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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 3 novembre 2006

Une petite histoire du trad québécois

Par Bruno Deschênes / 5 novembre 2006


Depuis les quinze dernières années, on remarque un regain d’intérêt à l’égard de la musique traditionnelle québécoise. Afin de connaître l’histoire de notre musique traditionnelle et de cet intérêt récent, j’ai rencontré l’ethnomusicologue Jean-Pierre Joyal pour qu’il nous en parle brièvement.

De prime abord, il faut différencier la musique traditionnelle québécoise proprement dite du «renouveau folklorique». Ce mouvement débuta en Angleterre et en France dans les années soixante, et fit son apparition au Québec au milieu des années soixante-dix. Les jeunes musiciens qui jouaient dans ces groupes à la mode étaient guidés par une recherche esthétique qui était absente chez des musiciens plus traditionnels. Leur musique étant destinée à la scène et au disque, il y avait une recherche de variété dans les arrangements vocaux et instrumentaux dans le but de moderniser cette musique du passé. Parmi ces groupes, notons Le rêve du diable qui a vu le jour en 1975, La bottine souriante fondé en 1976 et Éritage apparu en 1977. Les deux premiers groupes faisaient autant des chansons que des pièces instrumentales alors qu’Éritage (Jean-Pierre Joyal étant un des membres fondateurs de ce groupe) était, à ses débuts, entièrement voué à la musique instrumentale. Il y eut d’autres groupes bien sûr, mais ces trois groupes ont particulièrement marqué leur époque. Ce ne sera qu’au début des années quatre-vingt-dix que la musique traditionnelle québécoise commencera à prendre son envol avec la nouvelle mouture de La bottine souriante. C’est à cette période que le groupe introduira une section de cuivres dans ses arrangements musicaux. Par la suite, les nouveaux groupes qui verront le jour seront tous plus ou moins influencés par La bottine souriante.

Un des problèmes avec les groupes d’aujourd’hui, selon Jean-Pierre Joyal, est que ces jeunes musiciens manquent souvent de répertoire. Il faut comprendre que, contrairement aux autres genres musicaux, jouer de la musique traditionnelle demande un effort de recherche pour trouver du répertoire. Celui-ci n’est pas accessible facilement. Depuis toujours, les musiciens traditionnels se transmettent les airs, sans l’aide de partitions musicales. Il est difficile pour les jeunes musiciens d’avoir accès aux plus belles pièces du patrimoine musical s’ils ont peu de contacts avec les porteurs de traditions, dont plusieurs ont gravé des centaines de mélodies sur des disques 78 tours.

Pour pallier ces difficultés, certains iront puiser directement dans le répertoire celtique ou tout simplement, composeront de nouvelles mélodies. Il n’y a rien de mal à cela et cette pratique a toujours existé. Les musiciens traditionnels de talent ont toujours intégré de nouvelles mélodies à leur répertoire. Par contre, avant de composer un «reel dans le style québécois», encore faut-il connaître les caractéristiques à la fois du «reel» et du «style québécois».

Jean-Pierre Joyal souligne que si les jeunes musiciens connaissent si peu la véritable musique traditionnelle instrumentale québécoise cela est peut-être dû au fait que cette musique est boudée par les médias. En effet, les plus grands maîtres de notre musique instrumentale – les porteurs actuels des traditions de la génération précédente – ne se produisent jamais à la radio et à la télévision sous prétexte qu’ils ne sont pas assez «modernes». Dommage, car plusieurs de ces musiciens sont de véritables virtuoses que le public québécois aurait plaisir à connaître. Aujourd’hui, pour un musicien folklorique québécois, le seul moyen d’avoir de la visibilité est de faire une musique métissée à la «Worldbeat». Pourtant, la musique traditionnelle québécoise est encore bien vivante et Jean-Pierre Joyal rêve du jour où nos médias nous présenteront sans gêne les véritables porteurs de nos traditions.


AMERICANA, Histoire des musiques de l’Amérique du Nord

Gérard Herzhaft

Fayard, Paris, 2005, 282 p. ISBN 35-2461-8-X

Connaissons-nous vraiment les origines de ces musiques que sont le blues, le jazz ou le ragtime? Outre les chansons de Thomas Moore et Stephen Foster, nous ne connaissons presque rien de ces musiques que les immigrants européens ont amenées avec eux dans leurs bagages. Dans ce livre dédié à l’histoire des musiques de l’Amérique du Nord, nous apprenons que la musique irlandaise traditionnelle est presque complètement disparue en Irlande à la fin du XIXe siècle et que c’est grâce aux Irlandais venus s’établir outre-mer qu’elle a pu survivre. Par ailleurs, la musique qui a le plus influencé le country western est la musique hawaïenne. Gérard Herzhaft trace un portrait très détaillé de cette histoire incongrue des diverses cultures venues s’établir en Amérique. La plus grande influence provient bien sûr des esclaves noirs, mais on en retrace aussi d’origine polonaise, irlandaise, scandinave et même chinoise. L’expression melting-pot décrit fort bien la situation. Une histoire qu’on aurait dû connaître bien avant!


Music of Northern Cyprus

YEKSAD

ARC Music, 2006, EUCD 1983, 57 min 03 s

Chypre est cette île de l’est de la Méditerranée dont on entend parler mais dont on connaît peu de choses, outre que dans les années soixante, un conflit entre les populations turque et grecque a engendré une partition de l’île. YEKSAD est l’acronyme de l’Association Yeniboaziçi Culture, Art & Environnement qui a été créée en 1996 pour promouvoir les coutumes et traditions chypriotes de la danse et de la musique. La musique chypriote a été influencée tant par la musique grecque que turque, incluant même les maqams du Moyen-Orient. On entend sur ce CD des chants folkloriques d’une grande beauté, des mélodies enjouées et sereines, d’une culture fière qui se distingue de celles des autres pays qui l’entourent. On remarque surtout que la musique chypriote ne semble pas encore avoir subi l’influence occidentale. Souhaitons qu’elle saura maintenir cette authenticité si distinctive!


(c) La Scena Musicale 2002