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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 6

Dossier relève : Steve Lehman - un autre alto à suivre

Par Félix-Antoine Hamel / 2 mars 2008


N’ayant pas encore atteint la trentaine, le saxophoniste alto Steve Lehman s’affirme depuis quelques années comme l’un des musiciens les plus créatifs de notre époque. Ancien élève d’Anthony Braxton et de Jackie McLean (avec qui il partage une sonorité très métallique), Lehman a trouvé chez ses aînés (et aussi chez les Steve Coleman, Tim Berne et compagnie) un goût des compositions aux combinaisons rythmiques complexes et des solos d’une grande logique, atouts qui lui permettent de naviguer sur les eaux houleuses du jazz contemporain. D’abord remarqué auprès de Braxton (Nine Compositions (Hill) 2000 sur CIMP), ce saxophoniste new-yorkais a aussi publié cinq disques sous son nom depuis 2004. On l’a vu au moins deux fois au Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville, en 2006 comme membre du trio Fieldwork (avec le pianiste Vijay Iyer et le batteur Tyshawn Sorey) et l’an dernier au sein du 12(+1)tet d’Anthony Braxton. Mais depuis l’impressionnant Interface, un album en trio avec les vétérans Mark Dresser et Pheeroan AkLaff publié chez Clean Feed en 2004, le constat s’impose : Lehman est une force sur laquelle il faudra désormais compter.

Parus presque simultanément, On Meaning (Pi Recordings 25, MMMMPP) et Manifold (Clean Feed CF097, MMMMMP) permettent de mesurer l’étendue des talents du saxophoniste, à la fois comme compositeur et comme improvisateur. Le premier de ces albums, en quintette, réunit le trompettiste Jonathan Finlayson (membre des Five Elements de Steve Coleman), le vibraphoniste Chris Dingman, le contrebassiste Drew Gress et le batteur Tyshawn Sorey. Le ton est donné dès la première plage, Analog Moment, une pièce dynamique où saxophoniste, trompettiste et vibraphoniste échangent de courts solos sur un fond particulièrement dense fourni par la rythmique. Les thèmes de Lehman sont pleins de pièges mélodiques, de résolutions surprenantes et de variations rythmiques constantes. Courte étude de timbres, Great Plains of Algiers apporte un bref répit dans cet album qui semble filer à toute allure. Finlayson, le trompettiste, est un partenaire idéal, répondant aux idées du saxophoniste sans coup férir, et Sorey fait preuve d’une invention sans défaut, même dans les situations les plus déroutantes. Le trompettiste est aussi au rendez-vous dans le second disque, cette fois-ci dans un quartette comprenant John Hebert (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie). Performance en concert, enregistrée l’an dernier au festival de Coimbra au Portugal, Manifold dégage une énergie brute, libérée du vernis des enregistrements studio, quoique son programme soit plus varié, atteignant même une certaine sérénité dans des pièces comme Dusk et Berçeuse. Dans les deux albums, Lehman s’affirme comme un soliste redoutable et plein de surprises, un styliste qui ne cache pas ses influences tout en restant original, notamment dans un étonnant solo en hommage à Evan Parker qui vient clore le disque. Un musicien dont on n’a pas fini de parler, parions-le ! n


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