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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 6 mars 2008

Jazz - Critiques

Par Marc Chénard et Félix-Antoine Hamel / 2 mars 2008


Keith Jarrett : My Foolish Heart
ECM 2021/22 B0009887-02
MMMMPP

Que dire aujourd’hui du trio de Keith Jarrett et de ses complices de toujours, Gary Peacock et Jack DeJohnette ? Poursuivant une démarche de relecture du répertoire de standards et autres classiques du jazz depuis 25 ans, ces trois grosses pointures se sont affirmées comme les héritiers d’une recherche de symbiose initiée par Bill Evans, Scott LaFaro et Paul Motian à la fin des années 1950. Cet album double, l’enregistrement d’un concert déjà vieux de six ans, serait, selon les notes de M. Jarrett, un document exceptionnel où les musiciens surent transcender des circonstances difficiles (problèmes de son, chaleur) pour littéralement envoûter la salle. Connaissant les relations pour le moins particulières que Jarrett entretient avec le public, on peut présumer que ce fut une bonne soirée pour le pianiste, comme le révèle l’écoute de cette prestation donnée au festival de Montreux en Suisse. Les références à Miles Davis, ancien patron de Jarrett, sont ici évidentes – Four, Oleo, Straight No Chaser et Green Dolphin Street sont toutes associées au trompettiste –, et la pièce-titre était une pierre angulaire du répertoire d’Evans. Mais cet enregistrement nous offre quelques surprises, en l’occurrence deux numéros de Fats Waller (Ain’t Misbehavin’ et Honeysuckle Rose) et un You Took Advantage of Me où Jarrett se paie un interlude stride qui détonne quelque peu avec sa production habituelle. Pour l’essentiel, cet énième disque du trio n’ajoute pas grand-chose de neuf à la discographie fournie de Jarrett, mais peut-on vraiment se plaindre lorsque l’on entend trois maîtres de ce calibre au travail ? - Félix-Antoine Hamel

Matthieu Bélanger : Insomnia
XXI-CD 2 1598
MMMMPP

Être spécialiste de la clarinette en jazz moderne ne relève pas de l’évidence. D’une part, Eric Dolphy a donné ses lettres de noblesse à la clarinette basse pour nombre de saxophonistes contemporains. D’autre part, la petite clarinette en si bémol n’a pas encore réussi à se défaire de ses antécédents Dixieland ou swing. Ces musiques d’antan, Matthieu Bélanger les connaît bien, mais il peut s’exprimer avec une verve toute moderne. Tout aussi sûr de ses moyens que risquant le tout pour le tout, il est de ces musiciens qui savent comment faire lever chaque groupe qui l’engage. Mais après tant d’années de bons services en tant qu’accompagnateur, le voici, enfin, chef de son propre ensemble : un quartette d’instrumentation classique comprenant la pianiste Andrée Boudreau, le bassiste Wayne Smith et le batteur Claude Lavergne. En un peu moins d’une heure, cet ensemble interprète neuf compositions du clarinettiste, la pièce-titre du disque inscrite en ouverture de programme. Lyrique d’abord, ce morceau suit une lente montée vers un pic d’intensité atteint durant le solo de clarinette basse, mené de main de maître par Bélanger. Le séquençage des plages est aussi judicieux, des numéros plus enlevants, tels Running for the Train ou Roller Coaster, sont entrecoupés de titres plus lyriques, comme Paris 89 ou Wandering Souls of New Orleans, ce dernier avec le concours du bluesman chanteur Bob Walsh. En octobre dernier, le clarinettiste a présenté la musique de son disque en concert et n’a pas manqué l’occasion de mettre le feu aux poudres dans ses solos. Souhaitons que ce groupe puisse continuer sur cette lancée fort bien amorcée. - Marc Chénard



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