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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 1 September 2006

Jazz

September 6, 2006


Sorties côté scènes

Marc Chénard

Suite au passage annuel de la caravane festivalière, Montréal se donne le temps de reprendre un peu son souffle durant le reste de la belle saison. Comme par les années passées, les activités ne reprennent vraiment qu’en octobre et se poursuivent à un rythme soutenu jusqu’aux premières neiges de décembre. Voici donc quelques-uns des événements à surveiller.

Jadis largement ignorée dans les circuits de tournées de jazz en Amérique, Montréal accueille désormais des artistes de tous acabits à l’année longue. Un visiteur de prestige à voir dans les semaines qui suivent sera le légendaire batteur Roy Haynes qui, de ses 81 ans bien sonnés, se produira à la tête d’un quartette de jeunes loups, groupe qui clôturera le prochain « Drum Fest de Montréal » (Centre Pierre-Péladeau, 12 novembre). À noter aussi la présence de Bill Stewart, un nom bien en vue qui donnera un concert-démonstration en solo absolu.

Quant à notre incontournable Festival de jazz (FIJM), lui non plus ne se laisse pas prier pour accueillir des grosses pointures de musiques des plus diverses. En jazz, signalons le Zawinul Syndicate (25 octobre, Théâtre Outremont) pour les amateurs de fusion. Saluons aussi l’initiative de réinvestir les surplus de son dernier festival en présentant des artistes de chez nous, dont Jean-Pierre Zanella et Steve Amirault (18 et 25 octobre respectivement), Michel Côté de Québec (premier novembre), Rémi Bolduc (le 8) et Karine Chapdelaine / Roxane Potvin (le 15). Cette série de concerts gratuits se déroulera au Savoy, entre 17 h et 19 h. Au Bar Upstairs, le trio de Sylvain Provost se produira le 17 septembre, suivi du quintette Auguste d’Alain Bédard les 29 et 30 du même mois. Ce dernier groupe lancera à cette occasion son enregistrement sur étiquette Effendi.

Si les musiques audacieuses vous attirent, la Casa del Popolo reste toujours le haut-lieu de toutes les musiques alternatives d’ici et d’ailleurs. En tête de liste, le violoniste alto Mat Maneri sera de passage le 23 octobre avec son ensemble Pentagon, alors que le joueur de hautbois et de cor anglais de Chicago Kyle Bruckmann (instruments rarement entendus en musiques improvisées) nous rendra visite le 12 du même mois avec son quintette Wrack. Cette même salle poursuivra une série de rencontres musicales mensuelles (« Improvising Montreal ») amorcée l’an dernier (les prochaines rencontres étant le 6 septembre, 2 novembre et 7 décembre). À la Casa Obscura, 4381 Papineau, la série d’improvisation hebdomadaire « Mercredimusics » démarre à nouveau le 18 octobre avec une suite après le Nouvel An.

Projet ambitieux enfin, les « 13 lunes » est une série de spectacles conjoints entre Danse-cité et Productions Super-musique. En autant de spectacles que de lunes, dix danseurs et dix musiciens improvisateurs se produiront en géométries variables au cours de l’automne, prélude à un événement collectif de quatre jours au Monument national prévu pour la fin-janvier. De plus amples renseignements sur cet événement (et bien d’autres aussi) seront affichés dans le calendrier « Jazz Plus », de retour dans ces pages dès le mois prochain. Mais d’ici là, il y a la liste hebdomadaire. n

Une histoire D’ÉTIQUETTES (I)

Marc Chénard

D’aucuns peuvent nier le fait que le visage même de la musique s’est transformé radicalement au cours du dernier siècle. En Occident, le romantisme perdurait encore en 1900, mais d’autres tangentes se dessinaient aussi : en France, l’impressionnisme ; en Allemagne, le dodécaphonisme, qui secouait l’emprise de la musique tonale. Certes, tous ces bouleversements sont aussi le miroir d’un contexte social qui a poussé certains esprits visionnaires à transgresser les soi-disant limites de la musicalité.

Mais outre ses premiers artisans, les compositeurs, il y eut d’autres facteurs qui ont ouvert la voie à d’autres formes de création musicale. Parmi ceux-ci, l’invention par Edison du disque phonographique — ou du cylindre —, survenue à la fin du XIXe siècle, a eu un très grand impact sur la façon de diffuser la musique et, plus encore, de la faire. Avant cela, tout reposait sur la performance publique. Par ailleurs, il n’y avait que deux façons de garder la musique en mémoire : par tradition orale (les foklores) ou par écrit (les partitions).

Le disque, pour sa part, offre une autre forme de mémoire, par la conservation même de la performance. Le fait d’aller entendre la musique en concert n’est plus la seule façon de la recevoir et, du même coup, l’écrit n’est plus le seul garant de la mémoire. Dans ses premiers balbutiements, l’industrie du disque était beaucoup trop primitive pour remplacer le spectacle, mais depuis, les technologies se sont perfectionnées à un point tel qu’il n’est plus rare de nos jours de rencontrer des mélomanes (pour ne pas dire audiophiles) qui sont bien heureux de goûter aux plaisirs de leurs « conserves » sonores et n’éprouvent pas le désir d’aller sur place, écouter de la musique.

La mémoire du jazz

S’il y a un genre musical qui doit son épanouissement au disque, c’est bien le jazz. Né lui aussi au début du siècle dernier, il a été le premier à profiter pleinement du nouveau support. Si bien que sa mémoire ne se situe plus dans les partitions, mais bien dans la gravure sonore. Inversement, la tradition de l’écrit reste très forte dans la musique classique, puisque au fil des siècles précédents ce fut le moyen d’assurer sa pérénité. Le fait est que si, par l’écrit, les oeuvres des compositeurs nous sont parvenues, il ne reste cependant plus de traces du travail des interprètes. D’ailleurs, même en ce début du troisième millénaire, cet impératif de l’écrit persiste, bien qu’il ne soit plus aussi nécessaire.

Le jazz, comme toutes les musiques populaires qui en sont tributaires, n’est pas confronté à cette même exigence, si bien que sa diffusion écrite eut lieu bien après que le disque se soit imposé comme son principal outil de transmission. À ce titre, les cahiers de compositions, les fake books, ou les transcriptions de solos improvisés, sont tous deux des phénomènes assez récents. De ce fait, le jazz démocratise l’acte musical en redonnant aux interprètes leur crédit en tant que véhicules de la musique. Lorsqu’on regarde de nos jours les bacs des disquaires, la section classique est largement dominée par les compositeurs ; la section jazz, en revanche, est organisée en fonction de ses interprètes qui, à différents degrés, sont eux aussi compositeurs. Il va sans dire que les musiciens, entendons ici compositeurs et interprètes, sont bien les premiers responsables de la création musicale et de sa diffusion, mais il ne faut pas négliger la part des producteurs de disques en ce qui a trait à sa diffusion.

Une liaison particulière

Vocalion, Columbia, Blue Note, Dial, Verve, Atlantic, Impulse, autant de griffes célèbres qui ont marqué les annales du jazz, comme le firent les Armstrong, Ellington, Parker, Monk, Coltrane en leur temps. À ce titre, aucun autre genre musical, du plus sérieux au plus populaire, ne se compare au jazz, car cette musique, voire ses styles particuliers, est intiment liée à sa source de diffusion : l’étiquette de disques. Si bien qu’il ne manque pas d’exemples de producteurs qui ont littéralement « façonné » des styles, jusqu’à favoriser l’éclosion de talents. Dans le premier cas, pensons à la maison européenne ECM ; avant elle, cette esthétique épurée qui la caractérise n’existait tout simplement pas, mais un homme, Manfred Eicher, a pressenti une façon de faire de la musique et a recruté des artistes en fonction de sa vision. Dans le second cas, une relation de confiance s’était instaurée entre le producteur de la maison de disques Impulse, Bob Thiele, et son artiste vedette, John Coltrane, relation qui a stimulé ce dernier au point de se rendre là où aucun jazzman, pour ne pas dire aucun musicien, ne s’était rendu jusqu’alors.

L’histoire de ces étiquettes de jazz est un vaste sujet en soi et le présent article constitue l’amorce d’une série de textes qui paraîtront dans les prochains numéros de ce magazine. Entre autres sujets, nous approfondirons l’histoire de cette liaison particulière entre artistes et maisons de production, soulignant le travail des plus importantes ; par ailleurs, on traitera de la réalité particulière qui caractérise le marché du disque de jazz, marché largement dominé par les majors, du moins en termes de visibilité, mais dont la source la plus représentative de musiques de notre temps se retrouve sous étiquettes indépendantes. À cette dernière tendance, rattachons aussi le phénomène un peu plus pointu des étiquettes de disques gérées par les artistes, qui fera l’objet d’un autre volet de cette série. (À suivre)

Bang on Can & Don Byron : A Ballad for Many

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« Bang on A Can » est le nom d’un festival créé en 1987 à New York par trois musiciens mécontents de l’élitisme de la création

contemporaine et partisans de rencontres musicales débridées. Michael Gordon, Julia Wolfe et David Lang restent directeurs artistiques de la désormais mythique organisation « BOAC », qui regroupe d’innombrables activités. C’est aussi un ensemble d’instrumentistes qui s’est imposé sous diverses formules musicales, du post-minimalisme (Philip Glass) au rock dit progressif (Brian Eno), à l’aide d’une quinzaine d’albums libertaires aux confins des styles. Don Byron, lui, est un fabuleux clarinettiste de jazz contemporain qui s’est fait entendre avec ces musiciens par le passé et il s’affirme ici comme un compositeur véritablement personnel. La métaphore humoristique de la suite Eugene dédiée à Ernie Kovacs, pionnier de l’humour absurde des années 50, ne masque pas le processus d’élaboration de l’œuvre qui se déploie dans un mélange de souplesse et de nervosité polyphoniques, appuyé notamment par la rigueur des exécutants, du subtil David Cossin (percussion), à Mark Stewart (guitare électrique) et Lisa Moore (piano). Red-Tailed Angels, est un hommage rendu aux aviateurs américains de race noire ayant combattus durant la seconde guerre mondiale. Les neuf pièces qui composent cette suite en miniature présentent les instruments en rôles alternants : piano et violoncelle ou duos de clarinettes (Don Byron et Evan Ziporyn). Composées pour des trames sonores de documentaires, ces œuvres possèdent néanmoins une valeur autonome. Le disque se termine par un petit sommet de sombre mélancolie, Basquiat, qui nous entraîne vers les rivages du hip hop. CC

Steve Lacy/Brion Gysin : Songs

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Le premier est bien connu, le second beaucoup moins, mais ensemble ces deux messieurs, tous deux disparus, ont été des amis de longue date, durant leurs années d’exil en France. Lacy, le saxo soprano empreint de son maître à penser (et à jouer) Thelonious Monk, a produit une des œuvres les plus originales dans les annales du jazz, lui méritant sa place au panthéon avant même son décès en 2004. Brion Gysin, en revanche, était un poète lié d’abord au surréalisme, puis, indirectement, au mouvement beat, mais qui n’a jamais connu le succès en raison de son départ d’Amérique et de longues années d’errance entre les continents. L’enregistrement présent, effectué en 1981, compte dix pièces, la dernière étant une autre version de la seconde, Nowhere Street, tronquée à la fin. Chacune des plages met donc en musique un des poèmes de Gysin qui, lui, est entendu comme récitant à quatre reprises (Lovezya en duo avec le batteur Oliver Johnson, et trois miniatures regroupées sous le titre de Permutations). L’ensemble est le sextette de l’époque de Lacy, groupe comprenant l’altiste Steve Potts, le pianiste Few Few, le bassiste Jean-Jacques Avenel et sa muse, la chanteuse Irène Aebi, qui entonne les mélodies de sa voix détonante. Pour ceux qui aimaient cet ensemble pour les improvisations relevées, ceci n’est pas le disque de choix. Cependant, pour le côté compositionnel, il contient tous les ingrédients de l’univers sonore unique qui a fait la marque de M. Lacy. CC

Gianni Lenoci : Sextant

Ambiancejazz CD 154

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Premier d’une nouvelle manne de onze (!) disques à paraître chez Ambiances magnétiques durant l’automne, ce dernier-né de la série jazz de l’étiquette est, à ce jour, le plus audacieux de tous. Vivant dans le sud de l’Italie, le pianiste Gianni Lenoci signe ici son deuxième enregistrement pour le compte de cette maison de disques, le premier étant un duo de miniatures intimistes avec la contrebassiste Joëlle Léandre (« Sur une balançoire »). Proposition toute autre cette fois-ci car il s’agit, comme son titre le dit, d’un ensemble à six constitué de deux saxos, un guitariste, un bassiste, un batteur et le pianiste. Pourtant, ces seules informations ne disent pas toute l’histoire ; outre ces instruments acoustiques, il y a également une quincaillerie électronique qui se greffe à l’ensemble, élargissant de ce fait la palette sonore. D’une part, on retrouve des pièces de factures plus traditionnelles, à l’apanage d’un certain post-free jazz européen(Realta, en ouverture, et une mise à jour assez décoiffante, mais trop brève de Miss Ann d’Eric Dolphy) ; d’autre part, on passe de ce côté plus maximaliste à un minimalisme électro très dépouillé (Intersessione et Notturno Fratale), sans passer sous silence (terme approprié s’il en est un) une composition de Morton Feldman, soit Intermission VI. Rares sont les disques, de nos jours, où ces deux mondes se côtoient sur un même enregistrement et il était temps que quelqu’un le fasse. Merci M. Lenoci pour cette belle offrande. Cela dit, on espère bien voir cela chez nous un de ces jours… CC

The Ed Palermo Big Band : Take your clothes off when you dance

Cuneiform Records Rune 225

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À l’instar d’Obélix qui tomba jeune dans la potion magique, le saxophoniste alto et arrangeur Ed Palermo semble avoir trempé sur le tôt dans la musique de Frank Zappa, et cela semble être l’une des meilleures choses qui soient arrivées à ce musicien quinquagénaire. Qui plus est, il tient l’affiche du Bottom Line de Manhattan depuis dix ans avec un big band qui ne joue que le répertoire de Zappa. À ses débuts, cette formation a produit un premier disque, épuisé depuis, et elle vient tout juste d’en publier un second. Une écoute suffit pour constater que le langage de Zappa sert de tremplin à une exploration des possibilités orchestrales de cet ensemble, exploration qui se prête bien à l’univers du génial moustachu, dont l’oeuvre se distinguait par son côté frondeur. L’idée de reprendre Sleep Dirt n’est pas la moindre des surprises et paraîssait peu naturelle pour qui se rappelle des rapports sulfureux de Zappa avec le jazz. La pièce-titre du disque, pour sa part, devient une salsa, une autre (Moggio) est orchestrée avec une métrique diabolique; ailleurs (dans Gumba Variations), Palermo injecte une surdose de rhythm and blues réjouissante. Cette troupe et son chef déploient ici la grosse artillerie sonore avec une énergie constante dans un seul but : produire un album d’un irrépressible dynamisme du début à la fin, et dont l’impact devrait se révéler positif sur d’éventuels névrosés ou autres auditeurs cherchant un autre sens à la musique de cet authentique génie disparu prématurément en 1993. CC

Berthiaume, Donato, Tanguay: Ellen’s Bar

Ambiances Magnétiques AM 152 CD

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Étiquette emblématique de la musique actuelle, Ambiances Magnétiques est sur le point de devenir la référence en matière de jazz contemporain au Québec. Pour son troisième album pour ce label, le guitariste Antoine Berthiaume offre un programme de neuf de ses compositions, soutenu par le maître-contrebassiste Michel Donato et le « batteur-maison » de l’étiquette, Pierre Tanguay, ces derniers contribuant chacun d’un morceau de leur cru. Alors que les projets précédents de ce jeune guitariste étaient plutôt expérimentaux (son premier album « Soshin » nous permettait de l’entendre avec nuls autres que Derek Bailey et Fred Frith), ce récent disque se situe tout droit dans la lignée des trios à la Pat Metheny ou John Abercrombie. Parmi les pièces, La Betterave, un calypso de Tanguay auquel seul le ténor de Sonny Rollins semble manquer, offre un contraste bienvenu au sein d’un répertoire résolument moderne. Berthiaume démontre un exceptionnel contrôle de son instrument, jouant dans un style complexe mais fluide, alors que ses acolytes lui donnent un appui idéal et se montrent flexibles dans leurs accompagnements. Impressionant! FAH

MC Alex Bellegarde Quartet: Caminando

Justin Time JTR 8524-2

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This recent quartet release, the fourth by this Montreal bassist, comes in the year following his winning of the Grand Prize in the GM Jazz Competition at the Montreal International Jazz Festival. A very active musician around town, Bellegarde has taken a shine to Cuban music, a prominent fact on this disc, in which he performs his compositions with the help of a native-born pianist from that coutry, Yoël Diaz, and guest conga player Orlando Lavielle, all of whom are ably supported by Erik Hove’s mellifluous alto sax and Yvon Plouffe on drums. Despite the Latin jazz connotations of the title track (which is taken from a verse by Spanish poet Antonio Machado), this album is happily eclectic in its grooves, moods and melodies—thankfully not just another trip on the Latin jazz bandwagon. The title tune is built up from a refreshingly simple ostinato figure and develops into a vigorous saunter, not a tiring high-octane chops-fest that can be so irritating about some Latin jazz. The only tune that dangerously skirts the genre’s clichés is “La Vaca”, but overall there is a pleasing variety here, including some hard-bop lines in “Got Lip” and a Caravan-esque melody and vamp in “Native.” This is a mature release from a young dues paying player on Montreal’s effervescent jazz scene. PS

Oliver Jones: One More Time

Justin Time JTR 217-2

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I guess the label “retired musician” is an unavoidable oxymoron, at least it is in the case of Oliver Jones who announced his departure from an active career a few years ago. But he is now back with a new offering, this one focused primarily on his compositions. What’s more, he has drawn from the stable of gifted Canadian musicians, one veteran and old collaborator, bassist Dave Young and four relative youngsters: drummer Jim Doxas, New-York rising trumpeter star Ingrid Jensen, tenor saxophonist Chet Doxas and trombonist Dave Grott. Yet the young blood does not colour the offering in new tones: the horns, especially, articulate lines and backgrounds in the old-time swing of which Jones is an indisputable master. This is a carefree, gamboling side, where Jones gets to stretch out, with energetic, sprightly support from the younger musicians who, incidentally, are not present on all tracks of the record, thus leaving Jones some space of his own in his more customary trio setting. The leader’s tunes (seven of them plus two standards) are well crafted in the old style, making One More Time a satisfying listen for aficionados of vintage mainstream jazz. PS

Russ Lossing : All Things Arise

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Cet album, déjà le quatrième de ce pianiste originaire de New York, démontre d’emblée qu’il est doué d’une remarquable musicalité qui en étonnera plus d’un. Sur son précédent opus, « As It Grows », enregistré en trio avec Paul Motian et Ed Schuller, de nombreux éléments stylistiques communs le rapprochaient de Paul Bley. C’est néanmoins en solo qu’il se montre le plus audacieux. Ainsi, la suite en quatre parties qui donne son titre à l’album se maintient à distance du jazz en termes d’espace sonore et de cellules rythmiques plus caractéristiques des œuvres contemporaines de concert. Nonobstant leurs structures complexes, les pièces conviennent à l’improvisation, quoiqu’elles constituent un univers distinct, tourné vers l’intériorité de l’artiste, et dont l’accès n’est pas toujours facile, du moins à la première écoute. Cela dit, le coup de maître se situe dans les relectures pour le moins inattendues de Pent-Up House de Rollins, de Kathleen Grey de Coleman et surtout dans les deux versions de l’insolite Azur d’Ellington, qui sauront captiver l’auditeur. Ici comme ailleurs, le silence respire dans le mystère de chaque note. CC

Mario Pavone Sextet : Deez to Blues

Playscape PSR#J050505

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Vétéran de la scène new-yorkaise, le contrebassiste Mario Pavone a déjà réalisé de nombreux enregistrements pour le label Knitting Factory, puis, plus récemment, pour la petite étiquette Playscape. En tant que chef de groupe, il dirige le plus souvent des formations de taille moyenne, comme ce sextette à l’instrumentation originale. À la base, nous avons son Nu Trio (avec Peter Madsen au piano et Michael Sarin à la batterie), rejoints ici par le trompettiste Steven Bernstein (qui a signé les arrangements), le polyvalent Howard Johnson (tuba, saxo baryton, clarinette basse) et Charles Burnham au violon. Une des sept pièces au programme, Day of the Dark Bright Light de Marty Ehrlich, offre un sombre contraste aux six compositions dynamiques du leader. Sur Deez, la trompette à coulisse de Bernstein fait écho aux glissandi de Burnham. Comme chez Mingus (une influence indéniable sur Pavone), ce contrebassiste est le moteur dynamique du groupe, notamment dans la finale Second-Term Blues (un titre qui, doit-on le dire, ne requiert pas une expertise en politique américaine pour être déchiffé !). FAH

Eric Friedlander: Prowl

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Distribué au Canada depuis ce printemps, le fort intéressant label californien Cryptogrammophone mérite bien le détour. Bien que les musiciens de la côte ouest américaine figurent largement au catalogue, l’étiquette recrute aussi quelques pointures new-yorkaises, dont le violoncelliste Erik Friedlander. Comptant parmi les élus du clan Zorn, il dirige aussi ses propres groupes, dont le groupe Topaz et la formation présente, un quartette avec saxo (Andy Later), basse électrique (Stomu Takeishi) et batterie (Satoshi Takeishi). Vu le lien du leader avec M. Z., l’inévitable touche de musiques d’Europe de l’Est (dont le klezmer, bien sûr) s’insinue un peu partout, tout particulìèrement dans la pièce d’ouverture assez enlevante, Howling Circle. Pourtant, après ce bon début, la musique s’adoucit pas mal et à la longue on souhaiterait d’autres temps forts (sauf, peut-être, dans le neuvième et dernier titre, Najme). Certes, ce jazz contemporain tient bien la route et se laisse écouter avec plaisir, mais ces artistes se sont mieux illustrés ailleurs, soit comme accompagnateurs, soit comme chefs de groupe (tout particulièrement le saxo dont les enre- gistrements sur le label canadien Songlines sont dignes d’intérêt). MC


(c) La Scena Musicale