Jazz
October 3, 2007
De la résistance à la contestation :
Esquisse d’une petite histoire politique
du jazz
Marc Chénard
Avec la mort récente de Max Roach
(voir notice ci-contre), le jazz « moderne » américain n’a pas
juste perdu le dernier de ses grands protagonistes, mais aussi l’un
de ses porte-parole les plus engagés. Par-delà son importance sur
le plan artistique, en tant que chef de file de la révolution bop des
années 1940, il aura été, avec son contemporain, le bassiste Charles
Mingus, l’un des premiers jazzmen à exprimer ouvertement ses préoccupations
politiques sur la place publique.
Avant les années 1950, période-charnière
durant laquelle le mouvement déségrégationniste entreprenait sa lutte
contre le racisme institutionnalisé, le lien entre musique et politique
était essentiellement sublimé dans le monde du jazz. Pour la majorité
blanche, le jazz n’était qu’une musique de divertissement, leurs
créateurs de race noire souvent abaissés au rang d’amuseurs publics.
Mais cela n’empêchait pas pour autant les Afro-Américains d’exprimer
leur désarroi, si timidement soit-il.
Premières prises de conscience
Dès 1929, Louis Armstrong, dans
la chanson What did I do to Be so Black and Blue, entonne le
vers suivant, lourd de sens : « And my only sin is the colour of
my skin ». Plus remarquable encore est le lugubre Strange Fruit
qui raconte l’histoire d’un lynchage dans le Sud américain. Bien
que rendu célèbre par Billie Holiday, ce morceau est né de la plume
d’un instituteur juif de New York qui, en tant que communiste, l’avait
écrit en guise de chant contestataire. Dans un cas comme dans l’autre,
ces pièces démontrent comment l’art peut véhiculer des messages
non ambigus en des termes implicites.
L’entrée des États-Unis dans
le conflit mondial en 1941 marque un tournant important. Les big bands
étant en vogue, leurs chefs-vedettes (majoritairement de race blanche)
font un geste politique en se ralliant à la cause; certains se rendent
en Angleterre pour donner des concerts, d’autres offrent leur concours
en enregistrant leur musique pour des diffusions radio des forces armées.
À son insu, le jazz devient un pion dans une machine de propagande.
Et pas juste du coté américain.
Dans le camp ennemi, les instances
nazies dénonçaient sans vergogne le caractère dégénéré de la
musique afro-américaine, mais elles la récupéraient insidieusement
en engageant un groupe de musiciens pour la seule fin de reprendre des
tubes américains avec de nouvelles paroles porteuses de messages explicitement
antibritanniques et antisémites. L’ensemble, appelé Charlie and
his Orchestra, devint alors un outil de contre-propagande et ses contrefaçons
firent l’objet de diffusions radiophoniques vers l’Angleterre.
Pourtant, en terre américaine,
un autre vent de changement allait bientôt souffler sur le jazz. L’arrivée
sur scène de Charlie Parker, de Dizzy Gillespie, de Bud Powell et de
Max Roach ouvrit la voie à une nouvelle esthétique en jazz, empreinte
toutefois d’une nouvelle attitude : le refus de jouer le rôle du
divertisseur. Les boppers créaient leur propre répertoire, sans toutefois
bannir complètement les standards de la pop américaine, se montraient
distants à l’égard d’un public non averti et se constituaient
souvent en petites chapelles pour initiés seulement. Cette attitude
allait se durcir avec le temps, atteignant son point culminant dans
la tourmente sociale et artistique des années 1960.
Revendications et confrontations
Avant cette date, la politisation
du jazz se faisait déjà sentir et Charles Mingus, plus que tout autre,
joua un rôle déterminant. Une pièce comme Haitian Fight Song
laisse entrevoir autre chose, autant dans son titre que dans sa trame
musicale qui frôle un certain chaos. Plus probant encore est son
Fables of Faubus qui dénonce les actions policières ordonnées
par le gouverneur Orville Faubus, opposant de l’intégration raciale
dans les écoles de l’État de l’Arkansas. Le nerf de l’Amérique
était ici touché, si bien que la compagnie pour laquelle le bassiste
était sous contrat, Columbia Records (et rien de moins), refusa d’enregistrer
le récitatif cinglant destiné à ridiculiser le politicien. Dans les
années qui suivirent, Mingus composa d’autres morceaux aux titres
évocateurs, Meditations on Integration, Free Cell Block
F – ‘Tis Nazi USA, Remember Rockefeller at Attica.
L’heure de la révolte sonnait
et la musique devint un exutoire de choix. Certains artistes trouvèrent
leur inspiration dans un retour aux sources de l’Afrique, voyant un
parallèle entre leurs conditions et celles de leurs frères luttant
contre leurs maîtres coloniaux. Nombre de ces jazzmen se tournèrent
vers l’islam pour rejeter la société blanche. La montée de la New
Thing, ou Free Jazz, était un puissant baromètre de cet état de choses
et le ralliement de John Coltrane servit de caution, du moins jusqu’à
sa mort inopportune en 1967. Désormais, les jazzmen ne faisaient pas
juste jouer de leur biniou, ils prenaient position sur les événements.
Parmi eux, Archie Shepp sema un tollé général dans les pages de
Downbeat en 1965, lorsqu’il fit la comparaison entre l’usage
d’un saxophone et celui d’une mitraillette par les Vietcong !
L’Amérique était en crise,
comme on le sait, mais le reste du monde l’était aussi. Qu’on pense
à Mai 68, au Printemps de Prague, à la montée des Brigades rouges
en Allemagne dans les années 1970, voire à notre Crise d’Octobre,
tous ces tourments ne pouvaient passer inaperçus dans le champ artistique.
En Europe, la montée d’un free jazz exacerbé en Allemagne (avec
les Peter Brötzmann et Alex von Schlippenbach en tête de liste) et
en France par l’exil de nombreux Américains permirent aux Européens
de se libérer de l’influence servile des modèles états-uniens et
la constitution d’identités nationales distinctes par l’émergence
d’une musique improvisée éclatée. Chez nous, le passage éphémère
du Quatuor de jazz libre du Québec coïncida avec cette première lancée
vers l’indépendance, culminant dans les événements de 1970.
Mais qu’en est-il de nos jours
de ce rapport ténu entre musique et politique ? Il se peut que la «
belle époque » soit révolue lorsqu’on la compare à notre culture
contemporaine si bien ficelée en marchandises taillées aux goûts
d’un public de consommateurs. Si le jazz, lui, est une musique consacrée,
reconnu autant par les universités que les grandes institutions publiques
et privées, son histoire est marquée par les événements des différentes
époques qu’il a traversées. Et ce n’est donc pas pour ses Louis
Armstrong, Duke Ellington, Miles Davis ou Thelonious Monk que le jazz
est si riche, mais aussi par sa capacité d’être toujours présent
dans son temps, encore aujourd’hui. Choisir le jazz, comme le disent
ses praticiens, ce n’est pas que choisir un mode d’expression ou
un simple gagne-pain, mais bien un mode de vie et, conséquemment, une
forme de conscience par rapport aux valeurs et diktats des décideurs
publics. Vu ainsi, le jazz comportera toujours une dimension politique. n
Max Roach a déposé ses baguettes
(1924-2007)
Charles Collard
Inactif ces dernières années,
Max Roach nous a quittés le 16 août dernier à l’âge
de 83 ans. Son art, à la fois resplendissant et d’une perfection
naturelle, lui donnait une sorte d’aura divine, comme si les ancêtres
l’avaient investi de leur ombre invisible et de leurs rythmes anciens.
Durant une longue carrière, son courage et sa lutte pour la musique
afro-américaine lui ont valu le respect de ses pairs et autres amateurs
de la note bleue.
Né en Caroline du Nord le 10 janvier
1924, le jeune Max trempe dans la musique dès l’enfance. Ses parents,
qui quitteront le Sud pour s’établir à Brooklyn, inscriront leur
fils en percussion classique à la Manhattan School of Music, une formation
qui ne lui conviendra pas du tout. Encore adolescent, son destin bascule
le jour où il remplace Sonny Greer dans l’orchestre de Duke Ellington
qui remarque tout de suite son talent. Durant un engagement avec Count
Basie, le jeune Max fait connaissance avec Lester Young qui lui conseille
de cultiver son authenticité. Kenny Clarke, le grand initiateur de
la batterie moderne et son aîné de dix ans, montrera au jeune apprenti
tous les trucs pour se frayer un chemin dans la 52e Rue, là où il
devra subir son rite de passage pour suivre Charlie « Bird » Parker,
l’esprit musical le plus audacieux des années 1940.
En 1954, Roach s’impose en leader
et codirige avec le trompettiste Clifford Brown un légendaire quintette
comprenant Sonny Rollins, groupe qui atteint une sorte d’apogée dans
le style de l’heure, le hard bop. Bouleversé par la mort de Brown,
tué dans un accident d’automobile avec le pianiste du groupe Richie
Powell, le batteur s’efforce cependant de poursuivre l’aventure
avec d’autres musiciens, sans toutefois atteindre les mêmes sommets.
Homme de conviction, Max Roach
prend fait et cause en 1960 pour la lutte de ses frères de race. Le
disque We Insist! Freedom Now Suite, publié la même année,
est une déclaration musicale antiraciste déchirante. La voix d’Abbey
Lincoln, le saxophone de Coleman Hawkins et trois percussionnistes apportent
le surplus d’émotion à l’atmosphère déjà surchargée du disque.
Animé par une conscience politique
aiguë, Roach se mesura aussi aux chefs de file de la musique Free,
dans des duos mémorables avec Archie Shepp, Anthony Braxton ou Cecil
Taylor. Par ailleurs, il a tissé des liens avec l’Afrique de ses
ancêtres, dont une rencontre mémorable à Paris, en 1985, avec Salif
Keita et Manu Dibango à l’occasion d’un grand concert pour appuyer
la libération de Nelson Mandela.
Par la magie d’Internet, de nombreux
documents visuels permettent d’apprécier pleinement la précision
de son art et le lecteur intéressé pourra en juger en naviguant vers
le lien suivant :
www.drummerworld.com/drummers/Max.Roach.html
Book Notes and
Blues Notes
Paul Serralheiro
Footprints: The Life and Work of Wayne
Shorter
By Michelle Mercer
Jeremy P. Tarcher/Penguin
323 pp.
ISBN 978-1-58542-468-9
Unquestionably one of the greatest
living jazz composers, saxophonist Wayne Shorter is known to many, but
not much in depth. Heralded as sideman in Miles Davis’ 1960s quintet,
he then became co-leader of that most notable fusion band Weather Report,
even if he took something of a back seat to the recently deceased keyboardist
Joe Zawinul, or its grandstanding bassist Jaco Pastorius. Many of Shorter’s
compositions have become jazz classics played by musicians around the
globe—tunes like Footprints, Speak No Evil, Juju,
and Iris. What is less known is how prolific he has been as a
composer, or what his inspirations are, let alone his early history
and a couple of tragedies that marked his life. The shadings of this
portrait are provided by Michelle Mercer in her biography of the musician,
a book that first appeared in hardcover three years ago but was recently
made available in paperback. Although Mercer’s style can be annoyingly
florid at times, this is outweighed by her research and commitment to
her subject. While the focus is clearly on biography and not musicology,
one gets an intelligent telling of how Shorter’s life relates to the
music. What’s more, the emphasis on the “human being first” is
befitting of Shorter who, as a practicing Buddhist for most of his adult
life, views the individual as more important than the music.
One learns that Shorter was first
attracted to comic books and movies in his youth, and had the talent
to pursue a career in visual arts. But jazz rapidly won out, once he
discovered it on the airwaves. As an aspiring clarinetist, then saxophonist,
his notoriety grew, which earned him the nickname of the “Newark Flash”
after his hometown in New Jersey. After cutting his teeth locally, the
word was soon out on him in the New York scene. His first big-time gig
was in Maynard Ferguson’s band, but Art Blakey snatched him up for
his Jazz Messengers, where he shared front-line duties with trumpet
sensation Lee Morgan. While evolving as a prominent stylist on tenor
in the late1950’s hard bop scene, Shorter also pursued formal training
in music at NYU, where he developed his idiosyncratic composition style.
Mercer’s list of Shorter works appended at the end of the book numbers
approximately 500, and these include not only vehicles for jazz improv,
but also through-composed pieces for orchestra.
The most moving detail of his personal
life is the tragic story of his daughter Iska who, as an infant, had
a severe reaction to a tetanus shot which left her brain-damaged for
the brief 14 years of her life. During this time both parents developed
drinking habits which they eventually overcame, thanks in part to their
Buddhist practice, to which they were introduced by Herbie Hancock.
From then on Shorter’s life was on the upswing, as he found financial
success with Weather Report and artistic recognition for his compositions,
all of which bear the stamp of a highly creative mind. Yet, later in
life, tragedy struck again when Ana Maria, his wife of 26 years, died
in that ill-fated TWA plane crash of 1997. Four years after that, Shorter
re-emerged at the helm of an acoustic quartet and now stands as one
of the few living legends of jazz.
Weaving commentary on the music
within the main fabric of the narrative, Mercer provides insights garnered
partly through previously published interviews, but mainly through extensive
ones of her own—both with Shorter and those who have been part of
his life at one time or another. Overall, this is an insightful book
by a writer who has a deep understanding of her subject and an appreciation
for the music that inhabits him.
Next month / le mois prochain :
Lee Konitz – Conversations with an Improviser
Saviez-vous que... vous pourriez
peut-être entendre le disque rare que vous cherchez depuis des lustres
? Mis à jour environ deux fois par semaine, destination-out.com
offre des extraits d’albums obscurs, surtout de free jazz. Parmi les
dernières trouvailles : Porto Novo de Marion Brown (avec Han
Bennink), un disque solo de Cecil Taylor sur la marque japonaise Venus,
le classique big band African Space Program d’Abdullah Ibrahim
et un pot-pourri hommage à Max Roach. Comme les pièces ne sont en
ligne que pour un temps limité, mieux vaut visiter régulièrement.
Curieux, à vos souris!
au rayon du disque - jazz tracks
Quintette Marianne Trudel : Sands of
Time
TRUD 2007-1 (Production à compte d’auteur
: http://www.mariannetrudel.com)
HHHHII
Après un remarquable premier album
en solo (Espaces Libres), la pianiste montréalaise Marianne
Trudel nous revient avec un second opus, également autoproduit. Entourée
des saxophonistes Jonathan Stewart et Rob Mosher (celui-ci joue également
du hautbois), du contrebassiste Morgan Moore et du batteur Robbie Kuster,
Trudel présente sur Sands of Time une suite de compositions
originales, enregistrées en partie au Lion d’Or lors de l’édition
2006 de l’Off Festival de Jazz de Montréal. Cultivant un goût pour
les mélodies empreintes d’un certain lyrisme, la pianiste fait transparaître
dans son jeu les influences de Keith Jarrett et de Paul Bley. Sur les
pièces en quintette, notamment Parcours, pièce de résistance
du CD de plus de 15 minutes, le soprano shortérien de Mosher fait merveille.
Entre les performances du groupe, quelques pièces en trio (dont l’espiègle
Mots d’hiver) et une interprétation solo viennent varier le ton.
Sur la route, composition lauréate du concours du FIJM, est interprétée
par le quartette (sans Mosher) et rappelle les thèmes dansants composés
dans les années 1970 par Keith Jarrett pour son quartette européen.
Musicienne curieuse, friande de rencontres de toutes sortes, Marianne
Trudel semble avoir trouvé sa « voix » ici, mais souhaitons tout
de même qu’elle nous montre la pleine mesure de son talent en nous
surprenant un peu plus dans une « voie » qui lui est propre. FAH
En concert : le 18 octobre à
18 h. (Voir rubrique Jazz + dans la section du calendrier)
The Claudia Quintet : For
Cuneiform Records Rune 247
HHHHII
Dans la mouvance du jazz contemporain
produit à New York, le Claudia Quintet du batteur John Hollenbeck passe
pour l’un des ensembles les plus en vue dans cette ville. Preuve à
l’appui, la récente prestation de cette formation au Stone
— ce haut lieu des musiques créatives parrainé par l’incontournable
John Zorn — attira un public si nombreux que certains ne purent entrer.
Fort heureusement pour eux, et pour nous aussi, il est toujours possible
d’apprécier la musique sur disque. Ce groupe, constitué de solides
pointures comme Drew Gress (contrebasse), Chris Speed (saxo ténor,
clarinette), Ted Reichman (accordéon) et Matt Moran (vibraphone), exécute
avec brio une musique de conception virtuose. Se démarquant en bonne
partie de l’esthétique traditionnelle du jazz, où l’individu est
toujours appelé à se valoriser en tant qu’improvisateur, ce quintette
a été conçu pour réaliser les desseins du leader, qui signe les
huit pièces de ce disque d’un peu plus d’une heure. L’influence
des compositeurs américains minimalistes (Reich et Glass) est
évidente dans les quatre premiers morceaux, autant par les formules
répétitives que par les modulations métriques ou harmoniques qui
les transforment de manière subtile. La seconde moitié, par contre,
est plus variée, moins statique dans ses structures et colorée par
des envolées de saxo ténor ou de vibraphone. Voilà un disque qui
se détache du lot, ne serait-ce que par la nécessité de l’écouter
à plus d’une reprise pour vraiment apprécier la finesse de ses trouvailles.
MC
David Binney: Out of Airplanes
Mythologie MR 6005
HHHHII
Cet album relance une fois de plus
le débat de l’heure sur l’avenir de l’objet-disque, car bien
avant sa sortie en magasin, David Binney l’offrait directement en
ligne sur son site. On peut donc contester l’opinion fort répandue
que tous les maux du disque se trouvent reliés à Internet. Binney,
lui, revendique la liberté de création sans se fondre dans aucun moule
et il en fait la démonstration sur son site comme sur ce disque. Et
la musique dans tout ça ? Ce saxophoniste alto s’est d’abord imposé
au sein du collectif Lost Tribe, dont il fut le cofondateur dans les
années 1990, avant de développer d’autres concepts avec Lan Xang,
groupe new-yorkais d’avant-garde. Il joue de son saxo avec une véhémence
digne d’un Ornette Coleman, et sa sonorité mordante et acérée a
conquis un public surchauffé lors de la dernière édition de notre
grand festival de jazz. Quoique fougueux dans son jeu, le saxophoniste
est un formidable mélodiste qui garde une oreille tendue vers la bonne
musique pop. Signalons que le matériau musical rassemblé sur ce disque
est le résultat d’un important travail de montage en studio. Parmi
les participants, la présence du guitariste Bill Frisell et du pianiste
Craig Taborn sont des atouts certains, leurs expérimentations dissonantes
étant particulièrement impressionnantes. Des dix plages incluses ici,
quelques-unes sont assez minimales, voire statiques, un bon exemple
étant Bring Your own Dreams avec son accompagnement de glockenspiel
onirique. On appréciera du reste la langueur glacée de Jan Mayen,
composition du guitariste Adam Rogers. Jamais banal, ce disque réussit
un bel équilibre entre l’exubérance magique du saxophoniste et les
éléments électroniques savamment dosés. CC
Dayna Stephens: The Timeless Now
CTA005
HHHHII
This young tenor saxophonist has
already caused ripples in the jazz world, impressing some of the mainstream
veteran talent he has played with. Here, on his debut as leader, he
sounds mature beyond his years (he was born in 1978) and lays down some
convincing tracks with the help of a coterie of equally young musicians
and with the guest appearances of old hand guitarist John Scofield on
three tracks and trombonist Nick Vagenas on another. The compositions
of the leader dominate the album (7 of 9) with arrangements that use
space and individual voices sensitively. The drumming of Eric Harland
really propels the group sound, making Stephens’ flights, in particular,
sound effortless. Taylor Eigsti on piano, both acoustic and electric,
is a sensitive comper and the seamless playing of bassist
Ben Street subtly grounds the harmonies. Scofield plays a little more
subdued than usual, but that is a good thing, as nuances rather than
gnarly brawn come to the fore in his supporting role. Through a variety
of moods—ranging from the lilting waltz-cum-straight-swing
of “Beginning of an Endless Happy Monday,” to the funky rumble of
“Smoking Gun,” to the suave ballad time of the title track, even
to the modal take on the standard “But Beautiful”—this music really
breathes from start to finish. PS
Baptiste Trotignon
– David El-Malek : Fool Time
Naive 811311
HHHHII
En France, Baptiste Trotignon s’affirme
comme l’un des meilleurs espoirs de la relève du jazz hexagonal.
Son précédent disque, en solo, a été salué par la critique. De
toute évidence, ce jeune pianiste est doué d’une technique irréprochable
et d’un grand bagage harmonique, comme il le prouve dans cette nouvelle
parution. Cette fois-ci, il codirige un quartette avec le saxo ténor
natif d’Israël, David El-Malek. Enregistré sur trois soirs au Duc
des Lombards à Paris, cette prestation musicale s’inscrit parfaitement
dans le créneau d’un jazz mainstream moderne. Des 12 pièces regroupées
ici, cinq sont du pianiste et six du saxo, le dernier titre étant
Inner Urge de Joe Henderson. Leurs accompagnateurs, Daryl Hall à
la basse et le Belge Dré Pallemaerts à la batterie, sont maintenus
à l’arrière-plan, le premier ne jouant qu’un seul solo, le second
aucun. Les quatre complices de cet ensemble bien rodé réussissent
à faire lever la musique par endroits, sans toutefois atteindre des
sommets vertigineux. On appréciera leur capacité de lier des morceaux,
de manière à créer des suites ininterrompues aux dynamiques et tempos
variés. Éblouissant, pas tout à fait, mais convaincant tout de même.
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