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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 6

Le Requiem de Brahms selon Takács

Par Julie Roy / 2 mars 2008


« Le Requiem allemand de Brahms est une œuvre profonde, empreinte de solennité. Une méditation musicale sur les grandes questions existentielles telles que l’apogée de la beauté de la vie et la cruauté de la mort », commente Miklós Takács, chef du Chœur de l’UQAM.

« C’est une œuvre extrêmement difficile pour le chœur, ajoute le maestro. Brahms, qui pourtant connaissait bien les chœurs, a écrit des difficultés qui sont de véritables acrobaties vocales. Certains passages chromatiques ou diatoniques sont plus délicats pour la voix que pour les instruments. Les caprices des modulations et les intervalles chez les romantiques sont très difficiles à chanter. Les romantiques ont voulu l’expression avant tout. Le romantisme ouvre la porte à cette inspiration, à cette spontanéité qui prévaut à toutes préoccupations techniques. »

C’est dans la cathédrale de Brême qu’eut lieu le 10 avril 1868 la première audition de ce Requiem allemand sans le cinquième mouvement, sous la direction de Brahms lui-même. Dans le mois qui suivit ce concert, Brahms compléta un autre mouvement pour soprano, chœur et orchestre qui deviendrait le mouvement n° 5 (les anciens 5e et 6e mouvements devinrent les 6e et 7e) dans la version actuelle de l’œuvre.

Brahms a créé le livret de Ein deutsches Requiem lui-même. Contrairement à la messe de requiem catholique traditionnelle qui utilise un texte standard en latin, Ein deutsches Requiem tire son texte de la bible protestante de Martin Luther. « Allemand » fait d’abord référence à la langue plutôt qu’au public. Brahms confia à Karl Reinthaler, le chef d’orchestre de la cathédrale de Brême, qu’il aurait volontiers appelé cette œuvre un « Requiem humain ».

Le requiem n’a pas reçu l’empreinte liturgique que portent les chefs-d’œuvre de Mozart, de Berlioz, de Verdi. Au lieu d’une nouvelle interprétation musicale du sombre office catholique, c’est un harmonieux rituel formé d’élévations consolantes et de méditations sur ce triple sujet, la Vie, la Mort, l’Éternité.

Miklós Takács nous explique son travail avec le chœur pour présenter les textes à chanter. « Je préfère inspirer mes choristes avec des images pour préciser la sonorité souhaitée. Les images permettent de créer une atmosphère, une ambiance, et marquent plus facilement l’imagination que de simples indications telles que plus doux ou plus fort. » Miklós Takács croit qu’un chef doit expliquer et adapter la sonorité en fonction de l’œuvre, et qu’il ne faut pas être trop dogmatique d’un style à un autre.

Pour M. Takács, toutes les notes sont importantes, et il y a un cheminement, une évolution tout au long de l’œuvre. Il ajoute que le deuil du compositeur s’inscrit dans toutes les notes du requiem.

En effet Brahms n’a pas oublié la mort de son ami Robert Schumann en juillet 1856, et le décès de sa mère en 1865 le marque profondément. Détresse et consolation sont les couleurs profondes de cette musique qu’il porte en lui depuis 1857.

« Le point culminant de la partition est le sixième mouvement qui proclame la victoire de la vie sur la mort, avec des paroles telles que : ‘Ô Mort ! Où est ta force ? Ô enfer ! Où est ta victoire ?’ et un chœur qui répète des cris de victoire sur la Mort, commente le dynamique chef de chœur. Le mouvement se termine avec une fugue incroyable et gigantesque ».

Miklós Takács aura très certainement transmis cet enthousiasme formidable qui l’anime à son ensemble de choristes et de musiciens. Le 21 mars, avec plus de 300 personnes sur scène, le public assistera à une interprétation grandiose de cette œuvre magistrale qu’est le célèbre Requiem allemand de Johannes Brahms. n

Ein deutsches Requiem, op. 45. Vendredi saint, le 21 mars. Pour l’occasion, le Chœur de l’UQAM sera accompagné par l’orchestre de la Société philharmonique de Montréal, l’Orchestre symphonique Face, l’ensemble vocal de Sainte-Thérèse et le Chœur philharmonique du Nouveau Monde. Église Saint-Jean-Baptiste, 309 rue Rachel Est, à 20 h. 514-842-2112, 514-790-1245.


(c) La Scena Musicale 2002