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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 4

Film

Par Jason Béliveau / 16 décembre 2007


À venir

Après une saison automnale foisonnante de festivals et de sorties en salles, l’hiver pourra sembler aride pour bon nombre de cinéphiles invétérés. Tout de même, plusieurs films à ne pas manquer se pointent le bout du nez et méritent qu’on brave le froid et les intempéries pour s’installer chaudement dans les salles obscures. Voici une courte sélection de films qui feront jaser dans les prochains mois.

Persépolis

Réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, ce long métrage d’animation est l’adaptation de la bande dessinée du même nom de Satrapi, qui connaît un succès non négligeable en Europe. Le film présente l’enfance et l’adolescence de Marjane, jeune contestataire de cœur habitant à Téhéran pendant la révolution iranienne. Visuellement, rien ne s’est jamais aussi rapproché de l’esthétisme « graphic novel » et, malgré une certaine construction narrative se rapprochant de la vignette, chaque scène du film constitue un tableau extrêmement riche sur les changements qu’a subis l’Iran depuis la fin du règne de Mohammad Reza Shah. Indication de ses qualités indéniables, Persépolis a remporté ce printemps à Cannes le Prix du jury, ex æquo avec Stellet Licht de Carlos Reygadas. S’il y a une certaine justice cinématographique, cette histoire drôle et touchante connaîtra un grand succès de ce côté de l’Atlantique. Dans les salles le 11 janvier.

Youth Without Youth

Adaptation du roman du même nom de Mircea Eliade, Youth Without Youth annonce timidement le retour de Francis Ford Coppola en tant que réalisateur après plus de 10 ans d’absence sur nos écrans (The Rainmaker, bien qu’intéressant, en a laissé plus d’un sur sa faim). Tourné à l’aide d’une caméra numérique haute définition et monté sur Final Cut Pro 5, l’opus se veut, selon les dires du cinéaste américain, une version personnelle et anti-hollywoodienne de cette histoire d’un intellectuel de 70 ans qui, après avoir été frappé par la foudre, à la
chance de revivre sa jeunesse. Tim Roth, Alexandra Maria Lara et Bruno Ganz y interprètent les rôles principaux. Fable métaphysique située à l’aube de la deuxième guerre mondiale, Youth Without Youth traduirait-il les angoisses d’un artiste vieillissant sur la touche
? Dans les salles le 21 décembre.

My Blueberry Nights

Film d’ouverture du 60e festival de Cannes qui se déroulait en mai dernier, My Blueberry Nights a la particularité d’être le premier film du cinéaste Wong Kar Wai (In The Mood For Love, 2046) tourné dans la langue de Shakespeare. Étrangement, le scénario a été conçu avec en tête la chanteuse Norah Jones, qui pourtant n’avait jusqu’alors aucune expérience d’actrice. Elle y interprète une jeune femme qui, après une rupture amoureuse, traverse les États-Unis afin de panser ses blessures. Elle fera alors la rencontre d’une multitude de personnages colorés ayant eux aussi des problèmes de cœur. Jude Law, David Strathairn, Nathalie Portman et Rachel Weisz complètent la distribution. Dans les salles le 13 février.

Funny Games

Michael Haneke revisite son film ovni de 1997, réalisé avant les succès critiques de La Pianiste (Prix du jury à Cannes en 2001) et de Caché (Prix de la mise en scène, toujours à Cannes, en 2005). Remake américanisé afin de toucher un plus grand auditoire, Funny Games relate la mésaventure d’un couple et de leur fils séquestrés dans un chalet à la campagne par deux jeunes psychopathes. Haneke joue ici à l’obsessionnel intransigeant en refilmant plan par plan son propre film. Réminiscences d’un Psycho traficoté par un Gus Van Sant profanateur ? Soit, mais difficile dans ce cas-ci de reprocher au cinéaste de jouer avec un de ses films afin d’atteindre un nouveau public. Naomi Watts et Tim Roth campent le couple en otage. Dans les salles le 15 février.

Rétrospective

Quatre festivals ont retenu l’attention cet automne : le Festival du nouveau cinéma, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, Cinemania (festival de films francophones) et le Festival du Film Roumain (qui s’est tenu à Montréal et à Québec). Si l’on additionne tous les films présentés, même si plusieurs l’étaient dans plus d’un festival, on dépasse facilement les 400 œuvres. Comment alors espérer faire un compte rendu complet des films marquants ?

Prenons par exemple la 36e édition du Festival du nouveau cinéma, qui s’est tenue du 10 au 21 octobre. Au-dessus de 300 films furent présentés, provenant des quatre coins de la planète. Plusieurs frais récipiendaires de prix prestigieux étaient attendus impatiemment, notamment ceux de la dernière édition du Festival de Cannes. Dans cette catégorie, 4 mois, 3 semaines et 2 jours du roumain Christian Mungiu, gagnant de la Palme d’or, California Dreamin’ de Christian Nemescu (un autre Roumain), gagnant du prix Un certain regard, et Persépolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, gagnants du prix du jury (à noter que le film d’animation représentera la France au prochain gala des Oscars dans la catégorie meilleur film en langue étrangère). Mais il serait ridicule de s’arrêter là. Parmi les incontournables : Control, du réalisateur de vidéoclips Anton Corbjin. Le premier long métrage du réalisateur brosse le portrait contrasté d’Ian Curtis, le légendaire chanteur du groupe Joy Division, qui se suicida à l’âge de 23 ans. Seulement pour les images monochromes magnifiques et pour les pièces musicales, le bio pic mérite d’être vu. On repassera peut-être pour le traitement narratif piétonnier. Parlant de biographies filmées, I’m Not There de Todd Haynes (Far From Even), sur le chansonnier folk/rock Bob Dylan, avait déjà fait couler beaucoup d’encre avant sa présentation. L’idée de présenter Zimmerman la légende à l’aide de six acteurs différents (parmi lesquels Christian Bale, Heath Ledger et Cate Blanchett) en avait laissé plusieurs perplexes. Mais le résultat colle et présente intelligemment les multiples facettes du musicien, sans tenter de cadrer définitivement son histoire. Du côté du documentaire, à noter l’excellent L’avocat de la Terreur de Barbet Schroeder, sur le célèbre avocat Jacques Vergès, et Elle s’appelle Sabine de Sandrine Bonnaire, documentaire touchant sur la sœur autiste de l’actrice française.

Et la liste est loin d’être terminée. Côté cinéma québécois, trois films : tout d’abord L’Âge des ténèbres, d’un Denys Arcand essoufflé et cynique au débordement. Les attentes étaient trop grandes; pourtant Arcand n’a jamais été reconnu pour sa constance. Ensuite vient Ice Cream, expérimentation de Jean Leclerc construite selon les règles du Dogme 95. Malheureusement, le premier film du musicien déçoit, frustre. Leclerc aurait-il mieux fait de s’en tenir à la musique ? Finalement, le meilleur pour la fin, Continental, un film sans fusil, le premier film de Stéphane Lafleur qui fait beaucoup de vagues ces temps-ci (prix du meilleur premier film canadien au dernier Festival international du film de Toronto). Cette histoire de quatre personnages liés malgré eux par la disparition d’un homme d’affaires est rafraîchissante, toujours teintée d’un humour absurde aigre-doux. Le meilleur film québécois de l’année, avec Nos vies privées de Denis Côté. Reste à voir comment le film performera en salles.

Difficile de s’arrêter là sans mentionner une dizaine de films valant le détour. Le peuple invisible de Richard Desjardins et Robert Monderie, Lumière silencieuse de Carlos Reygadas, My Winnipeg de Guy Maddin, 12h08 à l’est de Bucarest de Corneliu Porumboiu, Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, la liste est longue. Maintenant que les festivals vont se faire plus rares, il reste au cinéphile d’aller voir dans les salles tous les films qu’il a pu manquer ces derniers mois. Bon cinéma.


(c) La Scena Musicale 2002