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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 1 septembre 2007

L’autre et sa musique…

Par Bruno Deschênes / 4 septembre 2007


L’ouverture de l’Occident à l’égard des autres cultures se manifeste par un intérêt grandissant pour les musiques du monde et des fusions musicales de toutes sortes, le cinéma d’outre-mer, les cuisines étrangères, etc. Quelle perception nous faisons de ces cultures ? Est-ce que celle-ci est juste ?

Récemment, une revue d’affaires montréalaise a publié un article sur Tokyÿ illustré de photos de Séoul (où l’on voyait des enseignes en coréen). J’ai déjà vu un documentaire sur les samouraïs japonais accompagné de musique chinoie. J’ai regardé le reportage d’un médecin vietnamien monté sur de la musique japonaise. Nombre de documentaires sur l’Afrique font entendre des musiques prétendument africaines qui ne sont souvent que de piètres imitations. Plus étonnant encore, cette histoire : un metteur en scène québécois désire s’inspirer, pour une pièce, du théâtre kabuki japonais. Il demande à un comédien japonais de l’initier sommairement au kabuki. Après quelques rencontres, le comédien constate que la pièce emprunte beaucoup plus à l’opéra chinois qu’à du kabuki japonais, ce qu’il s’empresse d’indiquer au metteur en scène – qui lui répond alors : « Ce n’est pas grave, personne ne s’en apercevra ! ».

Des anthropologues ont étudié le phénomène de « l’exotisme » ont conclu que nous ne percevrions pas celui qui est différent culturellement de nous comme il est, mais plutôt comme nous désirons qu’il soit. Nous en venons ainsi à le présenter par des images qui ne correspondent pas à la réalité de sa culture. Les anecdotes précédentes montrent clairement que nombre de journalistes, producteurs de documentaire et autres artisans des médias affichent une méconnaissance parfois profonde des cultures qu’ils traitent. Mais ils affichent surtout un manque flagrant de respect en ne faisant ils ne font pas leur devoir, sous le couvert que le public ne s’enapercevra pas. Il faut dire que le public se laisse facilement berner par les médias, considérant parfois ces images déformées comme véridiques.

J’ai lu plusieurs critiques de concerts de musique du monde ne sont pas en reste. Plusieurs démontrent ouvertement qu’ils ne connaissent pour ainsi dire rien de la musique qu’ils commentent, et portent parfois des jugements sans fondement. Certains présentent le célèbre « Mystère des voix bulgares » comme une musique traditionnelle, alors qu’en réalité ces chants ont été créés dans les années 1970. Pour percer sur le marché occidental, beaucoup de vedettes de musique du monde sont « forcées » par les producteurs de CD d’occidentaliser leur musique. Bien souvent, ce n’est pas la réalité d’une culture que nous entendons dans le WorldBeat, mais une musique occidentalisée prétendument traditionnelle. Ce type de situation est malheureusement la norme. Et nous, le public occidental, en venons par conséquent à nous faire une perception faussée de ces cultures, sans réaliser que les magnats forcent ces musiciens à altérer leur musique traditionnelle.

L’expression « diversité culturelle » est devenue à la mode ces temps-ci. Elle nous invite au respect des autres cultures que nous côtoyons journalièrement. Les médias du fait ne devraient-ils par être à le pratiquer
en présentant une culture autre telle qu’elle est et ce, par respect pour eux et pour nous, le public.

World Music, Traditions and Transformations

Michael B. Bakan

McGrawHill, Boston, 2007, 383 p., ISBN 978-0-07-241566-7

Depuis quelques années, et surtout aux États-Unis, on publie des livres consacrés à l’enseignement des musiques du monde. Cette tendance fera plaisir à ceux et celles qui désirent développer chez les jeunes une ouverture sur les autres cultures par l’entremise de la musique. Cependant, elle est encore très nouvelle au Québec, excepté dans les universités. L’ouvrage récent de l’ethnomusicologue canadien Michael Bakan vient donc combler une lacune. Il présente diverses musiques du monde sous différents angles en mettant l’accent sur les outils nous permettant de mieux apprécier ces musiques.
Les thèmes à l’étude sont bien documentés. Le livre est accompagné de 3 CD réunissant les exemples musicaux auxquels l’auteur fait
référence, notamment dans les exercices d’écoute et les analyses de pièces. Ce livre est le meilleur que j’aie lu à ce jour sur le sujet.
À lire et écouter !

Taïwan : Musique des Hakka

Chants montagnards et musique instrumentale bayin

INÉDIT, 2007, W 260127, 76 m 47 s

Lorsque la Chine a conquis Taiwan au XVIIe siècle, l’île était habitée par de nombreuses tribus d’origine polynésienne. Devant l’envahisseur, ces tribus se sont retranchées dans les montagnes du sud-est de l’île, les Chinois s’appropriant toutes les plaines. Bien que n’étant pas Han (le nom original du peuple chinois), les Hakka sont cependant originaires de Chine, ayant graduellement émigré à Taiwan entre le milieu du XVIIe et le milieu du XIXe siècle. Concentrés dans le nord de l’île, ils possèdent une tradition musicale variée, où figurent les chants montagnards et le bayin, une musique instrumentale servant à ponctuer les activités quotidiennes ainsi que les fêtes. Aujourd’hui, le bayin est joué différemment d’il y a 100 ou 200 ans. Musique très insolite pour des oreilles occidentales, elle est admirablement représentative de l’esprit du peuple hakka.


(c) La Scena Musicale 2002