| Yannick Nézet-Séguin, D'un continent à l'autre!Par Réjean Beaucage
 / 31 mars 2007 
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 Sa réputation n’est plus à faire, 
malgré un âge relativement jeune pour les fonctions qu’il occupe 
(rappelons – une dernière fois ! – qu’il est né en 1975). Rencontré 
aux bureaux de l’Orchestre Métropolitain du Grand Montréal (OMGM), 
rue Sainte-Catherine Ouest, l’homme est calme et volubile. Il avait 
une entrevue télévisée en matinée et des changements de programme 
à discuter pour un récital qu’il donnera dans une dizaine de jour ; 
il arrive d’une répétition, dirigera un concert ce soir et se trouve 
maintenant, encore, en entrevue. Bref, une journée comme une autre ! 
 La grande nouvelle On apprenait en décembre dernier 
que Yannick Nézet-Séguin deviendra en août 2008 directeur musical 
de l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam à la suite de Valery Gergiev. 
Une nouvelle qui a dû provoquer quelques frissons dans les bureaux 
de l’OMGM... YNS : Tout ça s’est passé très rapidement... 
J’ai dirigé une première fois là-bas en octobre 2005, puis le processus 
s’est enclenché et j’ai été réinvité l’automne dernier. À 
ce moment-là, j’ai senti que le courant passait très bien entre 
nous et j’ai compris qu’il existait une possibilité, j’en ai 
donc parlé à André Dupras [directeur général de l’OMGM]. Il faut 
voir que je suis à l’OMGM environ quatre mois par année, donc ça 
ne changera pas vraiment de ce côté-là, ce sont plutôt mes activités 
à l’extérieur qui seront davantage concentrées.  
 Il est à noter que sur le site du 
chef d’orchestre (yannicknezetseguin.com), un message d’accueil 
daté du 12 novembre 2006 indiquait : « (...) je me suis envolé à 
la fin-septembre pour l'Europe, où j'ai vécu un des plus beaux mois 
de ma vie de musicien : trois orchestres prestigieux que j'ai visités 
pour la première fois (Orchestre de la Suisse Romande-Genève, Orchestre 
National de France-Paris, Sächsiche Staatskapelle-Dresden), en plus 
d'un retour que j'attendais avec impatience, avec l'Orchestre Philharmonique 
de Rotterdam. Mon admiration et mon affection pour cet orchestre unique 
n'ont fait que grandir lors de cette seconde visite, et la relation 
qui s'établit avec les musiciens m'est très précieuse.» Heureuse 
conclusion, donc ! YNS : Au moment d’écrire cela, je 
sentais bien que mon dernier passage à Rotterdam avait eu quelque chose 
de spécial. Il est vrai que je cherchais un poste en Europe ; quand 
je me suis engagé avec l’agence Askonas Holt de Londres, ça faisait 
partie d’un plan visant à obtenir un titre en Europe dans les deux 
à trois ans. Je pensais à quelque chose comme principal chef invité, 
mais jamais je n’aurais osé espérer atteindre un tel poste si rapidement. 
C’est un grand honneur ! Je suis certainement très différent de Gergiev 
au niveau du répertoire de prédilection et de la conception du travail. 
Lui, c’est un génie, et il est associé à cet orchestre depuis une 
quinzaine d’années ; il s’est concentré sur le répertoire russe, 
alors que je suis davantage pour l’éclatement du répertoire. Ça 
tombe bien d’ailleurs parce que Rotterdam est une ville ultra-moderne, 
et qui voudrait que ça se sache, mais il y a très peu de musique du 
20e ou du 21e siècle, et c’est un aspect que 
j’ai pour mandat de développer. Il me faudra aussi mieux connaître 
la musique néerlandaise, et je compte également faire place à la 
musique canadienne et à nos solistes. 
 Intense février Outre la direction d’œuvres symphoniques, 
Yannick Nézet-Séguin nourrit aussi des passions pour l’opéra, l’interprétation 
au piano et la musique baroque. Il a donc profité d’une invitation 
de la Canadian Opera Company à donner durant le mois de février neuf 
représentations du Faust de Gounod pour toucher à ces différents 
aspects du métier. YNS : Si je dois passer deux mois au 
même endroit, j’en profite pour aligner quelques projets qui sont 
géographiquement compatibles. Dans le cas de Die Winterreise 
que j’ai fait avec Alexander Dobson, il y a longtemps que nous en 
avions parlé. Il l’avait déjà fait et nous nous en sommes reparlé 
lorsque nous avons fait Wozzeck en 2006 au TNM. Comme il habite 
tout près de Toronto, c’était le bon moment ; ça m’aide à me 
développer en tant que pianiste. 
 LSM : Mais au niveau où vous en êtes 
du côté de la direction d’orchestre, est-il bien utile de continuer 
à développer le piano ? YNS : Oui, parce que, par exemple, lors 
de ma première saison à Rotterdam, je participerai à la série de 
musique de chambre, et je voudrais le faire chaque année. Je n’ai 
pas la prétention de jouer les solistes, ça n’a jamais été mon 
ambition, mais jouer une œuvre comme Le voyage d’hiver, c’est 
tellement enrichissant et ça m’aide à comprendre Schubert, dont 
je ferai la Neuvième en Finlande l’année prochaine, et l’Inachevée 
ici. En ce qui concerne la musique baroque, mon association avec le 
Bach Consort est arrivée par accident, il y a trois ou quatre ans, 
par un remplacement. Ce sont toujours des concerts pour des œuvres 
de charité, et ce sont pour la plupart des musiciens du TSO, et d’excellents 
chanteurs. J’ai déjà fait deux fois l’Oratorio de Noël, 
mais cette fois-ci j’ai proposé la Messe en si, que je n’ai 
pas dirigée depuis 2000. Je ferai aussi ce type de répertoire à Rotterdam. LSM : Et puisque vous étiez à Toronto le 14 
février, aussi bien en profiter pour remplacer au pied levé Valery 
Gergiev devant l’Orchestre symphonique de Toronto ! YNS : Ça c’est fou... Toute la journée, 
on espérait qu’il puisse se poser à Toronto, mais en raison de la 
tempête, il valait mieux être prudent, alors on m’a demandé si 
j’étais disposé à le faire et, au cas, j’ai fait une générale 
avec l’orchestre. Je connais mal les concertos de Stravinski qui étaient 
programmés, j’ai dirigé le Prélude à l’après-midi d’un 
faune il y a sept ans et j’ai fait La Mer un peu plus souvent. 
Je leur ai dit que je pourrais éventuellement les dépanner, mais je 
devais quand même diriger un opéra ce soir-là ! Bref, l’Orchestre 
et l’Opéra se sont entendus et j’ai compris que le TSO aurait perdu 
beaucoup s’il avait dû annuler. Lorsque je suis entré dans la fosse 
d’orchestre pour Faust, à 19 h 30, on m’a dit que l’avion 
de Gergiev venait de décoller, mais c’était une erreur... Alors 
après le premier acte j’ai laissé ma place à Steven Philcox, de 
la COC, et je suis allé diriger les Debussy au TOC [c’est Gary Kulesha 
qui avait juste avant dirigé les deux Stravinski]. C’était la quatrième 
fois que je dirigeais cet orchestre et je ne l’avais jamais entendu 
jouer comme ça ! 
 Musique française Le concert que présente l’OMGM 
plus tard ce jour-là s’intitule « Chanter à la française » et il 
semble que l’année 2007 de Nézet-Séguin, qui a débuté par un 
concert avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse le 1er 
janvier, soit passablement axée sur le répertoire français. On trouve 
entre autres dans son agenda : Gounod à Toronto, puis Debussy, Poulenc 
et Fauré à Montréal ; encore Debussy à Londres avec le LSO (le 9 
mars) et re-Debussy à Montréal ; Ravel et Saint-Saëns en avril avec 
le Scottish Chamber Orchestra, puis Massenet et Poulenc à Barcelone 
en mai... YNS : C’est vrai, et ça continue... 
Parce que le répertoire français tend à devenir une de mes spécialités. 
Je devais m’y attendre, principalement dans le domaine de l’opéra 
où, à l’étranger, on est porté à proposer ce répertoire à un 
chef francophone. C’est tout à fait pertinent, surtout lorsque, comme 
à la COC, on travaille avec des chanteurs qui ne sont pas francophones 
(mais se débrouillent quand même très bien). Du côté symphonique, 
le répertoire français sera aussi très important à Rotterdam. C’est 
un orchestre d’une virtuosité et d’une énergie incomparables, 
mais je veux travailler avec eux le raffinement très particulier de 
la musique française. 
 
 L’OMGM et son chef rendront hommage 
ce mois-ci au Conseil des arts de Montréal à l’occasion de son 50e 
anniversaire. Durant cette tournée dans l’Île de Montréal, ils 
salueront quatre des peuples fondateurs de la ville : la France (La Mer, 
de Debussy), l’Angleterre (Four Sea-Interludes, 
de Britten), l’Irlande (un création de la compositrice Emily Doolittle, 
commande du CAM) et l’Écosse (An Orkney Wedding, with Sunrise, de 
Maxwell-Davies). L’orchestre rendra aussi hommage au compositeur québécois 
Pierre Mercure, qui aurait eu 80 ans cette 
année, en interprétant Kaléidoscope (1948).  YNS : Le CAM nous permet littéralement 
de cristalliser notre mission, puisqu’elle consiste à rendre la musique 
classique plus accessible ; sans l’aide du Conseil, ce serait beaucoup 
plus difficile. C’est avec le CAM que nous avons développé ce programme, 
à partir des emblèmes qui ornent les armoiries de la ville. En plus 
des peuples fondateurs, nous voulions aussi un compositeur bien de chez 
nous, et nous avons pensé à Pierre Mercure, dont nous avons déjà 
joué la Cantate pour une joie en février. Il a été une comète 
dans notre vie musicale, mais il a laissé des marques importantes par 
son travail à la télévision et sa participation à la fondation de 
la SMCQ. Avec La Mer et les Four Sea Interludes, Kaléidoscope 
figurera aussi sur notre prochain disque, à paraître à l’automne, 
chez Atma. On commence à avoir une discographie qui obtient une certaine 
reconnaissance à l’étranger, et je pense qu’il est de notre devoir 
de faire connaître aussi notre héritage musical. 
 Il est remarquable 
en effet que le premier disque qu’ait enregistré Yannick Nézet-Séguin 
avec l’OMGM (consacré à Nino Rota) soit paru en février 2003 et 
que, quatre ans plus tard, le disque consacré à la Septième de Bruckner, 
toujours avec l’OMGM, soit le 10e sur lequel paraît le nom du musicien (neuf 
sont au catalogue Atma, dont six avec l’OMGM).  YNS : On doit certainement féliciter 
la flexibilité d’Atma, et le goût du risque de la directrice de 
l’étiquette, Johanne Goyette, mais aussi la flexibilité des musiciens 
de l’orchestre au niveau des horaires pour les sessions d’enregistrement. 
Les musiciens ne jouent pas à rabais ; Atma, avec le soutien de la SODEC 
et de Musicaction, paie l’orchestre selon les règles de l’art et 
tout le monde est très heureux de ce partenariat. Nous voulons maintenir 
une moyenne de deux disques par année. 
 Pour la suite, les disques arriveront 
sans doute aussi d’ailleurs, et on peut imaginer que Yannick Nézet-Séguin 
aura bientôt une discographie très impressionnante !  
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