais malheureusement aujourd’hui introuvable). Pour obtenir une messe complète, Guerber a rajouté à l’ordinaire le Propre du jour de la fête de la Trinité, un complément de programme comme on en pratiquait à l’époque de Dufay. Le choix de chanter a cappella se justifie par le fait que ni à la chapelle papale ni à la maîtrise de la cathédrale de Cambrai, lieux où œuvrait Dufay, l’orgue ou d’autres instruments n’étaient permis. Laissez-vous donc bercer par l’harmonie de ces huit voix d’homme et vous atteindrez un bien-être peu commun, une sérénité exquise. Quand la musique touche au mystique PD

Bach : Magnificat / Handel : Dixit dominus

Natalie Dessay; Karine Deshayes; Philippe Jaroussky; Toby Spence; Larent Naouri; Le Concert d’Astrée/Emmanuelle Haïm

Virgin Classics 00946395241 2 9 (56 min 6 s)

HHHHHI $$$

Leur latinité, leur contemporanéité, une certaine construction en boucle, leur durée équivalente, la large part accordée aux chœurs, l’absence de récitatifs : tout cela justifie amplement la juxtaposition discographique de ces deux oratorios. Le Magnificat débute joyeusement, tel un concerto brandebourgeois, mais retrouve vite la solennité caractéristique des œuvres sacrées du cantor de Leipzig. Sans atteindre les sommets architectoniques de la Messe en si ou de la Passion selon saint Matthieu, le Magnificat renferme des moments de pure grâce, comme le Quia respexit, où soprano et hautbois entretiennent un dialogue mélodique délicieux – ah ! le hautbois chez Bach ! Œuvre de jeunesse, Dixit dominus déborde d’une vitalité contagieuse. Inspiré par le psaume, Haendel a su exploiter au mieux les effectifs vocaux et orchestraux utilisés. Ce disque est une belle réussite. Fondé en 2000 par Emmanuelle Haïm, Le Concert d’Astrée a connu une progression fulgurante et figure aujourd’hui parmi les meilleurs orchestres baroques. De l’excellente équipe de solistes ici réunis, se distingue le contre-ténor Philippe Jaroussky et sa voix céleste. En insérant le CD dans son ordi, on peut, via Internet, accéder au club de Virgin Classics et EMI et avoir droit à des exclusivités, de la musique en ligne et autres privilèges. PD

Nova Voce : Chœur d’hommes

Nova Voce 2007-1 (58 min 14 s)

HHHHII $$$

Nova Voce est un nouveau venu dans le paysage choral canadien. Fondé en Nouvelle-Écosse il y a quatre ans, le « chœur d’hommes provincial » vient de lancer un premier album éponyme qui regroupe une sélection éclectique, tirée des grands succès de l’ensemble. On peut y trouver nombre de pièces rarement entendues, entre autres de beaux arrangements de chansons folkloriques des îles britanniques et des Maritimes.

Le tout manque cependant de variété. On croirait entendre dix fois la même chanson. Les pièces sont certes belles, mais presque toutes lentes; les harmonies sont riches, mais bien souvent prévisibles. Certaines ressortent néanmoins du lot, notamment Fogarty’s Cove du chanteur folkorique Stan Rogers ainsi que Shenandoah.

Bien qu’incapable de rivaliser avec les grands ensembles vocaux canadiens sur de nombreux aspects (justesse, puissance, diction, concision, etc.), Nova Voce se révèle d’une écoute agréable. L’enthousiasme que ces choristes insufflent à leur art est inspirant : ces hommes aiment profondément chanter ensemble, cela se sent et s’apprécie. Dans ces morceaux issus de leur terroir, ils atteignent par moments de touchants sommets d’intensité.

Le chœur d’hommes Nova Voce semble remporter un succès considérable dans la communauté néo-écossaise. Espérons que cet album contribue à le faire connaître ailleurs au pays et à l’étranger ! LPB

Richard Strauss: Songs of Love and Death

Hedwig Fassbender, mezzo-soprano; Hilko Dumno, piano

Naxos 8.570297 (61m 33s)

HHHIII $$

In the liner notes, Keith Anderson proclaims that “although Strauss wrote over 200 songs...barely a dozen are well known to the public.” Excuse me? Of the 22 songs on this disc alone, at least 15 have been recorded many times over and appear regularly in recital programs, and that’s not counting the magnificent Vier letzte Lieder! Perhaps this is nitpicky, but this is the first time I’ve come across the term “Songs of Love and Death” referring to something other than Isolde’s “Liebestod”. The singer on this disc is German mezzo Hedwig Fassbender, who has had a respectable European career, mostly in France and Germany. I know her voice well as Mother Marie in the Strasbourg Les dialogues des Carmélites, and in Wagner. She is a good singer – musical, sensitive, and intelligent, and in the right repertoire such as Wagner, she sings with beauty of tone, affecting simplicity and emotional forthrightness. But as is so often the case with Wagnerian singers, the voice is best heard in large houses. In the recording studio, little blemishes in the voice are exaggerated by the sensitive microphone. The tone as recorded here is hard and inflexible. Fassbender has good intentions, but there is a pervasive edge to much of her singing, particularly at the top, where under pressure a pronounced beat takes over. Interpretively, her performance is also somewhat lacking, one hears only a generalized emotional expression. Some of the songs could use greater intensity and a faster tempo – here a more august and experienced collaborative pianist with a firmer hand could have helped. As it is, this disc is a pleasant enough account of these wonderful Strauss songs, but better versions can be found elsewhere. JKS

Couperin et Lalande : Leçons de Ténèbres

Emma Kirkby et Agnès Mellon, sopranos; Charles Medlam, basse de viole; Terence Charlston, orgue

BIS 1575 (69 min 12 s)

HHHHII $$$$

Les amateurs de musique ancienne apprécieront. Les pièces choisies ne sont pas des chefs-d’œuvre du corpus baroque, mais les deux sopranos ici réunies méritent le plus grand respect. Kirkby et Mellon sont issues du renouveau dans l’art d’interpréter le baroque (utilisation d’instruments d’époque, effectifs orchestraux réduits, diapason baroque, etc.), processus instauré il y a une trentaine d’années par des musicologues en soif d’authenticité. On peut citer deux enregistrements historiques qui démontrent l’engagement des solistes. Tout d’abord, le Messie d’Haendel (1981, L’oiseau-lyre, 400 086-2), inoubliable collaboration de Kirkby avec Christopher Hogwood, où l’on voulait reproduire des concerts donnés les 5 avril et 15 mai de l’an 1754. Puis l’opéra Atys de Lully (1987, harmonia mundi, HMC 901257.59), où Mellon joue Sangaride sous la direction de William Christie, une expérience qui ressuscitait un pan musical du passé, celui du temps du Roi Soleil. Ces chanteuses ont beaucoup cheminé par la suite sur la voie de la musique ancienne, en multipliant les disques de qualité, acquérant une intelligence unique de ce genre musical, un instinct qui sert la transparence totale des œuvres. Le présent CD nous fait bénéficier de l’expertise de deux grandes artistes, et les deux instrumentistes accompagnateurs s’acquittent bien de leur tâche somme toute modeste. PD

MUSIQUE

INSTRUMENTALE

Prokofiev et Ravel : Concertos pour piano

Yundi Li, piano; Berlin Philharmoniker/Seiji Ozawa

Deutsche Grammophon 4776593 (51 min 4 s)

HHHHHI $$$

Selon maestro Ozawa, l’art pianistique du jeune prodige chinois, Yundi Li, est un habile mélange de poésie et de technique. L’écoute du présent CD confirme ses dires. On pourrait même ajouter que le Prokofiev, par ses cadences difficiles et sa froideur même, souligne plus particulièrement la dimension technique irréprochable du pianiste, alors que le Ravel (surtout l’élégiaque adagio) fait ressortir davantage le côté poétique de son jeu. Mais Li n’est pas seul avec son clavier : il bénéficie du soutien exceptionnel d’un grand chef à la tête de l’un des meilleurs orchestres au monde, ce qui donne deux interprétations à ranger dans les sommets discographiques. Cette version du deuxième concerto de Prokofiev – œuvre peu enregistrée – se compare aisément à celle de Kun Woo Pak (Naxos 8.550566), autre pianiste qui marie étroitement l’émotion à la virtuosité. Quant à la version du Concerto en sol de Ravel, elle se rapproche de la référence absolue Argerich-Abbado sur Deutsche Grammophon. PD

Forqueray : Pièces de clavecin

Blandine Rannou, clavecin

Zig-Zag ZZT080301.2 (2 CD : 159 min)

HHHHHI $$$$

Du violiste virtuose Antoine Forqueray, il ne reste hélas que vingt-neuf pièces, auxquelles s’ajoutent les trois que composa son fils dans un style très semblable. Pour être réduit, l’ensemble n’en constitue pas moins un des sommets de la musique baroque française. Dans le registre tendre comme dans l’expression des sentiments les plus fougueux, tout porte ici la marque du génie le plus sublime et le plus singulier. Quasi injouables à la viole tant elles sont difficiles, ces œuvres furent aussi proposées par Forqueray fils dans d’admirables transcriptions pour le clavecin qui exploitent à fond le registre grave de l’instrument. Reconnue pour son toucher sensible, Blandine Rannou se montre l’interprète idéale de ce répertoire. Certes, à trop vouloir émouvoir, il lui arrive d’oser des tempos d’une lenteur discutable : la Mandoline manque de rebond et d’humour, le Carillon de Passy paraît sonner le glas et la Sylva se fige quand elle devrait couler tendrement. Mais pour ces quelques déceptions, que de merveilles ! Quel sens du théâtre ! Totalement engagée, la claveciniste s’illustre particulièrement dans les pièces les plus spectaculaires, rendant très bien le caractère à la fois noble et emporté de la Jupiter ou de la Portugaise, mieux que ne l’avait fait naguère Christophe Rousset, handicapé par un instrument sans éclat. En attendant une intégrale satisfaisante à la viole, voici donc un disque passionnant, qui pourrait bien faire aimer le clavecin aux plus réticents. PG

Beethoven : Intégrale des symphonies

hr-Sinfonieorchester/Hugh Wolff

hrmj 039-07

HHHHHI $$$$

La présente intégrale est digne d’intérêt et saura faire sa place parmi les grandes de la discographie (Philharmonique de Berlin/Karajan, Orchestre Révolutionnaire et Romantique/Gardiner, entre autres). Le chef américain Hugh Wolff a mis au service de la musique ses connaissances acquises en interprétation d’époque : on retrouve avec joie cors et trompettes naturels, petites timbales et cordes jouant avec un vibrato minimal. Ceci, sans rien enlever à l’expressivité de cette musique, en rehausse les timbres; voici certainement ce que Beethoven avait en tête lorsqu’il composait ses chefs d’?uvre. Les cuivres ont beau être éclatants (quels effets de bouchés aux cors !), ils ne sont jamais écrasants. Ceci permet aux bois de jouer à l’aise sans crainte d’être perdus dans la masse sonore. Wolff fait ressortir le caractère si personnel de chacune des symphonies et tire de son orchestre une énergie impressionnante. Dans la 9e symphonie (Hymne à la Joie), la seule à être captée devant public, les voix sont solides et justes; on ne perd rien du ch?ur.

Le livret inclus dans le coffret constitue une belle surprise. On y trouve quantité d’images d’archives, de portraits du compositeur et de textes informatifs : chaque symphonie est décortiquée et son contexte éclairci. On comprend donc mieux le cheminement de Beethoven. Seul regret : le texte n’est qu’en anglais et en allemand. LPB

Röntgen : Right Through The Bone

ARC Ensemble (Artists of the Royal Conservatory of Canada)

RCA Red Seal 886971583724 (73 min 10 s)

HHHHII $$$

La musique de Julius Röntgen a été délaissée par l’histoire pour cause d’anachronisme : étran-ge combinaison de Brahms et de Debussy, elle se démarque par une parfaite maîtrise des qualités propres à chaque instrument. Nous écoutons ici la musique de chambre d’un excellent orchestrateur (ayant composé 24 symphonies, tout de même), où l’atmosphère règne en maîtresse. Par contre, son sens mélodique ne réussit pas à s’émanciper des lieux communs, voire d’une certaine facilité. Bref, voici des œuvres qui nécessitent un haut calibre d’exécution pour pouvoir « passer », et c’est heureusement le cas : l’ARC Ensemble du Conservatoire royal joue fort bien, et la prise de son honore les musiciens tout en envoûtant l’oreille.RB

Schubert : Drei Klavierstücke / Rachmaninov : Neuf Études-Tableaux, op. 39

Alain Lefèvre, piano

Analekta AN 2 9278 (75 min 2 s)

HHHIII $$$

Alain Lefèvre habite avec intensité le redoutable opus 39 de Rachmaninov, trois quarts d’heure d’émotion communicative. Il manque cependant des couleurs et des ailes à son interprétation. Le pianiste a voulu, dit-il, privilégier l’aspect « tableaux » plutôt que le côté « études » de ces compositions, mais il y fait régner une atmosphère trop uniment sombre pour rendre la variété des climats, l’« histoire » que raconte chacune de ces neuf pièces. La pâte sonore dégagée à fond de clavier, sans tricherie, ne libère pas les divers plans où s’entrecroisent chant, contre-chant et accompagnement, tandis que les tempos, plutôt lents, ne maintiennent pas toujours l’intérêt, en particulier dans les numéros cinq et sept. Un peu plus d’allant et de pianisme ludique aurait été tout à fait approprié ici ! Les magnifiques Trois Pièces posthumes D. 496 de Schubert souffrent de la même pesanteur à la fois émotive et digitale et en deviennent brahmsiennes avant la lettre. L’omission de l’épisode andante dans le premier morceau est regrettable : il contribue à équilibrer la véhémence du thème principal, même si Schubert l’a biffé sur le manuscrit. AL

Ludwig van Beethoven: Symphonies Nos. 4 & 7

Deutsche Kammerphilharmonie Bremen/Paavo Järvi

RCA 88697129332 Hybrid SACD (69 min 23 s)

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“Järvi the Younger” kicked off his Beethoven symphony cycle with vivid, high-impact recordings of Nos. 3 and 8 (RCA Red Seal 88697-13066-2). Therein, he nailed his colours to the mast: swift, sure, deft articulation and a special bag of tricks for the kettledrums (Järvi is a percussionist by trade). Grandeur and rugged good humour in the tradition of Furtwängler and Klemperer are not on board for the voyage. The present issue is cast in the same mold and brings a palpable hit and a near miss. Volume 1 earned high praise in some quarters for the originality of the interpretations. After exhaustive comparisons it can be reported that Järvi is not doing anything that Carl Schuricht and Hermann Scherchen (among others) weren’t doing fifty years ago. What Järvi has going for him is a first-class chamber orchestra and a state-of-the-art Direct Stream Digital recording.

The Fourth Symphony fits the conductor’s concept hand in glove. It is a very convincing reading and an exciting listening experience. The Seventh is another matter. After the fireworks generated in his account of the Eroica, it really seems underplayed. The lack of grip may be due to patching from recording sessions two years apart and wholesale changes in orchestra personnel during the interval. In terms of other recent recordings, Paavo Järvi is outclassed by Stanislaw Skrowaczewski (Oehms), Sir Charles Mackerras (Hyperion) and Mikhail Pletnev (DG). One disc will neither make nor break a Beethoven symphony cycle but a weak Seventh is a serious obstacle to success. If SACD surround sound is an absolute necessity, a safer recommendation would be the continuing cycle from Osmo Vänskä and the Minnesota Orchestra (BIS). SH

Beethoven : Piano Sonatas, Vol. 1

op. 13, « Pathétique »; op. 26; op. 57, « Appassionata »; op. 10, no. 3; op. 78; op. 111

Christian Leotta, piano

ATMA Classique ACD2 2486 (2 CD : 142 min 27 s)

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Le premier volume de cette nouvelle intégrale des sonates de Beethoven ne convainc pas beaucoup qu’elle a son créneau dans la pléthore des intégrales existantes, même si le virtuose italien de vingt-huit ans qui l’interprète l’a déjà donnée, nous dit-on, une dizaine de fois à travers le monde, y compris à Montréal en 2002. Le jeu est certes assuré, avec la virtuosité et la projection souhaitables, mais ne donne pas l’impression qu’une vision est à l’œuvre. Le pianiste égrène des notes et des sons sans les transformer en phrases et en discours. Le sens de la transition fait particulièrement défaut et les maniérismes censés démontrer de la sensibilité n’y peuvent rien. Le deuxième mouvement de l’« Appassionata » a rarement semblé aussi long et l’arietta de l’ultime sonate ne rejoint pas les cieux métaphysiques entendus sous des doigts plus inspirés et expérimentés. Disons aussi que le toucher de Christian Leotta ne parvient pas à faire oublier que le piano possède des marteaux et que le legato y est un art très difficile à maîtriser. Une intégrale sans doute prématurée. AL

MUSIQUE

CONTEMPORAINE

Wuorinen : The Dante Trilogy (chamber version)

The Group for Contemporay Music/Oliver Knussen

Naxos 8.559345 (72 min 10 s)

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Ce premier enregistrement mondial de l’intégrale de The Dante Trilogy dans sa version pour ensemble de chambre a quelque chose d’un tantinet inégal. D’abord, on passe de deux pianos dans le premier ballet à six musiciens dans le deuxième et treize dans le troisième –ce qui décourage de facto une écoute continue. Ensuite, la prise de son passe de géniale (The Mission of Virgil) à précise mais sèche, voire étouffante (The Great Procession, The River Of Light). Qu’à cela ne tienne, nous nous trouvons tout de même devant la crème de la crème : Wuorinen est l’un des plus grands compositeurs vivants (plus près ici du Stravinsky tardif qu’à l’accoutumée), Knussen est un magnifique chef de musique contemporaine et le Group for Contemporary Music est une superbe formation. Comment rater sa recette avec pareils ingrédients ? RB

Bach / Coltrane

Raphaël Imbert, saxophones, clarinette basse et dir.; André Rossi, orgue; Jean-Luc Di Fraya, percussions et voix; Michel Péres, contrebasse; Gerard Lesne (contreténor); Quatuor Manfred

Zig-Zag Territoires 080101 (72 min)

HHHHHI $$$$

Voici un tout nouveau CD sur les rayons depuis fin janvier. Raphaël Imbert a voulu réunir deux grands musiciens qui semblent si différents, mais qui auront influencé, chacun à sa manière, de nombreuses générations de créateurs.

Ce disque m’a littéralement transportée. C’est comme rouler sur une autoroute connue vers une destination habituelle et tout à coup découvrir d’autres avenues possibles et avoir la curiosité de les explorer. C’est agréablement déstabilisant, une aventure qui permet d’aller un peu plus loin en faisant tomber les frontières des genres et de se laisser porter vers une rencontre mystique dans l’art musical.

J’ajouterais cependant un bémol : la photo de la pochette n’évoque en rien les émotions que le disque provoque. Cet homme qui marche dos courbé semble porter tout le poids du monde, alors que cette musique nous fait redresser la tête. FB

Vernon Duke : Piano Concerto, Cello Concerto, Homage to Boston

Scott Dunn, piano; Sam Magill, violoncelle; Russian Philharmonic Orchestra/Dmitry Yablonsky

Naxos 8.559286 (57 min 30 s)

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Vladimir Dukelsky (alias Vernon Duke) aura connu un plus vif succès à Broadway qu’à Carnegie Hall. Son travail dans le monde des comédies musicales transparaît dans son œuvre « sérieux », comme en témoignent les pièces ici présentées : mélange de Tin Pan Alley et de néoclassicisme (mais sans le mordant stravinskien). Si le genre vous intéresse, le Concerto pour violoncelle, clairement l’œuvre majeure du disque, ne devrait pas vous décevoir, avec le timbre gras et costaud de l’instrument de Magill, les cordes somptueuses du Philharmonique russe et les cuivres et percussions très…américains. Le Concerto pour piano rappelle ceux de Bartók et Prokofiev, et la Suite pour piano le jazz « impressionniste ». Mais en dernière analyse, ceux qui recherchent complexité et originalité devraient passer leur chemin. RB

Hans-Peter Frehner : Engelchen (d’après Babel : The Sin of Jesus)

Dorothea Schürch et Daniel Mouthon, voix; Ensemble Für Neue Musik Zürich/Lukas Langlotz

hat [now] ART 169 (55 min 47 s)

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Hans-Peter Frehner, flûtiste de l’Ensemble Für Neue Musik Zürich, participe à ce premier enregistrement mondial (parions que ce sera aussi le seul) de son œuvre Engelchen. Celle-ci fait appel à la traduction allemande de la nouvelle Le péché de Jésus d’Isaac Babel (d’où le titre du disque), que les chanteurs-récitants déconstruisent ici avec une étonnante virtuosité d’effets (imaginez un Mauricio Kagel s’inspirant du Pierrot lunaire). Voilà malheureusement l’unique réussite sonore de ce projet multimédia, car l’accompagnement instrumental, adéquat mais sans plus, n’a pas le tonus nécessaire pour s’émanciper des éléments visuels. Cela n’empêche pas l’Ensemble de s’en tirer honorablement, et les ingénieurs de son méritent nos éloges : clarinette basse et percussions (en particulier) nous dévoilent toute leur richesse. RB

DVD

Mademoiselle: Nadia Boulanger

A film by Bruno Monsaingeon

Ideale Audience International DVD5DM41 (79 min, B&W)

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Nadia Boulanger (1887-1979) is arguably the most celebrated teacher of composition - and certainly the best known – of the 20th century. Her list of students, running into the thousands, reads like the Who’s Who of classical music, among them Aaron Copland, Elliot Carter, Roger Sessions, Phillip Glass, Virgil Thompson, Ned Rorem, Marc Blitzstein, Thea Mugrave, and Leonard Bernstein – although in the film, Bernstein claims he never had formal studies with her. Boulanger’s influence on the development of 20th-century classical music was profound, though with the rise of serialism in the 1950’s, her adherence to tonal style was considered passé. This documentary was made in 1977 by filmmaker Bruno Monsaingeon, when Boulanger was already 90. It was Monsaingeon’s first film, and he has since gone on to make numerous important documentaries on musicians the likes of Menuhin, Gould, Richter, Perahia, Oistrakh, Tortelier and Fischer-Dieskau.

Titled Mademoiselle (as she liked to be addressed), Monsaingeon focuses entirely on Boulanger the teacher. Even at such a grand age, with her voice shaking and hands gnarled by age and arthritis, Boulanger remains in full possession of her faculties. She comes across as quite formidable but not unkind. The extended footage of her weekly composition lessons held in her salon, with dozens of students, famous and obscure, crammed into every nook and cranny, is fascinating. This footage is interspersed with interviews by Monsaingeon of Igor Markevitch, Bernstein, and Boulanger herself, where she goes into detail about her pedagogical style and her philosophy on music in general.

Astoundingly, in one of her group classes, she has her students sing the opening lines of Schumann’s “Davidsbünder”, with pianist Charles Fisk at the keyboard, all the while adding her pearls of wisdom. One also gets to see child prodigy/Bulgarian pianist Emile Naumoff demonstrating at the piano. Both students went on to significant performing, teaching and composing careers. The most poignant moment for me is not in the film, but rather in the accompanying booklet, wherein Bernstein recounts his last visit to the dying Boulanger. Gravely ill and in a coma, Boulanger miraculously responded to Bernstein and the two actually had a brief exchange that absolutely gives me the shivers. At 54 minutes, the film itself is lamentably short, so a performance of Mozart’s Prague Symphony conducted by Markevitch is tagged on, but for no good reason. The picture quality is vintage black and white, and the sound only so-so. Despite these limitations, Mademoiselle is an indispensable historical document and a must-see for students of music theory and composition. JKS

Notes interdites : The Red Baton. Scenes of Musical Life in Stalinist Russia / Gennadi Rozhdestvensky : Conductor or Conjuror ?

Bruno Monsaingeon, réalisateur

EuroArts 3073498 (155 min)

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Dans la première partie de ce documentaire consacré à la vie musicale russe, Bruno Monsaingeon s’attache à exposer les conditions difficiles que le stalinisme réservait aux compositeurs et musiciens soviétiques de l’époque : Chostakovitch, Prokofiev, Schnittke, Oïstrakh, Richter, etc. Des films d’archives sont entrecoupés de commentaires d’un humour acerbe de la part du chef Rojdestvenski. On n’y apprend pas beaucoup de nouveau, la plupart de ces faits étant déjà connus en Occident. En revanche, la deuxième partie nous fait découvrir un homme attachant et courageux en la personne de Guennadi Rojdestvenski. Nous sommes témoins de l’art tout humain et de la gestique on ne peut plus personnelle avec lesquels il aborde la direction d’orchestre ou forme des étudiants. On le voit aussi longuement à l’œuvre dans l’un des deux bonus offerts par ce DVD, dirigeant à Moscou en 2002 son propre arrangement de la musique pour le film Les âmes mortes, composée par Schnittke. Cette demi-heure est un délice pour les yeux autant que pour les oreilles ! AL


(c) La Scena Musicale