Critiques/Reviews
July 14, 2008
Politique de critique : Nous présentons
ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons
pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique
ne constitue pas un jugement négatif à leur sujet. Vous trouverez
des critiques additionnelles sur notre site Web www.scena.org.
Review Policy: While we review
all the best CDs we get, we don’t always receive every new release
available. Therefore, if a new recording is not covered in the print
version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many
more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.
HHHHHH indispensable / a must!
HHHHHI excellent / excellent
HHHHII très bon / very good
HHHIII bon / good
HHIIII passable / so-so
HIIIII mauvais / mediocre
$ <
10 $
$$ 10–15
$
$$$ 15–20
$
$$$$ >
20 $
Critiques / Reviewers
AL Alexandre
Lazaridès
FC Frédéric
Cardin
GB Guy
Bernard
JKS Joseph
K So
OGF Olivier
Giroud-Fliegner
PMB Pierre
Marc Bellemare
PG Philippe
Gervais
RB René
Bricault
Disque du mois
Charpentier
Tristes déserts
Il Seminario musicale/Gérard Lesne
Zig-Zag, ZZT070302 (75 min)
HHHHHH
$$$$
Surtout connu pour sa musique religieuse,
Charpentier s’est également illustré dans l’art subtil de l’air
de cour : on en trouve ici de beaux exemples, qui n’ont rien à envier
à ceux des meilleurs maîtres du genre. Dans un autre registre, le
disque propose aussi les stances du Cid, d’abord récitatif
passionné, puis air lancinant sur une basse obstinée, illustrant au
mieux « l’étrange peine » de Rodrigue. Mais le plus étonnant demeure
cette Epitaphium Carpentarii, qui met en scène le compositeur
lui-même, revenu sur terre après sa mort pour revoir ses amis et leur
proposer un avant-goût du paradis, sous la forme d’un chœur angélique
! Gérard Lesne est l’interprète idéal de ce répertoire ; malgré
une voix désormais un peu frêle, il n’a en effet rien perdu de son
talent. Au contraire, sa diction se fait ici plus précise que jamais,
et partout l’on admire cette façon de modeler la ligne mélodique,
de tracer d’un même souffle les pleins et les déliés, à l’instar
de la viole de gambe. On aurait tort d’y voir un excès de raffinement
quand l’émotion est là, simple et directe, magnifiée par un continuo
éloquent. Et Charpentier qui disait, dans son épitaphe, n’avoir
« rien apporté en ce monde » ! Philippe Gervais
DVD of the month
Strauss
Die Frau ohne Schatten
Luana DeVol, Janis Martin, Marjana Lipovsek,
Peter Seiffert, Alan Titus; Bayerisches Staatsorchester / Wolfgang Sawallisch
TDK, DVWW-OPSIBOW (2 discs; 183 min)
HHHHHH $$$$
This Munich Opera production of Die
Frau ohne Schatten, Strauss’ most complex – and some would argue
his greatest – work, was taped live in Nagoya in November 1992, when
the Munich Opera was on tour in Japan. It was deliriously received by
audience and critics alike, but the video was never shown on Japanese
TV due to objections by the censors over the opera’s treatment of
women – surely one of the more bizarre censorship decisions! With
stunning set design by Setsu Asakura and directed by Ennosuke Ichikawa,
in the traditional Japanese Kabuki theatre style, this production works
fabulously well with the fantastic fairy-tale story. The dazzling costumes
and sets are authentically Japanese. For some of more other-worldly
moments in this opera – and there are many, Ichikawa employs technical
effects from Japanese sci-fi or horror-type movies to great effect.
The performance boasts a superb cast under the inspired leadership of
Wolfgang Sawallisch, a great Strauss conductor. This production marked
the farewell of Sawallisch to Munich, and the orchestra responded by
playing magnificently. Peter Seiffert (Kaiser) sings with clarion tone,
well matched by Luana DeVol (Kaiserin) whose high register is impressive.
Alan Titus is terrific as Barak, his warm tones and engaging characterization
a pleasure. Dramatic soprano Janis Martin, not always the sweetest sounding
singer, rises to the occasion and gives a searing portrayal as the Dyer’s
Wife. Marjana Lipovsek is a deliciously nasty Amme. The videography
is a little on the dark side and the colours are not ideally vibrant,
but these are quibbles. This magnificent DVD should be in the collection
of every fan of this great opera. Joseph K. So
Musique vocale
Handel
Il duello amoroso
Andreas Scholl, Hélène Guilemette,
Accademia Bizantina / Ottavio Dantone
Harmonia Mundi, HMC 901957 (72 min)
HHHHHI
$$$$
Harmonia Mundi fait paraître ces jours-ci
un enregistrement de quatre cantates et une sonate écrites par un Handel
dans la jeune vingtaine, pendant les années qu’il passa en Italie.
Le disque met à l’avant-plan des chefs-d’œuvre (composés à la
demande de mécènes) pour voix soliste accompagnée uniquement par
la basse continue. Andreas Scholl, artiste dont le travail est toujours
synonyme de grande qualité, fut mandaté pour porter au disque ces
œuvres profanes. Timbre riche, pur, d’une justesse inégalée, connaissance
et maîtrise du style ne sont que quelques-uns des attributs qu’on
lui reconnaît. En ce sens, les amateurs de cette voix magnifique seront
comblés. Mais cet enregistrement réserve plus encore. Il met en valeur
une artiste dont la sobriété n’a d’égale que l’élégance.
Hélène Guilemette, jeune soprano québécoise, possède justesse,
sincérité, diction claire et contrôle sur tout le registre. En fait,
elle apporte tant à cet enregistrement qu’on l’eût écoutée bien
davantage que dans cette seule cantate HWV 82. L’Accademia Bizantina
assure un soutien instrumental avec mesure et réserve.
Guy Bernard
J.S. Bach
Te Deum
André Isoir, orgue
Calliope, CD no CAL 5722 (54min)
HHHHHI
$$$
Calliope nous présente avec ce CD une
partition que Bach n’a jamais écrite telle quelle : son Te Deum
luthérien, pour orgue, auquel se superpose un chœur mixte chantant
le choral en allemand. Dans le même esprit suivent onze autres chorals
interprétés par le chœur soit avec l’orgue, soit en alternance
avec lui. L’enregistrement se termine par le De Profundis,
à l’orgue avec chœur d’hommes. L’idée est d’André Isoir,
qui tient ici les grandes orgues de l’église St-Thomas d’Aquin
à Paris, et auquel se joignent les ensembles Métamorphoses et Coeli
& Terra, dirigés par Maurice Bourbon. Cet enregistrement n’est
pas une nouveauté (2000), mais l’effet de ce vitrail sonore demeure
confondant et force l’admiration, tant André Isoir suit de près,
dans ce projet, le sentiment religieux du compositeur. Un enregistrement
d’une qualité d’exécution manifeste qui souligne la spiritualité
de Bach avec beaucoup de grandeur.
Olivier
Giroud-Fliegner
Handel
Tobit
Maya Boog, Linda Perillo, Barbara Hannigan,
Alison Browner, Knut Schoch ; Junge Kantorei, Frankfurt Baroque Orchestra
/ Joachim Carlos Martini
Naxos, 8.570113-14 (2 cd - 156 min)
HHHHII
$$
C’est en vain que l’on chercherait
un Tobit dans la liste des oratorios de Georg Frideric Handel,
à moins de s’adresser à des ouvrages très spécialisés et très
récents. En vérité, il s’agit moins d’une œuvre d’art que
d’une opération commerciale. Je m’explique : en 1759, lorsque mourut
Handel, le genre de l’oratorio sacré en anglais qu’il avait créé
jouissait encore des faveurs du public londonien. Flairant la bonne
affaire, un assistant du compositeur, Johann Christoph Schmidt, qui
avait accès aux manuscrits du maître, décida de répondre à la demande
en produisant une série de pastiches entièrement composés de musiques
tirées des œuvres authentiques de Handel, mais avec des textes nouveaux.
Après avoir connu un certain succès, ces partitions tombèrent dans
un oubli profond dont des musicologues s’emploient maintenant à les
retirer. Sauf erreur, Tobit est le troisième, après Narbal
et Gideon, des pastiches de Schmidt à faire son apparition dans
le catalogue Naxos sous la forme d’un enregistrement dirigé par Joachim
Carlos Martini. Comme dans les autres cas, l’interprétation musicale
est de bonne tenue, mais sans rien d’exceptionnel - à l’instar
de l’œuvre musicale elle-même.
Pierre
Marc Bellemare
Schütz
Opus ultimum
Collegium Vocale Gent, Concerto Palatino
/
Philippe Herreweghe
Harmonia Mundi, 901895.96 (2 cd – 128
min)
HHHHHI
$$$$
Herreweghe a des affinités avec Schütz
: en témoignait déjà, il y a vingt ans, son remarquable enregistrement
du Requiem allemand (Musikalische Exequien), où se trouvait
réunie une équipe de chanteurs fameux (Mellon, Fouchécourt, Crook,
Kooy…), alors tous au sommet de leur art. Sans tout à fait égaler
une telle réussite, le présent coffret poursuit sur cette lancée,
proposant ce qui pourrait être le testament de Schütz, un recueil
de onze motets polyphoniques qu’il acheva vers l’âge de 86 ans,
et qui ne fut redécouvert qu’au début du vingtième siècle. La
notice, très intéressante, explique les détails de cette spectaculaire
mise à jour, à laquelle Stephen Zweig lui-même aurait participé
! Écrits à deux choeurs et basse continue, ces motets étaient pour
l’époque de facture traditionnelle, mais certes pas anachronique,
si l’on songe que Bach contribua lui aussi plus tard à ce genre.
Doublant les voix par des instruments, et jouant de l’alternance soli-tutti,
Herreweghe offre une lecture théâtrale, mais également empreinte
de sérieux et de noblesse. On retrouve avec plaisir le Collegium Vocale,
souple, homogène, aux assises graves somptueuses, d’esprit plus français
que germanique, mais néanmoins ici parfaitement convaincant. PG
Rise O My Soul - English Anthems
Studio de musique ancienne de Montréal
/Christopher Jackson ; Consort des Voix humaines
Atma (60 min)
HHHHHI
$$$
Pour qui aime un tant soit peu les riches
harmonies du chant sacré de la Renaissance, ce disque du SMAM offrira
de nombreuses heures d’écoute enivrantes. De Gibbons à John Bull,
en passant par Thomas Tomkins et John Ward, le répertoire anglais de
cette époque heureuse (en musique du moins…), est scintillant de
beauté, de tendresse pieuse et de magnificence. Christopher Jackson
est devenu un grand maître de ce répertoire, et le SMAM, accompagné
ici du Consort des Voix humaines, est l’écrin idéal pour faire resplendir
sa grande musicalité, mais aussi cette grande musique ! Frédéric
Cardin
Duets
Anna Netrebko, Rolando Villazón
Staatskapelle Dresden/Nicola Luisotti
Deutsche Grammophon, 4776457 (71 min)
HHHHHI
$$$
Now that tenor Rolando Villazón and
soprano Anna Netrebko are both on the roster of DG, the company is wasting
no time showcasing opera’s hottest couple. First came the Salzburg
La Traviata, and now their first duet album. The CD booklet is chock
full of photos with the two looking lovey-dovey, smiling at the camera.
Never mind they are not married and Villazón has a wife and two kids
– it sells records! This would be just so much media hype if it weren’t
for the fact that these two have glorious voices and fantastic chemistry
together. The disc features eight duets, mostly chestnuts like La
Bohème, Rigoletto, Roméo et Juliette, and Manon,
all in their current respective repertoires, plus two comparative rarities
– an ultra-romantic zarzuela and Tchaikovsky’s Iolanta.
Recorded in August 2006, it was
at a time when the tenor was maintaining the heaviest of performance
schedule. But in the studio, with the luxury of rests between takes,
there is no hint of the fatigue he was reportedly suffering at the time.
Also with the possibility of retakes, both singers took more risks.
Villazón joins Netrebko in the optional high C ending to “O soave
fanciulla”, a note he no longer sings onstage; likewise they both
take a high option in the Lucia duet. If I were to quibble, there isn’t
a particularly wide emotional range in the interpretation – the pieces
are beautifully sung but there is a sameness to them. Conductor Nicola
Luisotti plays “follow the diva/divo”, leading the Dresden Staatskapelle
in a middle-of-the-road reading. A curiosity: Luisotti actually sings
for a fleeting moment in the Rigoletto selection, the first time
in memory a conductor actually sings – rather than grunt or stamp
his/her foot – in a recording! The recorded sound is typical of DG’s
high standards. My review copy is CD-only, but there is a Special Edition
with a DVD showing the recording sessions. I would imagine the latter
would be the one to buy, but either choice will please their legions
of fans. JKS
Early Song Recordings from German
Radio
Elizabeth Schwarzkopf, soprano ;
Michael Raucheisen, piano (1941-1943)
Music & Arts, CD-1195(2) (AAD) (2
cd - 140 min)
HHHHHI
$$$$
En écoutant ces vieux enregistrements
de la radio allemande, les mélomanes qui ne connaissent que la période
EMI de sa carrière seront stupéfaits de découvrir une Elisabeth Schwarzkopf
dont ils ne soupçonnaient pas l’existence : encore dans la vingtaine,
mais déjà en pleine possession de ses moyens, elle interprète les
musiques les plus diverses avec un naturel qu’elle perdra plus tard
en devenant la grande prêtresse des idéaux de perfection esthétique
de son producteur (et mari) Walter Legge. Un jour, confrontée à ces
témoignages précoces de son art, elle affectera de les mépriser -
bien à tort ! Le programme comporte des enregistrements d’œuvres
- ici souvent interprétées en lecture à vue... - auxquelles elle
ne reviendra plus par la suite. En complément de programme, on retrouve
sept minutes d’une entrevue (1980) portant sur l’interprétation
du lied. Ces enregistrements appartiennent aux années de guerre qui
ont vu le commencement de la fin du régime hitlérien, avec qui Schwarzkopf
a collaboré en se joignant au parti nazi, en 1940. Les notes d’accompagnement
abordent ce chapitre controversé de sa vie avec beaucoup d’honnêteté
et de mesure et le bénéfice d’une information abondante et solide.
Un incontournable pour tous les admirateurs de cette artiste à la fois
sublime et pathétique. PMB
Music and Sweet Poetry Agree
Matthew White, contre-ténor
Analekta, AN 2 9918 (58 min)
HHHHHI
$$$
La musique élisabéthaine de la fin
xvie siècle a été qualifiée de « culte de la mélancolie » et
c’est bien ce que nous ressentons en l’écoutant, tellement ces
histoires d’amours perdues ou impossibles, ou encore ces réflexions
sur la douceur de la mort ont été conçues pour amener l’auditeur
à totalement partager la tristesse, voire le désespoir de l’auteur.
Mais quelle splendide musique cette esthétique laissa à l’humanité
! Des mélodies qui vous tordent les tripes, et qui vous transportent
dans les jardins royaux de cette Angleterre déchirée, un luthiste
jouant de son instrument, baignant dans une lumière diaphane. Matthew
White, bien qu’il ne soit pas encore tout à fait l’égal d’un
Andreas Scholl, ou d’un Philippe Jaroussky, possède un superbe instrument.
Malléable, velouté, puissant, il ne souffre aucune imprécision tonale.
La prise de son est un peu réverbérante, mais elle n’entrave en
rien la clarté de la définition des textures musicales. Un mauvais
point à la maison Analekta pour n’avoir pas eu la décence de nous
indiquer le nom des musiciens qui accompagnent M. White ! FC
Song Journey
Jean Edwards, soprano; Brahm Goldhamer,
piano
Canto 0106 (49 min) www.jeanedwards.ca
HHHIII
At the age of eighty, soprano Jean Edwards
– ‘granny soubrette’ as she calls herself – is a phenomenon.
As an original member of the Canadian Opera Company, Edwards sang Susanna
in Le nozze di Figaro, conducted by Nicholas Goldschmidt, way
back in 1951. She left singing to raise five sons and later returned
to her passion, studying with Bernard Diamant. Edwards has a clear,
girlish soprano of nice timbre, used musically and backed by a solid
technique. In an age of rampant age discrimination, singers like her
are often not taken seriously. This is a pity, as Jean Edwards’ voice
remains fresh and youthful, decades younger than her age would indicate.
Yes, it is small, not very powerful and not so flexible in fast-moving
music. She is best in adagio pieces, lightly accompanied or unaccompanied,
allowing the plaintive quality to shine through. Given the right repertoire
and surroundings – as in the recent Maureen Forrester Tribute, there
is still much to enjoy. Of the fifteen selections, particularly affecting
are ‘I Wonder as I Wander’ – the most beautiful track on the album,
‘Summertime’, and ‘The White Cliffs of Dover’, all superbly
accompanied by Brahm Goldhamer. Recorded at Reverie Studies in Collingwood,
Ontario, the sound is warm and resonant, and the production values first
rate. The booklet is beautifully illustrated by many paintings by her
son, Douglas Edwards, and photos of the artists. JKS
Musique instrumentale
Alfvén
Symphony No. 5, Andante religioso
Norrköping Symphony Orchestra/Niklas
Willén
Naxos, 8.557612 (58 min)
HHHHHI
$$
C’est une heureuse surprise que cet
enregistrement de la Cinquième Symphonie en la mineur op. 54
du compositeur suédois Hugo Alfvén (1872-1960), tenu en grande estime
dans son pays mais peu joué à l’extérieur. Alfvén a remanié cette
œuvre, qui l’a occupé durant deux décennies, jusqu’à sa mort.
Il faut reconnaître que le dernier mouvement ne tient pas les promesses
des trois précédents, et semble s’étirer avec sa vingtaine de minutes.
Si l’écriture évoque en général le postromantisme à la veille
de s’éteindre, il n’en reste pas moins que l’auditeur est immédiatement
saisi par l’impression d’être en présence d’un langage particulier
et d’un compositeur qui a quelque chose à dire, à travers un mélange
d’angoisse et de grandeur. Si la structure se situe dans la lignée
de Bruckner, tout comme les thèmes chantants et larges, l’orchestration
évoque plutôt l’univers mahlérien (recours au xylophone dans le
troisième mouvement). Le chef, suédois comme l’orchestre qu’il
dirige, semble particulièrement à l’aise dans cet univers nordique
dont il nous donne ici une vision convaincante. Alexandre Lazaridès
J.S. Bach
Concertos pour clavecin, vol. 2
Concerto Copenhagen/Lars-Ulrik Mortensen
CPO, 777 248-2 (48 min)
HHHHHI
$$$$
Aucun éditeur n’ayant offert récemment
d’intégrale des concertos pour clavecin de Bach, celle-ci, dont voilà
le deuxième volume, est tout à fait bienvenue. On remarquera d’emblée
l’intérêt de la prise de son : contrairement à ce qu’on observe
dans les versions plus anciennes (Pinnock, Koopman…), le clavecin
soliste n’est pas ici placé au premier plan, mais se mêle à l’orchestre,
sans pourtant s’y perdre. Ainsi, les détails du texte apparaissent
clairement, et on apprécie la saveur et l’inventivité des cordes
autant que la verve étincelante de Lars Ulrik Mortensen. Ce dernier
s’illustre particulièrement dans une version remaniée par Bach du
Quatrième Concerto brandebourgeois : transposée d’un ton, l’œuvre
accueille toujours deux flûtes à bec, mais une acrobatique partie
de clavecin, en remplacement du violon, vient leur disputer la vedette
! De manière générale, les tempos choisis paraissent judicieux :
le célèbre largo du Concerto en la mineur, cantilène poignante
sur fond de pizzicatos, respire comme il se doit, et seul l’andante
du Concerto en sol aurait mérité plus de tendresse. Un disque
enthousiasmant ! PG
J.S. Bach
Cantatas vol. 22
The English Baroque Soloists, The Monteverdi
Choir/John Eliot Gardiner
Monteverdi Production, SDG 128
HHHHHH
$$$
Étiquette placée sous la supervision
de John Eliot Gardiner lui-même, la maison de production Monteverdi
ne signe que les ensembles du maestro anglais. On parle depuis quelque
temps de l’émancipation du cyber-support dans l’industrie de la
musique classique. Devant un tel ouvrage, que les prophètes de
malheur s’arrêtent et constatent : le « CD objet », expression
utilisée pour parler du bijou recherché des collecteurs de musique,
possède encore tout son potentiel de véhicule artistique. Soussigné
Soli Deo Gloria, Monteverdi Production est un organisme à but non lucratif,
réinvestissant les profits générés par la vente de ses disques
dans des enregistrements futurs, tout en faisant la promotion des artistes
de la relève. La magnifique direction artistique, la sobriété de
l’étiquette, la riche documentation des notes de programme ne sont
que quelques-unes des qualités inhérentes à cet album. Attaques franches,
jeu aucunement maniéré, justesse des voix, équilibre chœur / instruments,
transparence des timbres, tout y est. On pardonne donc aux basses leur
brin de lourdeur. Bien que les notes de programme ne soient qu’en
anglais et en allemand, on retrouve une
traduction française complète sur le site Internet de la maison. GB
Glazunov
String Quintet op.39, Five Novelettes
op.15
Fine Arts Quartet ; Nathaniel Rosen,
violoncelle
Naxos, 8.570256
HHHIII
$
Un bon petit disque que celui-ci. Le
Fine Arts Quartet, auquel s’ajoute le second violoncelliste Nathaniel
Rosen, manque clairement de ce mordant bohémien propre (et nécessaire)
à la musique, surtout pour cordes, de la vaste Europe orientale, mais
offre une version claire, honnête et fiable des deux œuvres. Ces dernières
vont bien ensemble, au-delà de l’instrumentation similaire, dans
la mesure où la consistance et le sérieux du Quintette font
contrepoids à la fraîcheur et à la variété des Novelettes,
celles-ci passant de la musique espagnole à la musique hongroise avec
aisance. René Bricault
Delerue
Les plus beaux thèmes pour le piano
Yoko Sawai, piano ; Patrick Healy, flûte
;
Guillaume Saucier, violoncelle
DCM Classique, DCM-CL 203 (49 min)
HHHHHI
$$$
La musique de Georges Delerue est une
suite de mélancolies. De ces petites mélancolies qui vous assaillent
au détour du souvenir d’un être cher ou d’un moment de bonheur
qui ne reviendra plus. Cette musique est toute simple. La mélodie est
déclamée d’entrée de jeu, l’accompagnement ne cherche jamais
à être plus qu’un écrin valorisant. Mais cette simplicité est
trompeuse. La valeur d’une mélodie inoubliable ne doit jamais être
sous-estimée. Et Georges Delerue était un maître de cet art trop
peu valorisé par l’intelligentsia musicale. Ces petits cadeaux d’orfèvres,
par leur beauté, leur touchante naïveté, et par leur surprenante
capacité à nous soutirer une larme ici et là, sont invariablement
irrésistibles. Certains y verront du kitsh un peu niais, c’est annoncé.
Mais laissons donc parler les mauvaises langues, et savourons sans remords
cet ensemble de petits bonheurs tristounets, joués avec assez d’aplomb
par les trois musiciens en présence (avec une très légère réserve
sur le violoncelliste dont l’intonation est, à une ou deux reprises,
approximative). J’adore, et j’assume ! FC
Enescu
Complete Works for Violin &
Piano, vol. I
Remus Azoitei, violon ; Eduard Stan,
piano
Hänssler Classic, 98.239 (61 min)
HHHHHI
$$$
Le programme de ce premier disque d’une
intégrale de l’œuvre pour violon et piano de Georges Enescu, lui-même
violoniste virtuose réputé et bon pianiste, nous propose trois opus.
La Sonate no 2 en fa mineur op. 6 date de 1899; c’est donc
une œuvre de jeunesse où l’on entend des échos de Schumann et de
Brahms passer à travers trois mouvements solidement architecturés.
Un long mouvement de plus d’un quart d’heure constitue la Sonate
« Torso » de 1911, au langage déjà beaucoup plus personnel et
coulé dans un moule presque classique. Mais c’est surtout Impressions
d’enfance op. 28 de 1940 qui est le bijou de cet enregistrement.
Il s’agit de dix pièces plutôt brèves (la plus longue ne fait que
trois minutes et demie), enchaînées sans arrêt notable, où la sensibilité
(« Ruisselet au fond du jardin »), l’imagination (« L’oiseau
en cage et le coucou au mur ») et la poésie (« Lune à travers les
vitres ») exigent d’être servies par une grande virtuosité, et
le sont en effet par les deux instrumentistes, tous deux Roumains de
naissance. AL
Tournemire
Resurrectio
Vincent Boucher, orgue
Atma classique, ACD2 2470 (59 min)
HHHHHI
$$$
C’est le premier volume d’une intégrale
de l’œuvre de Charles Tournemire (1870-1939) qu’entreprend Vincent
Boucher sur l’orgue Casavant de l’église des Saints-Anges-Gardiens
de Lachine. Le musicologue Gilles Cantagrel signera, avec son érudition
coutumière, la présentation de chaque opus. Sous le titre Resurrectio,
l’organiste montréalais a regroupé sept titres d’inspiration pascale
ou, dans une mesure moindre, profane, avec un souci de variété qui
permettra de découvrir, à chaque volume, les facettes d’un compositeur
dont Messiaen disait, nous rappelle Boucher, que, « un jour, le monde
redécouvrira Tournemire ». Avec ses audaces harmoniques (« Paraphrase
et double choral » nous conduit aux confins du son musical), l’écriture
de Tournemire réussit à suggérer un univers dont il faut bien dire
qu’il est mystique, pour employer un mot qui lui était cher. De fait,
une atmosphère impalpable règne sur les pièces liturgiques, souvent
brèves. L’organiste à l’œuvre démontre une intuition évidente
de cet univers, ainsi qu’une connaissance assurée de l’instrument
royal qu’il a sous les doigts... et les pieds ! Autant dire que ce
premier volume annonce une intégrale de haute volée. AL
French Organ Masterworks
David M. Patrick, orgue
Sanctuary classics, RSN 3073 (74 min)
HHHHII
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Voici un florilège de pièces appartenant
au répertoire de l’orgue symphonique francais, interprétées par
un spécialiste du genre, doublé d’un virtuose. L’organiste anglais
David M. Patrick est reconnu internationalement pour son exécution
de ce répertoire, tant en concert, que par ses enregistrements (dont
les œuvres complètes de Maurice Duruflé). On trouve dans ce CD les
grands noms: Alain, Widor, Bonnet, Duruflé, etc., dans des œuvres
souvent entendues en concert comme la « Toccata » de Widor (5e
symphonie), l’Impromptu de Vierne, mais aussi les chorals
Phrygien et Dorien de J. Alain, ou bien un Prélude
de Vincent D’Indy. Les timbres du 32 pieds de la cathédrale de Gloucester
se prêtent bien à l’audition de ces pièces, et la massivité de
certains plans sonores n’alourdit pas les effets pyrotechniques. OGF
Musique contemporaine
Adams
Complete piano music
Ralph van Raat, piano
Naxos, 8.559285 (52 min)
HHHIII
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John Adams pratique une sorte de « minimalisme-fusion
» : moins pur que celui de Reich, moins populiste que celui de Glass,
il incorpore des éléments traditionnels et populaires à son écriture.
La qualité d’enregistrement de cette (première ?) intégrale de
son œuvre pour piano respecte les standards de la populaire étiquette
Naxos. Les imperfections techniques de certains passages transitoires
ou virtuoses sont à noter, surtout dans la colossale Phrygian Gates
(un flot ininterrompu de près de 25 minutes, tout de même). On louera,
en contrepartie, la musicalité générale de van Raat, qui aime visiblement
ce qu’il fait. Malgré la note moyenne, c’est une écoute qui en
vaut la peine, surtout à ce prix. RB
Forestare
Richard Desjardins, voix ;
Forestare / Alexandre Éthier
Atma, ACD2 2550 (56 min)
HHHHHH
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Voici un projet doté de plusieurs vertus
: il est original et intelligent, il est versatile (populaire autant
que savant, sans rechigner sur l’un, ni dénigrer l’autre) et il
est porteur d’avenir (on réentendra ces musiciens avant longtemps,
parions là-dessus). Cet ensemble de 12 guitares classiques (rien de
moins !), fondé et dirigé par Alexandre Éthier, apporte un vent d’air
frais sur le petit monde classique d’ici. Richard Desjardins collabore
à ce projet avec grand bonheur. Les versions de La maison est ouverte
et Les Yankees qu’il interprète avec l’ensemble sont franchement
superbes. Bien que sa rencontre avec la chanson populaire soit heureuse,
Forestare a fait le choix (courageux et avisé) de jouer également
de la musique contemporaine, d’ailleurs, mais surtout d’ici. Steve
Reich et son minimalisme envoûtant, Leo Brouwer, Denis Gougeon, Francis
Marcoux, Pascal Sasseville Quoquochi, des échos de chamans indiens
ou de gamelan balinais, bref c’est un voyage excitant et stimulant
qui nous est proposé dans ce magnifique disque. Du bois de ces guitares
si brillamment caressées, c’est une forêt de beauté et de plaisir
qui jaillit. Une très belle réussite. FC
DVD
Lehar
Der Graf von Luxemburg
Bo Skovhus, Juliane Banse ; Radio Symphonieorchester
Wien et I Festival-Chor KlangBogen Wien / Alfred Eschve
CPO, 777 194-2 (135 min)
HHHHII
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À l’époque du vinyle, l’opérette
viennoise était un genre vocal plutôt mal servi au disque. Non seulement
les dialogues parlés étaient-ils invariablement coupés, mais les
textes des airs n’étaient pour ainsi dire jamais fournis et même
les résumés d’œuvres se faisaient rares. Le DVD a changé cela
: on peut maintenant visionner plusieurs de ces œuvres conçues pour
la scène dans un format très proche de l’original. Mais y gagne-t-on
au change ? Cela reste à voir. À l’essai, il apparaît que les canevas
dramatiques sur lesquels sont montés tous ces beaux airs ont beaucoup
et mal vieilli et que l’humour, en particulier, appartient à une
époque et un contexte socio-culturel totalement étrangers à la plupart
d’entre nous. Donc, si vous avez déjà vu une production de La
Veuve joyeuse, que vous avez aimé la musique, mais que les situations
dramatiques et les dialogues vous ont paru complètement niais, alors
vous feriez sans doute mieux de limiter votre exploration de ce répertoire
aux collections d’extraits et anthologies disponibles en disque audio.
Autrement, je vous recommande ce disque, témoignage d’une production
récente et on ne peut plus viennoise d’un classique du genre. Pour
l’instant, c’est le seul enregistrement de l’oeuvre disponible
en DVD et tous les interprètes sont excellents. Sous-titres en allemand,
français et anglais. PMB
Menotti
Help, Help, the Globolinks!
Edith Mathis, Arlene Saunders, Raymond
Wolanski, William Workman, Kurt Marschner, Ursula Boese, Franz Grundheber
et Noël Mangin ; The Hamburg Philharmonic State Orchestra/Matthias
Kuntzsch
Arthaus, 101 281 (71 min)
HHHIII
$$$
Cet enregistrement studio de 1969, réalisé
par Menotti lui-même, doit être considéré comme un document plutôt
daté qui ne convainc pas beaucoup : décors tantôt confus tantôt
conventionnels, mise en place incohérente d’acteurs laissés à eux-mêmes,
lipsync défectueux, couleurs délavées, etc. Cet opéra pour enfants,
aux intentions lourdement pédagogiques, repose sur un argument science-fictionnel,
ici, l’envahissement de la Terre par des créatures nommées Globolinks,
que seule la musique effraye, et qui, à vrai dire, ont l’air plus
drôles que méchants. Les 12 enfants de l’autobus scolaire arraisonné
en pleine forêt par ces extraterrestres ont malheureusement oublié
d’emporter leurs instruments avec eux, à l’exception d’une fillette
dont le violon et le courage finiront par les tirer tous du danger.
Le livret, de Menotti, est en allemand et ne brille pas par sa finesse,
tandis que la musique se cantonne dans un langage dont on ne peut pas
dire qu’il déborde d’originalité. AL
Pergolesi
Lo frate
‘nnamorato
Alessandro Corbelli, Nuccia Focile,
Amelia Felle ; Orchestra and Chorus
of Teatro alla Scala/Riccardo Muti
Opus Arte/La Scala Collection, OA LS3005
D
(172 min)
HHHHHH
$$$$
Il aura fallu attendre le DVD pour rendre
les énormes richesses d’inventivité comique et mélodique du
Frère amoureux, de Giovanni Battista Pergolesi, véritablement
accessibles à un auditoire moderne. En effet, l’action de ce chef-d’œuvre
du comique musical italien aux proportions monumentales est tellement
compliquée qu’il est à toutes fins pratiques impossible de la suivre
si l’on est limité à des enregistrements audios, comme c’était
le cas jusqu’à maintenant. Avec la dimension vidéo, la compréhension,
naturellement, progresse à pas de géant. Par ailleurs, l’œuvre
est chantée dans une langue populaire, le dialecte napolitain, qui
n’est qu’à demi intelligible à un auditoire italophone moderne.
C’est là qu’interviennent les sous-titres anglais qui, s’ils
ne rendent pas toutes les nuances du texte, permettent au moins de le
suivre. Enfin, la production elle-même est tout à fait exceptionnelle,
avec des interprètes qui savent jouer la comédie aussi bien que chanter
et qui évoluent dans des décors d’une opulence baroque dont le style
s’harmonise parfaitement à celui de la musique. Même les costumes
et autres accessoires réussissent à provoquer l’hilarité ! Certains,
peut-être, se plaindront de ce que l’ouvrage est un peu long. On
leur répondra que, si l’on avait maintenu tous les airs, récitatifs
et reprises prévus par la partition, la soirée aurait facilement pu
durer deux heures de plus ! PMB
Rossini
La donna del Lago
Rockwell Blake, Giorgio Surjan, Chris
Merritt,
June Anderson ; Orchestra & Chorus of Teatro
alla Scala/Riccardo Muti
Opus Arte/La Scala Collection, OA LS#009
D
(167 min)
HHHHHI
$$$$
La donna del lago, l’un des
plus beaux parmi les opéras sérieux de Rossini, est une succession
envoûtante d’airs, duos, ensembles et choeurs, tous plus splendides
les uns que les autres. La présente gravure en est le seul enregistrement
actuellement disponible en DVD. Elle documente une production mémorable
de la Scala, destinée à marquer le bicentenaire de naissance du compositeur.
Les têtes d’affiche comptaient parmi les plus grandes vedettes du
chant rossinien de l’époque et il va sans dire que c’est un must
pour tout amateur de bel canto romantique. Cela dit, il faut
tout de même noter un bémol ou deux. On doit avouer, en effet, qu’au-delà
de leur technique impeccable et de leur vocalité impressionnante, les
chanteurs, à une notable exception près (Martine Dupuy), ne savent
pas toujours vraiment comment se situer face à une partition difficile
et complexe pour laquelle il n’existe aucune tradition interprétative
sur laquelle ils pourraient faire fond. Ce qui n’arrange rien ce sont
les costumes misérabilistes et les décors sombres et bizarres de la
production de Werner Herzog dont un critique notait à l’époque qu’elle
donnait l’impression de situer l’action au fond d’une mine de
charbon. Sous-titres en anglais seulement. Livret imprimé en italien.
PMB
Sibelius
The Early Years - Maturity and Silence
Orchestre Symphonique de la radio suédoise
/ Vladimir Ashkenazy
Allegro Films, A05 CND (103 min)
HHHHII
$$$$
Enregistrement remasterisé datant de
1984, ce documentaire fut réalisé par Christopher Nupen, précieux
collaborateur de la BBC et gagnant de plusieurs prix, dont un pour son
film sur Jacqueline du Pré. À première vue, on se questionne sur
l’intérêt de porter au DVD cette façon surannée de faire du documentaire.
Il faut dire que nous sommes depuis longtemps habitués aux interventions
de musicologues ou de chefs d’orchestre (jouant et chantant la partition
au piano pendant que s’y joint l’orchestre, en fondu). Il s’agit-là
d’une façon de faire qui certes fait cliché, mais reste toujours
efficace. Or dans ce documentaire de Nupen, le genre est intime et appuyé
par quelques extraits de paysages finlandais, là d’une photographie
du compositeur, déposée sur le piano de la maison où il fut élevé.
Il en ressort cependant une vision attachante de Sibelius. Comme si
l’homme tourmenté, longtemps silencieux et un brin austère se donnait
en confession. En aparté, Elisabeth Söderström, Boris Belkin et l’Orchestre
Symphonique de la Radio Suédoise sous la direction de Vladimir Ashkenazy
interprètent plusieurs pages du compositeur. Évidemment, la sonorité
de l’ensemble n’est que très peu enrichie par le transfert au support
numérique, mais l’essentiel y demeure. GB
Verdi
Simon Boccanegra
Thomas Hampson, Cristina Gallardo-Domâs,
Ferrucio Furlanetto, Dan Paul Dumitrescu, Miroslav Dvorsky et Boaz Daniel
; Chor und Orchester der Wiener Staatsoper/Daniele Gatti
TDK, DVWW-OPSIBOW (137 min)
HHHHII
$$$$
Thomas Hampson démontre d’indéniables
qualités de tragédien dans cette production, captée sur le vif en
2002, d’un opéra au récit complexe, voire quelque peu confus (trois
librettistes y ont mis la main successivement), et que Verdi a remanié
sur une période de vingt ans sans parvenir à le rendre homogène.
Toutefois, à cause de ses qualités musicales, dont une orchestration
qui compte, par moments, parmi les meilleures de Verdi, et ne serait-ce
que pour la scène imposante de la fin du premier acte où le doge de
Gênes, Simon Boccanegra, domine la foule de plébéiens venus le renverser,
cette œuvre retient l’attention. Sans démériter, le reste de la
distribution (notamment Ferrucio Furlanetto, peu en voix cependant dans
le Prologue), entoure convenablement Hampson. La mise en scène de Peter
Stein, dans une scénographie abstraite où dominent les lignes droites,
refuse les facilités du pathétique pour laisser toute la place à
l’intériorité des personnages. Malheureusement, le découpage retenu
pour la captation vidéo dérange trop souvent la perception que l’on
a de l’espace scénique et nuit parfois à l’intensité dramatique.
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