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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 2 octobre 2007

Nathalie Cora chez les Mandingues

Par Bruno Deschênes / 3 octobre 2007


Le griot est ce conteur, chanteur et musicien typique du peuple mandingue de l’Afrique de l’Ouest. Similairement à l’ensemble des sociétés africaines, la culture mandingue est orale. Les grands événements et récits de leur histoire ne sont pas couchés sur papier, mais sont conservés dans la mémoire des griots, les gardiens de l’histoire de ce peuple. Un instrument qui le distingue est la cora (il joue aussi du balafon et de quelques autres instruments, incluant même la guitare). La cora est un instrument diatonique à cordes pincées fabriqué à partir d’une calebasse sur laquelle est tendue une peau de vache et qui est traversée d’un manche cylindrique où sont fixées 21 cordes. Chaque griot fabrique et répare lui-même ses coras.

Après avoir reçu une cora d’un griot de passage à Montréal, Nathalie Cora débute en 1986 une formation en musique mandingue auprès du griot sénégalais Boubacar Diabaté, nouvellement arrivé à Montréal, et décédé à l’automne 2006. Depuis 1993, elle se rend régulièrement en Afrique pour y parfaire ses connaissances et ce, auprès de plusieurs maîtres. Elle a appris la musique et les rythmes complexes qui accompagnent ces longs récits, qui durent parfois plusieurs heures, en plus d’avoir appris à fabriquer ses propres coras. Ne parlant pas mandingue, elle s’est consacrée uniquement à l’apprentissage de la musique. Les Mandingues n’ont pas de notation musicale. Nathalie a donc dû apprendre et mémoriser cette musique comme eux. N’ayant aucune formation musicale occidentale au préalable, elle a connu la musique par la musique mandingue. Lorsqu’elle eut maîtrisé un certain répertoire, on a commencé à l’inviter à accompagner des griots lors de baptêmes et de mariages.

Nathalie mentionne que la musique évolue beaucoup en pays mandingue est très vivante et elle remarque lors de chaque voyage que les interprétations se transforment au gré des courants musicaux en vogue. Parfois, elle se fait même dire qu’elle joue la musique des vieux. Les jeunes n’accordent presque plus la cora selon les modes traditionnels ; elle est souvent accordée selon la gamme tempérée occidentale. Depuis plus de cinquante ans déjà, la cora joint les rangs d’ensembles occidentaux, étant accompagnée par des guitares, des claviers et des cuivres.

Mais qui sont les Mandingues ? On retrouve ce peuple au Sénégal, au Mali, en Guinée-Bissau ainsi qu’en Gambie. Ils forment plusieurs grands groupes, chacun présentant des variations culturelles et linguistiques semblables à la différence existant entre la France et le Québec, par exemple. La structure sociale mandingue comprend, entre autres, les nobles, les guerriers, les forgerons et les griots. Traditionnellement, les groupes se marient entre eux. Le rôle du griot est de perpétuer l’histoire, les connaissances en médecine traditionnelle, les coutumes et la généalogie des familles. Ce savoir se transmet uniquement de père en fils ou de mère en fille. Autrefois, les griots servaient de lien entre le peuple et le roi. Aujourd’hui, nous pouvons les entendre lors de baptêmes et de mariages ainsi que sur la scène locale, nationale et internationale. Cependant, ce ne sont pas tous les griots qui sont conteurs ou musiciens.

Nathalie Dussault, de son vrai nom, utilise maintenant le pseudonyme Nathalie Cora. Elle a lancé en 2004 son premier CD : Petite terre. Elle donne régulièrement des concerts, en plus d’accompagner de nombreux artistes québécois autant sur scène qu’en studio. Elle donne régulièrement des ateliers dans les écoles sur les instruments africains. Nous pourrons l’entendre le 22 novembre prochain au Club Soda dans le cadre d’un concert-bénéfice pour l’organisme humanitaire Action contre la faim. Vous pouvez consulter son site : www.nathaliecora.com. n

Ten Ten De-Bayashi

Aki Takahashi

Production du Kiyoshi Nagata Ensemble, 2007, KNE005, 46 m 56 s

Disponible au site www.tentencanada.com

Torontoise d’adoption, Aki Takahashi est spécialisée dans les chants folkloriques japonais, les minyos, qui regroupent les chants folkloriques proprement dits ainsi que les chants de travail et de festivals. Ceux-ci diffèrent des chants d’enfants, des berceuses ou encore des chants d’écoliers (écrits à la suite de l’ouverture du Japon à l’Occident) qui sont généralement plus connus à l’extérieur du Japon. Aki Takahashi nous propose, d’une part, des chants originaux dont elle a écrit paroles et musique, et ce, dans le style minyo, en s’accompagnant au shamisen, luth à trois cordes dont la caisse de résonance est recouverte de peaux de chat ou de chien. D’autre part, s’ajoutent des arrangements originaux de minyos existants. Elle nous propose des harmonisations vocales, forme d’écriture musicale inexistante dans la musique traditionnelle japonaise. Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est qu’elle a créé un style d’harmonisation vocale qui ne calque aucunement l’harmonisation occidentale, faisant donc évoluer cette musique à sa façon.

Turkestan chinois, Le muqam des Dolan

Musique des Ouïgours du désert de Taklamakan

INÉDIT, 2007, W 260126, 58 m 45 s

Les peuples du Turkestan chinois, province du nord-ouest de la Chine connue aussi sous le nom de Xinjiang, sont presque inconnus en Occident. Y réside principalement le peuple Ouïgour d’origine Turkmène que l’on retrouve aujourd’hui surtout au Turkménistan, en Afghanistan et en Iran. Outre les Ouïgours, y vivent aussi les Dolan, un sous-groupe des Ouïgours qui habitent en bordure du désert Taklamakan. L’étiquette Inédit nous propose ici un des rares CD disponibles de cette minorité ethnique de la Chine. Leur musique est basée sur les maqam, grandes fresques musicales que l’on retrouve parmi tous les peuples de l’Asie centrale et dont l’interprétation peut parfois durer plusieurs heures. Chez les Dolan, les maqam sont dansés tout en étant très courts. De plus, chaque musicien peut interpréter la mélodie à sa façon, créant des sonorités hétérophoniques qui ne se retrouvent nulle part ailleurs en Asie Centrale. L’intérêt premier du CD tient au fait que nous pouvons entendre une musique presque totalement inconnue en Occident.


(c) La Scena Musicale 2002