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La Scena Musicale - Vol. 12, No. 1 September 2006

Critiques/Reviews

September 6, 2006


Politique de critique : Nous présentons ici tous les bons disques qui nous sont envoyés. Comme nous ne recevons pas toutes les nouvelles parutions discographiques, l’absence de critique ne présume en rien de la qualité de celles-ci. Vous trouverez des critiques additionnelles dans notre site Web www.scena.org.

Review Policy: While we review all the best CDs we get, we don’t always receive every new release available. Therefore, if a new recording is not covered in the print version of LSM, it does not necessarily imply that it is inferior. Many more CD reviews can be viewed on our Web site at www.scena.org.

HHHHHH indispensable / a must!

HHHHHI excellent / excellent

HHHHII très bon / very good

HHHIII bon / good

HHIIII passable / so-so

HIIIII mauvais / mediocre

$ < 10 $

$$ 10–15 $

$$$ 15–20 $

$$$$ > 20 $

Critiques / Reviewers

AL Alexandre Lazaridès

FC Frédéric Cardin

GB Guy Bernard

IP Isabelle Picard

JKS Joseph K. So

PG Philippe Gervais

PMB Pierre Marc Bellemare

RB Réjean Beaucage

Disque du mois

Chopin

Intégrale des valses

A. Tharaud, piano

Harmonia Mundi HMC 901927 (61 min 20 s)

HHHHHH $$$

Après un magnifique disque Bach l’an dernier, Alexandre Tharaud nous propose cette année un non moins magnifique disque consacré à l’intégrale des valses de Chopin. On pensait bien connaître ces valses et pourtant... Les enregistrements qui leur sont consacrés se font rares et la vision purement virtuose que l’on nous en donne la plupart du temps en concert ne leur rend pas justice. Alexandre Tharaud nous les offre avec un jeu raffiné, maîtrisé dans ses moindres détails et pourtant très naturel. Son usage du rubato est subtil et donne tout juste l’impression que la musique coule spontanément. Aucun besoin de souligner à grand trait. Le pianiste nous présente un Chopin intimiste, et sur ce point, la prise de son s’accorde parfaitement avec son jeu. On met le disque, et Alexandre Tharaud se retrouve dans notre salon, jouant seulement pour nous. Isabelle Picard

Musique de chambre / Chamber Music

Bach

The Two and three Part Inventions

G. Gould, piano

Sony Classical 82876-78766-2 (70 min 02 s)

HHHHHI $$

Cet enregistrement est à l’origine un produit de l’association Gould-Columbia. Le disque couple les inventions à 2 et 3 voix par tonalités, telles qu’elles furent retrouvées dans le troisième manuscrit des inventions, en 1723. Le premier manuscrit étant le Petit Livre pour clavier pour Wilhelm Friedemann Bach et le second se retrouvant sous forme de traité, dédié au prince d’Anhalt-Coethen. Voilà pour l’explication philologique.

Cette version fut enregistrée en 1964 sur le légendaire piano Steinway CD-318, instrument dont Gould ne se détachera plus. Les inventions sont tout le reflet du Bach qu’on aime retrouver chez cet interprète aussi génial que singulier : immédiateté de l’attaque, clarté du non legato et prise de son très proche de l’instrument.

L’écoute de chaque invention à 2 voix immédiatement suivie de la sinfonia correspondante, forme une série d’unités qui n’est pas sans rappeler Le clavier bien tempéré. Le CD inclut aussi quelques inédits des sinfonias 8, 9 et 15 de la session d’enregistrement des Variations Goldberg de 1955. Guy Bernard

Bartók

Suite, op. 14; Sonata (1926); Improvisations
on Hungarian Peasant Songs; Out of Doors;
Sonata for Two Pianos and Percussion

M. Perahia et G. Solti, piano ; D. Corkhill
et E. Glennie, percussion

Sony Classical 82876-78750-2 (73 min 42 s)

HHHHII $$$

Ce disque de la collection « Great Performances » regroupe des enregistrements effectués par Perahia entre 1973 et 1987 et que CBS avait édités en deux disques en 1981 et 1988. Au programme, cinq œuvres parmi les plus populaires de Bartók, notamment cet immense chef-d’œuvre qu’est la Sonate pour deux pianos et percussion, dans laquelle le pianiste américain est accompagné par nul autre que Georg Solti. Il faut croire que la présence du défunt chef hongrois est pour beaucoup dans la réussite de cette interprétation, dont on admire les rythmes nets et coupants, les couleurs moirées dans le « Lento, ma non troppo », avec une percussion animée à souhait. Pour les quatre compositions où Perahia officie seul, on constate une sorte d’affadissement du rythme et des timbres, comme si le pianiste laissait sa veine lyrique s’exercer au détriment du côté inclassable de ces œuvres. Elles résonnent autrement fort sous les doigts de Zoltán Kocsis (Philips). Alexandre Lazaridès

Bolcom

Complete Violin Sonatas

S. Sorocka, violon ; A. Greene, piano

Naxos 8.559150 (76 min 52 s)

HHHHHI $

William Bolcom (né en 1938) est un Américain qui représente brillamment l’éclectisme raffiné d’une certaine école de composition moderne états-unienne. Les trois sonates présentées ici manifestent la décantation musicale qui s’est opérée dans ce pays et qui s’exprime, dans les meilleurs cas, à travers des œuvres bourrées de références hétérogènes, mais solidement ficelées dans un canevas rigoureux et une esthétique remarquablement cohérente. Qu’il s’agisse d’un certain lyrisme atonal présent dans la Première Sonate, des élans jazzistiques de la Deuxième, du néoclassicisme chostakovitchien de la Troisième ou des exotismes savants (en particulier hispaniques) de la Quatrième, le discours de Bolcom est constamment relevé par la finesse de l’écriture musicale et son dévouement à l’élaboration d’une ligne résolument chantante pour le soliste. N’ayez aucune crainte, il ne s’agit aucunement d’un autre produit crossover superficiel (malgré l’énumération des influences éclectiques). Plutôt d’un corpus intelligent et édifiant, réalisé par l’un des compositeurs états-uniens les plus brillants de sa génération. Frédéric Cardin

Brahms

Complete Piano Trios

Trio Wanderer

Harmonia Mundi HMC 901915.16 (2 CD : 125 min)

HHHHHI $$$$

Viola Works

S. Dann, alto ; L. Orkis, piano ; S. Platts, mezzo-soprano

Atma ACD2 2350

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La nouvelle intégrale des Trios pour piano, violon et violoncelle proposée par le trio Wanderer peut être mise au premier rang, juste après celles qui opposaient Katchen, Suk et Starker, d’un lyrisme à l’intensité inégalée (en 1968 chez Decca), ou bien Istomin, Stern et Rose chez Columbia. L’interprétation du Wanderer ne creuse pas le trait brahmsien, mais procède de façon pour ainsi dire allusive. Les trois Trios acquièrent une grande transparence qui trouvera certainement de nombreux admirateurs, d’autant plus que le lyrisme y trouve une place de choix. Autre atout : comme complément, le Wanderer a choisi le Quatuor avec piano op. 25, enlevé avec une enivrante prestance (avec l’altiste Christophe Gaugué). On sait que les deux Sonates op. 120 peuvent être interprétées avec une clarinette ou un alto, au choix. L’altiste Steven Dann nous en livre une interprétation contrôlée, mais ne parvient pas à transmettre la rêverie propre à ces œuvres crépusculaires. C’est peut-être l’accompagnement de Lambert Orkis qui vole la vedette. Son piano est d’une présence de tous les instants. En complément de programme, Susan Platts interprète avec chaleur les rares Deux chants op. 91 sur des poèmes de Rückert et de Geibel, mais sur une même musique dans les deux cas. AL

Scriabine

Étrangeté/Strangeness : Preludes and Poems

G. Csalog, piano

BMC CD 099 (70 min 42 s)

HHHIII $$$$

Le pianiste hongrois Gábor Csalog joue (sur un Fazioli) un choix de Préludes de Scriabine, une trentaine au total, qu’il a disposés dans un ordre propice, lui a-t-il semblé, à une écoute en trois séances de 25 minutes chacune. Dans les faits, cela ne change pas grand-chose à la compréhension de ces miniatures bien plus subtiles et fascinantes qu’elles ne le semblent ici. Quelques autres œuvres – Poème, Feuillet, Nuances, Énigme, Fragilité, Étrangeté – complètent un programme qui, en dépit de sa variété, n’évite pas la fadeur. L’interprète n’a retenu de la palette du compositeur que la couleur morbide. La main gauche sommeille et le rythme, si fluctuant chez le compositeur russe, manque bien trop de souplesse. Tout ce qui échappe à Csalog se trouve en abondance dans le magnifique enregistrement de la quasi intégrale des Préludes que Racha Arodaky avait gravée pour Zig Zag Territoires en 2003, sur un superbe Steingraeber. Le disque de la maison hongroise BMC peut servir à une première prise de contact : toutes les notes y sont, mais non tout le reste. AL

Shostakovitch & Schnittke

Cello Sonatas

A. Gerhardt, violoncelle ; S. Osborne, piano

Hyperion CDA67534 (78 min 50 s)

HHHHII $$$$

Un demi-siècle environ sépare la Sonate pour violoncelle et piano de Chostakovitch de celle de son compatriote Schnittke. Elles ont été créées respectivement en 1934 et 1978. Le programme est complété par huit transcriptions, pour les mêmes instruments, d’œuvres mineures de Chostakovitch, et par deux œuvres intéressantes pour violoncelle solo de Schnittke, le Madrigal In Memoriam Oleg Kagan et Klingende Buchstaben (« Lettres sonores »). Dans les Sonates, ce sont deux mondes très différents qui s’expriment, celui de Schnittke, plus allusif, semblant mieux convenir au talent d’Alban Gerhardt, même si le long « Largo » final manque du halo de mystère voulu. Entrée depuis longtemps dans le répertoire et enregistrée par quelques grands noms, la Sonate de Chostakovitch demande un son généreux et un souffle large, exigences qui ne sont pas, si l’on peut dire, dans les cordes du violoncelliste allemand. Steven Osborne ne manque ni de clarté ni de panache, mais il se contente d’être un accompagnateur plutôt qu’un partenaire, comme l’était, par exemple, Yakov Kasman en dialogue avec le violoncelliste Petr Prause (Calliope, 2003). AL

In the Shade of Forests

The Bohemian World of Debussy, Enescu, Ravel

P. Graffin, violon ; C. Désert, piano

Avie AV2059 (73 min 14 s)

HHHHHI $$$$

Philippe Graffin et Claire Désert sont deux musiciens exceptionnels qui ne reçoivent pas le dixième de l’attention qu’ils méritent. Il est à souhaiter que nous ayons la chance de les entendre sur nos scènes un jour prochain. L’auditeur avide d’une musicalité toute illuminée par l’éclat d’une intelligence et d’un raffinement hors du commun fera bien de porter attention à ce trésor paru sur une jeune étiquette indépendante. Il faut entendre les tressaillements du violon de Claire Désert et les scintillements de lumière du piano de Philippe Graffin dans la Sonate posthume de Ravel pour comprendre toute l’ampleur du plaisir suscité par la complicité de ces deux musiciens ; la tendresse parfois éthérée, mais surtout foncièrement moderne, des Impressions d’enfance d’Enescu ; l’inaltérable esprit d’indépendance et de liberté du Tzigane de Ravel joué, Oh, inspiration géniale, au luthéal (sorte de petit piano à la sonorité unique, croisement entre le pianoforte, le cymbalum et le grand piano moderne) et finalement les textures toutes en délicatesse de la Sonate de Debussy. Chapeau ! FC

L’ange Marais

Pièces à trois violes

Première suite à trois violes en ré majeur ; Deuxième suite à trois violes en sol majeur ; Tombeau pour Monsieur de Lully

W. Kuijken, basse de viole ; Les Voix humaines
(S. Napper et M. Little, basse de viole ; N. North, théorbe ; E. Milnes, clavecin)

Atma ACD2 2374

HHHHII $$$

Marin Marais écrivait dans la présentation de ses Pièces à une et à trois violes (IVe livre), en 1717 : « La Troisième Partie a cela de singulier qu’elle est composée de Pièces a trois Violes, ce qui n’a point encore este fait en France. » Ce sont des pièces tirées de cette troisième partie du quatrième livre que nous présentent le duo Les Voix humaines et leur invité Wieland Kuijken. Le son de ce vétéran de la viole de gambe se marie admirablement avec celui du duo montréalais. Cette musique au rythme si souple, aux voix si intimement imbriquées, demande une écoute attentive de la part des interprètes, et c’est le cas ici. Soulignons la beauté du Tombeau pour Monsieur de Lully : la viole chante littéralement, et même, elle parle. Un beau disque pour souligner le 350e anniversaire de Marais. IP

Musique orchestrale / Orchestral Music

Leopold Stokowski
and the Philadelphia Orchestra

CD premières of their rarest recordings

Music and Arts CD 1173 (4 CD)

HHHHHH $$$$

Tirés de 78 tours enregistrés entre 1927 et 1940, la maison Music and Arts offre ici le fruit d’une recherche et d’une remasterisation impressionnante. D’abord tubiste, puis organiste, avant de se lancer dans l’aventure de l’arrangement et de la direction, Stokowsky fut, à une époque, le seul chef d’orchestre à porter Vivaldi au disque. La version pour grand orchestre qu’il fit du Concerto Grosso, op. 3 no 11, témoigne bien de la beauté insolite des arrangements de ce chef d’orchestre visionnaire. Cela plusieurs années avant que les Quatre saisons ne reviennent au goût du jour ! Palestrina, Bach, Lully, Byrd et Handel ne sont que quelques-uns des autres compositeurs ayant été revisités dans ses arrangements.

Le coffret va encore plus loin en offrant la Quatrième symphonie de Brahms et même une version « épique » de la Cinquième de Beethoven. Il y a ici beaucoup plus qu’un chapitre d’histoire de l’orchestre. Il y a l’âme de l’entre-deux-guerres et de la crise de 1929. Il y a une esthétique racée, qui en vient à faire admettre aux puristes que cette vieille école du jeu américain est appuyée sur une rhétorique certaine, sur un caractère aussi singulier que démesuré. GB

Musique vocale / Vocal

Haydn

Orlando Paladino

P. Petibon, C. Gerhaher, M. Schade, W. Güra,
M. Hartelius, M. Schäfer, E. von Magnus ; Concentus Musicus Wien / Nikolaus Harnoncourt

Deutsche Harmonia Mundi 82876 73370 2
(2 CD : 146 min 38 s)

HHHHHI $$$$

Cet opéra héroïcomique composé par Haydn en 1782 est peut-être son œuvre lyrique la plus originale. Tiré du Roland furieux de L’Arioste, où l’auteur parodie les mœurs guerrières médiévales, on y voit le chevalier Orlando, neveu de Charlemagne, devenu fou par dépit amoureux à cause de la belle Angelica, laquelle en aime un autre de foi mahométane. Il menace constamment de sévir contre le couple amoureux, qu’il pourchasse par monts et par vaux. Grâce à l’intervention de la sorcière Alcina, tout finira bien, comme il se doit : Orlando recouvrera la raison et Angelica, la paix. Haydn s’amuse avec génie au jeu des apparences et de la réalité. On est tenu sur la ligne de crête d’une caricature ambiguë, mais toujours soutenue par une écriture sûre de ses moyens, et une orchestration fastueuse. Les arias sont d’une étourdissante variété de tons, et certains récitatifs accompagnés sont des bijoux de raffinement. Harnoncourt dirige l’œuvre de main de maître. Le plateau soliste est de premier ordre, quoique Michael Schade (Orlando) et Christian Gerhaher (Rodomonte) semblent devoir se forcer parfois pour venir à bout de leur partie. AL

Tormis

Forgotten Peoples

Paysages d’automne, Chants de la Saint-Jean, Aurore boréale, Chants des jours gras, Chanter sur le navire, Chemin vepses

Musica intima

Atma ACD2 2354 (59 min 56 s)

HHHHII $$$

L’ensemble vocal Musica intima, de Vancouver, est constitué de douze chanteurs professionnels (trois sopranos, trois altos, trois ténors et trois basses). Pour son quatrième disque, l’ensemble a choisi la musique du compositeur estonien Veljo Tormis (né en 1930). Ce dernier, un virtuose de l’écriture pour chœur (il a d’ailleurs presque exclusivement écrit pour la voix), travaille à partir de chants folkloriques. Musica intima s’approprie réellement ces chants et semble avoir autant de plaisir à les chanter qu’on en a à les découvrir. La musique est colorée, imagée, et ces éléments nous sont transmis avec justesse : on voit les Paysages d’automne et les couleurs de l’Aurore boréale. Le son d’ensemble est le résultat d’un véritable travail d’équipe : l’ensemble travaille sans chef, chaque musicien a donc son mot à dire sur les choix esthétiques. Et ces choix sont ici tout à fait intelligents ; il y a quelque chose de la simplicité populaire, de la naïveté, dans l’interprétation. IP

Tragédiennes

Lully, Campra, Rameau, Mondonville, Leclair, Royer et Gluck

V. Gens, soprano ; Les Talens Lyriques / C. Rousset

Virgin 00946 346762 2 9 (70 min 05 s)

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Cette anthologie illustre cent ans d’opéra français, de l’Armide de Lully à celle de Gluck. Admirable parcours, où l’on voit se maintenir et se renouveler la tradition de la déclamation expressive, issue du théâtre classique. À cet égard, les deux Armide étant composées sur le même livret, il est fascinant d’en comparer le passage le plus fameux, où la magicienne renonce à tuer celui qu’elle aime. Véronique Gens propose aussi de nombreux inédits forts intéressants, qui témoignent de tout le répertoire encore à découvrir : ainsi, « Mes yeux, fermez-vous pour jamais », tiré du Carnaval de Venise de Campra, est-il un des moments les plus touchants de ce disque. Par endroit, on pourra reprocher à la chanteuse une pudeur excessive, mais ce récital n’en demeure pas moins un modèle du genre, ne serait-ce que pour l’excellence du style et de la diction. L’orchestre des Talens Lyriques complète le programme de plusieurs pages instrumentales, où il se montre époustouflant (écoutez ces basses !), en particulier dans l’ouverture du Scylla et Glaucus de Leclair. Philippe Gervais

Musique contemporaine/ Contemporary Music

Burt

The Animation of Lists And the Archytan Transpositions

W. Burt, diapasons

XI 130 (129 min 31 s)

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Voici un disque absolument déroutant. Les œuvres sont issues de l’esprit iconoclaste du compositeur australien Warren Burt (1949) et conçues pour un ensemble de diapasons ! Accordés de telle sorte qu’ils couvrent jusqu’à 53 sons différents dans l’intervalle d’un octave, les diapasons de Burt réussissent à nous cajoler les tympans par leur surprenante douceur. Pour l’auditeur curieux et un peu aventureux, cette symphonie de timbres, foisonnante d’éclats de brillance se déclinant en intensités variables et en coloris subtils, mais toujours d’une agréable douceur, se révélera, à force d’écoute, une source de plaisir et, peut-être, un écrin confortable pour la méditation. FC

Coates

Symphonies Nos 1, 7 and 14

Siegerland Orchestra / J. Rotter ; Munich Chamber Orchestra / C. Poppen ; Bavarian Radio Symphony Orchestra / O. Henzold

Naxos 8.559289 (65 min 43 s)

HHHHHI $

La musique de Gloria Coates pourrait être taxée de facilité par l’auditeur qui se contenterait de l’écouter superficiellement. L’usage constant des glissandos, un « truc » très caractéristique d’une certaine époque de la musique contemporaine, peut en effet sembler facile, mais Coates en est certes l’experte et elle l’a expérimenté à toutes les sauces (l’un de ses premiers quatuors à cordes n’était composé que de glissandos). La Symphonie no 14 (2002), sous-titrée Symphonie microtonale, arrive à intégrer de vieux hymnes américains dans l’inextricable tissu de cordes sans cesse montantes et descendantes. La no 1 (1972-73), Music on Open Strings, ajoute aux glissandos l’accord des cordes selon une gamme oritentale (le final donne littéralement le tournis !). Dans la no 7 (1990), Coates appliquait pour la première fois son procédé à un grand orchestre (avec bois et cuivres). Les sonorités qu’elle en tire sont époustoufflantes. Vivement que l’on entende ça à l’OSM ! Réjean Beaucage

Crumb

Songs, Drones, and Refrains of Death

Ensemble New Art / F. Kent

Naxos 8.559290 (54 min 31 s)

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La pièce titre, pour baryton, instruments amplifiés et percussion, date de 1962-68, une époque qui a laissé beaucoup de traces sur les musiques qui nous en restent, mais pas sur celle-ci. Elle est encore originale, surprenante et fraîche, des qualités auxquelles l’interprétation des musiciens du New Art dirigé par Fuat Kent n’est certes pas étrangère. Nicholas Isherwood chante Garcia Lorca avec une maîtrise étonnante, qui force l’attention. Quest, pour guitare (Alexander Swete), contrebasse, saxophone soprano, harpe et percussion date quant à elle de 1994 et pourrait bien avoir hérité de l’apparente éternelle jeunesse des Songs, ou de celle de George Crumb (1929), qui utilise cette étonnante combinaison d’instruments avec une grande efficacité. Chapeau, d’ailleurs, au superviseur de l’enregistrement Andreas Werner, qui nous transporte au milieu d’un désert métaphorique d’une grande beauté. RB

Saariaho

L’œuvre pour violoncelle

A. Descharmes, violoncelle ; J. Fèvre, flûte ;
N. Baldeyrou, clarinette basse

Aeon AECD 0637 (56 min 11 s)

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Musique fragile et intense à la fois, l’œuvre pour violoncelle de la Finlandaise Kaija Saariaho est nimbée d’une mystérieuse beauté. Les titrages poétiques donnent une première impression de fragilité. Petals est une œuvre bercée par la brise légère d’un souffle rêveur. Les Sept Papillons virevoltent, Oi Kuu est un jeu en clair-obscur entre la clarinette basse et le violoncelle, Mirrors est une délicate bluette amusante où la flûte et le violoncelle se renvoient ludiquement les motifs musicaux par l’entremise d’une étonnante variété de moyens (homorythmies, symétries horizontales et verticales, etc.). Spins and Spells est un parcours plein de surprises pour le soliste, alors que Près, une œuvre majeure du répertoire contemporain pour violoncelle, est inspirée de Gauguin (Près de la Mer) et Saint-John Perse (Amers). L’élément aquatique y est omniprésent, autant par la bande électroacoustique, que par l’instrument soliste lui-même, qui s’exécute dans un surprenant florilège de sonorités coulantes, ondoyantes, parfois bruitistes. FC

À quelle heure commence le temps ?

Nouvel Ensemble Moderne / Lorraine Vaillancourt

ATMA ACD2 2376 (70 min)

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Trois œuvres sont ici regroupées. Michael Oesterle offre dans annus mirabilis (2005) « cinq perspectives célébrant l’année miraculeuse d’Albert Einstein » ; il s’agit de l’année 1905, qui vit la naissance de la relativité. Le compositeur ne cherche pas à illustrer les théories d’Einstein, bien que des superpositions de tempi puissent les évoquer, mais offre plutôt un portrait du scientifique. Une musique qui séduit d’emblée par sa variété (ou son mouvement) et son dynamisme. Serge Provost, dans Les ruines du paradis (2004), semble se lancer dans ce qui pourrait être un concerto pour piano, mais utilise bientôt toutes les ressources du NEM qui produit des jeux de timbres très proches de l’électroacoustique. Le monodrame de Gilles Tremblay qui donne son titre au disque et qui remportait le prix Opus de la création de l’année 1999-2000, laisse souvent le baryton-basse Michel Ducharme fin seul, comme le marin perdu en mer qu’il évoque. On n’en goûte que davantage le son de l’ensemble dont Tremblay utilise les couleurs par petits aplats et hachures vives. RB

L’Homme armé

Works for solo cello

M. Zeuthen, violoncelle

Dacapo 8.226007 (64 min 40 s)

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Cet album porte un regard sur la production danoise moderne et contemporaine pour violoncelle. Le thème « L’Homme armé » de Josquin des Prés est repris dans une multitude de variations par l’imaginatif Poul Ruders (né en 1949) dans les justement nommées, Bravour Studies for solo cello over « L’Homme armé ». De la bravoure, il n’en manque pas dans cette série de variations aux textures et atmosphères diverses. Trois sonates de compositeurs-phares de l’école danoise sont aussi proposées : l’une de Per Norgard, une autre de Hans Abrahamsen (toutes deux teintées d’un expressionnisme abstrait adouci par un certain lyrisme) et une, enfin, assez néoclassique, du doyen en présence, Vagn Holboe (1909-1996). D’intéressantes miniatures, diaphanes et économes, nous sont aussi offertes par Karl Aage Rasmussen, Andy Pape, Niels Rosing-Schow et Svend Nielsen. FC

DVD

The La Scala Collection

Adriana Lecouvreur, Attila, La donna del lago,
I vespri Siciliani, I due Foscari, Così fan tutte, Lo frate ‘nnamorato, La Fanciulla del West, Guglielmo Tell, Don Giovanni, Lucia di Lammermoor (live performances ; various artists and conductors)

Opus Arte OA LS3000BD (12 DVDs, 30 h 32 min)

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Though there are still four months to go before Christmas, this release has my vote as the ultimate Yuletide gift for the opera buff. In this beautifully packaged box set are eleven operas on twelve discs, all Teatro alla Scala telecasts on Italian television between 1988 and 1992. It should be noted that all were previously released individually at full price. These performances showcase most – but not all – of the best artists La Scala had to offer at the time. Regrettably no Pavarotti, the biggest star of Italian opera at the time; and Plácido Domingo is represented by a single La Fanciulla del West. One misses the truly gorgeous Zeffirelli productions of La Bohème and La Traviata, released commercially under other labels. Also missing are the Italian warhorses the likes of Aïda, Tosca, and Madama Butterfly, shows that La Scala can do fabulously well. Instead, we have the relatively obscure La donna del lago and Lo frate ‘nnamorato. Basta – rather than dwelling on what is missing, I want to focus on what is here, and it is substantial. There are plenty of performances that give pleasure. Tops on the list are the aristocratic Don Giovanni of Thomas Allen, the plangent-voiced Dick Johnson of Plácido Domingo, and the lovely Adriana Lecouvreur of Mirella Freni, caught in her late prime. Also prominently featured is American soprano Cheryl Studer, who did some of her best work at La Scala before her all-too-early vocal decline. Her Elena in Vespri and Mathilde in the rare Guglielmo Tell show her at her considerable best. Also caught at her best is soprano June Anderson, in another Rossini rarity, La donna del lago. Partnering her are fellow American tenors Rockwell Blake, who doesn’t have the most ingratiating tone, but what coloratura! Another American, Chris Merritt, was more controversial in bel canto. He has since abandoned this repertoire for character tenor roles and contemporary opera.

Seven of the eleven operas in the collection are conducted by its then music director, Riccardo Muti, with two by the octogenarian Gianandrea Gavazzeni, and one each by Lorin Maazel and Stefano Ranzani. In terms of production values, La Scala is sort of the Italian counterpart of the Met – rather old-fashioned in approach and super-lavish in execution, made possible by its huge, state-subsidized resources. The most ‘adventurous’ strokes are the occasional abstractly painted scenery or slide projections of mountains and streams in Guglielmo Tell. With the exception of Tell, each opera fits onto a single disc. As a result, something has to give. The menu options are minimal – only English subtitles and absolutely no bonus material. There is no DTS Surround Sound, something we spoiled armchair opera goers have come to expect. The colours are less vibrant and the picture quality not as sharp, which I suspect is the result of some digital compression. For example, to fit the three-and-a-half hour Così fan tutte onto a single disc, it is slightly cut. Some recitatives, the duet “Al fato da legge quegli occhi’ and the aria ‘Ah lo veggio quell’ anima bella’ are omitted. A curiosity – all La Scala telecasts from this period are devoid of solo curtain calls, possibly due to the tendency of merciless booing of certain artists by the infamous La Scala loggionisti. Kudos to Opus Arte for including the libretti, albeit in Italian only. I can heartily recommend this release, if you don’t have some of the operas already in your collection. Joseph K. So

Puccini

La Bohème

M. Freni, A. Martino, G. Raimondi, R. Panerai ; Chœurs et orchestre du Théâtre de la Scala de Milan / H. von Karajan

Mise en scène : F. Zeffirelli (1965)

Deutsche Grammophon 00440 073 4071 (103 min)

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Alors que se multiplient les versions DVD des piliers du répertoire, le mélomane est confronté au même problème que devant les CD : l’embarras du choix ! Or, ici, il n’y a pas à hésiter : cette production étincelante et inventive qui, en son temps, fit fureur, est une valeur sûre. Ceci dit, le produit date un peu. À l’époque, les projets du genre étaient réalisés sur des plateaux de tournage, comme des films, avec comme résultat la même perfection glacée qui caractérise l’approche studio des enregistrements de musique classique qui faisait alors la norme. De plus, comme il n’était pas question d’enregistrer les voix en même temps qu’on filmait les chanteurs, ceux-ci se voyaient contraints au dilemme ingrat de choisir entre ouvrir la bouche toute grande, comme sur scène, ou la garder à moitié fermée, au naturel. Hélas, que l’on choisisse dans un sens ou dans l’autre, en synchronisation, le résultat est toujours insatisfaisant. Autre problème : le médium tendait à accentuer l’écart entre les bêtes de scène et les comédiens amateurs. C’est ainsi que Martino, une Musetta flamboyante, domine ici toutes les scènes où elle apparaît (y compris celle de la mort de Mimi...), tandis que le jeu de Freni trahit cruellement la débutante. La voix, par contre, est d’une fraîcheur exquise... Il n’est pas jusqu’à Zeffirelli, metteur en scène, mais pas encore cinéaste, qui n’ait, ici et là, quelques difficultés avec l’éclairage ! Bref, un produit de qualité, mais qui a vieilli. Pierre Marc Bellemare

Livres / Books

Mimi Daitz

Ancient Song Recovered: The Life and Music of Veljo Tormis

Pendragon Press / Dimension Diversity Series, no 3, 2004, 368 p. (contient un CD)

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Veljo Tormis est, avec Arvo Pärt, l’un des maîtres de l’école estonienne de chant choral dont les noms, pratiquement inconnus avant la chute du régime soviétique, s’imposent maintenant à l’attention des mélomanes et critiques occidentaux. Il est d’une actualité si récente (en dépit de ses 76 ans bien sonnés !) que, à part les textes d’accompagnement de CD, au demeurant de plus en plus nombreux, l’information manque à son sujet. À cet égard, le livre de Mme Daitz vient combler un vide et de façon spectaculaire, car il a été conçu comme un ouvrage de référence aussi exhaustif que possible. On y retrouve de tout, soit, en plus des biographie, bibliographie, discographie et liste d’œuvres de rigueur, des analyses détaillées de compositions essentielles, un dossier d’entrevues et de textes importants, et même une histoire de l’Estonie et une introduction au regilaul, le genre de chant folklorique qui définit la tradition vocale où s’inscrit Tormis. Le CD d’accompagnement se compose de nombreux fragments d’œuvres et d’œuvres courtes, dont beaucoup sont inédites. Par son style, cette musique rappelle celle de Pärt, mais l’inspiration spirituelle est toute autre. Tandis que Pärt, ces dernières années, cherche à renouer avec la tradition chrétienne, Tormis tente un retour au shamanisme. PMB

Daniel Felsenfeld

Parallel Lives. Benjamin Britten and Samuel Barber. Their lives and their music

Amadeus Press / Music Appreciation, 180 p.
(contient un CD)

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Par sa forme, ce petit ouvrage destiné aux débutants relève du genre des notes d’accompagnement à un enregistrement. En fait, presque la moitié de son contenu (Partie 3, p. 85-172) consiste précisément en des analyses poussées (dans le style Naxos) des divers morceaux du compact complémentaire. Les deux biographies sont agréablement écrites et fourmillent de renseignements de toutes sortes. On regrettera seulement que l’auteur, dans son récit, n’ait pas jugé bon de fournir plus de repères chronologiques à son lecteur. La Partie 2 se compose de deux essais, dont l’un raconte la première désastreuse d’Anthony and Cleopatra, au Met, le 16 septembre 1966, tandis que l’autre aborde, courageusement et presque sans détours, la question scabreuse des tendances appréhendées de Britten à la pédophilie. L’ouvrage comporte une bibliographie, mais pas de discographie ou de catalogue des œuvres, non plus d’ailleurs que les textes complets des pièces chantées. Tous les enregistrements sont extraits du catalogue Naxos. PMB

André Papillon

Index des mélodies de chorals dans l’œuvre de Bach

Les Presses de l’Université Laval, 2006, 150 p.

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On sait que la musique de Bach est intimement liée au chant luthérien et que l’on retrouve des mélodies de chorals dans plusieurs œuvres du compositeur. André Papillon, flûtiste et professeur à la faculté de musique de l’Université Laval, recense dans ce précieux ouvrage tous les chorals utilisés par Johann Sebastian Bach. Faire tenir une somme aussi considérable de travail dans un petit livre d’à peine 150 pages relève du tour de force. D’autant plus que le tout est présenté d’une manière simple et efficace : on peut aisément repérer toutes les mélodies de chorals utilisées dans tel oratorio, telle cantate, telle œuvre pour orgue, et aussi aisément identifier toutes les œuvres où est citée telle mélodie de choral. Cet index est un outil tout indiqué pour approfondir notre connaissance de l’œuvre du compositeur. Une version anglaise a été publiée simultanément, également aux Presses de l’Université Laval, sous le titre Index of Chorale Melodies in the Works of Johann Sebastian Bach. IP

Claude Samuel

Clara S., les secrets d’une passion

Flammarion, 2006, 417 p.

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Claude Samuel, journaliste et critique musical, a déjà fait paraître une dizaine de livres, notamment sur Prokofiev, Messiaen, Ligeti et Boulez. Il se penche cette fois sur Clara Schumann et en propose une « biographie romanesque ». « Romanesque » en quoi ? Au contraire d’un ouvrage musicologique « pur et dur », l’auteur se permet par moment d’imaginer les pensées de sa principale protagoniste (qu’on distingue des véritables mots de Clara grâce à la typographie). Il évite également le vocabulaire trop spécialisé et les exemples musicaux. Mais attention, ce Clara S. n’a rien d’un roman à l’eau de rose. Les pensées imaginées par Claude Samuel demeurent crédibles et cette biographie est bien documentée (l’importante liste des ouvrages consultés en fait foi). On suit le destin mouvementé de la pianiste depuis l’enfance : son apprentissage auprès de son père, sa vie de jeune prodige, puis de virtuose reconnue, l’émergence de son talent de compositrice (qu’elle ne mettra en œuvre qu’avec beaucoup d’humilité, affirmant même à propos d’une de ses œuvres : « Naturellement, cela reste toujours un ouvrage de dame auquel manquent la puissance et, ici et là, l’invention. »), l’histoire d’amour passionnée avec Robert Schumann, sa vie d’épouse dévouée, mère de huit enfants, la maladie de Robert, son internement et les quarante années suivant son décès. À travers son destin, on plonge dans l’esprit romantique et on croise plusieurs de ses grandes figures (Mendelssohn, Paganini, Liszt, Brahms...). IP


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