Film Par Jason Béliveau
/ 16 décembre 2007
À venir
Après une saison automnale foisonnante
de festivals et de sorties en salles, l’hiver pourra sembler aride
pour bon nombre de cinéphiles invétérés. Tout de même, plusieurs
films à ne pas manquer se pointent le bout du nez et méritent qu’on
brave le froid et les intempéries pour s’installer chaudement dans
les salles obscures. Voici une courte sélection de films qui feront
jaser dans les prochains mois.
Persépolis
Réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane
Satrapi, ce long métrage d’animation est l’adaptation de la bande
dessinée du même nom de Satrapi, qui connaît un succès non négligeable
en Europe. Le film présente l’enfance et l’adolescence de Marjane,
jeune contestataire de cœur habitant à Téhéran pendant la révolution
iranienne. Visuellement, rien ne s’est jamais aussi rapproché de
l’esthétisme « graphic novel » et, malgré une certaine
construction narrative se rapprochant de la vignette, chaque scène
du film constitue un tableau extrêmement riche sur les changements
qu’a subis l’Iran depuis la fin du règne de Mohammad Reza Shah.
Indication de ses qualités indéniables, Persépolis a remporté
ce printemps à Cannes le Prix du jury, ex æquo avec Stellet
Licht de Carlos Reygadas. S’il y a une certaine justice cinématographique,
cette histoire drôle et touchante connaîtra un grand succès de ce
côté de l’Atlantique. Dans les salles le 11 janvier.
Youth Without Youth
Adaptation du roman du même nom de Mircea
Eliade, Youth Without Youth annonce timidement le retour de Francis
Ford Coppola en tant que réalisateur après plus de 10 ans d’absence
sur nos écrans (The Rainmaker, bien qu’intéressant, en a
laissé plus d’un sur sa faim). Tourné à l’aide d’une caméra
numérique haute définition et monté sur Final Cut Pro 5, l’opus
se veut, selon les dires du cinéaste américain, une version personnelle
et anti-hollywoodienne de cette histoire d’un intellectuel de 70 ans
qui, après avoir été frappé par la foudre, à la
chance de revivre sa jeunesse. Tim Roth, Alexandra Maria Lara et Bruno
Ganz y interprètent les rôles principaux. Fable métaphysique située
à l’aube de la deuxième guerre mondiale, Youth Without Youth
traduirait-il les angoisses d’un artiste vieillissant sur la touche ? Dans les salles le 21 décembre.
My Blueberry Nights
Film d’ouverture du 60e festival de
Cannes qui se déroulait en mai dernier, My Blueberry Nights
a la particularité d’être le premier film du cinéaste Wong Kar
Wai (In The Mood For Love, 2046) tourné dans la langue
de Shakespeare. Étrangement, le scénario a été conçu avec en tête
la chanteuse Norah Jones, qui pourtant n’avait jusqu’alors aucune
expérience d’actrice. Elle y interprète une jeune femme qui, après
une rupture amoureuse, traverse les États-Unis afin de panser ses blessures.
Elle fera alors la rencontre d’une multitude de personnages colorés
ayant eux aussi des problèmes de cœur. Jude Law, David Strathairn,
Nathalie Portman et Rachel Weisz complètent la distribution. Dans les
salles le 13 février.
Funny Games
Michael Haneke revisite son film ovni
de 1997, réalisé avant les succès critiques de La Pianiste
(Prix du jury à Cannes en 2001) et de Caché (Prix de
la mise en scène, toujours à Cannes, en 2005). Remake américanisé
afin de toucher un plus grand auditoire, Funny Games relate la
mésaventure d’un couple et de leur fils séquestrés dans un chalet
à la campagne par deux jeunes psychopathes. Haneke joue ici à l’obsessionnel
intransigeant en refilmant plan par plan son propre film. Réminiscences
d’un Psycho traficoté par un Gus Van Sant profanateur ? Soit,
mais difficile dans ce cas-ci de reprocher au cinéaste de jouer avec
un de ses films afin d’atteindre un nouveau public. Naomi Watts et
Tim Roth campent le couple en otage. Dans les salles le 15 février.
Rétrospective
Quatre
festivals ont retenu l’attention cet automne : le Festival du nouveau
cinéma, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal,
Cinemania (festival de films francophones) et le Festival du Film Roumain
(qui s’est tenu à Montréal et à Québec). Si l’on additionne
tous les films présentés, même si plusieurs l’étaient dans plus
d’un festival, on dépasse facilement les 400 œuvres. Comment alors
espérer faire un compte rendu complet des films marquants ?
Prenons par exemple la 36e édition du
Festival du nouveau cinéma, qui s’est tenue du 10 au 21 octobre.
Au-dessus de 300 films furent présentés, provenant des quatre coins
de la planète. Plusieurs frais récipiendaires de prix prestigieux
étaient attendus impatiemment, notamment ceux de la dernière édition
du Festival de Cannes. Dans cette catégorie, 4 mois, 3 semaines
et 2 jours du roumain Christian Mungiu, gagnant de la Palme d’or,
California Dreamin’ de Christian Nemescu (un autre Roumain), gagnant
du prix Un certain regard, et Persépolis de Vincent Paronnaud
et Marjane Satrapi, gagnants du prix du jury (à noter que le film d’animation
représentera la France au prochain gala des Oscars dans la catégorie
meilleur film en langue étrangère). Mais il serait ridicule de s’arrêter
là. Parmi les incontournables : Control, du réalisateur de
vidéoclips Anton Corbjin. Le premier long métrage du réalisateur
brosse le portrait contrasté d’Ian Curtis, le légendaire chanteur
du groupe Joy Division, qui se suicida à l’âge de 23 ans. Seulement
pour les images monochromes magnifiques et pour les pièces musicales,
le bio pic mérite d’être vu. On repassera peut-être pour
le traitement narratif piétonnier. Parlant de biographies filmées,
I’m Not There de Todd Haynes (Far From Even), sur le chansonnier
folk/rock Bob Dylan, avait déjà fait couler beaucoup d’encre avant
sa présentation. L’idée de présenter Zimmerman la légende à l’aide
de six acteurs différents (parmi lesquels Christian Bale, Heath Ledger
et Cate Blanchett) en avait laissé plusieurs perplexes. Mais le résultat
colle et présente intelligemment les multiples facettes du musicien,
sans tenter de cadrer définitivement son histoire. Du côté du documentaire,
à noter l’excellent L’avocat de la Terreur de Barbet Schroeder,
sur le célèbre avocat Jacques Vergès, et Elle s’appelle Sabine
de Sandrine Bonnaire, documentaire touchant sur la sœur autiste de
l’actrice française.
Et la liste est loin d’être terminée.
Côté cinéma québécois, trois films : tout d’abord L’Âge
des ténèbres, d’un Denys Arcand essoufflé et cynique au débordement.
Les attentes étaient trop grandes; pourtant Arcand n’a jamais été
reconnu pour sa constance. Ensuite vient Ice Cream, expérimentation
de Jean Leclerc construite selon les règles du Dogme 95. Malheureusement,
le premier film du musicien déçoit, frustre. Leclerc aurait-il mieux
fait de s’en tenir à la musique ? Finalement, le meilleur pour la
fin, Continental, un film sans fusil, le premier film de Stéphane
Lafleur qui fait beaucoup de vagues ces temps-ci (prix du meilleur premier
film canadien au dernier Festival international du film de Toronto).
Cette histoire de quatre personnages liés malgré eux par la disparition
d’un homme d’affaires est rafraîchissante, toujours teintée d’un
humour absurde aigre-doux. Le meilleur film québécois de l’année,
avec Nos vies privées de Denis Côté. Reste à voir comment
le film performera en salles.
Difficile de s’arrêter là sans mentionner
une dizaine de films valant le détour. Le peuple invisible de
Richard Desjardins et Robert Monderie, Lumière silencieuse de
Carlos Reygadas, My Winnipeg de Guy Maddin, 12h08 à l’est
de Bucarest de Corneliu Porumboiu, Naissance des pieuvres
de Céline Sciamma, la liste est longue. Maintenant que les festivals
vont se faire plus rares, il reste au cinéphile d’aller voir dans
les salles tous les films qu’il a pu manquer ces derniers mois. Bon
cinéma.
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