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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 4 December 2007

Critiques/Reviews

December 17, 2007


Politique de critique : Nous présentons ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique ne constitue pas un jugement négatif. Vous trouverez des critiques additionnelles sur notre site Web www.scena.org.

Review Policy: While we review all the best CDs we get, we don’t always receive every new release available. Therefore, if a new recording is not covered in the print version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.

HHHHHH indispensable / a must!

HHHHHI excellent / excellent

HHHHII très bon / very good

HHHIII bon / good

HHIIII passable / so-so

HIIIII mauvais / mediocre

$ < 10 $

$$ 10–15 $

$$$ 15–20 $

$$$$ > 20 $

Critiques / Reviewers

AL Alexandre Lazaridès

FC Frédéric Cardin

MDB Martin David-Blais

PD Pierre Demers

PMB Pierre Marc Bellemare

PG Philippe Gervais

RB René Bricault

WSH W.S. Habington

Musique vocale

Ludwig van Beethoven: Leonore / Fidelio

Richard Cassilly (Florestan), Edda Moser (Leonore), Theo Adam (Pizarro); Staatskapelle Dresden; Herbert Blomstedt, dir.

Josef Protschka (Florestan), Gabriele Schnaut (Leonore), Harmut Welker (Pizarro); Wiener Philharmoniker; Christoph von Dohnanyi, dir.

Brilliant Classics 93213 (273 min 1 s)

HHHHHI / $$$

Beethoven a produit pas moins de trois versions de son unique opéra. Ce coffret nous offre les deux versions qui diffèrent le plus l’une de l’autre, soit la première, Leonore de 1805, et la dernière, Fidelio de 1814. L’idée de regrouper des enregistrements de ces partitions sœurs est excellente, bien entendu. Cependant, l’étudiant en musique qui aurait l’idée de se procurer ce coffret à des fins de comparaison doit savoir qu’il devra effectuer lui-même le plus clair du travail. Certes, le texte chanté des deux œuvres est fourni, mais en allemand seulement. (C’est tout juste si les pages sont numérotées...) Enfin, les notes, sans être dépourvues d’intérêt, sont sommaires et confuses. Par contre, les enregistrements reproduits sous licence ont été triés sur le volet. Celui de Leonore (EMI, Blomstedt, Staatskapelle Dresden, 1976) est sans doute le meilleur de l’œuvre à ce jour, tandis que celui de Fidelio (Decca, Von Dohnanyi, Wiener Philharmoniker, 1991) se situe dans la moyenne supérieure d’une discographie abondante et distinguée. PMB

Conti: David

Il Complesso Barocco; Alan Curtis, dir.

2 CD Virgin 77887721 (156 min)

HHHHHI / $$$$

De Francesco Conti, contemporain de Händel, on ne connaissait au disque que quelques cantates, parues chez l’éditeur Arcana. Ce compositeur fut pourtant une figure respectée de son temps : Florentin installé à Vienne, premier théorbe à la cour des Habsbourg, il eut longtemps la charge de produire et de diriger des opéras pour le carnaval, épousant même successivement deux prime donne ! L’oratorio qu’on découvre ici, chanté en italien plutôt qu’en latin, emprunte de fait un style très opératique, sauf dans les chœurs contrapuntiques qui terminent chacune des parties. On comprend vite l’enthousiasme d’Alan Curtis devant cette partition : les récitatifs sont originaux et expressifs et tous les airs, ou presque, séduisent par leur écriture développée et virtuose, rappelant parfois la manière de Hasse. La réussite de cet enregistrement tient aussi à l’excellence des solistes. Dans le rôle de David, tenu à l’origine par un castrat alto, Marijana Mijanovic retrouve ici une forme splendide. Simone Kermes réussit pour sa part des cadences époustouflantes, tandis que les barytons Furio Zanasi et Vito Priante (Saül et son mauvais conseiller) jouent la colère et la jalousie avec brio. Sans doute un René Jacobs aurait-il su exacerber encore davantage les tensions dramatiques que recèle cette œuvre, mais nous n’en tenons pas moins ici une remarquable
réussite, et le retour d’un compositeur
dont il nous reste beaucoup à découvrir.
PG

Arias for Rubini

Juan Diego Florez, ténor; Accademia Nazionale di Santa Cecilia; Roberto Abbado, dir.

Decca 4759079 (71 min 41 s)

HHHHHH / $$$$

Giovanni Battista Rubini (1794-1854) est, avec Nourrit et Duprez, l’un des trois chanteurs qui, dans les années 1820-1830, avec la complicité des plus grands compositeurs d’opéra de l’époque, ont réussi à imposer la voix de ténor comme la voix masculine prédominante sur la scène lyrique romantique. Son nom est avant tout associé aux rôles que Bellini et Donizetti ont écrits pour lui. Il est donc un peu curieux que des sept airs du programme de ce disque, visant à saluer l’avènement du Rubini de notre temps, quatre soient d’un compositeur – Rossini – qui n’a jamais écrit un seul rôle pour Rubini, quoiqu’il ait révisé certains de ses airs pour lui. C’est sans doute que le ténor péruvien n’est encore qu’un Rubini en devenir. Mais le grand Rubini lui-même ne s’était-il pas d’abord imposé comme interprète de Rossini ? Or, c’est ce que Florez lui-même vient de faire, de façon spectaculaire et en peu d’années, grâce à son instrument magnifique, ferme, brillant, étonnamment agile dans l’aigu, sa technique remarquable à tous égards (respiration, intégration des registres, phrasé, etc.), son élocution si nette, son sens du style et de la structure musicale d’une finesse et d’une intelligence sans équivalent chez les chanteurs de sa génération. Un ar-tiste à suivre, donc… Textes chantés en italien et en traduction française; notes érudites de Philip Gossett. PMB

La Bataille de Killicrankie. Chants d’amour et de guerre en Écosse libre

Meredith Hall, soprano; Matthew White,
contre-ténor; La Nef; Sylvain Bergeron, dir.

Atma ACD22510 (61 min 13 s)

HHHHHI / $$$$

Voici un disque singulier dans la mesure où son unité repose sur un mouvement militaire et politique d’il y a bien longtemps. En réalité, plus de la moitié du programme traite de

l’amour plutôt que de la guerre. Reste l’autre moitié, constituée de morceaux plus ou moins directement inspirés par le nationalisme écossais du 18e siècle et sa répression brutale par les Anglais et leurs alliés lowlanders à l’occasion des « insurrections jacobites » de 1689 (l’année de la victoire écossaise de Killiecrankie, restée sans lendemain), 1715 et 1745. Le mouvement jacobite visait à rétablir sur ses trônes le roi Jacques (James, en latin Jacobus) Stuart, deuxième du nom en Angleterre et septième en Écosse, après qu’il en eut été chassé par l’establishment anglo-protestant. Les membres de la Nef et leur directeur musical font magnifiquement valoir la spécificité des musiques héroïques et érotiques calédoniennes traditionnelles, auxquelles viennent s’ajouter des compositions originales du facteur de cornemuse Hamish Moore de Dunkeld. Le livret d’accompagnement comprend les textes chantés (en anglo-écossais et en français) ainsi que des notes quelque peu sommaires que l’on complétera utilement en consultant le site suivant : http://jacobite.ca. On y apprendra que nombreux sont encore ceux qui, en Écosse, et même au Canada, considèrent le duc Franz de Bavière, l’héritier jacobite, comme leur souverain légitime, Mme Elizabeth Windsor n’étant qu’une usurpatrice. PMB

Adam de la Halle: D’amoureus cuer voel chanter

Anne Delafosse-Quentin, Paulin Bündgen, contreténor; Lisandro Nesis, ténor

Les Jardins de Courtoisie

Zig-Zag Territoires ZZT070401 (73 min 17 s)

HHHHHI / $$$$

Les Jardins de Courtoisie est un petit ensemble qui s’est donné pour mission de ressusciter le répertoire des trouvères et de la chanson courtoise, qui s’étend du Moyen Âge jusqu’aux airs de cour du XVIIe siècle, dans une variété de style encore peu explorée. Cet ensemble comprend luth et cistre, flûtes et vièle ainsi que des percussions. On est charmé par le parfum presque byzantin de ces rythmes martelés ou syncopés et de ces mélopées modales souvent nostalgiques qui étirent les chansons sans les couler dans le moule d’un thème trop précis. De l’œuvre représentative d’Adam de la Halle qu’il est nécessaire de reconstituer d’une certaine manière, le présent enregistrement offre dix-sept chansons de longueurs inégales (deux d’entre elles font dix minutes) entrecoupées d’intermèdes instrumentaux et de courts rondeaux au ton plutôt satirique. L’amour pour la Dame, « douce douleur », « mal joli » ou « fin’amor », les parcourt toutes, et elles sont servies par la voix pure d’Anne Delafosse-Quentin en solo ou accompagnée par un ténor et un contreténor, avec une savoureuse prononciation d’époque. AL

Musique instrumentale

Alexandre Borodine: Symphonies

Royal Stockholm Philharmonic Orchestra; Gennady Rozhdestvensky, dir.

Brilliant Classics 93348 (137 min 56 s)

HHHHHI / $$$

L’œuvre symphonique de Borodine est peu abondant et il est presque entièrement contenu dans ce coffret de deux disques compacts. Fait étrange, ce qui manque, et qu’on aurait pu facilement inclure, c’est le plus beau joyau, le poème symphonique Dans les steppes de l’Asie centrale, chef-d’œuvre de concision et de simplicité. Par contre, on trouve dans ce programme des partitions composées par Borodine, mais orchestrées par d’autres, dont la Petite suite, instrumentée par Glazounov, et les célèbres Danses polovtsiennes du Prince Igor, dont la version de concert est l’œuvre d’un comité présidé par Rimski-Korsakov. Tout se ramène donc aux trois symphonies, ou plutôt deux symphonies et demie, ou moins encore, car la troisième, incomplète, ne comporte que deux mouvements « reconstitués » par Glazounov, qui s’appuyait en bonne partie sur son souvenir d’avoir entendu Borodine en jouer des extraits au piano. L’univers sonore de ces symphonies, enregistrées ici sous une forme revue et corrigée par le maestro Rozhdestvensky, présente d’étroites affinités avec celui, tour à tour d’une tristesse nostalgique et d’un dynamisme échevelé, du Prince Igor, l’opéra inachevé, mais si longtemps mûri, dans lequel tout Borodine trouve son unité. Ces enregistrements, qui font autorité, avaient paru auparavant sous l’étiquette Chandos.

PMB

Beethoven: Concerto pour violon

Vadim Repin, violon; Martha Argerich, piano

Wiener Philharmoniker; Riccardo Muti, dir.

DGG 4776596 (84 min 07 s)

HHHHHH / $$$$

Vadim Repin a de quoi être fier de son ascendance musicale : comparé au grand Oïstrakh, soutenu et conseillé par Menuhin, lui-même issu de la grande école d’Enesco, le jeune violoniste russe a réussi en peu de temps à se tailler une place de choix dans l’élite musicale contemporaine en demeurant à la hauteur de cette illustre lignée. Cette lecture de deux monuments de la littérature violonistique est tout bonnement exceptionnelle. Dans le Concerto, des épisodes chambristes côtoient avec bonheur d’autres moments plus épiques où la remarquable polyvalence de Repin peut s’exprimer sans retenue. À la fois sage et facétieux, Repin illumine ce Concerto de sa personnalité attachante, en y imprimant une certaine légèreté bon enfant doublée d’une profonde spiritualité. La Sonate à Kreutzer est le véhicule parfait pour jauger le degré de communion et de partage, musical, spirituel et émotif, entre deux musiciens. Le jeu lumineux et chatoyant, délicatement perlé, de la géniale Martha Argerich constitue un complément idéal pour la technique sans failles et la virtuosité raffinée de Repin. Deux musiciens, une seule vision de l’œuvre ! Une page d’histoire de l’interprétation beethovénienne vient d’être écrite. FC

John Corigliano : Concerto for violin and orchestra “The Red Violin”; Sonata for
violin and piano

Joshua Bell, violon; Jeremy Denk, piano; Baltimore Symphony Orchestra; Marin Alsop, dir.

Sony Classical 880602 (66 min 22 s)

HHHHHI / $$$$

La musique contenue dans ce disque est en quelque sorte le complément naturel de la bande sonore (Sony Classical 1SK63010) du film de François Girard (Universal Home Video) qui, en 1998, devait mériter un Oscar à son compositeur John Corigliano. Les musiques entendues sur les deux disques font usage des mêmes matériaux thématiques, mais à l’intérieur de structures totalement différentes, l’une narrative (la bande sonore) et l’autre plus purement musicale (le concerto). En fait, le seul morceau que les deux disques aient en commun est la Chaconne sur les mélodies du film que Corigliano, encore en proie à l’inspiration, composa sitôt après avoir terminé la musique de la bande sonore proprement dite. Depuis, la Chaconne en question est devenue en 2003 le premier mouvement du Concerto pour violon et orchestre en quatre mouvements qui représente la pièce de résistance du nouveau disque. Les trois autres mouvements sont, encore davantage même, d’une facture beaucoup plus audacieuse, avec bruits et dissonances, que la musique néo-romantique de la bande sonore. Dans tous les cas, les parties de violon, y compris celle de la Sonate pour violon et piano, œuvre de jeunesse (1962-1963), mais déjà considérée comme un classique, sont tenues par l’interprète idéal, Joshua Bell, que l’on pouvait entendre, et parfois voir, dans le film. PMB

Avison: Concertos in Seven Parts

Café Zimmermann

Alpha 907 (76 min 37 s)

HHHHHI / $$

Ce disque est une réédition, puisqu’il est déjà paru en 2002. Nous l’avons ici à prix réduit et, qui plus est, bonifié d’un catalogue de la maison Alpha (l’une des plus élégantes de toute la constellation classique). Soyons clairs d’entrée de jeu : c’est une aubaine que vous ne pouvez laisser passer ! Charles Avison était un Anglais fasciné par la musique italienne. En 1742, il réalise des « arrangements » de deux sonates pour clavier de Domenico Scarlatti. Leur édition est un tel succès commercial qu’Avison, sentant la bonne affaire, amorce la production à grande échelle qui le mènera vers la réalisation de douze concertos en bonne et due forme, dans lesquels chaque mouvement est un savoureux arrangement d’une des 85 premières sonates. Pour quiconque aime Scarlatti et la musique baroque, ce disque est un coffre aux trésors scintillant de mille feux ! L’élégance et la vitalité des mélodies de Scarlatti n’ont absolument rien perdu dans le transfert aux cordes. L’Académie de St-Martin-in-the-Fields avait visité ce répertoire dans les années 1970 (et nous l’avait fait découvrir). Café Zimmermann élague ces interprétations en les rendant plus vivantes, bien que moins somptueuses. Un plaisir ininterrompu de la première à la dernière plage. FC

Vivaldi: L’Estro armonico

Elizabeth Wallfisch, violon; Tafelmusik Baroque Orchestra; Jeanne Lamon, dir.

Analekta AN 29835 (63 min 30 s)

HHHHHI / $$$

DVD-cadeau : The Four Seasons Mosaic

Media Headquarters Film & Television Inc. (54 min)

HHHHII

C’est une interprétation scintillante, avec des cordes aux arêtes toujours vives, que nous proposent Jeanne Lamon et son ensemble torontois du célèbre opus vivaldien, dont on sait qu’il regroupe des concertos de un à quatre violons solistes, auxquels s’ajoute parfois un violoncelle. À la talentueuse Elizabeth Wallfisch, violoniste invitée, ont été confiés trois concertos à un seul violon. Dans les autres cas, ce sont des membres de l’ensemble Tafelmusik et Jeanne Lamon elle-même qui tiennent les parties solistes, dans une unité sans faille des dialogues entre eux et avec l’orchestre. À vrai dire, le titre du CD est quelque peu trompeur, car seulement huit des douze concertos que comprend le recueil de l’Estro armonico sont enregistrés ici. Le DVD en prime documente un projet original : celui de « métisser » les Quatre Saisons de Vivaldi en leur adjoignant des instruments solistes d’autres civilisations, tels le pipa chinois, le sarangi hindou ou les chants de gorge inuit. Les interprètes sont suivis dans leur pays d’origine respectif, avant le regroupement de l’interprétation finale parrainée par le compositeur canadien Mychael Danna. Le résultat, sans être entièrement convaincant, ne laisse pas d’intriguer. AL

Fischer: Le Journal du Printemps

Orfeo Barockorchester; Michi Gaigg, dir.

CPO 777 150-2 (77 min 39 s)

HHHHHI / $$$$

Il semble que Johann Caspar Ferdinand Fischer ait été le premier à publier des suites pour orchestre avec ouverture, genre auquel contribueront plus tard Bach et Telemann. Paru en 1695, le recueil joliment intitulé Journal du Printemps contient huit grandes suites, dont une seule ne figure pas sur ce disque, faute d’espace. On ne saurait trouver meilleure illustration du rayonnement lullien à l’étranger : originaire de Bohême et travaillant pour le margrave de Bade, Fischer a imité le style français avec une habileté confondante, sans incorporer d’influences italiennes. Si certaines petites danses peuvent sembler anecdotiques, les ouvertures en revanche sont somptueuses, deux d’entre elles faisant même appel aux trompettes. Les chaconnes et les passacailles retiennent également l’attention, atteignant à cette grandeur voilée de mélancolie qui fait tout le prix des meilleures pages orchestrales de Lully. Et que dire de cette plainte pour flûte, qui semble tout droit sortie d’un opéra français ! L’Orfeo Barockorchester offre une sonorité chaude et ample et bénéficie d’une remarquable prise de son. La façon dont le trio des hautbois se mêle aux cordes sans s’y fondre totalement est particulièrement savoureuse. Une belle surprise, et une contribution importante à l’histoire de la musique orchestrale allemande. PG

Songs without Words: Classical Music from « The War »

Artistes variés

RCA Red Seal 143702 (70 min 10 s)

HHHHHI/ $$$

Happy Birthday, à la manière de…

Angèle Dubeau et la Pietà

Analekta AN 6 1000 (11 min 03 s)

HHHHII / $

Concept original s’il en est un : présenté sous forme de carte d’anniversaire, ce disque décline douze versions différentes du célèbre Happy Birthday (Joyeux anniversaire). En plus de la version « originale » (arrangée pour cordes), Angèle et sa Pietà nous offre des colorations de cet air dans les styles de Haydn, Mozart, Beethoven, Schumann, Brahms et Dvorák, ainsi que d’autres à la façon de la musique de film, du ragtime, du tango, de la polka, de la valse et de la musique tzigane. Au prix d’une carte écrite, voici une idée cadeau très économique qui en fera sourire plus d’un ! FC

The Best of Edgar Meyer

Edgar Meyer, contrebasse

Artistes variés

Sony Classical 13233-2 (74 min 12 s)

HHHHHI / $$$

Le contrebassiste américain Edgar Meyer est un champion de l’éclectisme. Ce remarquable touche-à-tout a pratiquement fait le tour des genres musicaux. Que ce soit le country-folk, le bluegrass, le jazz, le classique ou la musique contemporaine, Meyer a contribué à son unique façon au rapprochement de communautés musicales autrefois séparées par un mur d’incompréhension et de préjugés. Il a ainsi convaincu d’éminents musiciens tels que Yo-Yo Ma et Joshua Bell d’interpréter des airs de folklore du terroir américain et des folkloristes/jazzmen accomplis comme Béla Fleck ou Mike Marshall de taquiner les partitions de Bach ou Scarlatti. Ce qu’il faut surtout apprécier dans la démarche originale de cet excellent musicien, c’est l’indéfectible ligne directrice qui le guide dans tout ce qu’il accomplit. On sent les racines des terres du Sud dans ses coups d’archets, dans son écriture pour orchestre ou dans ses arrangements des Suites de Bach. Il a élevé le folk américain à des sommets de raffinement insoupçonnés et il a déridé, sans aucun manque de respect, la musique savante européenne. Si vous n’avez jamais croisé l’étonnant univers de cet artiste, ce florilège de ses meilleurs enregistrements est un endroit idéal pour commencer. FC

Pietro Nardini: Six sonatas for two
German flutes and a bass

Il Bell’Accordo Ensemble

Discantica 156 (70 min)

HHHHII / $$$

Pietro Nardini (1722-1793), élève de Tartini, était un violoniste au service de la cour de Toscane très admiré de Léopold Mozart, surtout pour ses qualités d’interprète et de spécialiste du cantabile plutôt que pour ses prouesses de virtuose. La plus grande partie de sa production, relativement peu abondante, est naturellement consacrée à son instrument ainsi qu’à divers ensembles d’instruments à cordes. La collection de sonates pour deux flûtes « allemandes » et basse continue, publiée à Londres dans les années 1760 et à laquelle ce compact est consacré, fait donc figure d’exception. D’après les notes d’accompagnement, par ailleurs assez sommaires, il s’agirait d’un premier enregistrement intégral mondial sur instruments d’époque. Les sonates en question sont d’une écoute agréable, d’un style assez conservateur, plus galant que véritablement classique et, tout en servant certaines visées pédagogiques, elles privilégient la mélodie plus que la technique. Espérons que cette belle gravure contribuera à mieux faire connaître et diffuser cette jolie musique jusqu’à maintenant négligée par le disque. PMB

Beethoven: Œuvres complètes pour piano, vol. 5

Sonates opus 31, no 1 à 3

Ronald Brautigam, pianoforte

BIS-SACD-1572 (67 min 49 s)

HHHHHH / $$$$

Malgré les progrès de la facture à l’ancienne, il est encore rare qu’on joue Beethoven au pianoforte plutôt qu’au piano moderne. Même au disque, peu d’interprètes s’y sont risqués. Aussi cette intégrale en cours est-elle bienvenue, surtout venant d’un interprète chevronné qui a déjà enregistré de façon très convaincante tout l’œuvre pour clavier de Mozart et de Haydn. Sur une copie d’un instrument construit par le facteur viennois Walter en 1802, Brautigam propose les trois sonates que Beethoven composa l’été de cette même année, alors qu’il séjournait à Heilingenstadt. Période noire s’il en fut dans la vie du compositeur, qui voyait sa surdité s’aggraver et songeait au suicide. On n’en est que plus touché par la vitalité – voire l’humour – qui se dégage de ces sonates. La légèreté et le caractère intimiste du pianoforte font ici merveille, tout comme les couleurs contrastantes des différents registres. Brautigam a le sens du théâtre et ne se borne pas à une vision décorative : au contraire, un véritable souffle passe sur ses lectures, tant il est vrai qu’un instrument délicat poussé dans ses derniers retranchements peut surprendre davantage qu’un instrument au départ très puissant. Une excellente façon de redécouvrir des œuvres que l’on croyait bien connaître ! PG

Bach: Lute Works, vol.1

Paul O’Dette, luth

Harmonia Mundi HMU 907438 (67 min 44 s)

HHHHHH / $$$$

Les partitions de Bach pour le luth sont réputées injouables. Et pour cause. Le grand Cantor les écrivit probablement pour le Lautenwerk, sorte de clavecin à cordes en boyau. On comprend assez vite que ce qui est « facile » sur un clavier peut l’être beaucoup moins sur un luth ! Les œuvres choisies pour ce premier volume d’une intégrale à venir sont : Pièces pour la luth à Monsieur Schouster (en réalité une transcription de la Suite en la mineur pour violoncelle), la transcription de la fameuse 3e Partita en mi majeur pour violon et de la Sonate pour violon en sol mineur. Le défi de Paul O’Dette a été de réécrire ces partitions pour le luth à 13 cordes, en s’assurant de ne rien perdre de leur complexité originelle. Après quelques minutes d’écoute seulement, le verdict s’impose de lui-même : c’est une totale réussite. O’Dette est un virtuose d’une étonnante musicalité. Ses phrasés sont naturels, la complexité polyphonique implicite à ces œuvres est idéalement rendue à la fois par une lecture limpide des proportions et de l’équilibre des voix ainsi que par une qualité d’enregistrement maximale. Un disque essentiel. FC

Schmelzer : sonatae a violino solo

Hélène Schmitt, violon; Jan Krigovsky, violoncelle; Stephan Rath, théorbe; Jörg-Andreas Bötticher, claviorganum

Alpha 109 (73 min 57 s)

HHHHHI / $$$$

Une magnifique découverte ! Les extravagances de Schmelzer sont admirablement servies par la folie contrôlée de Mme Schmitt. Elle décoche des notes avec une ardeur sauvage et contribue ainsi à donner vie à une musique injustement oubliée, mais qui réclame ici à grands cris (l’allusion est pertinente) sa résurrection. Faisant penser à Biber par sa rugosité, et anticipant aussi Zelenka par sa complexité architecturale, la musique de Schmelzer apparaît dans cette gravure comme un monument négligé du génie baroque. Hélène Schmitt au violoncelle, c’est la démence la plus extrovertie qui s’exprime à l’intérieur d‘un cadre de la plus subtile et délicate perfection architecturale. Surprenant. FC

Musique contemporaine

Morten Lauridsen: O magnum mysterium, O nata lux, Madrigali, Mid-Winter Songs

Elora Festival Singers; Noel Edison, dir.

Naxos 8.559304 (68 min 56 s)

HHHHHH / $

De nos jours, un compositeur de talent qui voudrait vivre de sa plume et voir sa musique diffusée dans de vastes réseaux internationaux serait bien inspiré de se spécialiser dans l’écriture pour formations chorales. C’est ce qu’a fait l’Américain Morten Lauridsen (1943-) avec bonheur. Sa musique a fait le tour de la planète au point de se retrouver maintenant au programme de plus d’une centaine de disques compacts, dont plusieurs lui sont entièrement consacrés. Cette musique a tout pour séduire le public friand du genre, l’un des derniers refuges du « beau chant » : elle est à la fois traditionnelle et contemporaine, savante et émouvante, éclectique et très personnelle. Lauridsen est un artiste d’une grande intégrité. Avec la veine mélodique qui est la sienne, il aurait pu être tenté de se lancer à la conquête de Hollywood et d’autres marchés populaires, mais il n’en a rien fait. Il ne compose que la musique qu’il aime et sa production, peu abondante, est de la plus grande qualité, comme en témoigne ce magnifique CD où ses partitions parmi les plus représentatives sont confiées à l’une des plus importantes formations chorales canadiennes. Pour en apprendre davantage sur Lauridsen et sa musique, on peut consulter son site : http://homepage.mac.com/kennesten/lauridsen/index2.html. PMB

CÉCO en mouvement

Artistes variés

CÉCO2007 (70 min 54 s)

HHHIII

Si l’on s’en tient au présent disque, on constate que les jeunes compositeurs tendent à délaisser les techniques d’écriture avant-gardistes de l’après-guerre au profit, d’une part, de recherches dans le monde des « tonalités élargies » et, d’autre part, de la musique électro-acoustique. Cette dernière comptant Montréal parmi ses capitales, on s’étonnera peu de la grande qualité de l’Étude aux clavecin et oiseaux de Thierry Gauthier, par exemple ou La nouvelle idole de Raphaël Néron. Bravo également au pianiste Georges Dimitrov pour ses ingénieuses Variations sur les Préludes de Chopin. Il ne faut pas s’attendre à une qualité sonore époustouflante, puisque la prise de son ne réussit guère à faire oublier l’acoustique étouffée du studio d’enregistrement, mais le résultat reste néanmoins fort acceptable. RB

Morawetz: A child’s cry from Izieu

Jasper Wood, violin; David Riley, piano

Centrediscs 12807 (51 min 47 s)

HHHHII / $$$$

Oskar Morawetz, a Jewish Czech who fled to Canada during WW II, writes in a style much closer to his pre-war Central European home (Bartok, Martinu, Janacek, early Ligeti) than to his post-war Canadian adopted one (Shafer, Papineau-Couture, Somers, Tremblay). This difference in tone not only increases variety in Canadian music, but also its overall quality, for these are well constructed, well played, and decently recorded works, spanning four decades of creativity. Generally dark and dissonant in texture, they leave room for haunting melodies that scream as much as they breathe. Jasper Wood has a velvety, non-aggressive tone that can still convey violence as well as humour, which isn’t a luxury in this demanding repertoire. RB

Poetic Moods. A Century of Ukrainian piano Music

Maria Dolnycky, piano

Dolnycky MD2001 (68 min 28 s)

HHHHII / $$$

Ce disque, qui propose un survol de la musique pour piano en Ukraine au XXe siècle, est une réussite complète. Réussite d’abord parce qu’on nous convainc de la richesse de ce répertoire méconnu. Le choix des pièces, judicieux, réunit plusieurs horizons esthétiques : on passe notamment d’un romantisme très lyrique (Revutsky ou Kosenko) à l’écriture modérément atonale de Silvestrov (sa belle Sonate n’a rien à envier à ses œuvres pour orchestre). En outre, le choix ne s’est pas arrêté qu’à des œuvres d’intérêt, même lorsqu’elles sont légères (Chanson de Barvinsky). Réussite ensuite parce que le climat poétique, que l’on cherchait manifestement à installer, ne s’estompe pas d’une pièce à l’autre malgré les ruptures esthétiques. Réussite enfin en raison de la grande qualité d’interprétation de la pianiste dont on dit pourtant qu’elle affectionne la musique actuelle : elle se montre juste et convaincante dans tous les styles abordés. La grande découverte du disque est la suite Poetic Moods d’Ishchenko. Voilà une œuvre passionnante qui montre qu’il est possible de créer avec un langage et des procédés contemporains une atmosphère musicale diaphane aussi raffinée et envoûtante que ce qu’on pouvait écrire il y a un siècle (Dans les brumes de Janáãek par exemple). Martin David-Blais

Takemitsu : Piano music

Kotaro Fukuma, piano

Naxos 8.570261 (63 min 57 s)

HHHHII / $

Pour qui ne connaît pas Takemitsu, nous recommandons sa musique pour petits ou grands ensembles plutôt que pour instruments solistes, car le grand Japonais compte indubitablement parmi les plus grands orchestrateurs de tous les temps. Cela dit, bien peu nombreux sont les disques illustrant mieux que celui-ci l’incroyable capacité que possède Takemitsu de faire évoluer considérablement son langage sans pour autant sacrifier les paradoxaux sérénité tendue et orientalisme occidental qui caractérisent sa musique : sonorités scriabiniennes de Romance, aspect aléatoire post-webernien de Piano distance, musique tonale « fonctionnelle » (Takemitsu a d’ailleurs écrit plus d’une trame sonore) de Piano pieces for children, jusqu’au style de maturité de Les yeux clos et Rain tree sketch. Une interprétation bien sentie du compatriote Fukuma et une prise de son juste assez feutrée contribuent aussi au charme. RB

DVD

Verdi : Nabucco

Igor Morosow (Nabucco), Bruno Ribeiro (Ismaële), Simon Yang (Zaccharie), Gabriella Morigi (Abigaille), Elisabeth Kulman (Fenena), Janusz Monarcha (grand-prêtre de Babylone), Anton Graner (Abdallo), Sewan Salmasi (Anna)

Orchestre Europasymphony; Ernst Märzendorfer, dir.

EuroArts 2056228 (122 min)

HHHHHI / $$$$

Pour célébrer son dixième anniversaire (1997–2007), le Festival d’Opéra de St. Margarethen, en Autriche, a jeté son dévolu sur Nabucco. Un opéra spectaculaire, un vrai péplum qui se prête bien au caractère grandiose et historique des lieux, puisque ce festival à ciel ouvert se tient au cœur des ruines d’une carrière romaine – on parle ici de la plus grande scène naturelle d’Europe. On pourrait craindre une acoustique déficiente vu le plein air, pourtant la captation sonore est impeccable. En revanche, pour obtenir un tel résultat, les chanteurs doivent porter un mini micro collé au front, ce qui agace le regard lors des gros plans. La scénographie impressionne. Soulignons l’entrée de Nabucco sur une monture crachant le feu, l’incendie du Temple des Juifs, les cascades hollywoodiennes, les lasers, et même le spectacle pyrotechnique une fois l’opéra terminé. Cette opulence technique masque quelque peu le cafouillis du récit, qui raconte la conquête de Jérusalem par Nabuchodonosor en 586 av. J.-C. Le travail des solistes, tant au plan de l’interprétation que du chant, est de haut niveau. Œuvre de jeunesse, Nabucco n’a pas la notoriété verdienne d’Aïda ou de La Traviata, mais recèle néanmoins une grande richesse musicale, comme ce DVD en témoigne de brillante façon. Pierre Demers

Kent Nagano conducts classical masterpieces. Vol. IV : Brahms, Symphony no. 4

Deutsches Symphonie-Orchester Berlin; Kent Nagano, dir.

Arthaus 101433 (96 min)

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Voici un DVD de réussites et de demi-réussites, mais sans échecs. Nous avons droit à une Quatrième sobre et équilibrée. Le montage, recourant aux techniques modernes, choque seulement lorsque les zooms rapides tentent pathétiquement de jouer au vidéoclip, mais ces stupidités sont heureusement rares. Le documentaire doit sûrement sa genèse à d’autres motifs (assurément télévisuels), puisqu’une grande proportion est vouée aux extraits du concert déjà disponibles en entier… Nagano ne nous livre pas toujours ses meilleures réflexions, mais les musiciens nous surprennent de quelques trouvailles éclairantes. L’animation rendant vie à Brahms et ses contemporains fait sourire et émeut, mais pèche un peu par excès de simplicité. RB

Bach : 6 Suites for violoncello BWV 1007-1012

Wen-Sinn Yang, violoncelle

Arthaus Musik 101419 (2 DVD: 175 min;
2 CD: 146 min 53 s)

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Autre signe des bouleversements qui secouent le marché du disque, c’est sous deux formats, DVD et CD, que nous sont offertes les Suites pour violoncelle de Bach sous l’archet de Wen-Sinn Yang, artiste suisse d’origine taïwanaise et premier prix au Concours international de Genève en 1991. Son interprétation se caractérise par une sorte de spiritualité sobre et intense, à l’image, dirait-on, de la petite église rurale sise dans les Alpes bavaroises où l’enregistrement a été fait. C’est peut-être le côté ludique et chorégraphique qui est négligé dans cette approche très intérieure, néanmoins séduisante en dépit d’une certaine uniformité d’atmosphère. C’est que les tempos tendent à la modération, surtout dans les allemandes qui semblent vouloir rivaliser de lenteur avec les sarabandes, dans la Sixième Suite en particulier. L’équilibre d’un Pierre Fournier dans ces chefs-d’œuvre aux multiples tensions se rappelle ici à notre souvenir. Outre l’apport proprement visuel, les DVD comprennent de courtes introductions à chaque suite par le soliste (en allemand, sous-titres en diverses langues), mais d’intérêt inégal. La caméra est plutôt statique et l’on peut se demander s’il est bien nécessaire de regarder pendant trois heures un violoncelliste en train de s’exécuter, surtout que dans le cas de Yang, l’émotion passe beaucoup plus dans le son que dans le visage. AL

BOOK

Pierre et le pialeino

Conte de Mathieu Boutin, Illustrations de Paule Trudel Bellemare, Musique de Serge Prokofiev,
Au piano : Denise Trudel

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Cet album-CD est le premier d’une série de contes musicaux visant à susciter chez les jeunes le désir de mieux connaître la musique. L’auteur, Mathieu Boutin, s’est ici laissé inspirer par les Musiques pour enfants op. 65 de Prokofiev. Douze petites pièces qui apparaissent aussi comme les clés élémentaires de l’initiation d’un enfant à la musique.


(c) La Scena Musicale