Quand l’utile joint l’agréable Par Sarah Choukah
/ 31 juillet 2007
Caroline Chéhadé est lauréate du
prix d’Europe 2007, un concours qui assure depuis 1911 la notoriété
sur la scène internationale à ses gagnants. Pourtant, la violoniste
montréalaise ne se laisse pas étourdir par le succès: les compétitions
représentent pour elle un heureux défi, une occasion de se d épasser
et de se mesurer à d’autres musiciens. Plus que tout, Caroline Chéhadé
en retient un amour de la musique et de son violon encore plus fort,
à la mesure de son répertoire.
« J’ai commencé à jouer
de la musique à l’âge de quatre ans. Cela m’est venu naturellement,
en regardant ma mère jouer du violon, en appréciant sa musique et
en voulant l’imiter. Depuis ce temps je n’ai pas songé une minute
à arrêter de jouer. À l’âge de cinq ans, je me suis promis que
je n’arrêterais jamais. »
Caroline Chéhadé a tenu
sa promesse. Sa passion pour la musique l’a menée vers Anne Robert
en 1999, au Conservatoire de musique de Montréal : « J’avais 15
ans. Elle a compris ce que je
voulais devenir et a cru en moi. C’est d’elle que je tiens cette
capacité à exprimer mes sentiments à travers la musique. »
Née au sein d’une famille
de médecins, Caroline Chéhadé
n’envisageait cependant pas à cet âge la possibilité d’une carrière
en musique. « mon père m’encourageait à exceller en mathématiques
et en sciences : à un an, je lui paraissais un bébé très éveillé,
sensible et
souriant, il me voyait déjà docteur ! » Incapable de mettre son violon
de côté pour se consacrer à la médecine, Caroline Chéhadé combine
les attentes de sa famille et sa passion musicale en un double DEC en
sciences et musique. Puis, continuant de caresser l’idée de gagner
sa vie en tant que concertiste, elle décide trois ans plus tard d’aller
étudier à New York.
Son père met sa détermination
à l’épreuve. Déçu par son choix de carrière, il ne manifeste
aucun enthousiasme lorsqu’elle quitte Montréal pour aller faire une
maîtrise auprès de Lucie Robert, à la Manhattan School of Music.
« Mon père a changé d’idée lorsque j’ai gagné le Concours de
la banque d’instruments de musique du Conseil des Arts du Canada :
le prêt d’un violon Enrico Rocca [qui date de 1902] était un signe
certain, pour lui, de mon succès : il
s’implique à présent beaucoup dans ma carrière et me soutient.
»
Le prix d’Europe, assorti
d’une bourse de 25 000 $, lui permettra de se perfectionner : « Grâce
à cette bourse, je pourrai retourner à New York l’an prochain. J’apprends
énormément là-bas de mon professeur, de son expérience, du bouillonnement
artistique de la ville. Je sens que je suis sur une lancée : cette
année servira aussi de transition entre mes études et le monde professionnel.
» Elle souhaite surtout, par la suite, partager sa musique avec d’autres
musiciens et orchestres : « J’adore jouer en Europe », lance-t-elle,
toute réjouie. « Les Européens savent apprécier la vie et joindre
l’utile à l’agréable comme nulle part ailleurs. En fait, c’est
une des raisons pour
lesquelles j’aime beaucoup les concours : ils me donnent la
possibilité de découvrir d’autres cultures, de jouer à l’étranger,
de
cultiver la persévérance et de parfaire mon jeu. »
Caroline Chéhadé confie
aussi son attrait pour l’enseignement, qui permet de transmettre ce
qu’on a reçu aux futures générations de musiciens. Elle donne des
cours aux journées Ad Libitum de l’ensemble Les Cordes de l’Estrie
à Sherbrooke pendant l’été, aux côtés d’Andréa Picard, collègue
violoniste avec qui elle forme également le trio Nomade, complété
par la pianiste Marie-Hélène Trempe. « Ce sont de bonnes amies avec
qui j’espère travailler encore longtemps, bâtir un projet à long
terme. Nous nous entendons très bien musicalement. Il n’y a pas beaucoup
de répertoire pour une formation comme la nôtre, mais cela nous pousse
à explorer, à nous avancer dans le territoire de la musique contemporaine.
»
Quant à son propre répertoire,
Caroline Chéhadé le concentre sur les grands classiques : elle adore
Schubert (en particulier sa Fantaisie à quatre mains en fa mineur
pour piano et son Quintette pour deux violoncelles en ut majeur),
maîtrise le Concerto en ré majeur de Beethoven ainsi que le
populaire Concerto en mi mineur de Mendelssohn. Elle fouille
souvent dans les partitions de Mozart, Bruch, Stravinsky, Prokofiev
et Brahms, entre autres, ce qui ne
l’empêche pas d’explorer aussi les musiques contemporaines, dont
celles de Messiaen et de Ravel, qu’elle ajoutera à son répertoire
prochainement.
Le plaisir évident qu’elle
prend à jouer, sa discipline et sa
persévérance, la musicalité de son jeu et son goût de la découverte
font de Caroline Chéhadé une artiste à surveiller au cours des
prochaines années. n |
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