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La Scena Musicale - Vol. 13, No. 1 septembre 2007

Une introduction à la Technique Alexander

Par Caroline Louis / 7 septembre 2007


Il plane autour de tout artiste de la scène le spectre des grands maîtres déchus malgré leur grand talent et leur immense volonté, victimes d’une méconnaissance du corps humain et de ses limites. Il existe à cet égard une méthode d’éducation somatique éprouvée qui procure des bienfaits tant aux musiciens, acteurs, danseurs et artistes de la seène en général qu’aux sportifs de toutes disciplines : la Technique Alexander.

Cette technique trouve son origine chez l’acteur Frederick Mathias Alexander (1869-1955) qui constata, en début de carrière, qu’il perdait la voix dès qu’il se présentait sur scène. L’observation et l’analyse de ses propres habitudes corporelles le menèrent à identifier la cause de ses extinctions de voix et à se corriger lui-même. Il élabora sa technique à partir de la constatation qu’au fil des ans, un individu adopte des habitudes corporelles qui peuvent entraîner des malaises, entraver sa mobilité et faire obstacle à la pleine réalisation de son potentiel. La Technique Alexander a donc pour but de nous aider à identifier ces habitudes nuisibles afin de les modifier et de libérer le corps de toute tension inutile, particulièrement dans les régions de la tête, du cou et du dos. Au cours d’une séance de travail, le professeur guide l’élève par des indications tactiles et verbales qui l’amènent à prendre pleinement conscience de ses sensations et des tensions qui surviennent lors de la pratique de ses activités. Parfois le travail se concentre sur des mouvements très simples, tels que s’asseoir et marcher. Dans le cas des artistes de la scène, on observe ensuite ensemble des éléments très spécifiques, tels que le jeu d’un instrument de musique, la posture sur scène et l’utilisation de l’appareil vocal chez les acteurs, ou encore la qualité de coordination générale du corps et la liberté du mouvement chez les danseurs. L’enseignement inclut également une séance de « table », afin de susciter un allongement et une ouverture de la musculature, une fois que la personne se trouve en situation de détente.

Noémi Racine-Gaudreault, violoniste très en demande qui se spécialise dans l’interprétation de la musique contemporaine, enseigne la Technique Alexander depuis 2004 non seulement à des musiciens mais aussi à une clientèle variée. Diplômée du Centre de Formation en Technique Alexander de Montréal, elle donne des ateliers individuels et de groupe dans les régions de Montréal et d’Ottawa, en plus d’enseigner à l’Académie de musique du Domaine Forget ainsi qu’à l’Université McGill.

Noémi affirme que « …cette méthode d’éducation somatique vise à rétablir l’intégrité psycho-physique grâce à l’amélioration de la perception de soi et à la remise en question des habitudes antérieures. Ce processus de rééducation subtile s’effectue en douceur. La participation active de l’élève l’amène à affiner son sens de l’observation ainsi que sa conscience de soi et de son environnement. L’état de santé général s’améliorant graduellement, les douleurs reliées à des blessures diminuent graduellement. Et surtout, cela permet aux gens de limiter les répercussions de ces blessures sur le reste de leur corps. »

La relation entre la tête, le cou et le dos est à la base du processus de rééducation par la Technique Alexander. Selon Noémi Racine-Gaudreault, la plupart des problèmes de posture sont dus à la mauvaise coordination entre ces parties du corps. « C’est là où on creuse en premier ! » nous dit-elle. L’une des pratiques les plus inefficaces et dommageables que nous employons pour exécuter des tâches complexes consiste à priver momentanément la tête de sa liberté sur le haut de la colonne, en contractant inutilement certains muscles du cou. Pour certains, cela devient malheureusement une habitude quotidienne ainsi qu’une charge supplémentaire sur la colonne…et les douleurs s’ensuivent assez rapidement. Le corps et le mental étant intimement liés, tout changement en profondeur commence par l’expérience d’une interrelation plus libre entre la tête et la colonne vertébrale. La Méthode Alexander nous offre une approche pratique d’examen des habitudes gravées dans notre inconscient. Ces dernières, malgré le fait qu’elles nous soient familières, s’avèrent souvent inefficaces et créent des conditions qui engendrent de l’inconfort et des tensions excessives, nous empêchant de réaliser notre potentiel. F.M. Alexander a découvert et démontré tout au long de sa vie qu’il nous est tout à fait possible de reconnaître et de supprimer les tensions que nous nous imposons et, par le fait même, d’acquérir une meilleure coordination, une plus grande vivacité et un sain usage de la relation corps-esprit.

Pour sa part, le violoncelliste et adepte de la compétition, Malcolm Balk enseigne la Technique Alexander depuis de nombreuses années. Il a été initié à cette technique en 1979, s’étant rendu compte que le stress relié à son étude du violoncelle engendrait des douleurs musculaires. Professeur certifié par la Society of Teachers of The Alexander Technique, il offre aujourd’hui des séminaires individuels et de groupe. Bien qu’il soit
souvent invité à donner des ateliers et des conférences dans différentes institutions au Canada et aux États-Unis, il enseigne
également dans son studio privé du Mile End, à Montréal.

Lors d’une séance typique de travail avec un chanteur ou un instrumentiste, Malcolm Balk tente d’éveiller le musicien à ce qu’il ressent physiquement, l’incitant à éliminer tout mouvement non nécessaire à l’exécution de ses pièces et à concentrer toute son attention sur l’instrument et la musique. À propos de l’efficacité de la Technique Alexander, il a remarqué qu’en améliorant la posture assise et le maintien général des pianistes qui participaient à ses ateliers, une amélioration de la qualité sonore de leur jeu était perceptible par le public devant qui ils jouaient. Il arrive souvent que des musiciens soient réticents à l’idée de réduire leurs mouvements corporels lorsqu’ils jouent, s’imaginant que leur jeu deviendra plus « mécanique ». Bien au contraire, réplique Balk, le jeu devient plus expressif et plus réfléchi, une fois débarrassé de toute gestuelle inutile. Mais il vise surtout à corriger les habitudes quotidiennes de pratique instrumentale des musiciens et non à modifier directement leur style d’interprétation en concert.

La Technique Alexander aborde aussi le stress lié aux prestations en public, puisque le stress affecte la respiration en créant des tensions au niveau thoracique. Malcolm Balk aide la personne à apprivoiser le stress et à le contrôler, toujours dans l’intention de réduire les tensions inutiles et nuisibles. Il cherche à équilibrer l’action des systèmes nerveux sympathique et parasympathique de la personne qui vit un stress. Il affirme enfin que « si une personne est capable de jouer une sonate de Beethoven, elle peut certainement apprendre à mieux connaître son corps. » n

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