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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 4 janvier 2007

La cornemuse, cet instrument mal compris

Par Bruno Deschênes / 4 janvier 2007


Alan Jones est joueur, collectionneur et historien de la cornemuse. D’origine britannique, il réside au Québec depuis 1979. Il possède une collection privée comprenant plus de 200 cornemuses et 400 flûtes, qu’il a exposées au Pays de Galles, en Écosse, en Irlande, en France et au Canada. Se considérant porteur de traditions, lorsqu’il joue d’une de ses cornemuses, il la joue selon la tradition propre à celle-ci. Il accompagne aussi des musiciens d’ici, dont Ginette Reno et Isabelle Boulay. Il souligne que si la cornemuse écossaise est la plus connue, c’est que l’armée britannique était souvent accompagnée d’un régiment de soldats écossais.

Alan Jones s’est intéressé à la cornemuse à la fin des années 1960 lorsqu’il a entendu une cornemuse irlandaise à la radio. À cette époque, il était extrêmement difficile de trouver de l’information sur cet instrument, une grande partie des traditions, incluant même la fabrication, ayant disparu. Plus tard, il a pu entendre la cornemuse du Northumberland, région du nord de l’Angleterre, qu’il réussit à obtenir. Il a été nommé membre honoraire à vie du Northumbrian Pipers’ Society pour sa contribution à la promotion de cette cornemuse. Elle est différente des cornemuses irlandaises et écossaises, étant la seule à avoir survécu en Angleterre. Alan Jones a par la suite mis la main sur une cornemuse irlandaise, mais il demeurait difficile de trouver un professeur. À son arrivée au Québec, il rencontra des musiciens bretons qui lui firent constater que la tradition de la cornemuse française était très forte. C’est en France qu’on retrouve la plus grande variété de cornemuses. Nous en retrouvons aussi ailleurs, entre autres, en Hongrie, en Bulgarie, en Italie, en Espagne.

L’ensemble de sa collection provient de l’Europe de l’Ouest. Il possède près de 40 cornemuses du Northumberland, 20 d’Irlande, 15 de France, etc., et quelques-unes de l’Europe de l’Est. Certaines cornemuses datent de la première moitié du XVIIIe siècle, d’autres ont été fabriquées récemment. Alan mentionne qu’il y a eu des influences entre pays dans la fabrication de l’instrument. La cornemuse du Northumberland, par exemple, a été influencée par la musette française utilisée à la cour de Louis XIV. En fait, les cornemuses les plus complexes ont été créées en Europe de l’Ouest, dans les centres industriels, alors que dans les régions rurales et en Europe de l’Est, les cornemuses sont plus rudimentaires. Bien que le principe de fabrication soit le même partout, la façon d’en jouer, de la fabriquer, de l’accorder, jusqu’au bois ou au cuir utilisés, tout diffère d’un coin du pays à l’autre. Il existe deux méthodes de soufflage: le musicien remplit le sac d’air ou encore, il utilise un soufflet activé par le bras.

La cornemuse est un instrument extrêmement sensible à la température ambiante, ce qui la rend difficile à maintenir accordée. Elle préfère un climat tempéré stable et non variable comme au Canada. Le son peut varier d’une journée à l’autre. À cause de cette sensibilité, il est très difficile de garantir qu’une cornemuse jouera juste et le demeurera. Le joueur de cornemuse fait face à des problèmes que très peu d’autres instrumentistes connaissent et qu’ils ne comprennent pas toujours. Dans les ensembles traditionnels irlandais, par exemple, ce sont les autres instruments qui s’ajustent à la cornemuse. Il est plus facile à un violon de s’accorder sur la cornemuse que l’inverse.

Cependant, la cornemuse est un instrument qui fascine et captive, qui ajoute une couleur sonore mystérieuse à toute musique. Cet instrument, de plus en plus apprécié du public, fait maintenant partie de notre paysage sonore.




De la théorie à l’art de l’improvisation, analyse de performances et modélisation musicale

Mondher Ayari (dir.), Éditions Delatour France, Paris, 2006, 326 p.

Un des principaux centres d’intérêt des milieux universitaires à l’égard des musiques du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et de l’Inde est l’improvisation. Bien qu’il ait été influencé par la musique indienne, le jazz l’a cependant été très peu par les musiques du monde arabe. Ces fresques musicales improvisées que sont les maqâms, que l’on retrouve partout au Moyen-Orient et en Asie centrale sous les formes les plus diverses, fascinent les chercheurs. Ces improvisations peuvent durer des heures et parfois des jours, et le musicien n’utilise aucune partition. Cependant, les traités théoriques, tant anciens que plus récents, concernant ces musiques ne sont pas toujours clairs et sont dans leur ensemble méthodologiquement incomplets. Ce récent livre dirigé par Mondher Ayari, bien que manifestement écrit pour des académiciens, cherche à combler la méthodologie lacunaire de ces traités en utilisant une approche analytique à l’occidentale. Ce livre est, j’en conviens, aride à lire, mais il nous donne quand même un aperçu pertinent du rôle de l’improvisation dans ces musiques encore exotiques à nos oreilles occidentales.


Techung: Songs from Tibet

ARC Music, 2006, EUCD 2014 (54 min 53 s)

En parlant du Tibet, nous faisons communément référence au bouddhisme tibétain, au dalaï-lama, à ces moines exilés qui nous présentent des concerts et des CD de leurs chants, aux prières et récitatifs aux sonorités très particulières et uniques. Encore aujourd’hui, nous retrouvons très peu de CD de chants typiquement traditionnels sur le marché, outre ceux de la chanteuse Yungchen Lhamo. Le label britannique ARC Music a lancé récemment un CD du chanteur tibétain Techung de chants traditionnels tibétains. Vivant présentement en Californie, il est né à Dharamsala en Inde, où ses parents se sont réfugiés dans les années 1970. Là, il a étudié, pendant dix-sept ans, à l’Institut tibétain des arts de la scène où il a été formé à tous les arts de la scène tibétains. Sur ce CD, il nous offre des chants traditionnels typiques, des arrangements et des chants originaux dont, surtout, le premier chant intitulé Le lion des neiges symbole de paix, une superbe chanson qu’il dédie au dalaï-lama. Techung nous offre des chants de plusieurs régions du Tibet, autant des peuplades nomades que sédentaires. Une superbe découverte!


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