Critiques/Reviews
December 17, 2007
Politique de critique : Nous présentons
ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons
pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique
ne constitue pas un jugement négatif. Vous trouverez des critiques
additionnelles sur notre site Web www.scena.org.
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all the best CDs we get, we don’t always receive every new release
available. Therefore, if a new recording is not covered in the print
version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many
more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.
HHHHHH indispensable / a must!
HHHHHI excellent / excellent
HHHHII très bon / very good
HHHIII bon / good
HHIIII passable / so-so
HIIIII mauvais / mediocre
$ <
10 $
$$ 10–15
$
$$$ 15–20
$
$$$$ >
20 $
Critiques / Reviewers
AL Alexandre
Lazaridès
FC Frédéric
Cardin
MDB Martin
David-Blais
PD Pierre
Demers
PMB Pierre
Marc Bellemare
PG Philippe
Gervais
RB René
Bricault
WSH W.S.
Habington
Musique vocale
Ludwig van Beethoven: Leonore / Fidelio
Richard Cassilly (Florestan), Edda Moser
(Leonore), Theo Adam (Pizarro); Staatskapelle Dresden; Herbert Blomstedt,
dir.
Josef Protschka (Florestan), Gabriele
Schnaut (Leonore), Harmut Welker (Pizarro); Wiener Philharmoniker; Christoph
von Dohnanyi, dir.
Brilliant Classics 93213 (273 min 1 s)
HHHHHI
/ $$$
Beethoven a produit pas moins de trois
versions de son unique opéra. Ce coffret nous offre les deux versions
qui diffèrent le plus l’une de l’autre, soit la première, Leonore
de 1805, et la dernière, Fidelio de 1814. L’idée de regrouper
des enregistrements de ces partitions sœurs est excellente, bien entendu.
Cependant, l’étudiant en musique qui aurait l’idée de se procurer
ce coffret à des fins de comparaison doit savoir qu’il devra effectuer
lui-même le plus clair du travail. Certes, le texte chanté des deux
œuvres est fourni, mais en allemand seulement. (C’est tout juste
si les pages sont numérotées...) Enfin, les notes, sans être dépourvues
d’intérêt, sont sommaires et confuses. Par contre, les enregistrements
reproduits sous licence ont été triés sur le volet. Celui de Leonore
(EMI, Blomstedt, Staatskapelle Dresden, 1976) est sans doute le meilleur
de l’œuvre à ce jour, tandis que celui de Fidelio (Decca,
Von Dohnanyi, Wiener Philharmoniker, 1991) se situe dans la moyenne
supérieure d’une discographie abondante et distinguée. PMB
Conti: David
Il Complesso Barocco; Alan Curtis, dir.
2 CD Virgin 77887721 (156 min)
HHHHHI
/ $$$$
De Francesco Conti, contemporain de Händel,
on ne connaissait au disque que quelques cantates, parues chez l’éditeur
Arcana. Ce compositeur fut pourtant une figure respectée de son temps
: Florentin installé à Vienne, premier théorbe à la cour des Habsbourg,
il eut longtemps la charge de produire et de diriger des opéras pour
le carnaval, épousant même successivement deux prime donne
! L’oratorio qu’on découvre ici, chanté en italien plutôt qu’en
latin, emprunte de fait un style très opératique, sauf dans les chœurs
contrapuntiques qui terminent chacune des parties. On comprend
vite l’enthousiasme d’Alan Curtis devant cette partition : les récitatifs
sont originaux et expressifs et tous les airs, ou presque, séduisent
par leur écriture développée et virtuose, rappelant parfois la manière
de Hasse. La réussite de cet enregistrement tient aussi à l’excellence
des solistes. Dans le rôle de David, tenu à l’origine par un castrat
alto, Marijana Mijanovic retrouve ici une forme splendide. Simone Kermes
réussit pour sa part des cadences époustouflantes, tandis que les
barytons Furio Zanasi et Vito Priante (Saül et son mauvais conseiller)
jouent la colère et la jalousie avec brio. Sans doute un René
Jacobs aurait-il su exacerber encore davantage les tensions dramatiques
que recèle cette œuvre, mais nous n’en tenons pas moins ici une
remarquable
réussite, et le retour d’un compositeur
dont il nous reste beaucoup à découvrir.
PG
Arias for Rubini
Juan Diego Florez, ténor; Accademia
Nazionale di Santa Cecilia; Roberto Abbado, dir.
Decca 4759079 (71 min 41 s)
HHHHHH
/ $$$$
Giovanni Battista Rubini (1794-1854)
est, avec Nourrit et Duprez, l’un des trois chanteurs qui, dans les
années 1820-1830, avec la complicité des plus grands compositeurs
d’opéra de l’époque, ont réussi à imposer la voix de ténor
comme la voix masculine prédominante sur la scène lyrique romantique.
Son nom est avant tout associé aux rôles que Bellini et Donizetti
ont écrits pour lui. Il est donc un peu curieux que des sept airs du
programme de ce disque, visant à saluer l’avènement du Rubini de
notre temps, quatre soient d’un compositeur – Rossini – qui n’a
jamais écrit un seul rôle pour Rubini, quoiqu’il ait révisé certains
de ses airs pour lui. C’est sans doute que le ténor péruvien n’est
encore qu’un Rubini en devenir. Mais le grand Rubini lui-même
ne s’était-il pas d’abord imposé comme interprète de Rossini
? Or, c’est ce que Florez lui-même vient de faire, de façon spectaculaire
et en peu d’années, grâce à son instrument magnifique, ferme, brillant,
étonnamment agile dans l’aigu, sa technique remarquable à tous égards
(respiration, intégration des registres, phrasé, etc.), son élocution
si nette, son sens du style et de la structure musicale d’une finesse
et d’une intelligence sans équivalent chez les chanteurs de sa génération.
Un ar-tiste à suivre, donc… Textes chantés en italien et en
traduction française; notes érudites de Philip Gossett. PMB
La Bataille de Killicrankie. Chants
d’amour et de guerre en Écosse libre
Meredith Hall, soprano; Matthew White,
contre-ténor; La Nef; Sylvain Bergeron, dir.
Atma ACD22510 (61 min 13 s)
HHHHHI
/ $$$$
Voici un disque singulier dans la mesure
où son unité repose sur un mouvement militaire et politique d’il
y a bien longtemps. En réalité, plus de la moitié du programme
traite de
l’amour plutôt que de la guerre. Reste
l’autre moitié, constituée de morceaux plus ou moins directement
inspirés par le nationalisme écossais du 18e siècle et sa répression
brutale par les Anglais et leurs alliés lowlanders à l’occasion
des « insurrections jacobites » de 1689 (l’année de la victoire
écossaise de Killiecrankie, restée sans lendemain), 1715 et 1745.
Le mouvement jacobite visait à rétablir sur ses trônes le roi Jacques
(James, en latin Jacobus) Stuart, deuxième du nom en Angleterre et
septième en Écosse, après qu’il en eut été chassé par l’establishment
anglo-protestant. Les membres de la Nef et leur directeur musical font
magnifiquement valoir la spécificité des musiques héroïques et érotiques
calédoniennes traditionnelles, auxquelles viennent s’ajouter des
compositions originales du facteur de cornemuse Hamish Moore de Dunkeld.
Le livret d’accompagnement comprend les textes chantés (en anglo-écossais
et en français) ainsi que des notes quelque peu sommaires que l’on
complétera utilement en consultant le site suivant : http://jacobite.ca.
On y apprendra que nombreux sont encore ceux qui, en Écosse, et même
au Canada, considèrent le duc Franz de Bavière, l’héritier jacobite,
comme leur souverain légitime, Mme Elizabeth Windsor n’étant qu’une
usurpatrice. PMB
Adam de la Halle: D’amoureus cuer
voel chanter
Anne Delafosse-Quentin, Paulin Bündgen,
contreténor; Lisandro Nesis, ténor
Les Jardins de Courtoisie
Zig-Zag Territoires ZZT070401 (73 min
17 s)
HHHHHI
/ $$$$
Les Jardins de Courtoisie est un petit
ensemble qui s’est donné pour mission de ressusciter le répertoire
des trouvères et de la chanson courtoise, qui s’étend du Moyen Âge
jusqu’aux airs de cour du XVIIe siècle, dans une variété de style
encore peu explorée. Cet ensemble comprend luth et cistre, flûtes
et vièle ainsi que des percussions. On est charmé par le parfum presque
byzantin de ces rythmes martelés ou syncopés et de ces mélopées
modales souvent nostalgiques qui étirent les chansons sans les couler
dans le moule d’un thème trop précis. De l’œuvre représentative
d’Adam de la Halle qu’il est nécessaire de reconstituer d’une
certaine manière, le présent enregistrement offre dix-sept chansons
de longueurs inégales (deux d’entre elles font dix minutes) entrecoupées
d’intermèdes instrumentaux et de courts rondeaux au ton plutôt satirique.
L’amour pour la Dame, « douce douleur », « mal joli » ou « fin’amor
», les parcourt toutes, et elles sont servies par la voix pure d’Anne
Delafosse-Quentin en solo ou accompagnée par un ténor et un contreténor,
avec une savoureuse prononciation d’époque. AL
Musique instrumentale
Alexandre Borodine: Symphonies
Royal Stockholm Philharmonic Orchestra;
Gennady Rozhdestvensky, dir.
Brilliant Classics 93348 (137 min 56
s)
HHHHHI
/ $$$
L’œuvre symphonique de Borodine est
peu abondant et il est presque entièrement contenu dans ce coffret
de deux disques compacts. Fait étrange, ce qui manque, et qu’on aurait
pu facilement inclure, c’est le plus beau joyau, le poème symphonique
Dans les steppes de l’Asie centrale, chef-d’œuvre de concision
et de simplicité. Par contre, on trouve dans ce programme des partitions
composées par Borodine, mais orchestrées par d’autres, dont la
Petite suite, instrumentée par Glazounov, et les célèbres
Danses polovtsiennes du Prince Igor, dont la version de concert
est l’œuvre d’un comité présidé par Rimski-Korsakov. Tout se
ramène donc aux trois symphonies, ou plutôt deux symphonies et demie,
ou moins encore, car la troisième, incomplète, ne comporte que deux
mouvements « reconstitués » par Glazounov, qui s’appuyait en bonne
partie sur son souvenir d’avoir entendu Borodine en jouer des
extraits au piano. L’univers sonore de ces symphonies, enregistrées
ici sous une forme revue et corrigée par le maestro Rozhdestvensky,
présente d’étroites affinités avec celui, tour à tour d’une
tristesse nostalgique et d’un dynamisme échevelé, du Prince Igor,
l’opéra inachevé, mais si longtemps mûri, dans lequel tout Borodine
trouve son unité. Ces enregistrements, qui font autorité, avaient
paru auparavant sous l’étiquette Chandos.
PMB
Beethoven: Concerto pour violon
Vadim Repin, violon; Martha Argerich,
piano
Wiener Philharmoniker; Riccardo Muti,
dir.
DGG 4776596 (84 min 07 s)
HHHHHH
/ $$$$
Vadim Repin a de quoi être fier de son
ascendance musicale : comparé au grand Oïstrakh, soutenu et conseillé
par Menuhin, lui-même issu de la grande école d’Enesco, le jeune
violoniste russe a réussi en peu de temps à se tailler une place de
choix dans l’élite musicale contemporaine en demeurant à la hauteur
de cette illustre lignée. Cette lecture de deux monuments de la littérature
violonistique est tout bonnement exceptionnelle. Dans le Concerto,
des épisodes chambristes côtoient avec bonheur d’autres moments
plus épiques où la remarquable polyvalence de Repin peut s’exprimer
sans retenue. À la fois sage et facétieux, Repin illumine ce Concerto
de sa personnalité attachante, en y imprimant une certaine légèreté
bon enfant doublée d’une profonde spiritualité. La Sonate à
Kreutzer est le véhicule parfait pour jauger le degré de communion
et de partage, musical, spirituel et émotif, entre deux musiciens.
Le jeu lumineux et chatoyant, délicatement perlé, de la géniale Martha
Argerich constitue un complément idéal pour la technique sans failles
et la virtuosité raffinée de Repin. Deux musiciens, une seule vision
de l’œuvre ! Une page d’histoire de l’interprétation beethovénienne
vient d’être écrite. FC
John Corigliano
: Concerto for violin and orchestra
“The Red Violin”; Sonata for
violin and piano
Joshua Bell, violon; Jeremy Denk, piano;
Baltimore Symphony Orchestra; Marin Alsop, dir.
Sony Classical 880602 (66 min 22
s)
HHHHHI
/ $$$$
La musique contenue dans ce disque est
en quelque sorte le complément naturel de la bande sonore (Sony Classical
1SK63010) du film de François Girard (Universal Home Video) qui, en
1998, devait mériter un Oscar à son compositeur John Corigliano. Les
musiques entendues sur les deux disques font usage des mêmes matériaux
thématiques, mais à l’intérieur de structures totalement différentes,
l’une narrative (la bande sonore) et l’autre plus purement musicale
(le concerto). En fait, le seul morceau que les deux disques aient en
commun est la Chaconne sur les mélodies du film que Corigliano,
encore en proie à l’inspiration, composa sitôt après avoir terminé
la musique de la bande sonore proprement dite. Depuis, la Chaconne
en question est devenue en 2003 le premier mouvement du Concerto
pour violon et orchestre en quatre mouvements qui représente la
pièce de résistance du nouveau disque. Les trois autres mouvements
sont, encore davantage même, d’une facture beaucoup plus audacieuse,
avec bruits et dissonances, que la musique néo-romantique de la bande
sonore. Dans tous les cas, les parties de violon, y compris celle de
la Sonate pour violon et piano, œuvre de jeunesse (1962-1963),
mais déjà considérée comme un classique, sont tenues par l’interprète
idéal, Joshua Bell, que l’on pouvait entendre, et parfois voir, dans
le film. PMB
Avison: Concertos in Seven Parts
Café Zimmermann
Alpha 907 (76 min 37 s)
HHHHHI
/ $$
Ce disque est une réédition, puisqu’il
est déjà paru en 2002. Nous l’avons ici à prix réduit et, qui
plus est, bonifié d’un catalogue de la maison Alpha (l’une des
plus élégantes de toute la constellation classique). Soyons clairs
d’entrée de jeu : c’est une aubaine que vous ne pouvez laisser
passer ! Charles Avison était un Anglais fasciné par la musique italienne.
En 1742, il réalise des « arrangements » de deux sonates pour clavier
de Domenico Scarlatti. Leur édition est un tel succès commercial qu’Avison,
sentant la bonne affaire, amorce la production à grande échelle qui
le mènera vers la réalisation de douze concertos en bonne et due forme,
dans lesquels chaque mouvement est un savoureux arrangement d’une
des 85 premières sonates. Pour quiconque aime Scarlatti et la musique
baroque, ce disque est un coffre aux trésors scintillant de mille feux
! L’élégance et la vitalité des mélodies de Scarlatti n’ont
absolument rien perdu dans le transfert aux cordes. L’Académie de
St-Martin-in-the-Fields avait visité ce répertoire dans les années
1970 (et nous l’avait fait découvrir). Café Zimmermann élague ces
interprétations en les rendant plus vivantes, bien que moins somptueuses.
Un plaisir ininterrompu de la première à la dernière plage. FC
Vivaldi: L’Estro armonico
Elizabeth Wallfisch, violon; Tafelmusik
Baroque Orchestra; Jeanne Lamon, dir.
Analekta AN 29835 (63 min 30 s)
HHHHHI
/ $$$
DVD-cadeau : The Four Seasons Mosaic
Media Headquarters Film & Television
Inc. (54 min)
HHHHII
C’est une interprétation scintillante,
avec des cordes aux arêtes toujours vives, que nous proposent Jeanne
Lamon et son ensemble torontois du célèbre opus vivaldien, dont on
sait qu’il regroupe des concertos de un à quatre violons solistes,
auxquels s’ajoute parfois un violoncelle. À la talentueuse Elizabeth
Wallfisch, violoniste invitée, ont été confiés trois concertos à
un seul violon. Dans les autres cas, ce sont des membres de l’ensemble
Tafelmusik et Jeanne Lamon elle-même qui tiennent les parties solistes,
dans une unité sans faille des dialogues entre eux et avec l’orchestre.
À vrai dire, le titre du CD est quelque peu trompeur, car seulement
huit des douze concertos que comprend le recueil de l’Estro armonico
sont enregistrés ici. Le DVD en prime documente un projet original
: celui de « métisser » les Quatre Saisons de Vivaldi en leur adjoignant
des instruments solistes d’autres civilisations, tels le pipa chinois,
le sarangi hindou ou les chants de gorge inuit. Les interprètes sont
suivis dans leur pays d’origine respectif, avant le regroupement de
l’interprétation finale parrainée par le compositeur canadien Mychael
Danna. Le résultat, sans être entièrement convaincant, ne laisse
pas d’intriguer. AL
Fischer: Le Journal du Printemps
Orfeo Barockorchester; Michi Gaigg, dir.
CPO 777 150-2 (77 min 39 s)
HHHHHI
/ $$$$
Il semble que Johann Caspar Ferdinand
Fischer ait été le premier à publier des suites pour orchestre avec
ouverture, genre auquel contribueront plus tard Bach et Telemann.
Paru en 1695, le recueil joliment intitulé Journal du Printemps
contient huit grandes suites, dont une seule ne figure pas sur ce disque,
faute d’espace. On ne saurait trouver meilleure illustration du rayonnement
lullien à l’étranger : originaire de Bohême et travaillant pour
le margrave de Bade, Fischer a imité le style français avec une habileté
confondante, sans incorporer d’influences italiennes. Si certaines
petites danses peuvent sembler anecdotiques, les ouvertures en revanche
sont somptueuses, deux d’entre elles faisant même appel aux trompettes.
Les chaconnes et les passacailles retiennent également l’attention,
atteignant à cette grandeur voilée de mélancolie qui fait tout le
prix des meilleures pages orchestrales de Lully. Et que dire de
cette plainte pour flûte, qui semble tout droit sortie d’un opéra
français ! L’Orfeo Barockorchester offre une sonorité chaude et
ample et bénéficie d’une remarquable prise de son. La façon dont
le trio des hautbois se mêle aux cordes sans s’y fondre totalement
est particulièrement savoureuse. Une belle surprise, et une contribution
importante à l’histoire de la musique orchestrale allemande. PG
Songs without Words: Classical Music
from « The War »
Artistes variés
RCA Red Seal 143702 (70 min 10 s)
HHHHHI/
$$$
Happy Birthday, à la manière de…
Angèle Dubeau et la Pietà
Analekta AN 6 1000 (11 min 03 s)
HHHHII
/ $
Concept original s’il en est un : présenté
sous forme de carte d’anniversaire, ce disque décline douze versions
différentes du célèbre Happy Birthday (Joyeux anniversaire).
En plus de la version « originale » (arrangée pour cordes), Angèle
et sa Pietà nous offre des colorations de cet air dans les styles de
Haydn, Mozart, Beethoven, Schumann, Brahms et Dvorák, ainsi que d’autres
à la façon de la musique de film, du ragtime, du tango, de la polka,
de la valse et de la musique tzigane. Au prix d’une carte écrite,
voici une idée cadeau très économique qui en fera sourire plus d’un
! FC
The Best of Edgar Meyer
Edgar Meyer, contrebasse
Artistes variés
Sony Classical 13233-2 (74 min 12 s)
HHHHHI
/ $$$
Le contrebassiste américain Edgar Meyer
est un champion de l’éclectisme. Ce remarquable touche-à-tout a
pratiquement fait le tour des genres musicaux. Que ce soit le country-folk,
le bluegrass, le jazz, le classique ou la musique contemporaine, Meyer
a contribué à son unique façon au rapprochement de communautés musicales
autrefois séparées par un mur d’incompréhension et de préjugés.
Il a ainsi convaincu d’éminents musiciens tels que Yo-Yo Ma et Joshua
Bell d’interpréter des airs de folklore du terroir américain et
des folkloristes/jazzmen accomplis comme Béla Fleck ou Mike Marshall
de taquiner les partitions de Bach ou Scarlatti. Ce qu’il faut surtout
apprécier dans la démarche originale de cet excellent musicien, c’est
l’indéfectible ligne directrice qui le guide dans tout ce qu’il
accomplit. On sent les racines des terres du Sud dans ses coups d’archets,
dans son écriture pour orchestre ou dans ses arrangements des Suites
de Bach. Il a élevé le folk américain à des sommets de raffinement
insoupçonnés et il a déridé, sans aucun manque de respect, la musique
savante européenne. Si vous n’avez jamais croisé l’étonnant univers
de cet artiste, ce florilège de ses meilleurs enregistrements est un
endroit idéal pour commencer. FC
Pietro Nardini: Six sonatas for two
German flutes and a bass
Il Bell’Accordo Ensemble
Discantica 156 (70 min)
HHHHII
/ $$$
Pietro Nardini (1722-1793), élève de
Tartini, était un violoniste au service de la cour de Toscane très
admiré de Léopold Mozart, surtout pour ses qualités d’interprète
et de spécialiste du cantabile
plutôt que pour ses prouesses de virtuose. La plus grande partie
de sa production, relativement peu abondante, est naturellement consacrée
à son instrument ainsi qu’à divers ensembles d’instruments à
cordes. La collection de sonates pour deux flûtes « allemandes » et
basse continue, publiée à Londres dans les années 1760 et à laquelle
ce compact est consacré, fait donc figure d’exception. D’après
les notes d’accompagnement, par ailleurs assez sommaires, il s’agirait
d’un premier enregistrement intégral mondial sur instruments d’époque.
Les sonates en question sont d’une écoute agréable, d’un style
assez conservateur, plus galant que véritablement classique et, tout
en servant certaines visées pédagogiques, elles privilégient la mélodie
plus que la technique. Espérons que cette belle gravure contribuera
à mieux faire connaître et diffuser cette jolie musique jusqu’à
maintenant négligée par le disque. PMB
Beethoven:
Œuvres complètes pour piano, vol. 5
Sonates opus 31, no 1 à 3
Ronald Brautigam, pianoforte
BIS-SACD-1572 (67 min 49 s)
HHHHHH
/ $$$$
Malgré les progrès de la facture à
l’ancienne, il est encore rare qu’on joue Beethoven au pianoforte
plutôt qu’au piano moderne. Même au disque, peu d’interprètes
s’y sont risqués. Aussi cette intégrale en cours est-elle
bienvenue, surtout venant d’un interprète chevronné qui a déjà
enregistré de façon très convaincante tout l’œuvre pour clavier
de Mozart et de Haydn. Sur une copie d’un instrument construit par
le facteur viennois Walter en 1802, Brautigam propose les trois sonates
que Beethoven composa l’été de cette même année, alors qu’il
séjournait à Heilingenstadt. Période noire s’il en fut dans
la vie du compositeur, qui voyait sa surdité s’aggraver et songeait
au suicide. On n’en est que plus touché par la vitalité – voire
l’humour – qui se dégage de ces sonates. La légèreté et le caractère
intimiste du pianoforte font ici merveille, tout comme les couleurs
contrastantes des différents registres. Brautigam a le sens du théâtre
et ne se borne pas à une vision décorative : au contraire, un véritable
souffle passe sur ses lectures, tant il est vrai qu’un instrument
délicat poussé dans ses derniers retranchements peut surprendre davantage
qu’un instrument au départ très puissant. Une excellente façon
de redécouvrir des œuvres que l’on croyait bien connaître ! PG
Bach: Lute Works, vol.1
Paul O’Dette, luth
Harmonia Mundi HMU 907438 (67 min 44
s)
HHHHHH
/ $$$$
Les partitions de Bach pour le luth sont
réputées injouables. Et pour cause. Le grand Cantor les écrivit probablement
pour le Lautenwerk, sorte de clavecin à cordes en boyau. On comprend
assez vite que ce qui est « facile » sur un clavier peut l’être
beaucoup moins sur un luth ! Les œuvres choisies pour ce premier volume
d’une intégrale à venir sont : Pièces pour la luth à Monsieur
Schouster (en réalité une transcription de la Suite en la mineur
pour violoncelle), la transcription de la fameuse 3e Partita
en mi majeur pour violon et de la Sonate pour violon en sol mineur.
Le défi de Paul O’Dette a été de réécrire ces partitions pour
le luth à 13 cordes, en s’assurant de ne rien perdre de leur complexité
originelle. Après quelques minutes d’écoute seulement, le verdict
s’impose de lui-même : c’est une totale réussite. O’Dette est
un virtuose d’une étonnante musicalité. Ses phrasés sont naturels,
la complexité polyphonique implicite à ces œuvres est idéalement
rendue à la fois par une lecture limpide des proportions et de l’équilibre
des voix ainsi que par une qualité d’enregistrement maximale. Un
disque essentiel. FC
Schmelzer
: sonatae a violino solo
Hélène Schmitt, violon; Jan Krigovsky,
violoncelle; Stephan Rath, théorbe; Jörg-Andreas Bötticher, claviorganum
Alpha 109 (73 min 57 s)
HHHHHI
/ $$$$
Une magnifique découverte ! Les extravagances
de Schmelzer sont admirablement servies par la folie contrôlée de
Mme Schmitt. Elle décoche des notes avec une ardeur sauvage et contribue
ainsi à donner vie à une musique injustement oubliée, mais qui réclame
ici à grands cris (l’allusion est pertinente) sa résurrection. Faisant
penser à Biber par sa rugosité, et anticipant aussi Zelenka par sa
complexité architecturale, la musique de Schmelzer apparaît dans cette
gravure comme un monument négligé du génie baroque. Hélène Schmitt
au violoncelle, c’est la démence la plus extrovertie qui s’exprime
à l’intérieur d‘un cadre de la plus subtile et délicate perfection
architecturale. Surprenant. FC
Musique contemporaine
Morten Lauridsen: O magnum mysterium,
O nata lux, Madrigali, Mid-Winter Songs
Elora Festival Singers; Noel Edison,
dir.
Naxos 8.559304 (68 min 56 s)
HHHHHH
/ $
De nos jours, un compositeur de talent
qui voudrait vivre de sa plume et voir sa musique diffusée dans de
vastes réseaux internationaux serait bien inspiré de se spécialiser
dans l’écriture pour formations chorales. C’est ce qu’a fait
l’Américain Morten Lauridsen (1943-) avec bonheur. Sa musique a fait
le tour de la planète au point de se retrouver maintenant au programme
de plus d’une centaine de disques compacts, dont plusieurs lui sont
entièrement consacrés. Cette musique a tout pour séduire le public
friand du genre, l’un des derniers refuges du « beau chant » : elle
est à la fois traditionnelle et contemporaine, savante et émouvante,
éclectique et très personnelle. Lauridsen est un artiste d’une grande
intégrité. Avec la veine mélodique qui est la sienne, il aurait pu
être tenté de se lancer à la conquête de Hollywood et d’autres
marchés populaires, mais il n’en a rien fait. Il ne compose que la
musique qu’il aime et sa production, peu abondante, est de la plus
grande qualité, comme en témoigne ce magnifique CD où ses partitions
parmi les plus représentatives sont confiées à l’une des plus importantes
formations chorales canadiennes. Pour en apprendre davantage sur Lauridsen
et sa musique, on peut consulter son site : http://homepage.mac.com/kennesten/lauridsen/index2.html.
PMB
CÉCO en mouvement
Artistes variés
CÉCO2007 (70 min 54 s)
HHHIII
Si l’on s’en tient au présent disque,
on constate que les jeunes compositeurs tendent à délaisser les techniques
d’écriture avant-gardistes de l’après-guerre au profit, d’une
part, de recherches dans le monde des « tonalités élargies » et,
d’autre part, de la musique électro-acoustique. Cette dernière comptant
Montréal parmi ses capitales, on s’étonnera peu de la grande qualité
de l’Étude aux clavecin et oiseaux de Thierry Gauthier, par
exemple ou La nouvelle idole de Raphaël Néron. Bravo également
au pianiste Georges Dimitrov pour ses ingénieuses Variations sur
les Préludes de Chopin. Il ne faut pas s’attendre à une qualité
sonore époustouflante, puisque la prise de son ne réussit guère à
faire oublier l’acoustique étouffée du studio d’enregistrement,
mais le résultat reste néanmoins fort acceptable. RB
Morawetz: A child’s cry from Izieu
Jasper Wood, violin; David Riley, piano
Centrediscs 12807 (51 min 47 s)
HHHHII
/ $$$$
Oskar Morawetz, a Jewish Czech who fled
to Canada during WW II, writes in a style much closer to his pre-war
Central European home (Bartok, Martinu, Janacek, early Ligeti) than
to his post-war Canadian adopted one (Shafer, Papineau-Couture, Somers,
Tremblay). This difference in tone not only increases variety in Canadian
music, but also its overall quality, for these are well constructed,
well played, and decently recorded works, spanning four decades of creativity.
Generally dark and dissonant in texture, they leave room for haunting
melodies that scream as much as they breathe. Jasper Wood has a velvety,
non-aggressive tone that can still convey violence as well as humour,
which isn’t a luxury in this demanding repertoire. RB
Poetic Moods. A Century of Ukrainian
piano Music
Maria Dolnycky, piano
Dolnycky MD2001 (68 min 28 s)
HHHHII
/ $$$
Ce disque, qui propose un survol de la
musique pour piano en Ukraine au XXe siècle, est une réussite complète.
Réussite d’abord parce qu’on nous convainc de la richesse de ce
répertoire méconnu. Le choix des pièces, judicieux, réunit plusieurs
horizons esthétiques : on passe notamment d’un romantisme très lyrique
(Revutsky ou Kosenko) à l’écriture modérément atonale de Silvestrov
(sa belle Sonate n’a rien à envier à ses œuvres pour orchestre).
En outre, le choix ne s’est pas arrêté qu’à des œuvres d’intérêt,
même lorsqu’elles sont légères (Chanson de Barvinsky). Réussite
ensuite parce que le climat poétique, que l’on cherchait manifestement
à installer, ne s’estompe pas d’une pièce à l’autre malgré
les ruptures esthétiques. Réussite enfin en raison de la grande qualité
d’interprétation de la pianiste dont on dit pourtant qu’elle affectionne
la musique actuelle : elle se montre juste et convaincante dans tous
les styles abordés. La grande découverte du disque est la suite
Poetic Moods d’Ishchenko. Voilà une œuvre passionnante qui montre
qu’il est possible de créer avec un langage et des procédés contemporains
une atmosphère musicale diaphane aussi raffinée et envoûtante que
ce qu’on pouvait écrire il y a un siècle (Dans les brumes
de Janáãek par exemple). Martin David-Blais
Takemitsu
: Piano music
Kotaro Fukuma, piano
Naxos 8.570261 (63 min 57 s)
HHHHII
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Pour qui ne connaît pas Takemitsu, nous
recommandons sa musique pour petits ou grands ensembles plutôt que
pour instruments solistes, car le grand Japonais compte indubitablement
parmi les plus grands orchestrateurs de tous les temps. Cela dit, bien
peu nombreux sont les disques illustrant mieux que celui-ci l’incroyable
capacité que possède Takemitsu de faire évoluer considérablement
son langage sans pour autant sacrifier les paradoxaux sérénité tendue
et orientalisme occidental qui caractérisent sa musique : sonorités
scriabiniennes de Romance, aspect aléatoire post-webernien de
Piano distance, musique tonale « fonctionnelle » (Takemitsu a
d’ailleurs écrit plus d’une trame sonore) de Piano pieces for
children, jusqu’au style de maturité de Les yeux clos
et Rain tree sketch. Une interprétation bien sentie du compatriote
Fukuma et une prise de son juste assez feutrée contribuent aussi au
charme. RB
DVD
Verdi
: Nabucco
Igor Morosow (Nabucco), Bruno Ribeiro
(Ismaële), Simon Yang (Zaccharie), Gabriella Morigi (Abigaille), Elisabeth
Kulman (Fenena), Janusz Monarcha (grand-prêtre de Babylone), Anton
Graner (Abdallo), Sewan Salmasi (Anna)
Orchestre Europasymphony; Ernst Märzendorfer,
dir.
EuroArts 2056228 (122 min)
HHHHHI
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Pour célébrer son dixième anniversaire
(1997–2007), le Festival d’Opéra de St. Margarethen, en Autriche,
a jeté son dévolu sur Nabucco. Un opéra spectaculaire, un
vrai péplum qui se prête bien au caractère grandiose et historique
des lieux, puisque ce festival à ciel ouvert se tient au cœur des
ruines d’une carrière romaine – on parle ici de la plus grande
scène naturelle d’Europe. On pourrait craindre une acoustique déficiente
vu le plein air, pourtant la captation sonore est impeccable. En revanche,
pour obtenir un tel résultat, les chanteurs doivent porter un mini
micro collé au front, ce qui agace le regard lors des gros plans. La
scénographie impressionne. Soulignons l’entrée de Nabucco sur une
monture crachant le feu, l’incendie du Temple des Juifs, les cascades
hollywoodiennes, les lasers, et même le spectacle pyrotechnique une
fois l’opéra terminé. Cette opulence technique masque quelque peu
le cafouillis du récit, qui raconte la conquête de Jérusalem par
Nabuchodonosor en 586 av. J.-C. Le travail des solistes, tant au plan
de l’interprétation que du chant, est de haut niveau. Œuvre de jeunesse,
Nabucco n’a pas la notoriété verdienne d’Aïda ou de
La Traviata, mais recèle néanmoins une grande richesse musicale,
comme ce DVD en témoigne de brillante façon. Pierre Demers
Kent Nagano conducts classical masterpieces.
Vol. IV : Brahms, Symphony no. 4
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin;
Kent Nagano, dir.
Arthaus 101433 (96 min)
HHHHII
/ $$$$
Voici un DVD de réussites et de demi-réussites,
mais sans échecs. Nous avons droit à une Quatrième sobre et
équilibrée. Le montage, recourant aux techniques modernes, choque
seulement lorsque les zooms rapides tentent pathétiquement de jouer
au vidéoclip, mais ces stupidités sont heureusement rares. Le documentaire
doit sûrement sa genèse à d’autres motifs (assurément télévisuels),
puisqu’une grande proportion est vouée aux extraits du concert
déjà disponibles en entier… Nagano ne nous livre pas toujours
ses meilleures réflexions, mais les musiciens nous surprennent de quelques
trouvailles éclairantes. L’animation rendant vie à Brahms et ses
contemporains fait sourire et émeut, mais pèche un peu par excès
de simplicité. RB
Bach
: 6 Suites for violoncello BWV 1007-1012
Wen-Sinn Yang, violoncelle
Arthaus Musik 101419 (2 DVD: 175 min;
2 CD: 146 min 53 s)
HHHHHI
/ $$$$
Autre signe des bouleversements qui secouent
le marché du disque, c’est sous deux formats, DVD et CD, que nous
sont offertes les Suites pour violoncelle de Bach sous l’archet
de Wen-Sinn Yang, artiste suisse d’origine taïwanaise et premier
prix au Concours international de Genève en 1991. Son interprétation
se caractérise par une sorte de spiritualité sobre et intense, à
l’image, dirait-on, de la petite église rurale sise dans les Alpes
bavaroises où l’enregistrement a été fait. C’est peut-être le
côté ludique et chorégraphique qui est négligé dans cette approche
très intérieure, néanmoins séduisante en dépit d’une certaine
uniformité d’atmosphère. C’est que les tempos tendent à la modération,
surtout dans les allemandes qui semblent vouloir rivaliser de lenteur
avec les sarabandes, dans la Sixième Suite en particulier. L’équilibre
d’un Pierre Fournier dans ces chefs-d’œuvre aux multiples tensions
se rappelle ici à notre souvenir. Outre l’apport proprement visuel,
les DVD comprennent de courtes introductions à chaque suite par le
soliste (en allemand, sous-titres en diverses langues), mais d’intérêt
inégal. La caméra est plutôt statique et l’on peut se demander
s’il est bien nécessaire de regarder pendant trois heures un violoncelliste
en train de s’exécuter, surtout que dans le cas de Yang, l’émotion
passe beaucoup plus dans le son que dans le visage. AL
BOOK
Pierre et le pialeino
Conte de Mathieu Boutin, Illustrations
de Paule Trudel Bellemare, Musique de Serge Prokofiev,
Au piano : Denise Trudel
HHHHII
Cet album-CD est le premier d’une série
de contes musicaux visant à susciter chez les jeunes le désir de mieux
connaître la musique. L’auteur, Mathieu Boutin, s’est ici laissé
inspirer par les Musiques pour enfants op. 65 de Prokofiev. Douze
petites pièces qui apparaissent aussi comme les clés élémentaires
de l’initiation d’un enfant à la musique. |
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