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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 9 juin 2006

En périphérie... du violon

Par Réjean Beaucage / 7 juin 2006


Au moment où paraîtra ce magazine, le Concours musical international de Montréal sera terminé et l’on connaîtra le nom du lauréat, ou de la lauréate, de cette édition 2006 consacrée au violon. Un nom qui s’inscrira dans l’histoire et dont les magazines comme celui-ci commenteront l’évolution. Le violon, évidemment, reste le symbole par excellence du concept de musique classique et le quatuor à cordes demeure pour de nombreux compositeurs, comme pour de nombreux mélomanes, l’épreuve ultime à laquelle peut se mesurer l’imagination musicale, en raison des possibilités incroyables qu’offre cette formation pourtant fort modeste. Il arrive chaque mois dans nos bureaux un grand nombre d’enregistrements de violonistes célèbres et moins célèbres, nouveaux et anciens, en solo ou autrement. Regard sur quelques arrivages récents.

Béla Bartok: The Six String Quartets

The Fine Arts Quartet

Music & Arts CD-1176 (3 CD: 188 min 12 s)

Le Fine Arts Quartet, fondé en 1946 et dont l’histoire se poursuit aujourd’hui à travers une nouvelle génération d’instrumentistes, peut certes être considéré comme l’un des très bons quatuors américains, et sa discographie est impressionnante. Les six quatuors de Bartok constituent quant à eux un corpus important à plus d’un point. D’abord, leur composition s’étend sur une période de 30 ans qui couvre pratiquement toute la période créatrice du compositeur, le premier datant de 1908, tandis le dernier fut composé en 1939; on peut donc en les écoutant mesurer l’évolution de la forme tout au long de la carrière du compositeur. Ensuite, ils sont de Bartok... L’inspiration des musiques populaires et la recherche de nouvelles avenues s’y heurtent et engendrent des œuvres fortes qui contribueront à inscrire le compositeur parmi les incontournables du XXe siècle. Évidemment, l’enregistrement date de 1959 et, malgré une restauration très professionnelle, cela s’entend. Mais on trouve sur le troisième disque un petit bijou: l’enregistrement des commentaires accompagnant une retransmission télévisée du Fine Arts Quartet interprétant le Quatuor no 1; les membres s’entretiennent avec l’animateur Norman Pellegrini et répondent à ses questions sur l’œuvre. En écoutant ces extraits, on songe avec tristesse à cette époque révolue où l’on pouvait ouvrir la télé et tomber sur Bartok...

Daniel Röhn

Virtuoso Pieces for Violin and Piano

Claves Records 50-2507 (69 min 50 s)

Des institutions comme le CMIM, et de nombreuses autres avant elle, font apparaître chaque année sur le «marché» des instrumentistes plus virtuoses les uns que les autres. Bien sûr, quand on est confronté à 10 ou 20 enregistrements de virtuoses tous, à peu de choses près, aussi valables, la vitesse ne suffit plus, et les critères se multiplient. Le jeu est-il personnel? Trop? Pas assez? L’instrumentiste a-t-il le sens de la dynamique? L’accompagnateur est-il un bon partenaire? Le répertoire est-il bien choisi? Etc. Daniel Röhn, fils et petit-fils de violonistes, qui aura 27 ans en août prochain, ressort du test avec une note très positive. Rapidité, précision, couleur; il a tout bon. La sonorité est belle et le dialogue avec la pianiste Milana Chernyavska est clair. Schubert, Brahms (arrangé par Kreisler), Debussy, Paganini et Waxman sont là, entre autres. Une très belle carte de visite qui démontre la versatilité du violoniste. Ce premier disque n’est certes pas son dernier.

Jewish String Quartets

Milhaud, Binder, Schonthal, Zorn, Secunda

Juilliard String Quartet, Bingham String Quartet, Bochmann String Quartet

Naxos – Milken Archive of American Jewish Music 8.559451 (77 min 43 s)

La collection Milken Archive vise à recueillir la musique des compositeurs d’origine juive dont le thème peut être relié à la vie des communautés juives américaines. La collection compte déjà plus de 40 titres très variés et celui-ci l’est également. On y trouve le premier enregistrement d’une œuvre de 1973, presque oubliée, de Darius Milhaud (décédé en 1974). Ses Études sur des thèmes liturgiques du Comtat Venaissin ne sont pas des plus originales, mais le Juilliard en rend l’écoute fort agréable. L’œuvre qui avait attiré notre attention sur ce disque est celle de John Zorn, Kol Nidre (1996), dont le compositeur a déjà fait paraître lui-même deux enregistrements (et aussi un troisième, en version pour quatuor de clarinettes). Il avouait, ailleurs, une influence du dernier Beethoven et d’Arvo Pärt; à l’écoute en effet, Pärt vient à l’esprit en raison de la lourdeur mélancolique et de la simplicité de l’œuvre (il avouait aussi l’avoir composée en moins de trente minutes...). Ce n’est manifestement pas son œuvre la plus innovatrice, mais elle est prenante, et l’on regrette, à la fin, sa brièveté. L’œuvre la plus intéressante du stricte point de vue musical est sans doute String Quartet no. 3 «In Memoriam Holocaust», écrite en 1997 par la compositrice Ruth Schonthal, et qui sonne, en effet, comme quelque chose ayant été écrit à la fin du XXe siècle.

Yehudi Menuhin (1916-1999)

Concert Magic

EuroArts 2054158 (75 min + 57 min [bonus])

Mendelssohn: Violin Concerto / Encores

EuroArts 2054618 (44 min + 47 min [bonus])

Après Fritz Kreisler (1875-1962) et Jascha Heifetz (1901-1987), le nom de Grand violoniste qui vient à l’esprit est généralement celui de Menuhin (quand il n’est pas le premier). Enfant prodige donnant son premier concert à huit ans et enregistrant son premier disque à 12, Menuhin a été une véritable star du violon. On peut voir pourquoi sur ces documents qui datent tous deux de 1947 et qui sont dus au réalisateur Paul Gordon, qui voulait faire des films-concerts, afin d’offrir à ceux qui n’en avait pas la chance la possibilité d’assister à un concert. Les films valent le coup d’œil, bien sûr, mais le plus intéressant reste sans doute les bonus, durant lesquels, en discussion avec Humphrey Burton, Menuhin commente les séquences filmés 50 ans plus tôt. De nombreuses interprétations (Paganini: Moto perpetuo; Wieniawski: Scherzo-tarantelle; Sarasate: Habanera) sauront tenir en haleine les amateurs de virtuosité extrême.


(c) La Scena Musicale 2002