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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 4 January 2007

Jazz

January 4, 2007


À PLEINE VUE

La série Jazz Icons

Marc Chénard, Félix-Antoine Hamel, Paul Serralheiro

Bien que le disque audio ait été, pendant très longtemps, le seul médium de conservation de la musique, le support visuel a connu un essor considérable ces dernières années. Mis à part les juke-box visuels des années 40 ou le grand écran (sans oublier le petit, bien sûr), ce n’est que dans les années 80 que la musique, comme expérience visuelle, a fait son entrée au domicile: dans un premier temps, il y eut les cassettes Beta, puis le VHS, par la suite la petite parenthèse du vidéo disque et, enfin, la venue du DVD. Les changements ont été multiples ces dernières années, certes pour le mieux. Durée plus longue, images de qualité impeccable, définition sonore supérieure, emploi plus aisé et j’en passe. Bref, on se demande enfin comment on pourrait améliorer la chose… mais comme on n’arrête pas le progrès, dit-on, ne nous surprenons pas qu’il y ait d’autres innovations qui se trament en ce moment.

Pour la musique qui nous concerne dans ces pages, ces développements ont été salutaires, car ils lui ont donné une autre présence, qui met davantage en valeur le créateur que le seul médium acoustique qui, lui, ne fait que transmettre ses créations. Quel amateur n’a pas, à un moment ou un autre, entretenu l’idée, voire le fantasme, d’être là, dans le studio ou au concert, pendant l’enregistrement d’une séance historique?

De nos jours donc, l’espace entre le rêve et la réalité s’amenuise d’autant plus par la mise en marché de films d’archives inédits. À ce titre, on peut saluer la parution d’une magnifique collection de neuf titres. Intitulée «Jazz Icons», cette série, comme son titre l’annonce, nous donne la chance de voir quelques-uns des grands de l’histoire devant la caméra et, dans plusieurs cas, un public aussi. Du jazz classique de Louis Armstrong, d’Ella Fitzgerald et de Count Basie en passant par certains «modernes» (Blakey, Monk, Baker), sans oublier une belle petite rasade de big bands, l’amateur féru d’histoire y trouvera son compte, c’est sûr. Ceux plus résolument tournés vers l’actualité pourront aussi (re)voir ces musiques qui, bien que déclinées au passé, ont permis l’émergence de celles d’aujourd’hui. Six des neufs titres seront mis en évidence dans les lignes qui suivent et, en sus, deux titres consacrés à des musiciens d’aujourd’hui. Marc Chénard


LES «modernes» en évidence

Art Blakey & The Jazz Messengers: Live In ’58

TDK Jazz Icons DVWW-JIAB

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Thelonious Monk: Live In ’66

TDK Jazz Icons DVWW-JITM

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Les Jazz Messengers de 1958, malgré une brève existence (six mois) sont désormais considérés comme l’un des groupes emblématiques du hard bop. Après avoir gravé un album classique («Moanin’»), le quintette fit une célèbre tournée européenne au cours de laquelle ce concert belge (inédit jusqu’à ce jour) fut filmé. On y retrouve un jeune Lee Morgan à la trompette, Benny Golson (directeur musical du groupe) au saxo ténor, le très bluesy Bobby Timmons au piano et le contrebassiste Jymie Merritt, en plus du leader. Les amateurs seront familiers avec le répertoire (Moanin’ de Timmons, I Remember Clifford et Whisper Not de Golson, A Night In Tunisia, etc.) et sauront chérir ce DVD, seul document visuel d’un groupe légendaire.

En 1966, la carrière de Thelonious Monk était au zénith. Il jouissait depuis plusieurs années d’un contrat chez Columbia et avait fait la une de Time Magazine en 1984; son quartette de l’époque (avec Charlie Rouse, Larry Gales et Ben Riley) tournait avec régularité un peu partout dans le monde. Deux prestations de cet ensemble sont regroupées sur ce DVD, la première en Norvège, la seconde au Danemark. On y entend deux longues versions de l’un des standards préférés de Monk, Lulu’s Back In Town, une version solo de la ballade Don’t Blame Me et trois des compositions les plus célèbres du pianiste: Blue Monk, Round Midnight et son indicatif musical, Epistrophy. Somme toute, une heure de musique bien agréable, offerte par l’un des grands. Peut-on demander mieux? Félix-Antoine Hamel


Des Big Bands en prime

Quincy Jones Live in ’60

TDK Jazz Icons DVWW-JIQJ

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Count Basie Live in ’62

TDK Jazz Icons DVWW-JICB

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Dizzy Gillespie Live in ’58 & ’70

TDK Jazz Icons DVWW-JIDG

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Bien avant de devenir un célèbre producteur de vedettes pop (dont un certain M.J.), Quincy Jones était un trompettiste de section qui, dans les années 50, délaissa son biniou au profit (sic) d’une plume de compositeur et d’arrangeur. Fort de ses premiers succès dans ses nouvelles fonctions, il réunit un premier orchestre de tournée en 1959, se dirigeant vers l’Europe pour accompagner une production musicale qui échoua toutefois pour des raisons expliquées dans le livret d’accompagnement de ce disque (livret excellent d’ailleurs, comme tous les autres de cette série). Deux séances sont regroupées sur cette généreuse surface de près de 80 minutes, la première en studio en Belgique, et la seconde devant public à Lausanne. Des 17 titres réunis ici, trois sont entendus dans les deux prestations; quoique la seconde retient surtout l’attention en raison d’un plus grand espace accordé aux solistes. Fait saillant: le solo de cor français (si, si) de Julius Watkins sur Everybody’s Blues (plage 13) mérite un cinq étoiles à lui tout seul. Comme on peux s’y attendre, cette musique cache mal ses rides après 46 ans, mais il s’agit tout de même d’un précieux document sur l’une des formations marquantes dans l’histoire du jazz orchestral, et qui le mérite bien.

Si la troupe de Jones n’a pas accédé aux premiers rangs du panthéon, celle de Count Basie y est arrivée, si ce n’est que par son chef, le plus poli des pianistes de jazz (dans les deux sens du terme). Encore une fois, c’est une musique d’époque avec des tas de signatures d’arrangeurs qui passent désormais pour des clichés du genre. Le swing métronomique à quatre temps court au-travers des 11 pièces captées en concert par la télé suédoise, les solos sont fringants pour la plupart, et une chanteuse bluesée (Irene Reid) ne fait que passer le temps de trois numéros. Le clou du spectacle demeure le long solo de batterie de Sonny Payne sur Old Man River, une démonstration mi-pyrotechnique, mi-ringarde, avec jonglage de bâtons en sus. Certes, ça pouvait épater la galerie à l’époque, mais un tel kitsch ne serait guère bienvenu de nos jours, hormis au cirque… (et encore).

Ce titre met en vedette le trompettiste aussi célèbre que son instrument à coudée. Durant la première demi-heure, il est entendu dans un concert télévisé en Belgique en 1958. Entouré du trio d’accompagnement d’Ella Fitzgerald à l’époque (Lou Levy, Ray Brown et Osie Johnson) ainsi que de Sonny Stitt aux saxos, M. Diz n’est pas ici des plus inspirés, s’en tenant à des standards d’usage et jouant presque uniquement en sourdine. Mais le meilleur se trouve après, lorsqu’il se joint à l’un des big bands les plus injustement méconnus de l’histoire du jazz: le Clarke-Boland Big Band (du nom du pianiste-arrangeur Francy Boland et de l’un de ses deux batteurs, le légendaire Kenny Clarke). Tourné devant un petit public en studio à Copenhague, cet enregistrement est l’un des rares documents visuels d’un ensemble qui, dans les années 60, a été le meilleur en son genre sur le Vieux Continent. L’invité vedette pétille dans ce contexte et joue avec autant de conviction que d’assurance. Outre un morceau issu du répertoire de cette formation, les cinq autres sont redevables à Dizzy (un de ceux-là par le pianiste de sa formation américaine de l’époque, Mike Longo). Document précieux, il nous offre l’occasion d’entendre un big band à son faîte, quelques mois avant la mort de son irremplaçable chef de section de sax, l’altiste Derek Humble. Plus récent que les autres, donc moins ridé, on ne peut que recommander ce titre pour les fanas du genre. À noter aussi dans cette série: l’orchestre manu militari de Buddy Rich (DVWW-JIBR) en concert en 1978. Pour les amateurs de «stage band» bien huilés. Marc Chénard


Jazz Trumpets on Parade

Chet Baker: Live in ’64 and ‘79

Jazz Icons DVWW-JICHB

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This most romantic of musicians is presented here at two different stages in his career, both of which capture him when his playing was very much inspired and polished. Here then is Chet at his coolest, albeit with a Picture of Dorian Grey effect. The first set of five tunes comes from a 1964 Belgian television appearance. Interestingly, Baker plays the flugelhorn throughout, tackling standards like Bye Bye Blackbird, and jazz staples like Rollins’ Airegin. The second part of this disc shows him a full 15 years later, this time in Norway. Though looking worse for wear, his artistry remains intact, the long silky lines still flowing from his trumpet in a most congenial setting with a vibist, pianist and bassist. Included here is a short, yet revealing interview, preceding this second performance, in full living colour. For fans of classic jazz, please take note that the Jazz Icons series also has a first-rate presentation of a 1959 televised concert featuring Louis Armstrong himself, and in great form, too (DVWW-JLA). Paul Serralheiro


Wynton Marsalis: In this House on This Morning

Geneon 12842

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More contemporary fare is offered in the remaining two titles under review here, both by Crescent City natives. The Marsalis release, for one, has more in common with Satchmo’s style and era, though it is of much more recent vintage than the previous title reviewed. In it, we hear his recent suite for jazz septet (trumpet, trombone, alto/sopranino, tenor/soprano saxes, piano, bass and drums) that is thematically centered on the church service, with all the moods that this involves. Like a church service, it too is long and interminable; in fact, just when you think it might be over, it goes on some more. It reminds me of something Marsalis once said about classical music: you feel uncomfortable having to sit through it, but it’s good for you. That said, the music is intricately conceived and impeccably performed, but it is more successful as an exercise in style. Paul Serralheiro


Terence Blanchard: Flow

Jazziz Music and Video JVM 5001

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As for Terence Blanchard’s “Flow”, it unfolds more like a promotional vehicle than a piece of art, but is still appropriate enough, given the subject: Blanchard is a versatile and commercially-savvy musician who has scored many feature films, as well as leading his own award-winning combos and projects. The whole documentary takes a “slice of life” approach, comprising interviews with all members of his current sextet, followed through their world travels. Even if aesthetics are discussed, this is more of a bread-and-butter look at the realities of the business. Paul Serralheiro




Richard Gagnon Trombone Action: Intro

XXI XXI-CD 2 1684

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Le label montréalais XXI s’est lancé dans l’aventure du jazz, comme l’atteste cette parution et celle qui suit. Placé sous la férule du tromboniste Richard Gagnon, ce nonette saura faire titiller les amateurs de cet instrument. En effet, ils sont six à la coulisse, avec une section rythmique traditionnelle. Et ce dernier mot est doublement important ici, car on y trouve quatre vieux saucissons (dont Body & Soul et You Stepped Out of a Dream), des compos du leader et de l’un de ses acolytes (cinq plages) et trois autres numéros, dont un de Vic Vogel (1970). Les amateurs un tant soit peu avertis penseront à coup sûr aux formations de Jay Jay Johnson et de Kai Winding des années 50. C’est tout aussi impeccablement joué, fignolé dans les arrangements, mais on pense ici à une coiffure où pas un seul cheveu est déplacé. Jadis, c’était original, mais en 2006, cela ressemble à un tour guidé au musée. Et comme cette musique résolument du XXe siècle se retrouve sur un label comme XXI, on ne peut que voir un paradoxe. Bref, pour l’exercice de style, quatre étoiles, pour sa pertinence musicale moins que cela, hélas… Marc Chénard


Eric Harding Trio: Capelton Road

XXI XXI-CD 2 1567

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This trio made up of pianist Harding, drummer Claude Lavergne (Michel Berthiaume subs on three tracks) and bassist Clinton Ryder engages in subtle rhythmic interplay resulting in some deep regenerative grooves. While having a bold rhythmic sense, Harding is also a colourist, using the piano for a wide range of expressions, textures and timbres. Claude Lavergne’s playing is, as always, dynamic and responsive, as in Roxy’s Waltz, where he holds down the waltz time with many subtle touches. Among other notable moments are the convincing romanticism of Never Let me Go and the varied concepts and stylistic nuances of the keyboardist’s originals (only 4 of the 12 tunes are standards). Yet, there are spots with some coasting and lulling into the “been-there-before” territory (i.e. touches of Peterson in Twice Blue and Bill Evans in Time Forgotten and an atmospheric, ECM-ish halo in spots, as in Lavergne’s Yesteryear), but there is still an allowance for surprise to tweak us along the way. Paul Serralheiro




Une histoire d’étiquettes (3) - Label Stories


Calling Their Own Tunes:

Artist-produced Labels

Generally speaking, the business of being an artist has little to do with the business of selling art; or so it seems from the perspective of creative musicians dealing with record companies. And for those whose art pushes the envelope, taking control of the means of production is often seen as the best option, one which jazz artists have been pursuing for decades, in spite of all the headaches it entails.

To record, produce and distribute one’s own music in the days of vinyl seemed, in hindsight, next to impossible: procedures were complicated, access to studios and pressing facilities difficult. But people managed to do it anyway, two pioneers being Dizzy Gillespie and Charles Mingus.

Dizzy’s Dee Gee Records (1951-53) provided an oasis of artistic freedom early in his career. Tired of the ignorance of major label executives, Gillespie set up his label with a business partner. The trumpeter’s wife Lorraine designed the label and a few 78s were released with small to medium-sized bands that included a budding John Coltrane on alto. But other titles were produced, some from the Bill Russo Band, Milt Jackson’s Quartet and Shelly Manne.

Charles Mingus along with his then wife Celia and drummer Max Roach started up Debut Records (1952-57). The bassist’s first Jazz Workshop projects were captured on disc, with early sides by Thad Jones and Paul Bley, not to forget the legendary Massey Hall Concert. Though short on business savvy, Mingus had vision and authority. In pianist Mal Waldron’s view, Mingus was motivated by a feeling that “musicians were not controlling their own product, and that the man that was controlling it had nothing to do with music.”

At the same time, Sun Ra also began documenting his own music. With Saturn Records, the eccentric composer produced and distributed his work throughout his career. Printed in editions of 75 copies, the hand-decorated albums by Arkestra members were sold at concerts, but rarely contained any information on the jackets or labels.

In the early 1970’s, trumpeter Charles Tolliver, with pianist Stanley Cowell, set up his own label, Strata East. By 1974, the catalogue sported some 50 titles, folded by 1978, but is still kept alive for “strictly historical reasons,” according to its founder. In Britain, guitarist Derek Bailey co-founded with Evan Parker and Tony Oxley Incus records in 1970, Bailey running the operations from the mid-80’s till his recent passing. Parker, for his part, set up Psi five years ago, whose website acknowledges that “the technology and economics have changed markedly in favour of the small independent producer.”

With the current availability of recording facilities, qualified engineers and proliferation of independent distributors, not to overlook the possibilities of internet sales, getting your product to customers is almost a cinch now, and anyone who wants to do it can. On the local front, labels like Effendi and Ambiances Magnétiques are prime example of the current state of affairs. With internet distribution now playing an important role, label projects can also be smaller in scope. Such is the case of composer and band leader Maria Schneider, whose Concert in the Garden managed to fetch a Grammy in 2005, a remarkable feat for a recording available only via the web. In Europe as well, British multi saxophonist Paul Dunmal established his made to order label (Duns Edition), with runs of only 50 to 100 copies per title, with reprints made as necessary.

The main difference between the artist-produced labels of past and present is one of technological ease. The raison d’être, however, has not changed, i.e. to provide an outlet for creative music in the marketplace. In that way, the imperatives of mass-media marketing are skirted, and the driving force behind the product is chiefly artistic.




Au rayon du disque

Isaiah Ceccarelli: Lieux-Dits

Ambiances magnétiques AM 159

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Il y a des musiques qui suscitent le mystère, comme celle du batteur Isaiah Ceccarelli. Dans ses brèves notes, il souligne que ses sources d’inspiration sont ses voyages dans les Alpes françaises et des éléments de théorie musicale puisés chez Olivier Messiaen. Il en résulte alors une musique qui, par endroits, a un relent de terre et, à d’autres, des souffles aériens proches d’un état d’apesanteur. Mais ces termes cernent à peine cette musique aux frontières floues, où les lignes entre composition et improvisation se fondent souvent entre elles. Hors du jazz en quelque sorte, du moins selon ses poncifs, mais pas complètement étrangère à lui non plus, cette musique est rare chez nous en ce qu’elle traduit une sensiblité bien plus européenne qu’américaine (ce qui ne surprend pas compte tenu des influences citées). Saluons le travail de ses acolytes, Frank Lozano et Jean Derome (anches), Steve Reagele (guitare, effets) et Clinton Ryder (contrebasse), qui se mettent totalement au service du concept (si ambigu soit-il). Une des approches les plus originales à se faire entendre dans nos parages ces derniers temps. Marc Chénard


Marie-Soleil Bélanger, Normand Guilbeault: Les salines

Ambiances magnétiques AM 160

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Les cordes sont un univers en soi, surtout celles qui résonnent par l’archet. Et lorsqu’il s’agit d’un duo de violon et de contrebasse, la proposition est d’autant plus singulière. Marie-Soleil Bélanger joue du violon, du violon baroque, et même du erhu chinois d’une manière souveraine; son comparse, le bassiste jazz par excellence Normand Guilbeault, demeure encore l’un des piliers de chez nous sur son instrument, tant arco que pizzicatto. Ensemble, ces complices offrent quatorze morceaux qui couvrent un éventail varié de modes et de techniques de jeu, recoupant aussi bien de purs effets sonores que des mélodies d’une simplicité parfois désarmante. Seule une plage dépasse les sept minutes, les autres couvrant entre deux et cinq minutes. Pas de bavardage donc, juste des essences bien distillées et une intériorité qui vient poser sa signature sur ce disque d’ambiances… bien acoustiques. Pas besoin de jouer un instrument à cordes pour apprécier, mais ça aide. À écouter dans vos moments les plus recueillis. Marc Chénard




Ornette Coleman: Sound Grammar

Sound Grammar SG 11593

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Un nouveau disque d’Ornette Coleman est toujours un évènement, à plus forte raison quand son précédent opus date de près d’une décennie. Ce concert allemand d’octobre 2005 nous permet d’entendre pour la première fois sur disque son quartette régulier, dont l’instrumentation rappelle son groupe à deux contrebasses de 1968: auprès de lui, on retrouve son fils Denardo à la batterie, ainsi que deux contrebassistes, Greg Cohen jouant pizzicatto et Tony Falanga à l’archet. Dès les premières notes de Jordan, Coleman s’impose: il est évident que l’âge n’a diminué en rien le dynamisme de son jeu et sa grande capacité d’invention. Falanga joue un rôle original ici, moitié dialoguant avec le leader, moitié s’intégrant à la section rythmique auprès de Cohen, qui constitue l’assise de la formation. Denardo Coleman n’a jamais été un batteur particulièrement subtil, mais il est néamoins redoutablement efficace, ayant l’avantage de jouer la musique de son père depuis près de 40 ans. Huit thèmes typiquement colemaniens présentent différentes facettes du compositeur: lyrisme (Sleep Talking, Once Only), blues (le classique Turnaround), teintes latines (Matador, évidemment) et lignes sinueuses, lointaines descendantes du bop (Jordan, Call To Duty). Fidèle à lui-même, Coleman fait aussi appel à sa trompette et à son violon, instruments sur lesquels il est tout aussi immédiatement identifiable qu’au sax alto. Pour clôturer le tout, il nous offre une version turbulente à souhait de Song X. Pas de doute, Ornette est de retour. Et tant mieux pour nous! Félix-Antoine Hamel


Bunky Green: Another Place

Label Bleu LBLC 6676

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Outre le fait qu’il soit un saxo alto — comme l’illustre M. Coleman — et un Noir américain, Bunky Green est l’un de ces petits maîtres du jazz dont la discographie est pour le moins sporadique. En effet, cette parution toute récente chez Label Bleu en France est son premier disque en 16 (!) ans et à l’écouter on se demande bien pourquoi... Il se peut bien que son travail d’éducateur l’ait accaparé, mais réjouissons-nous du fait qu’il n’y ait rien de scolaire dans ce disque. Sa sonorité âcre a quelque chose d’écorché et de prenant, et son approche n’est pas sans rappeler Art Pepper dans ses dernières années. En un peu moins de trois quarts d’heure, il interprète cinq pièces de son cru, un standard (It Could Happen to You en ouverture) et Soul Eyes, une ballade de feu Mal Waldron (en fin de programme). Ce monsieur, qui dépasse les 70 ans, ne fait pas du tout vieux et il se lance avec autant d’entrain que sa jeune section rythmique (Jason Moran, piano; Lonnie Plaxico, contrebasse; Nasheet Waits, batterie) qui, elle, lui renvoie l’ascenseur. On en convient, ce quartette s’inscrit dans la plus pure tradition du jazz, basé sur le modèle thème-et-variations, mais M. Green et consorts prouvent qu’il est encore possible d’oser dans cette formule, de risquer en l’étirant jusqu’à un point de rupture, sans jamais la défaire complètement. Du jazz mainstream moderne qui mérite pleinement ce qualificatif. Quatre étoiles… et quelques poussières de plus. Marc Chénard




Four of a Kind: Recent Pickings from Effendi Records

Effendi Jazz Lab: Chance Meeting

Effendi FND 066

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A lab is a place where one experiments. But then there are experiments which are novel, i.e. innovative and groundbreaking, and others that replicate or merely confirm existing knowledge. By and large, the latter tack is the one followed by this eight-piece all-star aggregate of the Montreal-based label: tightly crafted charts from its various members (ten in total), solos hovering around the harmonic forms, a typical jazz instrumentation with reeds, brass and rhythm section, all ingredients that reaffirm established values for the most part, but not exclusively. As all rules have exceptions, this disc has two noteworthy ones, baritone saxist Alexandre Côté’s Conversation, where the group splinters in various improvising duo configurations, and drummer Isaiah Ciccarelli’s brief and rather elusive sounding Mysteriovum. In this, its second release, the Lab turns out some conclusive test results, with some nice fare from (and for) everyone. Marc Chénard


Sage Reynolds: On the Wall

Effendi FND067

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In his first outing as a leader, the Montreal bassist has recruited very able bodies in trumpeter Bill Mahar, guitarist Kenny Bibace, and drummer Stef Schneider. The quartet performs all-original material that is delicately crafted and inspired. Mahar brings lots of colour and nuance to the table, showing his depth and skill as a player, both on open and muted horn alike, playing flugelhorn in a Kenny-Wheeler like fashion on The Restorative and most unusually for jazz, some piccolo trumpet on the piece On the Wall. As for the leader, he too takes several solo features, yet remains a solid team player by blending himself into the group effort, even taking the music to some interesting places along the way. Also of note are the imaginative guitar textures from Bibace in some spots, whereas Schneider adds his supportive and tasteful shadings to the proceedings. Paul Serralheiro


Joe Sullivan Big Band: Stop and Listen

Effendi FND068

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The jazz big band is, for all intents and purposes, an anachronism, but still justifiable because it gives us the opportunity to hear all the instruments we love in jazz, and to witness different stylists brought together. And when the charts are well-conceived by a writer who cares about the genre, it’s hard to go wrong, as on this, the Joe Sullivan Big Band’s second CD. A top-notch cast of Montreal ringers is corralled here to play the leader’s well-crafted original charts that live up to a long tradition established by Ellington and Basie and extended by notables like Toshiko Akiyoshi and Thad Jones. As for the solos, there are too many good ones to mention them all, among them are Dave Grott’s trombone stretch on One for Dave and André Leroux’s sinewy double-time soprano on the ballad that gives its title to this sterling effort. Paul Serralheiro


Yves Léveillée: Soho

Effendi FND070

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Some eight years ago, it was this very pianist who graced this label with its very first release (and his own as well). Now for his fourth opus, Yves Léveillée once again puts his best foot forward, namely as a composer. While his previous albums tended to lack variety in terms of tempos and dynamics, this one, however, has a little more lilt to it, and a bit more urgency as well. To wit, his composition work has also broadened, and this is the best suit of this recording, what with its layered writing that eschews obvious jazz unisons from the horns, as the twin reedman Roberto Murray and Frank Lozano often provide counterlines to the trumpet of Aron Doyle. And as the title suggests, there is a New York connection here, as alluded to in the leader’s brief liner notes, and there is something of that town that seems to have rubbed off in his newest creations. Let’s hope this craftsman can keep digging deeper, if not reach a little further afield. Marc Chénard


(c) La Scena Musicale