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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 7 April 2007

Critiques/Reviews

April 30, 2007


Politique de critique : Nous présentons ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique ne présume en rien de la qualité de celles-ci. Vous trouverez des critiques additionnelles sur notre site Web www.scena.org.

Review Policy: While we review all the best CDs we get, we don’t always receive every new release available. Therefore, if a new recording is not covered in the print version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.

HHHHHH indispensable / a must!

HHHHHI excellent / excellent

HHHHII très bon / very good

HHHIII bon / good

HHIIII passable / so-so

HIIIII mauvais / mediocre

$ < 10 $

$$ 10–15 $

$$$ 15–20 $

$$$$ > 20 $

Critiques / Reviewers

AL Alexandre Lazaridès

CPP Catherine Paiement-Paradis

GB Guy Bernard

IP Isabelle Picard

PG Philippe Gervais

RB Réjean Beaucage

RBr René Bricault

JKS Joseph K. So

FC Frédéric Cardin

Disque du mois

Debussy

Children’s Corner

Children’s Corner (orch. Caplet), Six Épigraphes antiques (orch. Ansermet), Clair de lune (orch. Stokowski), Sarabande (orch. Ravel), Danse (orch. Ravel), La soirée dans Grenade (orch. Busser), Petite Suite (orch. Busser), Clair de lune (orch. Caplet)

Orchestre symphonique de Québec / Yoav Talmi

Atma, SACD2 2377 (73 min)

HHHHHH $$$

Pour leur première collaboration, la maison de disques Atma et l’Orchestre symphonique de Québec ont concocté un magnifique disque consacré à la musique de Claude Debussy. L’intérêt est en partie dû au choix du répertoire: des orchestrations d’œuvres pour piano de Debussy peu ou pas enregistrées. Mais la qualité de l’interprétation et de l’enregistrement y sont également pour beaucoup. Toutes les sections de l’OSQ sont mises en valeur; l’hautboïste Philippe Magnan, la flûtiste Jacinthe Forand et le clarinettiste Stéphane Fontaine, notamment, ont l’occasion de démontrer leur savoir-faire. Sous la direction nuancée de Yoav Talmi, l’orchestre rend avec finesse toutes les couleurs de cette musique, et l’enregistrement permet d’en saisir chacun des détails. On sait déjà que l’OSQ et Atma travaillent à d’autres projets, et nous les attendons avec impatience.

Isabelle Picard

Musique vocale

Beethoven

Fidelio

Christine Brewer, John Mac Master, Kristinn Sigmundsson, Juha Uusitalo, Sally Matthews, Andrew Kennedy, Daniel Borowski

London Symphony Orchestra / Colin Davis

LSO Live, LSO0593 (2 SACDs: 120 min)

HHHHHI $$$$

LSO Live’s new Fidelio is another successful exam-ple of self-publishing. Recorded live from two performances at the Bar-bican in May 2006, it features a wonderful Leonore by American soprano Christine Brewer whose gleaming tone and heroic strength is never lacking in womanly warmth; her great scena “Abscheulicher” is a highlight. Canadian tenor John Mac Master brings a dramatically fervent and musically engaging Florestan. Other than a slight blip in the long-held, opening “Gott” and occasional pitchiness, he copes better than most tenors with the high tessitura of his aria. Kristinn Sigmundsson’s imposing but warm bass is perfect as Rocco. His countryman Juha Uusitalo (Pizzaro) is suitably menacing. Sally Matthews and Andrew Kennedy make a youthful-sounding pair of lovers. Top honours go to Sir Colin Davis and the London Symphony. Although, Davis already recorded this in 1995 with Deborah Voigt and Ben Heppner on RCA, this new release is preferred and ranks very high amongst such recordings of the past thirty years. Joseph K. So

Handel

Il duello amoroso

Andreas Scholl, Hélène Guilmette
Accademia bizantina / Ottavio Dantone

Harmonia Mundi, HMC901957 (72 min)

HHHHHI $$$

Séjournant en Italie dans sa jeunesse, entre 1706 et 1710, Handel y découvre un style musical qu’il assimile rapidement, au grand étonnement de ses hôtes auxquels il offre, en plus d’opéras et d’oratorios, une centaine de cantates profanes. Trois d’entre elles sont ici réunies, dont l’amusant Duello amoroso, dispute du berger amoureux et de sa farouche bergère, incarnée par la soprano québécoise Hélène Guilmette, légère et virtuose à souhait. Particulièrement séduisantes sont les deux autres cantates, accompagnées du seul continuo (harpe, théorbe, clavecin…), qu’on pourrait croire sorties de la plume de Caldara ou d’Alessandro Scarlatti, tant elles exhalent d’italianité ! Scholl, à qui convient très bien ce répertoire intimiste, s’y montre habité et chaleureux, attentif aux moindres détails sans perdre de vue l’effet d’ensemble. Une sonate en trio et une dernière cantate, Mi palpita il cor, celle-là écrite à Londres, mais toujours dans le style italien, viennent compléter ce disque, très recommandable. Rappelons tout de même que Scholl avait proposé, en 1993, un programme presque identique (chez Accord, à rééditer !), où la voix offrait de plus fraîches couleurs. Philippe Gervais

Roberto Alagna

Viva l’Opera !

Deutsche Grammophon, DG 477 6563
(2 CD : 147 min)

HHHHHI $$$

Celui que des critiques ont surnommé le « quatrième ténor », successeur de Pavarotti, Domingo et Carreras, nous livre, dans cette anthologie de quelque quarante extraits d’opéra enregistrés entre 1995 et 2006, la somme de son savoir-faire. On est en présence d’une voix généreuse jusqu’à la témérité, à laquelle on peut reprocher de pousser parfois la note et d’étrangler çà et là les aigus (en revanche, que de notes miraculeusement tenues en pianissimo !), mais qui ne manque pas d’emporter à la longue toute réticence. Alagna possède un vaste répertoire lyrique, essentiellement italien et français (sans aborder Mozart qui, dit-il, ne convient pas à sa voix), dans lequel il évolue avec l’aisance du propriétaire des lieux, quoique les rôles introspectifs verdiens, comme celui d’Otello, lui réussissent moins bien que ceux, plus à fleur de peau et conformes à son propre tempérament expansif, de Puccini, de Donizetti et des véristes en général. Deux heures et demie d’un bonheur de chanter contagieux, et un complément tout à fait approprié à la lecture de l’autobiographie du ténor franco-sicilien parue récemment chez Grasset.

Alexandre Lazaridès

Musique instrumentale

J.S. Bach

Six Solo Cello Suites BWV 1007-1012

David Kennedy, violoncelle

Signum Classics, SIGCD091 (2 CD : 142 min)

HHHIII $$$

« C’est grâce à ces Suites et à leurs interprétations par Pablo Casals que j’ai su que je devais jouer du violoncelle », écrit David Kennedy dans la pochette de son nouveau disque. Les Six suites pour violoncelle de Bach, ignorées pendant près de deux siècles avant d’être redécouvertes par le musicien espagnol au xxe siècle, sont effectivement un incontournable du répertoire et ont certainement dû influencer plus d’un violoncelliste. Avec les concertos de Dvorˇa´k et Britten, les Suites de Bach restent parmi les œuvres les plus célébrées du répertoire pour violoncelle. De Casals à Rostropovitch et de Fournier à Yo-Yo Ma, tous les grands violoncellistes ont enregistré leur version. Au tour maintenant de David Kennedy, collaborateur du London Piano Quartet, d’offrir son interprétation. Le tempo lent et le style carré, voire académique du Prélude de la 1ère suite agace (si l’on compare aux versions énergiques et passionnées de Turovsky et Fournier), mais le violoncelliste originaire de Belfast offre, pour le reste des six études, une interprétation sentie et riche, qui bien que manquant de force par moments, reste tout de même digne d’intérêt.

Catherine Paiement-Paradis

Beethoven

Symphonies Nos 1-9, transcribed
for Piano by Franz Liszt

Konstantin Scherbakov, piano

Naxos, 8.505219 (5 CD : 5 h 46 min)

HHHHHI $$$$

C’est dans sa série des « Œuvres complètes pour piano » de Liszt que la maison Naxos a placé la transcription des symphonies de Beethoven, non sans raison, étant donné l’originalité de ce travail qui avait occupé le pianiste-compositeur hong-rois une trentaine d’années. La réduction de ces œuvres au clavier fascine par l’ingéniosité dont fait preuve Liszt pour caractériser les couleurs des diverses sections de l’orchestre, rendre sur deux portées la complexité des chants et des voix ou éclairer la structure de chaque mouvement. En fait, on peut considérer ces transcriptions comme une radioscopie éclairante des symphonies, même si le résultat n’est pas toujours convaincant. Le finale de la Neuvième montre les difficultés et les limites d’une opération de ce genre ; en revanche, le dernier mouvement de la Cinquième est un tour de force crépitant ! Konstantin Scherbakov est à la hauteur des difficultés tant techniques que musicales de ces transcriptions. Les passages d’ensemble sont rendus à fond de clavier, avec une belle ampleur sonore, mais l’interprète sait trouver la délicatesse voulue pour les thèmes instrumentaux qui en réclament, au début de l’Héroïque, par exemple. La palette de toucher et d’atmosphère est impressionnante, et le tout est rendu par une prise de son équilibrée. AL

Brahms

Symphony No. 3 ; Haydn Variations

London Philharmonic Orchestra / Marin Alsop

Naxos, 8.557430 (56 min)

HHHHHI $

Marin Alsop, chef d’orchestre saluée par la
critique internationale, semble encore presque totalement inconnue chez nous.Difficile d’expliquer la chose. Marin Alsop dirige ici le célèbre ensemble anglais dans une version de la Symphonie no 3 de Brahms qui marque par sa clarté, sa justesse, son timbre adouci et son style ouvert, près de la nouvelle génération de chefs. La césure avec les grandes versions de Haitink / Concertgebouw, par exemple, est évidente. Dans une réalisation de premier plan où la maison ne lésine pas sur la présentation, on est d’abord frappé par la prise de son de grande qualité. En fait, une captation de si haut niveau est loin de faire regretter l’habitude de l’enregistrement en concert qu’avait développée l’orchestre dans les années 90. Guy Bernard

Debussy

Volume II

Pascal Rogé, piano

Onyx (76 min)

HHHHHI $$$$

Rogé est un debussyste de longue date ; plusieurs de ses enregistrements Decca / London des années 70 sont toujours disponibles, mais en voie d’être surclassés par ce nouveau début d’intégrale (les deux livres de Préludes sont proposés au vol. I). Le secret ? Certes, il y a les tempi légèrement plus lents qui aident à mieux articuler les nombreux passages casse-cou. Le son plus neutre, moins feutré que celui des Decca, aide aussi à « désembrumer » l’impress-ionniste. Mais force est d’admettre que c’est la maturation technique de Rogé qui compte plus que tout. Certains détails d’inter-prétation ne plairont pas à tous (et n’oublions pas que ce ne sont pas ici les œuvres les plus importantes du compositeur, les Estampes exceptées), mais le jeu de pédales et le doigté assuré de Rogé m’ont convaincu qu’il mérite d’être considéré comme un des « grands » dans ce répertoire. On attend la suite… René Bricault

Mozart

Am Stein vis-à-vis

Andraes Staier, Christine Schornsheim, vis-à-vis

Harmonia Mundi, HMC901941 (63 min)

HHHHII $$$$

Voici un disque intrigant ! Andreas Staier a retrouvé et fait restaurer un très rare exemplaire d’un instrument joliment app-elé vis-à-vis, construit par le facteur Stein en 1777. Il s’agit d’un grand clavecin placé face à un pianoforte, les deux tables d’harmonie étant soudées pour ne former qu’une caisse de résonance. Occasion de présenter sous un jour nouveau des pages de Mozart, qui estimait le travail de Stein, et aussi de rappeler que piano et clavecin, loin d’avoir été toujours en compétition, ont pu se côtoyer amicalement. Staier et sa complice Christine Schornsheim s’amusent ici follement et déploient une virtuosité étourdissante, ajoutant à deux sonates que Mozart avait originalement destinées à quatre mains quelques arrangements très réussis, dont une transcription des six Danses allemandes. Le piano possède, du fait de ses marteaux en bois nu, une agréable sonorité exotique proche de celle du tympanon. Le clavecin, en revanche, avec ses trois claviers et ses multiples registres, paraît par moment un peu ferraillant, rappelant même, bien que de loin, les redoutables instruments de Wanda Landowska ! Une curiosité fascinante, mais qui ne plaira pas aux amateurs de sonorités polies. PG

Mozart

Così fan Tutte

Pentaèdre

Atma, ACD2 2545 (76 min)

HHHHHI $$$

Pentaèdre, prolifique quintette à vent montréalais reconnu à l’échelle internationale, fait ici (re)découvrir Così dans un arrangement Ulf Guido Schäfer / Pentaèdre. Pour les lecteurs n’habitant pas la métropole, voici le contexte : Il y a quelques semaines, avec un battage médiatique assez inhabituel dans la sphère classique, Pentaèdre présentait rien de moins que Così dans une version opéra muet, de paire avec les mimes de la troupe Omnibus. Cette parution chez Atma en est donc la version CD. Tout comme l’indique Mathieu Lussier, bassoniste de l’ensemble, dans ses très pertinentes notes de programme, le support visuel n’est pas nécessaire à l’audition de l’œuvre. Bien sûr, on n’écoute pas l’enregistrement sous l’angle d’un succédané du véritable opéra. On l’aborde plutôt comme un arrangement brillant, mettant en relief le génie mozartien, entre les doigts d’un quintette à vent virtuose tant au niveau individuel que collectif. GB

Rameau

Keyboard Suites

Angela Hewitt, piano

Hyperion, SACDA 67597 (78 min)

HHHHHI $$$$

Après Bach, Couperin, Ravel et la récente digression vers Beethoven (qui n’a pas fait l’unan-imité), voici que la pianiste canadienne la plus connue au monde s’attaque à l’œuvre de Jean-Philippe Rameau. Le terrain est naturel pour Mme Hewitt, et cela est évident dès les premières notes. La rigueur technique est toujours présente. Pour certains, c’est parfois trop, mais en ce qui concerne votre humble serviteur, cette netteté des contrastes, cette limpidité des voix, ne font qu’amplifier l’impact qu’a sur nous l’exceptionnelle musicalité de cette pianiste. Une musicalité qui selon toute vraisemblance a profité de son contact avec l’univers expansif des sonates de Beethoven, et celui, organique et impre-ssionniste, de Maurice Ravel. La froideur d’une trop grande perfection technique est ici « humanisée » par la remarquable souplesse et la superbe flexibilité d’une artiste stimulante, et dont le parcours continuera d’être à la fois passionnant et fascinant.

Frédéric Cardin

R. Strauss

Metamorphosen

Nash Ensemble

Hyperion, CDA67574 (77 min)

HHHHHI $$$$

La complexe conduite des voix constitue certes un des aspects les
plus intéressants de l’écriture musicale du postromantisme germanique. C’est pourquoi l’arrangement par Rudolf Leopold, pour septuor à cordes, des Metamorphosen (basé sur la particelle originale du compositeur) est si efficace. Sacrifiant une partie du lustre opulent de la version pour 23 cordes (rappelez-vous Karajan), on redécouvre la richesse contrapuntique de ce chef-d’œuvre tardif. La conception architecturale du Nash Ensemble manque sans doute un brin de sens de la respiration, mais fait ressortir l’esprit durchcomponiert du style straussien. Articulation plus réussie pour le Quatuor de jeunesse (écrit quelque 60 ans plus tôt !), interprété de façon franchement irréprochable ; idem pour le passionné Prélude de Cappriccio, dont les qualités de proximité, d’équilibre et de chaleur (oh ! ces pianissimi !) impressionnent toujours. Versions « propres », en bout de ligne, mais non sans âme, loin de là.

RBr

Arturo Toscanini’s Complete Concert
of March 21 1954

Rossini : Ouverture du Barbier de Séville ; Tchaïkovski : Symphonie no 6

NBC Symphony Orchestra / Arturo Toscanini

Music and Arts, CD-1194 (58 min)

HHHHII $$$$

Arturo Toscanini fut à la tête de plusieurs orchestres au cours de sa carrière, mais il est surtout demeuré célèbre pour ses années passées à tyranniser les membres du NBC Symphony Orchestra, ensemble créé spécialement pour lui en 1937. Figure emblématique du maestro despote, il est un des premiers chefs à avoir été vraiment médiatisé, notamment par le biais de ses concerts radiodiffusés. C’est auprès de ce même ensemble qu’il est ici entendu, au Carnegie Hall, quelques jours avant son dernier concert. Toscanini a alors 87 ans. Bien restauré, l’enregistrement (stéréo !) souligne certains traits stylistiques de l’époque et du chef. Par exemple, les tempi plus vifs et l’expression enflammée surprennent, mais ne dénaturent jamais le discours musical. Toutefois, on y dénote des décalages importants entre bois et cordes. En dépit de cela, le NBC Symphony Orchestra était un ensemble de très haut niveau. Tout y est : justesse, contrôle, sincère émotion. Le livret est, comme c’est l’habitude chez Music and Arts, écrit avec soin et détails. GB

En compagnie de Samuel de Champlain –
De Brouage à Québec

Terra Nova

Disques Lyres, LLL 06010 (51 min)

HHHIII

Pour nous préparer aux célébrations du 400e anniversaire de la fondation de Québec, en 2008, la maison Disques Lyres fait paraître, dans sa collection du patrimoine, un disque qui veut évoquer, en musique, « le fabuleux parcours de Champlain, de sa jeunesse jusqu’à la fondation de Québec en 1608 ». On y retrouve de la musique de cour, de la musique populaire, quelques morceaux traditionnels amérindiens… 24 pièces qui nous mettent dans l’ambiance du xvie siècle. Le tout est interprété sur instruments d’époque par l’ensemble Terra Nova, formé des musiciens de l’ensemble québécois Stadaconé et de six musiciens français. La direction artistique est assurée par François Leclerc, qui signe également plusieurs des arrangements musicaux. Un disque purement instru-mental, d’écoute agréable, qui a bénéficié de la collaboration du Musée de la civilisation de Québec et du Conseil Général de la Charente-Maritime. IP

Journey

Les Boréades / Francis Colpron

Atma, ALCD2 1037 (78 min)

HHHHII $$

Ce disque est un florilège extrait de la production discographique de l’ensemble Les Boréades. L’avantage d’un tel album : un répertoire varié (fermement ancré dans le baroque, il faut le dire), basé sur certains des plus beaux titres enregistrés précédemment, et qui propose une large palette de couleurs. On peut ainsi comparer l’enthousiasme débordant mais teinté d’imperfections des débuts, à la grande maturité d’expression atteinte lors des enregistrements plus récents. Il est facile de constater le chemin parcouru par un ensemble qui a su remplir les promesses initiales en devenant l’un des meilleurs de la nébuleuse baroque. Un plaisir renouvelé pour tous ceux qui connaissent déjà l’ensemble, et une occasion en or de le découvrir pour tous les néophytes.

FC

Stravinsky / Prokofiev

Moscow Soloists / Yuri Bashmet

Onyx, 4017 (67 min)

HHHHHH $$$$

J’admettrai sans fauxfuyant que je pense qu’aucune des œuvres présentées ici n’est indispensable. Par contre, je mets au défi tout amoureux de musique russe d’écouter ce disque et de s’avouer déçu ! En effet, Bashmet réussit plusieurs tours de force simultanés : d’abord, il redonne vie et piquant à Apollo, un ballet trop souvent joué avec un stoïcisme fade et ennuyeux. En même temps, il le colore d’un « russisme » que je ne lui connaissais pas, et ce sans sacrifier son caractère néo-classique pour autant (cela s’applique également au Concerto en ré : quelle intense nervosité rythmique !) Sans tomber dans un subjectivisme à l’eau de rose nationaliste, je ne peux m’empêcher de trouver qu’un authentique esprit russe souffle sur l’ensemble, surtout dans les Visions fugitives de Prokofiev, qui profitent non seulement ici de leur premier enregistrement intégral pour orchestre à cordes, mais aussi d’un enregistrement de référence : trémolos, harmoniques, pizzicatos, toute la ribambelle d’effets des arrangements judicieux de Barshai et Balashov sont exécutés avec un savoir-faire à couper le souffle.

RBr

Yundi Li

Chopin, Liszt : Piano Concerto No. 1

Philharmonia Orchestra / Andrew Davis

Deutsche Grammophon, DG 4776402 (56 min)

HHHIII $$$

Il faut se garder d’écouter les Nocturnes de Chopin par Pollini, parus l’an dernier sous la même étiquette, avant cet enregistrement, car les maniérismes de Yundi Li n’en seraient que plus patents. L’incapacité du jeune pianiste chinois à tenir la phrase sans faire des dégradés de son « expressifs », devient vite exaspérante. Dans le Premier Concerto de Liszt comme dans celui de Chopin, la virtuosité, évidente, tient du bavardage dont on ne perçoit pas la ligne directrice. Il faut dire que le piano sur lequel joue Li semble désaccordé et que la prise de son, trop proche, ne fait qu’aggraver l’inconfort de l’écoute. L’accompagnement orchestral de Davis, particulièrement insipide dans Chopin, est nettement inféodé à la partie soliste. Un disque de vedettariat (douze photos du pianiste montré sous tous les angles, dont cinq en pleine page, figurent dans le court livret du programme) qui n’apporte rien à la discographie de ces deux œuvres. Un disque qui s’oublie avant même de prendre fin. AL

Musique contemporaine

Hamel

La trilogie du presto

Atma classique, ACD2 2396

(67 min)

HHHHHI $$$

Il y a longtemps qu’on attendait une monographie consacrée à André Hamel, et l’att-ente en valait la peine. Le disque s’ouvre sur À huit (2001), interprétée par les quatuors de saxophones Quasar (Québec) et ARTE (Suisse). On regrette un peu que l’œuvre, conçue pour être spatialisée (Hamel est aussi l’un des membres du collectif Espaces sonores illimités), ne soit pas présentée dans un enregistrement en 5.1, mais le regret s’estompe devant la luxuriance sonore qui s’offre à nous, le compositeur explorant de fond en comble les possibilités surprenantes qu’offre l’octuor de saxophones. La trilogie du titre regroupe trois pièces pour solistes (le percussionniste Julien Grégoire, la violoncelliste Catherine Perron et la pianiste Angela Tosheva). Comme l’explique le compositeur dans les excellentes notes du livret, l’écriture pour soliste appelle souvent le recours à la virtuosité ; « Solution de facilité ? Peut-être. Sûrement pas pour l’interprète, cela dit. » En effet ! Les œuvres pour percussion et pour violoncelle sont sans doute les plus spectaculaires, mais la musique d’André Hamel est bien davantage un souffle personnel qu’une accumulation de tours de passe-passe. C’est aussi vrai dans L’Heure bleue (2003), pour clavecin (Catherine Perrin) et traitement numérique en temps réel, l’une des rares expériences réussies de mise à jour du clavecin.

Réjean Beaucage

Tremblay

Le signe du lion

Centredisque, CMCCD 12507 (57 min)

HHHHII $$$

L’ensemble Aventa, basé à Victoria, nous visitait en février dernier à l’occasion d’une invitation
de l’Ensemble contemporain de Montréal. Le présent enregistrement permet de retrouver l’ensemble de Colombie-Britannique sur deux œuvres de Gilles Tremblay (la pièce titre est un bref duo cor/tam tam). Solstices (ou Les jours et les saisons tournent) (1971) dans une version pour flûte, clarinette, cor, contrebasse et percussion, est un ballet de timbres qui peut être exécuté par un, deux, trois ou quatre ensembles ; la présente version, avec une prise de son impeccable, donne vraiment envie d’entendre en concert une version spatialisée. C’est la pianiste Louise Bessette qui se taille la part du lion dans le concerto pour piano et quinze instrumentistes Envoi (1982-83), mais il faut aussi souligner le jeu de Darnell Linwood au cor, très sollicité dans les trois pièces ; œuvre faite d’ambiances nocturnes et qui distille un propos hachuré, le concerto n’a que bien peu à voir avec Mozart, qu’évoque pourtant le compositeur dans ses notes. L’auditeur séduit par la musique de Tremblay aura une bonne idée en se procurant aussi le volume trois de la série Ovation (Les disques SRC, collection Perspective, PSCD 2028-5) qui offre deux œuvres orchestrales de Tremblay (Fleuves, de 1976, et Les Pierres crieront, de 2000, par l’Orchestre national de France) et L’arbre de Borobudur (1994), interprétée par le Evergreen Club Gamelan Ensemble sous la direction de Walter Boudreau (les quatre autres disques de ce volume sont consacrés à Talivaldis Kenins, Norma Beecroft, John Beckwith et Barbara Pentland). Pour compléter la découverte de la musique de Tremblay, on écoutera avec plaisir le volume de sa collection Portrait que Centredisque lui a consacré, et qui recueille des œuvres composées entre 1964 et 2001, de même qu’un portrait audio réalisé par Ethan Cornfield (en anglais).

RB

Amours

Jean-Guy Boisvert, clarinette ;
Louise-Andrée Baril, piano

Société nouvelle d’enregistrement,
SNE-652-CD (69 min)

HHHHII $$$

Le clarinettiste Jean-Guy Boisvert est un spécialiste du répertoire contemporain pour son instrument. On se sou-vient l’avoir vu, il y a 10 ans, à la SMCQ, inter-prétant avec brio Harlekin de Stockhausen, et on le retrouve ici avec plaisir interprétant les cinq pièces du cycle Amour (1976), du même compositeur. L’instrumentiste adopte une toute autre façon de jouer, très nasale, pour Melisma (1995) de Christos Hatzis, une œuvre qui s’inspire librement du folklore grec, et encore une autre pour Clarinette-Terre (1990), de Denis Gougeon, où la pianiste vient soutenir ses envolées, comme elle le fait aussi dans le Nocturne (1977) de Jacques Hétu. C’est à une bande concoctée par Alcides Lanza que se frotte la clarinette dans ektenes III (1995), en plus de subir quelques modifications électroniques, et elle se branche à une interface MIDI pour déclencher les électroniques interactives
programmées par Keith A. Hamel pour ses très originales Traces (1995). Toutes les œuvres, sauf celles de Stockhausen, sont
enregistrées ici pour la première fois. Un très beau panorama. RB

Mélanie Auclair : Décor sonore

Mélanie Auclair, violoncelle ; Simon Meilleur, bruitage ; Jean-Sébastien Cyr, électroniques ; Luc Sicard, piano ; Antoine Berthiaume, guitare ; Lori Freedman, clarinette basse ; Martin Léon, narrateur

Ambiances magnétiques, AM 158 CD (48 min)

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La distribution musicale et les titres des pièces de ce disque (Les volets mous, Bhâvana, Dessine-moi du temps, Séques-ration des breuvages, etc.) semblaient laisser présager une aventure musicale éclatée et foisonnante de timbres et de sonorités diverses. Les premières pièces donnent l’impression de remplir cette attente : grincements de violoncelle (solidement maîtrisé par Mélanie Auclair), éclats de guitare, bruits échantillonnés... Mélanie Auclair crée une poésie des sons et des bruits qui flirte avec un certain surréalisme. Cependant, après une quinzaine de minutes, l’auditeur constatera que la palette initiale ne s’est pas élargie et que certains instruments (telle la clarinette basse, jouée par Lori Freedman, ce qui n’est pas rien !) demeurent trop discrets, voire carrément sous-utilisés, et ce jusqu’à la fin. Auclair semble posséder beaucoup d’imagination, mais elle ne l’utilise pas à son plein potentiel expressif. À souligner, la réjouissante participation de Martin Léon dans des versions disjonctées de deux fables de Lafontaine. FC

The Carbon Copy Building

Michael Gordon, David Lang, Julia Wolf : music ; Ben Katchor : text and drawings

Cantaloupe, CA21038 (72 min)

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Voici une autre tentative de « renouvellement de l’opéra », et qui nous vient cette fois-ci du trio derrière l’organisme protéiforme américain Bang on a Can, vitrine no 1 dans la musique contemporaine au pays de l’Oncle Sam. Quatre voix et quatre musiciens (guitare élect-rique, percussion, cla-viers , bois) racontent l’histoire pour le moins étrange de deux immeubles jumeaux, l’un situé dans les beaux quartiers, l’autre dans un quartier sordide. Le concept « rock band meets opera » n’est pas nouveau en soi et, dans le genre, on pourra préférer le Joe’s Garage de Frank Zappa, dans lequel les voix étaient mieux intégrées que celles, propres et professionnelles, employées ici (et qui voisinent quelques fois drôlement avec le fuzz de la guitare électrique...). La plus grande innovation consiste sans doute en ce livret réalisé sur le modèle d’une bande-dessinée (Katchor serait l’auteur d’une série culte dans le genre). La production scénique mériterait sans doute le détour, et certains moments sont très réussis, mais l’ensemble laisse une impression vague.

RB

DVD

Mozart

Le Nozze di Figaro

Pietro Spagnoli, Annette Dasch, Concerto Köln / René Jacobs

Mise en scène : Jean-Louis Martinoty

BelAir Classiques, BAC017 (182 min)

HHHHII $$$$

L’approche de Jacobs face à cet opéra est tout à fait moderne dans sa volonté d’utiliser les pratiques d’exécutions du temps avec imagination, en tenant compte des connaissances actuelles du passé. Si le but n’est autre que de servir l’œuvre, c’est mission accomplie. Si le but est de rendre aux Noces, comédie d’intrigue, son côté comique, il faut avouer que la chose est à revoir. Mise en scène très classique, orchestre de renom jouant sur instruments d’époque, chef contrôlant tous les paramètres musicaux, comment se fait-il que, même dans les meilleures dispositions d’écoute et de visionnement, l’œuvre peine à créer plus d’intérêt q’un télé-théâtre ? Cette quête du style « naturel », cette réflexion sur le récitatif et sur l’ornement d’après la nouvelle édition Bärenreiter peuvent-ils passer sur scène sans pour autant percer l’écran ? Je ne le crois pas. Cependant, à force d’intégrité, de questionnement esthétique et philologique de la part de Jacobs et Martinoty, on reconnaît que derrière cette version sans artifice, se cache un petit joyau musicologique. GB

Shostakovich

Lady Macbeth of Mtsensk

Eva-Maria Westbroek, Christopher Ventris,
Vladimir Vaneev, Ludovit Ludha

Royal Concertgebouw Orchestra / Mariss Jansons

Opus Arte, OA 0965 D (2 DVDs; 236 min)

HHHHHI $$$$

Given that 2006 was the Shostakovich centennial, there was a rush by opera companies to mount his masterpiece Lady Macbeth of Mtsensk. This DVD from the Nederlandse Opera stars Dutch soprano Eva-Maria Westbroek (Katerina) and British tenor Christopher Ventris (Sergey). Their performances here are truly definitive, especially that of Westbroek. The supporting cast is absolutely first rate. Nederlandse Opera has a reputation for the extreme sort of regietheater, but this is one of their success stories. This gritty modern-dress production is timeless – there is absolutely nothing Russian about it. There is no Siberia and no river in Act Three, and no cellar to bury Zinovy. The stage is empty except for a rectangular box that serves as Katerina’s “glasshouse”. The bored and sexually frustrated Katerina surrounds herself with countless pairs of shoes. When the handsome workman Sergey appears, she is easily seduced and the drama takes its inexorable turn. Director Martin Kusej does not believe in sugar-coating anything. The rape scene of the kitchen maid Aksinya is so realistic that it is difficult to watch. No, this Lady Macbeth is not for the faint of heart. Mariss Jansons conducts the magnificent Concert-gebouw with passion and fire, achieving an intensity that is almost unbearable. The set includes an excellent documentary with interviews of the principals and the creative team. This performance is far superior to the one on EMI from Barcelona. At sixty dollars plus tax, it is quite pricey but worth every penny. JKS

LIVRES

Gustav Mahler and the NYPO Tour America

Mary H. Wagner

Scarecrow Press, 2006, 239 p.

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Voilà un ouvrage remarquable, qui fait la lumière sur une période mal connue de la vie de Mahler : celle
où il fut directeur du New York Philharmonic Orchestra. L’orchestre traversait une période difficile lorsque Mahler a accepté, en 1909, d’en prendre la direction. En peu de temps, durant les deux dernières années de sa vie, il est parvenu à en faire le meilleur orchestre des États-Unis, notamment en augmentant le nombre de répétitions, en triplant le nombre de concerts et en promenant l’orchestre en tournées (une première pour le NYPO). L’auteure a fait un travail de recherche impressionnant, et synthétise le résultat dans un texte efficace, simple et intéressant. Préparation des tournées, réception des concerts, construction des programmes, tout y est. L’élogieuse préface signée Henri-Louis de La Grange est bien méritée.

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Brass Scholarship in Review

Stewart Carter, editor

Pendragon Press, Bucina : the Historic Brass Society Series ; no 6, 2006, 306 p.

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Ce sixième ouvrage paru dans la série Bucina de Pendragon Press présente les textes de conférences prononcées lors de la Historic Brass Society Conference de 1999, à la Cité de la Musique de Paris. On y trouve plusieurs signatures, dont celle bien connue d’Edward H. Tarr (pour un essai sur Oskar Böhme). Mais parmi les musicologues, universitaires, interprètes et pédagogues, on trouve aussi un ingénieur et un dentiste ! Les aspects abordés sont évidemment tous en lien avec les cuivres, mais les points de vue sont variés… et plutôt pointus. Il ne s’agit pas d’un ouvrage grand public, on le comprend dès qu’on survole la table des matières. Parmi les sujets abordés : les propriétés acoustiques de la trompette, le fait de jouer d’un cuivre avec l’embouchure décentrée, les cuivres dans les cérémonies maçonniques, l’histoire de la famille Brancho (famille de trompettistes de Parme durant la Renaissance), etc. Des textes bien documentés et qui font avancer la recherche, mais qui s’adressent d’abord au spécialiste (ou au curieux averti).

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Hélène de Montgeroult - La Marquise et la Marseillaise

Jérôme Dorival

Symétrie, 2006, 421 p.

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Hélène de Montgeroult

Bruno Robillard, piano

Hortus, 048 (59 min)

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C’est une musicienne maintenant oubliée (pianiste, compositrice et pédagogue) que nous présente dans cet ouvrage Jérôme Dorival. Hélène de Montgeroult (1764-1836) a pourtant été reconnue comme la meilleure pianiste de son temps, elle a été la première femme nommée professeur au

Conservatoire de musique (en 1795) et elle a laissé 600 pages de musique pour piano. Marquise par son mariage, elle a survécu à la période trouble de la Révolution – elle aurait été épargnée grâce à une improvisation au piano sur le thème de la Marseillaise. Cet ouvrage est admirablement documenté, d’une argumentation solide et rondement mené. On suit avec un réel intérêt la vie (fort mouvementée !) de la musicienne. En complément, on trouve notamment un catalogue des œuvres et un tableau de repères chronologiques qui situe la vie d’Hélène de Montgeroult parmi les événements historiques et artistiques contemporains. Un second ouvrage, sous-titré La Naissance du piano romantique proposera une étude analytique de l’œuvre laissée par la compositrice.

Pour entendre la musique de cette femme, on peut se tourner vers le disque paru chez Hortus. Le pianiste Bruno Robillard y interprète une dizaine d’études, une fugue, une fantaisie et une sonate signées Hélène de Montgeroult. On découvre une personnalité étonnante, déjà tournée vers le romantisme. IP

Je ne suis pas le fruit du hasard

Roberto Alagna (avec la collaboration
de Danièle Mazingarbe)

Bernard Grasset, 2007, 298 p.

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Alagna dit que l’enthousiame est la qualité qu’il préfère chez un homme ; c’est aussi celle qui le caractérise le mieux. Le titre de son autobiographie, un peu complaisante comme l’est toute success story, laisse entendre que sa carrière de ténor a été forgée par son obstination, ce qui pourrait être nuancé par l’affirmation selon laquelle « la chance n’avait cessé de (lui) sourire », depuis ses débuts modestes dans des boîtes de nuit de la banlieue parisienne jusqu’à la victoire au concours Pavarotti qui le fit connaître en 1988. Il nous apprend que sa famille avait toujours compté de belles voix, mais qu’il est le seul à avoir réussi à faire carrière avec la sienne, grâce à un talent naturel et à une suite de rencontres qui pourraient bien être le fruit du hasard, justement. Il n’est pas souvent question de travail ou de discipline dans son apprentissage du chant ; le jeune Roberto semble tout retenir sans peine, et seul l’apprentissage du solfège semble lui avoir posé quelque difficulté
(heureux homme !). La mort de sa première femme, Florence, et sa rencontre avec Angela Gheorghiu sont rapportées avec une retenue louable. AL


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