Critiques/Reviews
October 3, 2007
Politique de critique : Nous présentons
ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons
pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique
ne constitue pas un jugement négatif. Vous trouverez des critiques
additionnelles sur notre site Web www.scena.org.
Review Policy: While we review
all the best CDs we get, we don’t always receive every new release
available. Therefore, if a new recording is not covered in the print
version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many
more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.
HHHHHH indispensable / a must!
HHHHHI excellent / excellent
HHHHII très bon / very good
HHHIII bon / good
HHIIII passable / so-so
HIIIII mauvais / mediocre
$ <
10 $
$$ 10–15
$
$$$ 15–20
$
$$$$ >
20 $
Critiques / Reviewers
FC Frédéric
Cardin
GB Guy
Bernard
JKS Joseph
K So
PMB Pierre
Marc Bellemare
RB René
Bricault
OG Olivier
Giroud-Fliegner
Musique vocale
Stephen Hartke
The Greater Good of The Passion of
Boule de Suif (opéra)
Caroline Worra, John David De Haan, Christine
Abraham, Andrew Wentzel, etc. Glimmerglass Opera Orchestra, Stewart
Robertson (2006)
Naxos (American Opera Classics) (2CD)
- 8.669014-15 - (2h 22 min)
HHHHHI $$$
On connaît la nouvelle de Guy de Maupassant
: l’histoire, proprement navrante, d’une prostituée grassouillette
et généreuse qui ne se laisse convaincre de racheter la liberté de
réfugiés bourgeois tombés aux mains de l’ennemi en accordant ses
faveurs à un officier que pour essuyer ensuite le profond mépris de
ceux et celles qui devraient lui être éternellement reconnaissants.
De cet argument, refondu pour la scène par Philipp Littell, Stephen
Hartke (1952-) a tiré un opéra très réussi. Le choix du sujet y
est pour beaucoup : le drame, direct et poignant, est d’autant plus
intense que l’action en est très concentrée dans le temps et l’espace.
Par ailleurs, Hartke a appris de Britten, comme Britten lui-même l’avait
appris du Verdi de la maturité, que si l’on sait faire un usage judicieux
de l’orchestre, chaque scène d’un opéra peut être structurée
comme une composition musicale quasi autonome. Enfin, la veine mélodique
et la maîtrise de toute une gamme de styles musicaux dont Hartke fait
preuve réussissent à accrocher l’oreille et à l’intéresser jusqu’à
la fin. On regrettera seulement que cet enregistrement ne soit qu’un
CD et non un DVD, le médium le plus approprié à l’opéra, en particulier
à l’opéra contemporain. Le livret en anglais est disponible sur
Internet. Pierre Marc Bellemare
Alla Turca :
œuvres instrumentales et vocales à la cour de Charles VI à Vienne
Monika Mauch, soprano
Mathias Maute, Ensemble Caprice
Atma ACD2 2347 (72 min 3 s)
HHHHII
La triade de compositeurs représentés
au programme de ce disque correspond sensiblement aux goûts en vogue
à la cour impériale de Charles VI : l’Allemand Johann Joseph Fux
et les Italiens Antonio Caldara et Carlo Agostino Badia. Fux, contrapuntiste
rigoureux nommé Kapellmeister en 1715 par l’empereur, occupa
ce poste jusqu’à sa mort en 1741. La plus grande partie de son œuvre
est occupée par la musique sacrée. Ici, deux Alma Redemptoris,
deux Ave Regina, une sonata da chiesa,
mais aussi une profane Partita « Turcaria » (décrivant
la mise en déroute de l’armée turque par les Viennois en 1683),
nous offrent le portrait plutôt positif d’un compositeur savant doué
d’une certaine inventivité. Antonio Caldara était particulièrement
apprécié de l’empereur. Tellement, en fait, qu’il recevait un
meilleur salaire que Fux ! La Sinfonia présentée ici est, en
réalité, l’ouverture de son oratorio « La passione di Gesù
Signor nostro ». Badia, quant à lui, est représenté ici par
sa cantate La Fenice, dont c’est le premier enregistrement.
Conforme au type de la cantate napolitaine, où la voix soliste est
accompagnée par tout l’ensemble instrumental, cette œuvre apporte
une touche d’extravagance bien italienne (et plutôt rafraîchissante)
dans un programme où la discipline émotive germanique est la norme.
Frédéric
Cardin
Haendel : Nine German Arias
; Three Oboe Sonatas
Carolyn Sampson, soprano
Alexandra Bellamy, hautbois
The King’s Consort
Hyperion CDA67627 (70 min 33 s)
HHHHHI
Les Airs allemands de Haendel,
composés dans les années 1720, constituent un ensemble méconnu de
son œuvre qui mérite une attention particulière, étant donné leur
grande qualité. Sur des textes de Barthold Brocke, ils célèbrent
la présence divine dans la nature. Haendel rehausse cette louange pastorale
par une musique hédoniste et parfois pétillante qui illumine tout
l’ensemble d’une clarté chaleureuse et bienfaitrice. Carolyn Sampson
est une parfaite soprano haendélienne. Les phrasés sont précis et
d’une grande fluidité. Elle est capable de danser et de jouer avec
les mots en leur donnant une vie et une effervescence insoupçonnées,
mais elle sait aussi faire preuve d’une remarquable retenue dans les
épisodes où l’introspection est de mise. Les trois sonates pour
hautbois, interprétées avec beaucoup d’enthousiasme et un brin de
fantaisie, complètent ce superbe programme de musique de chambre.
FC
Schubert: Schwanengesang
Mendelssohn: Six Lieder sur des textes
de Heinrich Heine
Jan Kobow, tenor; Kristian Bezuidenhout,
piano
ATMA Classique ACD2 2339 (64m 38s)
HHHHHI $$$$
Discovering a new voice is always a pleasure,
especially when it is as beautiful as tenor Jan Kobow’s. Perhaps calling
his voice ‘new’ is a little unfair – according to his bio, he
has already worked with an impressive list of conductors, including
Herreweghe, Gardiner, Tate and Jacobs, as well as having collaborated
with such eminent pianists as Graham Johnson and Cord Garben. He is
a specialist in early music, but judging from this CD, his tenor, with
its fresh and ingratiating timbre, is also perfect in the lieder of
Schubert and Mendelssohn. His singing is always musical and tasteful,
with commendable attention given to the text. Although one cannot tell
for sure from recordings, his voice appears to be a work in progress
– it is fairly modest in size and power, and the extremes of his range
are not ideally solid, but he uses his gift well. The lyrical songs,
such as “Die Taubenpost” with its delightfully lilting melody find
the voice at its happiest, the tone relaxed and lovely. On the
other hand, the high tessitura of “Der Atlas” finds him sounding
tense, with the voice under considerable strain. Rounding out the disc
are six songs by Mendelssohn set to the poetry of Heinrich Heine, quite
beautifully sung. Even the rather hackneyed “Auf Flügeln des Gesanges”
sounds fresh coming from him. Bezuidenhout is a collaborative pianist,
playing with technical assurance yet sufficiently self-effacing so as
not to take the spotlight from the soloist. Let’s hope we will hear
more from Jan Kobow in the future.
Joseph
K So
Classic American Love songs
Carole Farley, soprano; John Constable,
piano
Naxos 8.559314 (66m 11s)
HHHIII $$$
One rarely encounters soprano Carole
Farley on the North American opera and concert circuits these days,
although according to her website (www.carolefarley.com), she continues
to appear elsewhere. You can sample her art in her impressively large
discography, which covers an unusually eclectic repertoire. She burst
onto the scene in the late 1970s as Berg’s Lulu at the Met and elsewhere,
including the Canadian Opera in 1980. Her bio mentions that she sang
the role over 100 times, but so much atonal music has taken a toll on
her voice. Judging by her recent recordings of Bolcom, Rorem, and now
Arlen and Gershwin, the voice has lost a great deal of power and range.
An intelligent artist, Farley tackles these songs with style and taste,
but the way she uses her voice here is an acquired taste. She adopts
a thin, little-girl tone, robbing much of the dramatic power of these
pieces. Except for a few instances – such as Gershwin’s “What
has love done to me” – the voice is reduced to a half-whisper, as
if she were “marking.” One gets the feeling that this is a choice
borne out of technical limitations rather than an artistic decision.
If you don’t mind her rather affected manner, the disc can still be
enjoyable. Arlen’s “Fun to be Fooled”, particularly with John
Constable’s jazzy piano playing, is lovely. The recorded sound, especially
the piano accompaniment, is warm and fuzzy. The mostly languorous tempos
adopted by Constable, coupled with Farley’s feather-like touch, give
the proceedings a retro feel, as if one were attending an evening of
Victorian parlour songs. The booklet has a brief but informative article
on the songs, plus artist bios and song texts.
JKS
Morales : Missa de beata virgine
Ensemble Jachet de Mantoue
Calliope CAL 9363 (61 min 5 s)
HHHHHI
Cristobal de Morales composa plusieurs
messes mariales au cours de sa vie, ce qui indique bien la grande dévotion
qu’il accordait au culte de la Vierge Marie. Dans la messe présente,
publiée à Venise en 1540, il a recours à la technique du trope, qui
a pour effet de magnifier et de doter d’une signification particulière
certaines parties du texte de la messe ordinaire. Bannis et censurés
à une certaine époque, ces textes de source extérieure au canon de
la messe nous apparaissent aujourd’hui indissociables de la beauté
fabuleuse de cette musique, composée dans le but évident de leur donner
un souffle exaltant. L’édifice musical de Morales est non seulement
un hommage continuel à la piété, mais surtout une célébration de
la vie, ainsi que l’une des plus belles réalisations humaines que
la Renaissance (qui ne fut pourtant pas à court de chefs-d’œuvre !)
nous ait léguées. FC
Musique instrumentale
Mahler : Symphony no. 5
Simon Bolivar Youth Orch. Of Venezuela
/ Dudamel
Deutsche Grammophon 4776545
Durée : 69 min 25 s
HHHHHI
$$$
Le Venezuela s’est doté d’un système
d’éducation musicale qui, à entendre les résultats ici, porte d’excellents
fruits… qu’on jalouse même un tantinet ! Que Deutsche Grammophon
mette tout l’accent sur les jeunes interprètes-vedettes au détriment
du créateur et de sa création m’irrite de plus en plus, mais cela
n’enlève rien à la grande qualité de ceux-ci, quel que soit leur
âge. Certes, les transitions et changements de tempi sonnent mécaniques,
comme si le chef voulait s’assurer de bien placer un ensemble
pas encore tout à fait mûr ; les tempi sont en général assez rapides
et les cuivres dominent un peu les cordes. N’empêche qu’on se trouve
devant l’une des versions les plus dynamiques et excitantes de cette
grande Cinquième disponibles actuellement. Pour ajouter au bonheur,
l’étiquette prouve une fois de plus sa suprématie en prise de son
d’orchestre. RB
Charles-Marie WIDOR,
Symphonies no 5 et 9,
John Grew,
ATMA classique, ACD2 2370,
71 min 53 s
HHHHII
$$
Voici un récital Widor enregistré sur
un instrument remarquable : le 32 pieds Casavant de l’église Saint-Nom-de-Jésus
à Montréal, une tribune très recherchée pour le répertoire d’orgue
symphonique, pour la variété de ses jeux de fonds et l’équilibre
de ses tutti. On pouvait donc s’attendre à un déploiement de couleurs
dans ces 5e et 9e symphonies. Et c’est le cas, sous les doigts de
John Grew, professeur d’orgue à l’école de musique Schulich de
l’Université McGill, concertiste internationalement réputé. Ici
la célèbre 5e Symphonie de Widor est égrenée avec ampleur,
les variations du premier mouvement sont plus phrasées que dans bien
des enregistrements et la toccata est jouée à un tempo modéré qui
rappelle nettement celui de Widor lui-même à Saint-Sulpice, comme
on peut l’entendre dans des enregistrements historiques. La
9e Symphonie, la « Gothique », est abstraite et orientée vers
le mysticisme, l’autre visage du répertoire d’orgue de Widor.
OG
Grieg : Symphony in C Minor
– Sigurd Jorsalfar
Malmö Symphony Orch., Bjarte Engeset
(dir.)
Naxos 8.557991
Durée : 71 min
HHHIII
$
Grieg nous avertit sur la page frontispice
de la partition, Naxos le rappelle au verso de la pochette : « Cette
symphonie ne doit jamais être jouée. » Cela peut sembler décourageant,
mais il faut en comprendre la raison, plus esthétique que technique
: Grieg se cherchait encore, il abandonnera la symphonie austro-germanique
au profit des formes plus libres et du langage plus personnel qui feront
à juste titre sa renommée. Cela dit, si vous aimez les symphonies
de l’époque de Schumann ou Mendelssohn, celle-ci, très rarement
jouée, devrait vous intéresser. Les autres œuvres au programme,
Old Norwegian Romance with variations Op.51 et Three Orchestral
Pieces from « Sigurd Jorsalfar » Op.56, sans prétendre
au chef-d’œuvre non plus, se rapprochent plus du Grieg que nous connaissons.
L’exécution manque peut-être un tantinet de ce pastoral mystère
typique du compositeur, mais l’orchestre sonne merveilleusement
bien. À ce titre, une mention spéciale doit être accordée aux cuivres,
gras et sonores…. un vrai plaisir ! RB
Debussy and Liszt
Jorge Federico Osorio, piano
Cedille Records 90000098
Durée: 119 min. 34 sec.
HHHHII
$$$$
Osorio’s integral Debussy Préludes,
with his masterful technique, represents an interesting achievement.
Crisp and precise articulation suits the awesome technical demands and
virtuosity required by the score. Osorio also seems to have a credible
understanding of form, even though he lacks Zimerman’s poetry or Rogé’s
tone-painting qualities. Excerpts from Liszt’s Années de pélerinage
complete the set, and are somewhat uneven: the Jeux d’eau is
excellent, the Sonetti del Petrarca, mechanical. The recording
quality is acceptable but not extraordinary, due to the rather dry acoustics
and bland mastering. There are better deals, even better versions, but
Osorio’s work ranks comfortably above average.
RB
Friedrich Wilhelm Marpourg
Pièces de clavecin
Yves Préfontaine, clavecin
ATMA Classique - ACD2 2119 - (59 min)
HHHHHI
$$$
Dans ses notes d’accompagnement, Yves
Préfontaine nous dit lui-même ce qu’il faut penser de cette musique
: « Mon seul but à travers cet enregistrement aura été de faire
découvrir une musique charmante et sans prétention, écrite par quelqu’un
qui connaissait fort bien son métier. » Friedrich Wilhelm Marpourg
(ou Marpurg, 1718-1795) était un fonctionnaire prussien (il devait
terminer sa carrière à la direction de la loterie nationale) féru
de musique, mais à un point qui dépassait de beaucoup la simple mélomanie.
C’est ainsi qu’on doit à ce passionné plusieurs ouvrages sur la
théorie musicale et la technique du clavier, une édition de l’Art
de la fugue de Bach et pas moins de trois périodiques consacrés
à son art de prédilection. Cette littérature, destinée à un public
d’amateurs éclairés de classe moyenne, nous révèle un esprit assez
peu original, mais alerte et bien renseigné. Ses compositions sont
à l’avenant : bien construites, selon les règles du temps, agréablement
« à la mode » et très variées, mais rarement surprenantes ou particulièrement
inspirées. Leur facture, à l’occasion, rappelle celle des pièces
pour clavecin de François Couperin. Il s’agit d’une contribution
appréciable à la discographie du calvecin du classicisme naissant
et selon toute probabilité il s’agit du premier enregistrement mondial
complet des cinq suites de Marpourg PMB
Sigfrid KARG-ELERT
Ultimate Organ Works vol. 5
Elke Voelker,
Aeolus, CD no AE-10591
64 min 52 s
HHHHHI
$$$$
Voici le 5e volume des œuvres pour orgue
de Sigfrid Karg-Elert (1877-1933), compositeur allemand qui écrivit
également pour orchestre et pour piano. On entendra ici les Chorals-Improvisations
op. 65, illustrant des textes de l’année liturgique luthérienne,
qui sont tout sauf des pièces rhapsodiques, mais bien les œuvres longuement
ciselées par un exceptionnel harmoniste dans la lignée de Bach (il
écrivit d’ailleurs une Passacaille Variations et Fugue sur B-A-C-H)
et dont la musique d’orgue tient sa place aux cotés de Brahms et
Reger. Les quatre premiers volumes de cette intégrale ont déjà tous
été interprétés par la talentueuse organiste allemande Elke Voelker,
dans une série dont les 2e et 3e volumes ont obtenu plusieurs Diapasons
en France. Ce 5e volume, à la présentation particulièrement soignée,
est une somptueuse réussite, et se distingue par le choix de l’instrument
(un 16 pieds espagnol de facture allemande et au timbre symphonique
d’inspiration française : l’orgue Walcker de l’église San Ignacio
de Loyola, à San Sebastian), par la qualité de la prise de son vivante
où les bruits de la console ne sont pas omis, et bien sûr par une
interprétation élégante. Un très beau produit. OG
Baby concerts
Pedro Eustache (fl.) and ensemble
Childish Records CR00018
Duration: 98 min.
HHIIII
$$$$
After reading the back cover of this
3-CD box set, you’d think that an array of scientists had worked hard
to find the perfect repertoire and arrangements (with an insistence
on the instrumental aspect) to help your precious one develop
an ear (and mind) for great music. When actually listening, though,
what you hear is a bunch of New Age professionals spewing doubtful versions
of easy-listening classics and folk tunes on a weekend gig. Kudos for
the great guitar and bass playing. Yanni flautist, Pedro Eustache, on
the other hand, is aggressively recognizable with his blowing tone,
intense key clicking, and nauseating vibrato. The keyboard player doesn’t
even bother playing on a real piano when the arrangement asks for it.
That alone speaks volumes about the results. RB
Musique contemporaine
Berg : String Quartet
– Lyric Suite
New Zealand String Quartet
Naxos 8.557374
Durée : 57 min 28 s
HHHHII
$
Cette interprétation du Quatuor Op.
3 de Berg frappe la cible : jeu inspiré, sens du phrasé (très
complexe chez ce compositeur), timbre enjôleur. Capable donc de merveilleux
moments de musique, le New Zealand String Quartet manque, par contre,
un peu de cohésion dans ce chef-d’œuvre qu’est la Suite lyrique,
comme en témoignent les accords mal équilibrés de la fin du quatrième
mouvement (pourtant d’une capitale importance dramatique) ou encore
les pizzicati imprécis du début du sixième mouvement. L’approche
interprétative donne l’impression d’un flux assez continu, agréable
à l’écoute, mais fait moins ressortir les intentions de la structure
d’ensemble (mouvements impairs de plus en plus rapides et délirants,
mouvements pairs de plus en plus lents et désolants). Bien que l’ajout
d’une troisième œuvre au programme soit fort louable, d’autant
plus que la durée totale demeure - même ainsi - plutôt courte, la
légère Sérénade italienne de Wolf semble stylistiquement
déplacée après tant d’intensité. Un bon achat malgré tout, surtout
pour ceux qui désirent découvrir le fascinant monde sonore de Berg.
RB
Tsontakis : Man of sorrows
Hough (piano) / Dallas Symphony Orchestra
/ Litton (dir.)
Hyperion CDA67564
Durée : 68 min
HHHIII
$$$$
Man of sorrows, vaste fresque
colorée pour piano et orchestre, ressemble à une Turangalîla-symphonie
épurée. En effet, on reconnaît sans hésitation le langage de Messiaen,
surtout des points de vue harmonique et orchestral, mais écrit dans
un style plus calme, éthéré, post-moderne. Nous avons quand même
droit à quelques tutti costauds ainsi qu’à une bonne dose
de virtuosité dans la partie soliste. Stephen Hough s’en acquitte
d’excellente façon, car son jeu, en plus d’être terriblement précis
et d’une évidente exactitude esthétique, semble tout à fait sans
effort. Il en sera ainsi pour le reste du programme, soit les op. 19
de Schönberg, 1 de Berg et 27 de Webern et enfin la Sarabesque
du même Tsontakis. La qualité de production est inférieure à la
moyenne des disques de Hyperion, mais rivalise avec la moyenne du marché
en général. RB
Allan Gilliland: Collaborations
Various artists
Arktos 200794
Duration: 70 min. 11 sec.
HHHIII
$$$
If this disc can be summed up in one
word, it’s variety. Not only is the instrumentation eclectic,
but the style of each piece adapts itself accordingly: Debussy-meets-folk
for two harps, perpetuum mobile for marimba, Ligetian “mechanism
gone mad” for two pianos and two percussion instruments (there’s
also a brass and percussion fanfare, a jazzy quintet, a piano solo,
an electric bass solo and a baroque ensemble!). Sadly, most Canadian
composers suffer from having their work badly played and produced on
CD. This is not the case here, for the overall quality passes the test.
This fun and accessible contemporary music lacks, by these very qualities,
the intellectual challenge and vitality required to survive beyond a
generation. Its goal is obviously not immortality, but playful communication.
RB
DVD
Giuseppe Verdi
Macbeth
Leo Nucci (Macbeth), Sylvie Valayre (Lady
Macbeth). Nicolo Pascoli, Roberto Luliano.
Orchestra e Coro del Teatro Regio di
Parma / Bruno Bartoletti (2006)
TDK (DVD) - OPMACPA - (2 h 36 min)
HHHHHH
$$$$
Macbeth a toujours été un opéra problématique,
même pour son compositeur qui, en 1865, en révisa la musique pour
produire une nouvelle version, laquelle, n’est pas tellement plus
satisfaisante que celle de 1847. Le défaut fondamental, et irrémédiable,
de l’œuvre tient à la difficulté d’intégrer les deux rôles
principaux, d’une conception dramatique nouvelle et hardie, voire
téméraire, à un cadre musical qui, dans l’ensemble, relève encore
du bel canto. Les résultats sont inévitablement inégaux, au point
que, à écouter les soliloques et scènes d’intimité du couple Macbeth,
d’une part, et les scènes d’apparat, d’autre part, on a parfois
l’impression d’avoir affaire à deux opéras différents. La solution
consiste, comme ici, à instaurer une apparence d’unité en investissant
massivement sur tous les fronts. Pour les scènes chorales, il faut
un chef en plein contrôle de son orchestre, une mise en scène vivante
et inventive, un corps de ballet, des décors et des costumes splendides.
Pour le reste, soit l’essentiel, il faut un Macbeth et une Lady Macbeth
qui sachent exprimer les passions sataniques qui les dominent en chantant
non pas mal, mais « laid », et ce, jusqu’à la limite du supportable.
Tous ces atouts (sauf les décors) sont ici réunis et le produit final
est sans doute la meilleure version disponible en DVD, avec celle, plus
ancienne (1972), de Glyndebourne (Pritchard, sur Arthaus). PMB
Hector Berlioz
La Symphonie fantastique
Orchestra Sinfonica di Torino della RAI
/ Sergiu Celibidache (1969)
OpusArte (DVD) - OA0977 D - (58 min)
HHHHHI
$$$
On compare souvent Celibidache à Glenn
Gould, et non sans raison. Tout comme Gould, il adorait allonger les
moments lents jusqu’à la limite du supportable, pour ensuite insuffler
un dynamisme inouï aux passages vifs et animés. Aux antipodes de Gould,
par contre, il fuyait les studios d’enregistrement et refusait même
qu’on enregistre ses concerts, sans toutefois activement s’opposer
à la présence, pourvu qu’elle soit discrète, de micros et même
de caméras dans la salle. En conséquence, ses bandes, préservées
comme des reliques, sont assez nombreuses. Ce DVD s’inscrit dans le
cadre d’une édition intégrale de ses concerts filmés. Le film est
en noir et blanc et la bande sonore monophonique. L’attention de la
caméra est concentrée sur le chef plus que sur l’orchestre. « Celi
» dirige avec autorité, sans partition. Pour peu qu’on ne se laisse
pas trop distraire par la tignasse invraisemblable du maestro, qui apparemment
ignorait l’usage du peigne, voire du shampooing, on finit par avoir
une excellente idée de sa technique, très sobre et très directe.
Quant au résultat artistique, les passages lents sont si lents que
même le mélomane qui connaît bien l’oeuvre aura parfois peine à
les reconnaître, tandis que ceux que l’on reconnaît sont empreints
d’une telle fraîcheur qu’on croirait les entendre pour la première
fois. PMB
Livres Books
Robert Schumann: life and
death of a musician
John Worthen
Yale University Press, 2007, 496 p.
HHHHII
$$$$
In short, this book is an imposing, apparently
well-documented, generously annotated biography (no musical analysis
whatsoever) of Schumann, with a single original goal in mind: to prove
that the importance of the composer’s mental illness is grossly overestimated.
A refreshing perspective indeed, although it seems to border on obsession.
Given the quality of the author’s rigorous research, however, the
reader feels that his interpretation is less biased than previous ones.
Written in fluid and accessible prose, striving to cram as much biographical
information as possible in its nearly 500 pages, it may well become
a new reference for Schumann scholars and aficionados. RB
American Aria: Encore
Sherrill Milnes, with contributions by
Dennis McGovern
Amadeus Press 2007 www.amadeuspress.com
pp.370 $22.95 (US)
ISBN-10:157-467160-X; ISBN-13:978-157-467160-5
This is a substantially revised and updated
version of the Sherrill Milnes autobiography published some years ago.
This genre of diva/divo-speak can be highly variable in quality and
readability, but this one is definitely a winner. In his prime, Milnes
possessed an authentic Verdi baritone of uncommon beauty, range and
power. Always a generous artist, Milnes gave unstintingly, and
an evening in the theatre with him in a lead role was always a pleasurable
experience. Despite having an international career, Milnes was first
and foremost an American singer – note the Prologue, where he traces
his ancestry back to the American Revolution of 1776! The book begins
with his youth on the farm in the Midwest; his early years as a chorister
with the Chicago Symphony, getting his feet wet with the Boris Goldovsky
Opera Company, doing voice-overs in commercials, and graduating to big
roles in regional companies in Cincinnati, Central City, and San Diego.
His big break came when he auditioned for Rudolf Bing at the Met in
1965, where he became a huge star and a fixture for over three decades.
Milnes tells his story in a down-to-earth manner, with humour and sincerity
mixed with a liberal dose of self-assurance and pride befitting his
larger-than-life persona. He pulls no punches when it comes to his battle
with the Met in his last years there – one can almost taste the bitterness
of what he considers unjust treatment of a loyal artist by the management.
Also fascinating is his account of a decade-long struggle with bleeding
vocal cords that almost put an end to his career. The last chapters
are devoted to his current activities as a teacher and adjudicator of
vocal competitions, and in particular his participation, together with
his third wife, mezzo Maria Zouves, in VOICExperience, a non-profit
organization that offers guidance and support to young singers. The
book is liberally illustrated with black and white photos, plus a detailed
Met performance chronology. Unfortunately, details of his non-Met performances
are limited to six sketchy pages, and concert/recital details are completely
absent. Still, this is a highly enjoyable read and an indispensable
reference. JKS
Pavarotti en DVD
Pavarotti avait, on le sait, la réputation
d’être assez mauvais acteur. Au début de sa carrière, le reproche
était justifié, mais à force de gros efforts, les choses ont fini
par s’améliorer. Le meilleur exemple du « Pavarotti dramatique
» sur DVD est sans doute son interprétation, à certains égards problématique,
du rôle de Canio dans la production de Zeffirelli des Pagliacci,
au Met, en 1994, aux côtés de Teresa Stratas (Deutsche Grammophon
000476909).
Mais le point tournant de cette
dimension de sa carrière demeure son interprétation du rôle du duc
de Mantoue dans le beau film pour la télévision que Jean-Pierre Ponnelle
a tiré de Rigoletto en 1982. Au lieu d’essayer de dissimuler
les rondeurs du ténor sous d’amples tuniques, comme on le faisait
dans les maisons d’opéra des cinq continents, Ponnelle s’est attaqué
de front au problème de crédibilité dramatique, à vrai dire insoluble,
du séducteur éléphantesque, mais néanmoins irrésistible, en jouant
à fond de train la carte de l’humour. Les résultats sont du plus
haut comique et en même temps curieusement convaincants. La critique
était enchantée et un quart de siècle plus tard, cet enregistrement
demeure l’un des meilleurs vendeurs dans la catégorie opéra en DVD
(Deutsche Grammophon 000658109).
Pavarotti s’est lui-même laissé
prendre au jeu, au point de se croire devenu une sorte de vedette de
cinéma. Il en a résulté Yes, Giorgio, une comédie larmoyante,
indisponible en DVD, où il joue le rôle, qu’il devait plus tard
interpréter dans la vraie vie, d’un chanteur d’opéra marié qui
tombe en amour avec une femme plus jeune et plus jolie que son épouse.
C’est un navet de première classe, un de ces films qu’on n’avouera
jamais avoir vu, même à son meilleur ami.
Pavarotti a compris et il n’a
pas répété
l’expérience. Pierre Marc Bellemare
Some Favourite
Pavarotti Recordings.
Among a horde of recordings by Luciano
Pavarotti that I couldn’t live without, two stand out. I remember
thinking that I had discovered the most beautiful contemporary tenor
voice in existence when hearing his first solo recital LP for Decca,
which featured operatic arias by Verdi and Donizetti. The natural beauty
of the timbre, the perfect and fluid Italian diction and one of the
most remarkable vocal techniques heard in generations were particularly
evident in a gorgeous – and fiendishly difficult – aria from Donizetti’s
Il Duca d’Alba. His singing of “Angelo casto e bel”
haunts me still, as does his recording of Bellini songs accompanied
by orchestra. Pavarotti may not have been a great musician but few if
any could sing more musically. He captured the simple melodic beauty
and fleeting nostalgia of such songs as “Malinconia,” “Ma rendi
pur contento” and “Bella Nice” perfectly with his “voice touched
by the finger of God.” Richard Turp
My most memorable Pavarotti “live”
moment was a recital he gave in Massey Hall in Toronto in the mid 1970s. The
voice in person was not as big as I had imagined, but totally focused
and beautiful in timbre, with a clarion ring. There was such a sunny
quality to his sound - one could almost feel the Mediterranean heat.
The formal program was mostly songs, but he sang something like seven
arias as encores! As expected, the audience went absolutely wild.
My favorite recording of his is “Che gelida manina”, from the complete
La Bohème on Decca conducted by von Karajan. When Pavarotti passed
away, I got out the LPs, blew off the dust, and played the aria as my
little tribute to him. Joseph So
I love the aria from Daughter
of the Regiment. It is the best representation of that aria
ever and he sings it with the most effortless high C’s ever.
Also, I was inspired by his rendition of “Nessun dorma.” A
lot of critics are tired of that one but I am sorry, it is exciting
every time I hear it. Richard Margison
Pavarotti a chanté beaucoup de
rôles d’opéra, mais son fort n’était sans doute pas la caractérisation
des personnages. Aussi les airs où la splendeur vocale doit l’emporter
sur toute autre considération sont-ils parmi ses plus réussis, dont
Nessun dorma de Turandot, sous la baguette de Mehta. Le dernier
« Vincerò ! », d’une tenue impériale, fait frémir. Alexandre
Lazaridès
Lulu: Alban Berg
Exit les Danse macabre et autres
Nuit sur le mont chauve. Rien ne peut effrayer autant que
Lulu, l’opéra inachevé (éventuellement complété en 1979 par
Friedrich Cerha) d’Alban Berg. Tiré de deux pièces de Frank Wedekind,
La boîte de Pandore et L’esprit de la terre, Lulu dépeint
l’ascension sociale puis la déchéance d’une femme tourmentée.
Mariage, adultère, remariage, meurtre, suicide, maladie et prostitution
se donnent rendez-vous dans ce grand musical
sanglant.
À cela s’ajoute une kyrielle de personnages
tous plus sombres les uns que les autres. Pour plus de frissons, l’opéra
est dodécaphonique. GB |
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