Francis Corpataux et « Le chant des enfants du monde » Donner une voix aux enfants Par Bruno Deschênes
/ 29 mai 2007
Les enfants assurent l’avenir
des cultures humaines. En tant qu’adultes, nous comptons sur eux pour
perpétuer l’identité culturelle qui définit la communauté à laquelle
nous appartenons. Cependant, comme l’indique Francis Corpataux dès
le début de l’entrevue qu’il m’a accordée, les chants d’enfants
se font de moins en moins entendre, surtout en Occident. Nous les faisons
de moins en moins chanter et, à certains égards, s’ils chantent,
nous ne les écoutons pas. De plus, lorsqu’ils chantent, ce sont souvent
des chants d’adultes et, surtout, ceux de vedettes de variété. Francis
Corpataux, ethnomusicologue suisse résidant au Québec depuis 1971,
désire donner la parole aux enfants. Il est l’instigateur et le réalisateur
de la collection « Le chant des enfants du monde » sous l’étiquette
ARION (Paris, France). Au début de 2007, ARION et Francis Corpataux
lançaient le 15e CD dédié aux chants des enfants et adolescents du
Brésil.
C’est en 1990 qu’il fait un
premier voyage de 11 mois et enregistre des chants d’enfants de plusieurs
pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie (l’Inde, le Népal,
la Malaisie, l’Indonésie), ainsi que de quelques pays d’Amérique
latine, dont l’île de Pâques. Plusieurs autres voyages ont suivi
et, à ce jour, la collection comprend plus de 2 600 enregistrements
dont environ 400 sont consignés sur 15 disques et dans un documentaire
cinématographique : Le chant des enfants du monde
(CinéFête, Montréal).
Francis Corpataux souligne l'importance
des chants dans les rapports humains. Ils ont une fonction sociale et
culturelle très importante : ce sont des catalyseurs et des rassembleurs
culturels. Dans la plupart des sociétés, nous retrouvons des chants
pour toutes les circonstances, que ce soit les berceuses,
les chants de travail, de jeux, d’initiation, de séduction, de funérailles,
de mariage, des chants liés à la naissance ou à la mort, des chants
religieux ou rituels, des chants qui relèvent des croyances traditionnelles.
J’étais curieux de savoir comment
il s'y prend pour faire chanter les enfants (et les adultes, bien sûr)
pour les enregistrer. Dès son arrivée, il prend contact avec les autorités
pour leur présenter le projet et obtenir les autorisations nécessaires.
Ensuite, il s'agit de mettre tout le monde en confiance pour atténuer
la timidité des enfants, ce qui peut prendre quelques heures et, parfois,
quelques jours ! Il faut dire qu’avant de visiter un village, il s’informe
du type de musique qu’il pourra y trouver, des fêtes et célébrations
typiques de cette communauté, des rituels, etc. Cette connaissance
préalable des coutumes est une clé du succès : en apprenant que cet
étranger a une connaissance de leurs coutumes, les communautés qu’il
visite sont heureuses de partager leur culture avec lui. Lorsqu’il
enregistre les enfants, il ne veut pas faire de sélection. Tous veulent
chanter, tous veulent participer. Il ne cherche pas les « belles voix
», mais les chants les plus authentiques. Parfois, bien sûr, il placera
son microphone devant quelques enfants qui semblent mieux chanter.
Francis Corpataux doit bien sûr
respecter les coutumes, croyances religieuses, mythes et autres usages
des communautés dont il documente les pratiques culturelles. Par exemple,
il y a selon les endroits des chants que les enfants ne peuvent pas
chanter, ou, surtout, des instruments desquels ils ne peuvent pas jouer,
en raison de certains tabous particuliers. Mais généralement, les
enfants sont heureux de pouvoir se faire entendre, de rencontrer quelqu’un
qui sait les écouter, et surtout qui aime les écouter. Pendant qu’il
enregistre, la vie du village continue. Francis Corpataux nous fait
entendre cette vie des enfants et des adolescents grâce à laquelle
la diversité culturelle humaine se maintient et nous nourrit tous.
Nous avons beaucoup à apprendre des enfants si nous savons les écouter
! n
Among the Jasmine Trees, Music
and Modernity in Contemporary Syria
Jonathan Holt Shannon
Wesleyan University Press, 2006, 248
p., ISBN 0-7486-2381-7
La Syrie est un de ces pays du Moyen-Orient
dont nous entendons parler régulièrement dans les médias, mais dont
en fait nous ne connaissons que peu de choses. Nous connaissons encore
moins sa musique, outre le fait d’avoir entendu des musiciens de la
ville d’Alep qui nous ont visité en quelques occasions dans le cadre
du Festival du monde arabe de Montréal. Jonathan Holt Shannon, un ethnomusicologue
américain, a visité la Syrie pour nous tracer un portrait de la musique
de son peuple, qui se trouve pris dans un combat entre tradition et
modernité ; cette dernière est considérée comme superficielle et
renégate, tandis que la tradition conserve une certaine authenticité.
Comme parmi bon nombre de peuples non occidentaux, être moderne signifie
ici se mettre au pas des rythmes musicaux, politiques et technologiques
de l’Occident. Mais cela signifie surtout dénigrer et même rejeter,
pour certains, ses propres racines. Shannon trace le portrait d’un
peuple pris en sandwich entre modernité et tradition.
Bedouin Tribal Dance
Hossam Ramzy
ARC Music, 2007, EUCD 2047, 51 m 17 s
Les Bédouins sont ces tribus de nomades
qui parcourent le nord de l’Afrique et l’ensemble du Moyen-Orient.
Ils ont appris à vivre au cours des siècles dans ces lieux désertiques
où tout Européen hésiterait à s’aventurer à cause de l’aridité
du climat et du manque de ressources naturelles. La musique et les danses
des Bédouins sont uniques et typiques de leur univers culturel, surtout
ces danses où les femmes font un déhanchement qui les distingue des
autres danseuses du ventre du Moyen-Orient. En même temps, cette musique
est aussi teintée des influences glanées dans les régions que traversent
les nomades. Leur musique est particulière, avec des sonorités nasillardes
et « fausses » (à nos oreilles occidentales) auxquelles nous ne sommes
pas habitués, bien que cela change graduellement. À l’écoute de
ce CD, nous découvrons un peuple qui sait maintenir sa joie de vivre
tout en réussissant à maintenir un mode de vie difficile, que certains
Bédouins ont abandonné pour la vie moderne.
Don Juan
the enigma
Kate Molleson
The mere thought of Don Juan evokes
the image of a ruthlessly hedonistic and wonderfully wicked alpha male.
So great was his seductive prowess that his very name became synonymous
with womanizing. Conqueror of over a thousand hearts he was dragged
to the depths of hell for his relentless follies. His lack of, or disregard
for, moral judgement caused him to be labelled a psychopath, yet his
consummate sexuality made him the secret envy of millions. Don Juan
cannot simply be reduced to a one-dimensional sex-crazed Spaniard; for
centuries, artists – from Cervantes to Molière, Mozart to Ingmar
Bergman to the Pet Shop Boys – have been intrigued by the enigma of
the world’s greatest lover.
The basic legend tells of Don Juan,
a wealthy Spaniard of passionate and carefree spirit, who seduces a
noblewoman and kills her father. Unrepentant, he later meets the father’s
ghost and audaciously invites him to dinner. Upon arriving at the feast,
the ghost offers to shake Don Juan’s hand; as the Don extends his
arm he is suddenly grabbed by the ghost’s icy grip and dragged all
the way to Hell.
In Hell, the Devil mocks Don Juan,
ordering him to wear a Jester’s suit and taunts him saying, "You'll
make the perfect fool." Indignantly, Don Juan exclaims, "But
I am he of a thousand conquests!" The Devil cunningly replies
that if the don manages to remember the name of just one of his many
conquests he would not have to wear the suit. Women of all ages and
races are brought forward but try as he might the don cannot correctly
identify a single one. Finally, the ghost’s daughter enters, alone
and tearful and Don Juan can only gaze at her helplessly with no recollection
of who she was. Resigned to failure, he turns to the Devil saying, "Give
me the suit."
The myriad of literary interpretations
of the don’s character outnumbers his sexual conquests. He first appeared
on paper in Tirso de Molina’s 1630 play El burlador de Sevilla
y convidado de piedra (The Seducer of Seville) as a deceitful and
malicious villain. In 1665, Molière exploited the political potential
of the don as the embodiment of libertinism
to document the current antagonism between the French libertines and
the Counter-Renaissance. E.T.A. Hoffman’s 1813 novella portrays Don
Juan as the ultimate romantic idealist, forever seeking the perfect
woman and convinced that only true love offers transcendence. Alternatively,
the don represents natural physical desire removed from any emotional
or spiritual realm in Lord Byron’s 1821 epic narrative. Byron's young
lover is candid, and women find him so charming that he has no need
to use force or deceit to win them.
George Bernard Shaw's 1903 Man
and Superman treats Don Juan as a whimsical philosopher who deconstructs
the moral implications of conventional life and love: “The confusion
of marriage with morality has done more to destroy the conscience of
the human race than any other single error.” Freud dealt with Don
Juan’s complex as a universal mental process (cue the term “repetitive
compulsive”) whereas Camus presented Don Juan as the archetype of
absurdity in his 1942 essay The Myth of Sisyphus.
Nevertheless, it is the don’s
Italian guise that has become the most renowned; Mozart’s Don Giovanni
remains a staple throughout the world’s opera houses, a testament
to the endless potential of its title roll. Mozart's librettist Da Ponte
borrowed freely from the various versions of Don Juan that preceded
his 1787 libretto, and the result incorporates multiple aspects of the
legend.
René Richard Cyr, director of
Opéra de Montréal’s latest production of Don Giovanni, says
it was the work’s social dynamic that most interested him. “I want
to underline the class inequality, the struggle between what is ‘moral’
and so acceptable, and what is ‘immoral,’and so persecuted.” He
describes the relationships between the various power structures in
the libretto: “On the one hand, there is the power-holding establishment
– the ruling Commandatore, the politicians and police, the power of
money, the power of censure and repression, the power of the status
quo… On the other hand, there is a darker power – that of the underground
world, Don Giovanni and his petite mafia. Their power is seductive
in that they follow their own liberty, but – oh! Disenchantment! –
they take primarily for themselves. Their liberty is without regard
for anybody else’s.”
“Between these two groups…
[are] the people, victimised and torn, who don’t know where to find
refuge or protection.”
To see Don Giovanni as somebody
who is simply evil is boring, says Cyr. “He is a man who lives by
his principles, however sordid they may be. When we meet him in the
opera he has already lived his glory days; he is seeking new thrills.
Killing the Commendatore is not carelessness – it is pushing the limits
of the status quo.”
Baritone Aaron Saint Claire Nicholson,
who sings the title role with Opéra de Montréal this month, agrees
that compassion is needed when approaching the Don’s character. “He’s
a wonderfully complicated man – Mozart needed to write twelve recitatives
in order to get into his mind! What interests me is why the Don
became who he did – what in his background made him so reckless?”
“There’s a hint of Tony Soprano
about him – his approach to money and to women. And there’s certainly
the same bad-boy attraction that gets all the girls,” says Nicholson.
Cyr has tried to match the production’s
aesthetic to the Don’s gritty seductiveness. “I thought of Anglo-Saxon
roughness, of the dirty, socially stratified reality of London at the
end of the 19th century. I asked [set designer] Pierre-Etienne
Locas to work on a deconstructionist
principle to reflect the demise of the Don over the course of the evening.”
As our hero is dragged to the fiery
depths of Hell, the remaining characters sing, “So ends he who evil
did. The death of a sinner always reflects his life.” Yet, despite
the unmistakable moralizing, the audience cannot help but harbour some
envy for Don Juan. Here is a man who led a life of decadent pleasure,
regardless of motivation, and remains unrepentant for all his wicked
ways. Such is the blanket of mystique and fascination that perpetually
surrounds this most legendary of lovers!
›
-L’Opéra de Montréal presents Mozart’s Don Giovanni, May
19, 23, 26, 28, 31 and June 2.
514-842-2112 |
|