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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 5 février 2007

Démocratiser la musique à l’école?

Par Jean-Sébastien Gascon / 2 février 2007


Si la musique mène maintenant à de nombreuses carrières intéressantes, l’enseignement de la musique n’amènera que certains élèves à opter pour une carrière en musique. Mais alors, quelle est la place de la musique à l’école? Pour le milieu de l’éducation, l’enseignement de la musique n’est pas une frivolité. Le Rapport Parent (1964) consacrait déjà son rôle irremplaçable dans le projet éducatif afin d’assurer le développement global de l’enfant. Aujourd’hui, dans le cadre de ce qui s’appelle le Renouveau pédagogique, on ne fait plus que jouer de la musique, on apprend à travers la musique. Dans ces cours de groupe, on apprend l’anglais et on réfléchit sur la paix en interprétant Imagine de John Lennon. On crée la musique pour accompagner un texte littéraire afin d’explorer la poésie française. On découvre l’histoire en appréciant Mozart. Certains penseurs avertissent même les musiciens éducateurs que ces projets multidisciplinaires doivent d’abord servir à enrichir l’enseignement musical et que le caractère ludique ne doit pas être évacué. On joue d’abord de la musique!

Les profondes métamorphoses actuelles du milieu québécois de l’éducation obligent un questionnement annuel sur la place de la musique. Si on ne doute plus des bienfaits de l’éducation musicale, ce sont les moyens offerts pour en démocratiser l’accès qui font souvent défaut. En septembre dernier, l’ajout de 90 minutes au temps des élèves en classe a permis à plusieurs écoles de porter à 60 minutes le temps hebdomadaire d’enseignement de la musique, temps minimum nécessaire pour l’atteinte des objectifs du programme. Toutefois, il reste un nombre important d’écoles qui ont choisi de ne pas suivre cette voie. La situation est particulièrement difficile dans les écoles de la région montréalaise, qui profite des zones grises du Régime pédagogique pour enrichir d’autres disciplines au détriment de la musique et des arts. Pour Pauline Chaput, présidente de la Fédération des associations de musiciens éducateurs du Québec (FAMEQ) et enseignante en musique au primaire, c’est préoccupant: «Il faut passer de la parole au geste et assurer à chaque élève québécois l’accès à la musique au primaire. Il en va de la qualité de la formation des jeunes et de leur capacité à apprécier la musique en général.»

Au secondaire, c’est une autre histoire. Le Renouveau pédagogique vient tout juste de faire son entrée et plusieurs enseignants sont très inquiets. Le représentant du comité secondaire pour la FAMEQ, monsieur Gilbert Bourgoin, se montre préoccupé: «Plusieurs changements pourraient être très positifs, comme l’enseignement des arts jusqu’en 5e secondaire, mais en éducation il arrive que dans l’application, le résultat soit à l’opposé de l’objectif. C’est pourquoi il nous faut assurer une communication étroite entre les enseignants, les établissements scolaires, les commissions scolaires et le ministère.»

Pour ce qui est des écoles misant sur l’enrichissement musical dans leur projet éducatif, elles sont fragilisées par le manque de financement. En consacrant jusqu’à 40% du temps à la musique, elles ont à supporter des coûts supplémentaires pour l’enseignement et les instruments. Plusieurs commissions scolaires aident à supporter ces programmes enrichis, mais du côté du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, la bourse demeure fermée. Les derniers fonds consentis à ces écoles l’ont été par Claude Ryan au début des années 90. Il reste toujours le cas particulier de l’école Pierre-Laporte qui reçoit encore quelques deniers, mais ce soutien arrive à échéance.

Ainsi, dans toutes les écoles du Québec la qualité de l’enseignement dépend aujourd’hui des choix faits par le conseil d’établissement et de la présence de spécialistes en musique dans les établissements scolaires. La présence de ces «doubles spécialistes» (musique et pédagogie) ouvre aussi une porte privilégiée pour la rencontre avec les interprètes québécois. Soulignons au passage l’originalité du projet de la Société de musique contemporaine du Québec, qui a développé un outil de création musicale qu’elle apporte dans les écoles, ou encore l’audace du projet de l’Opéra de Montréal qui s’aventure dans la création d’un opéra avec les élèves d’écoles défavorisées du sud-ouest de Montréal.

Il ne suffit plus que le ministère soit convaincu de l’importance de la musique à l’école. La présidente de la FAMEQ rappelle «qu’il faut maintenant que les parents, directeurs d’établissement et enseignants qui font les choix au sein du conseil d’établissement comprennent et confirme l’importance de la musique à l’école».


(c) La Scena Musicale 2002