Mozart 250 : sélection du mois
6 septembre 2006
1791 Vienne - Rio de Janeiro 1821
Requiem K. 626, conclu par Sigismund
Neukomm
Hjordis Thébault, soprano ; Gemma Coma-Alabert,
mezzo soprano ; Simon Edwards, ténor ; Alain Buet, baryton-basse ; Kantorei
Saarlouis ; La Grande Écurie et la Chambre du Roy / Jean-Claude Malgoire
K617 180 (51 min 09 s)
HHIIII$$$$
Une nouvelle fin pour le Requiem
de Mozart ? On ignorait que Sigismund Neukomm avait composé, autour
de 1820, un «Libera
me» pour une interprétation du Requiem
de Mozart au Brésil. Ce mouvement final a été retrouvé à Rio de
Janeiro et est ici enregistré pour la première fois. Est-ce une découverte
importante ? Peut-être du point vue musicologique, mais sur le plan
musical, on peut en douter. L’écriture de Neukomm a des résonances
romantiques et
dramatiques marquées, qui n’ont la
plupart du temps pas grand chose à voir avec Mozart. Et cet enregistrement
n’aide en rien à nous
convaincre, car il présente plusieurs
problèmes d’interprétation :
l’équilibre entre les sections laisse
à désirer (le chœur est souvent éclipsé par les instruments) et,
par-dessus tout, le chœur n’est
nettement pas à la hauteur. Il manque
de stabilité, d’homogénéité, et fausse parfois carrément.
Isabelle Picard
Requiem K. 626
Miriam Allan, soprano ; Anne Buter, mezzo
soprano ; Marcus Ullman, ténor ; Martin, Snell, basse ; Gewandhaus-Kammerchor ;
Leipziger Kammerorchester / Morten Schuldt-Jensen
Naxos 8.557728 (52 min 05 s)
HHHIII $
Cette fois, il s’agit bien de la traditionnelle
version du Requiem terminée par Süssmayer. Cette interprétation,
dirigée par Morten Schuldt-Jensen, n’est pas dépourvue de qualités,
mais elle n’a rien pour passer à l’histoire. Au nombre des points
positifs, notons la qualité des instrumentistes, un équilibre entre
les sections bien dosé et une bonne clarté d’ensemble. Les solistes
sont convenables, sans plus. Le problème du Requiem selon Schuldt-Jensen,
c’est qu’il ne s’y passe pas grand chose. Certes, les tempos sont
généralement rapides, mais on ne retrouve pas la fougue et l’énergie
que cela devrait
impliquer, et cette rapidité donne parfois
lieu à des imprécisions d’ensemble (par exemple dans le Confutatis).
En même temps que certains effets dynamiques donnent une impression
de « surjoué » (Kyrie eleison), des grands éléments générateurs
de tension de ces mêmes passages sont ignorés. Bref, ça manque franchement
de naturel, et cette œuvre pourtant si puissante apparaît ici tout
ce qu’il y a de plus ordinaire.
IP
Serenata Notturna K. 239 en ré majeur;
Cassation K. 63 en sol majeur; Concertone
K. 190 en do majeur
Ensemble 415 ; Chiara Banchini, violon
et dir.
Zig Zag Territoires ZZT 060301 (71 min
10 s)
HHHHII
$$$$
L’Ensemble 415 souligne le 250e
anniversaire de Mozart en enregistrant trois de ses oeuvres de jeunesse,
représentatives du style galant du compositeur. Quel disque rafraîchissant !
On est dès les premières minutes frappé par la beauté et la richesse
du son de l’ensemble. L’harmonie des timbres, la précision du jeu,
tout contribue à créer une véritable cohérence sonore. Les parties
de solistes des trois pièces sont assumées par des musiciens de l’ensemble,
qui y excellent tous, à commencer par Chiara Banchini, violoniste et
directrice artistique de l’Ensemble 415. La Serenata Notturna
K. 239 est particulièrement entraînante et le 3e mouvement
(Andante) de la Cassation K. 63 est d’un charme irrésistible,
tout en délicatesse. La pièce de résistance demeure toutefois le
Concertone K. 190, une œuvre de plus grande dimension, tant sur
la plan de la durée de chacun des trois mouvements que sur celui du
nombre de solistes (deux violons, auxquels s’ajoutent un violoncelle
ou un hautbois) et de l’orchestration.
IP
Piano Sonatas, K. 279, K. 280, K.
281
Robert Levin, pianoforte
DHM 2876-84236-2 (54 min 56 s)
HHHIII
$$$
Ceci est le premier volume d’une nouvelle
intégrale des Sonates pour piano de Mozart que propose le pianofortiste
Robert Levin, avec trois compositions d’une série de six (K. 279-284)
écrite à Munich en 1775. Ces œuvres ont la verve primesautière de
l’improvisation et se ressentent de l’influence du style galant ;
leur babil pourrait paraître creux par moments sous des doigts peu
inspirés. Robert Levin
connaît certainement les finesses du
style mozartien de cette époque et maîtrise cet instrument difficile
qu’est le pianoforte. On admire la précision rythmique de son jeu
et son sens de la continuité mélodique, mais, au total, il manque
à son interprétation cet élément essentiel pour aborder Mozart :
la grâce. Les notes se succèdent,
fluides, mais sans surprise, et la monotonie
s’installe assez vite,
d’autant plus que l’instrument enregistré
ici, une copie d’un
Stein, manque de séduction sonore. Dans
le court DVD
d’accompagnement, Robert Levin commente
sans grande originalité les œuvres qu’il interprète.
Alexandre Lazaridès
Airs sacrés et autres oeuvres
Sandrine Piau, soprano ;
Les talens Lyriques/Christophe Rousset
1 DVD Armide ARM009 (110 min)
HHHHHI
$$$$
Le réalisateur Olivier Simonnet, qui
a capté ce concert, connaît bien la musique ! Plaçant ses caméras
près des interprètes, il nous fait partager leur complicité, et sans
pour autant donner le tournis, livre une image aussi mobile que les
œuvres elles-mêmes. La Symphonie concertante en mi bémol,
K297b, pour hautbois, basson, cor et clarinette, où se multiplient
les échanges et les rebondissements, se prête bien à ce type de captation
et constitue un des temps forts de ce DVD ; peu connue, cette oeuvre
au raffinement complexe s’avère en effet être du meilleur Mozart,
digne de la Grande Partita. Le récital de Sandrine Piau, quant
à lui, pourra sembler hétéroclite, puisqu’aux « Airs sacrés »
qu’annonce la couverture se joignent un air d’opéra et deux airs
de concert. Mais la chanteuse, si elle n’a pas beaucoup de charisme
à l’écran, offre une prestation quasi parfaite et s’entend fort
bien avec Christophe Rousset qui depuis longtemps la considère comme
sa muse. Fait à noter, la petite maison française Armide, spécialisée
dans les DVD musicaux, offre déjà plusieurs titres alléchants qu’on
trouvera sur Internet ; celui-ci est le premier à nous parvenir, mais
on ne peut qu’espérer d’autres livraisons.
Philippe Gervais |