Jazz
June 7, 2006
PLEINS FEUX SUR LES FESTIVALS
Marc Chénard
Peu importe qu’on soit un averti ou
un pur néophyte, tous savent que l’été est la saison de la «festivalite
aiguë». Côté jazz, bien sûr, le gargantuesque FIJM a régné en
roi et maître pendant 20 ans, mais depuis, d’autres manifestations
ont vu le jour ici en ville, en l’occurrence le Suoni Per il Popolo,
le Off Festival de Jazz et, le plus à part de tous, celui se déroulant
à l’Hôpital général juif de Montréal. Certes, l’offre de concerts
a de quoi faire tourner la tête au plus hardi des mélomanes, mais
pour se retrouver dans ce grand dédale de spectacles, l’équipe jazz
de La Scena Musicale a épluché les programmes, question d’attirer
l’attention sur des concerts d’intérêt. À vous donc de choisir
et à eux… de jouer.
Valeurs sûrs/Sure bets
Marc Chénard
Ravi Coltrane
(FIJM, Salle du Gesù, 29 juin, 22h30)
Chapeautant un trio bien rodé, ce saxo ténor et soprano (fils de l’autre)
joue avec aplomb un jazz qui saura plaire à coup sûr aux amateurs
d’un jazz mainstream de bon aloi.
Écoute: In Flux (Savoy
Jazz)
Trio Derome, Guilbeault, Tanguay
(SUONI, Casa del Popolo, 22 juin, 21h et Off Festival, Lion d’Or,
29 juin, 20h) Trois de nos plus solides jazzmen montréalais qui connaissent
leur jazz sur le bout des doigts, mais qui savent aussi le décliner
au temps présent.
Écoute: The Feeling of Jazz
(Ambiances Jazz)
McCoy Tyner Septet (FIJM, Spectrum,
2 juillet, 18h) L’un des grands pianistes, entouré d’une formation
de grosses pointures (Dave Liebman, Nicholas Payton entre autres) qui
rendront hommage à la célèbre étiquette Impulse des années 60.
Il y aura du Coltrane dans l’air, c’est sûr.
Écoute: Illumination (Tel
Arc Jazz)
Félix-Antoine Hamel
Wayne Shorter Quartet
(FIJM, Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, 1er juillet, 18h)
Avec Danilo Perez (piano), John Patitucci (contrebasse) et Brian Blade
(batterie). Le retour de l’un des groupes les plus constants des dernières
années, que l’on avait déjà vu avec plaisir à Montréal en 2003.
Écoute: Beyond the Sound Barrier
(Verve/Universal)
Romano/Sclavis/Texier
(FIJM, Spectrum, 3 juillet, 22h) Aldo Romano (batterie), Louis Sclavis
(anches) et Henri Texier (contrebasse) ont enregistré ensemble trois
disques sublimes. Une performance qui promet.
Écoute: African Flashback
(Label Bleu)
Free Music Ensemble
(SUONI, Sala Rossa, 20 juin, 21h) Le FME, c’est Ken Vandermark aux
anches, Nate McBride à la contrebasse et Paal Nilssen-Love à la batterie.
Après les avoir entendus secouer la baraque en septembre dernier, on
trépigne déjà de les revoir en action.
Écoute: Voir chronique dans la
section «Au rayon du disque».
Charles Collard
Joe Lovano
(FIJM, Spectrum, 8 juillet, 22h) Avec le pianiste James Weidman, la
jeune bassiste de 22 ans Esperanza Spalding et le batteur Francesco
Mela. Saxophoniste capable de réchauffer les salles les plus guindées,
Lovano s’entourera de trois jeunes talents de la relève.
Écoute: Joyous Encounter
(Blue Note)
Pat Martino (FIJM, Spectrum, 6
juillet, 22h) est un guitariste qui ne cherche pas à séduire par des
effets de surface. Fils du célèbre «crooner» Al Martino, il prouve
assez facilement qu’un fils peut être meilleur que son père!
Écoute: Remember: A Tribute
to Wes Montgomery (Blue Note)
Frank Cassenti (FIJM, Cinémathèque
québécoise, 29 juin au 9 juillet) Hommage à ce musicien et cinéaste,
auteur de près de cent documentaires sur le jazz, dont A Tribute
to Charlie Parker (2005). Deux représentations par jour, à 16h
et à 18h.
Paul Serralheiro
Fire into Music
(SUONI, Salla Rossa, June 19, 9 pm) A combination of master instrumentalists
spearheaded by trombonist Steve Swell with reedman Jemeel Mondoc, and
the stellar rhythm section of bassist William Parker and drummer
Hamid Drake. Free-jazz and beyond to lift the bandstand.
Listening hint: Fire into Music
Live (Ballroom Marfa)
Pharaoh Sanders Quartet (FIJM,
Spectrum, June 30, 10 pm) Jazz legends are now a
dying breed, so don’t miss the chance to see this New Thing pioneer.
Famed for his mid-60s collaborations with John Coltrane, not to overlook
his tenure with Sun Ra’s Arkestra, this tenor player plays both mellow
and hard, but with plenty of soul to spare.
Listening hint: The Creator
Has a Master Plan (Venus)
Dave Turner Quintet
(Off festival, Lion d’Or, June 28, 11 pm) With trombonist Dave Grott,
organist Vanessa Rodrigues, guitarist Michael Berard and drummer Jim
Hillman in tow, Tuner will be sure to please all straight-ahead jazz
lovers with his rich and mellow sound, though not on his usual alto
sax, but rather on the larger baritone, an added incentive for sure.
Listening hint: Midnight Martini
(Justin Time)
Coups d’audace/Bold strokes
Mark Dresser et
Denman Maroney (Off Festival, Lion d’Or, 30 juin, 20h) Le duo
contrebasse-piano réinventé du tout au tout par deux maîtres des
techniques dites étendues de leurs instruments respectifs. De la créativité
musicale de pointe.
Écoute:
Duologues
(Les disques Victo) Marc Chénard
Sun Ra Arkestra (SUONI, Sala Rossa,
6 juin, 21h) Joli coup, en effet, que cette invitation à l’Arkestra,
dirigé par Marshall Allen, saxophoniste et ancien compagnon d’armes
de Ra. De plus, un atelier gratuit avec les musiciens aura lieu le lendemain
à 13h, au même endroit. Apportez vos instruments!
Écoute:
Music for the 21st Century (El Ra Records) Félix-Alexandre Hamel
Bireli Lagrène et le Alain Caron
Big Band
(FIJM, Théâtre Jean-Duceppe, 2 juillet,
19h30) Le guitariste alsacien est le digne descendant de Django, mais
on l’a aussi entendu réussir diverses fusions. Pour le concert de
clôture de la série invitation accordée à ce guitariste, le swing
bohème sera confronté à la puissance du Big Band. Charles Collard
Joëlle Léandre/Matthew Shipp
(FIJM, July 5, Gesù-Centre de créativité, 10h30 pm) An important
force in contemporary improvised music who has made impromptu collaborations
her stock in trade, French double bassist Joëlle Léandre is matched
here with another intrepid improviser, New-York pianist Matthew Shipp.
A most auspicious musical meeting.
Listening hint:
See review in the “Off the Record” section. Paul Serralheiro
Découvertes/Festival finds
Joost Buis and the Astronotes
(FIJM, Musée d’art contemporain, 29 juin, 21h) Dirigé par un fieffé
tromboniste, ce tentet hollandais a tous les ingrédients pour
un spectacle des plus enlevants: swing, humour, saines folies, le tout
semé de solos bien jouissifs.
Écoute: The Astronotes (Data
records, importation hollandaise disponible au concert) Marc Chénard
Dragons
1976 (SUONI, Casa del Popolo, 16 juin, 21h) Ce trio (Aram Shelton au
saxophones alto, Jason Ajemian à la contrebasse, Tim Daisy à la batterie)
aurait pu passer inaperçu dans la programmation du Suoni. Pourtant,
il nous offre sur son seul enregistrement un jazz contemporain nuancé
qui pourrait surprendre ceux qui croyaient détester le free jazz.
Écoute:
Voir chronique dans la section «Au rayon du disque». Félix-Alexandre
Hamel
Stefano Cantini (saxophones) et Rita
Marcotulli (piano) (FIJM, Cabaret Music-Hall, 5 juillet, 21h30)
présentent l’Amico del Vento, accompagnés par un accordéoniste
et un quatuor à vent. Un jazz post-impressionniste subtil et châtoyant.
Écoute:
Voir chronique dans la section «Au Rayon du disque». Charles Collard
The Thing, with Joe McPhee (SUONI,
June 18, La Sala Rosa, 8 pm) For those who tire of the tried and true,
check out this foursome made up of the Scandinavian trio of Mats Gustafsson,
reeds, Paal Nielssen-Love, drums, Ingebright H. Flaten, bass, and the
American multi-instrumentalist McPhee, guesting for one set. If you’ve
never seen McPhee, this match-up promises to be explosive.
listening hint: See review in
the “Off the Record” section. Paul Serralheiro
Making the Link between
Music + Medicine
(Montreal’s Fourth Jazz Festival)
Paul Serralheiro
While many Montrealers and tourists are
out in hordes at the downtown jazz festivals, others cannot enjoy such
creative abandon because they are bedridden. But for seven years now,
music therapist and local reed player Bryan Highbloom has been bringing
the festival fervor to the sick. “Medicine and Jazz are the same:
it’s all improvised. You can’t predict things before they happen.
Everybody here improvises," Highbloom told LSM recently. "I’m
trying to make this link between music and medicine.” The idea for
the event, which takes place at the Jewish General Hospital, is to duplicate,
for the patients, the atmosphere of the Montreal International Jazz
Festival. Musicians appear on a voluntary basis. “It’s not about
you as a musician; it’s about you as a person,” Highbloom states.
One year, drummer Jack De Johnette came. This year’s JGH Jazz features
a variety of events from June 27-30 and July 4-7th: an outdoor concert
series, a music research series, a film series and a DJ series. With
the goal to “provide something to the patients,” the music making
is varied, from the more conventional to the outright experimental.
“No matter how heavy people play,” says Highbloom, “people are
always appreciative.” Info: www.jgh.ca 514 340-8222 x 2895
Relève
Up and comers
Nicolas Trottier Big Band (Off
Festival, Lion d’Or, 2 juillet, 23h) Récipiendaire l’an dernier
du prix décerné par la Guilde des musiciens à un jeune musicien,
le tromboniste Nicolas Trottier présente une suite en quatre mouvements
commandée par le festival pour son concert de clôture, le dernier
mouvement étant une dédicace au regretté François Marcaurelle. Une
grande formation entièrement constituée de jeunes musiciens. The
future is now. Marc Chénard
Philippe Lauzier (Off Festival,
Quai des Brumes, 24 juin, 17h) Un jeune saxophoniste et compositeur
en trio avec Miles Perkin (contrebasse) et Robbie Kuster (batterie).
Écoute:
voir chronique dans la section «Au rayon du disque»
Chet Doxas, en première partie
de Wayne Shorter (FIJM, Théâtre Maisonneuve de la PdA, 1er juillet,
8h) Voir profil de ce musicien dans notre dossier «relève» du mois
d’avril.
Écoute:
Sidewalk Etiquette (Justin Time) Félix-Antoine Hamel
Miles Perkin: Common Thread (Off
Festival, June 30, Lion d’Or, 11 pm) Jazz with a contemporary urban
flavour, deftly delivered by Montreal bassist Perkin and his equally
savvy colleagues, reedist Chet Doxas and Eric Hove, pianist Josh Rager
on piano and drummer Thom Gossage.
Listening hint:
Common Thread (Ombù) Paul Serralheiro
Alexandre Grogg et le trio Steppe
(Off Festival, O’Patro Vys, 27 juin, 21h30) Avec Clinton Ryder à
la contrebasse et Isaiah Ceccarelli. Un jeune pianiste de la relève
à surveiller qui présente ici, en première, sa nouvelle formation.
Écoute:
Jardin d’exil – avec l’Ensemble en pièces (Ambiances jazz)
Isaiah Ceccarelli
(Off Festival, O’Patro Vys, 28 juin, 2h30) Un jeune batteur et compositeur
à la fine pointe du jazz actuel. Six musiciens, dont Jean Derome et
Frank Lozano, auront pour mission de développer une avant-garde riche
en couleurs, inspirée par les cultures du terroir français.
Écoute:
Disque de cet ensemble à paraître cet automne sur Ambiances Magnétiques.
Charles Collard
Mentions spéciales
Honourable mentions
Jean Michel Pilc (FIJM, Chapelle
historique du Bon-Pasteur, 7 juillet, 17h et 22h)
Voir chronique de ce disque dans la section
«Au rayon du disque»
Sylvie Courvoisier et Ben Perowsky
(Off festival, Lion d’Or, 28 juin, 20h) Après un franc succès à
l’Off l’an dernier, retour de cette pianiste helvétique vivant
à New York, cette fois avec le batteur Ben Perowsky. Marc Chénard
Don Byron (FIJM, Gesù, 8 juillet,
22h30) Un trio original qui pourrait surprendre. Écoute: Ivey-Divey
(Blue Note)
Pour nos lecteurs de l’Outaouais et
pour ceux qui seront dans cette région cet été, mentionnons aussi
le Festival international de jazz d’Ottawa, qui se tiendra du 22 juin
au 2 juillet. Quelques suggestions: Sonny Fortune et Rashied Ali (24
juin), le saxophoniste/clarinettiste Alberto Pinton (26 juin) et le
quartette du pianiste Vijay Iyer, avec le saxophoniste Rudresh Mahanthappa
(28 juin). Félix-Antoine Hamel
Enrico Pieranunzi, Ada Montellanico,
Paul McCandles (FIJM, 5e salle de la PdA, 8 juillet, 19h30) Voir
chronique du disque dans la section «Au rayon du disque».
Baptiste Trotignon (FIJM, Chapelle historique
du Bon-Pasteur, 6 juillet, 17h et 20h)
Poésie & musique libre (Off Festival,
Lion d’Or, 24 juin, 20h) Charles Collard
Yusef Lateef and Stephane and Lionel
Belmondo (FIJM, July 1, Gesù-Centre de créativité, 10:30 pm).
Paul Serralheiro
JAZZ
Au rayon du disque
Off the Record
Ada Montellanico et Enrico Pieranunzi:
Danza di una ninfa
Egea SCA 121
****
Cet album est une plongée dans le passé
de la variété italienne des années 60. Si le nom de Luigi Tenco a
relativement peu d’échos en Amérique, en Italie il est devenu l’objet
d’un véritable culte. Ayant fait ses débuts en jazz, cet artiste
était autant un grand musicien qu’un grand écrivain, bien qu’il
mit fin à ses jours en 1967, victime d’un malaise existentiel ou
du manque de reconnaissance publique. Ce n’est pas pour rien qu’un
connaisseur comme Enrico Pieranunzi a vu en Tenco une sensibilité proche
de la sienne. Les interprétations nuancées de la chanteuse Ada Montellanico
laissent entrevoir les déchirures de l’artiste alors que le pianiste
Pieranunzi, qui signe tous les arrangements, en a relevé les moindres
subtilités, exprimant tous les états d’âme de l’artiste défunt.
Signalons enfin la participation du joueur d’anches Paul McCandles
(du groupe Oregon) et de quatre autres accompagnateurs (en plus d’un
quatuor à cordes sur trois des dix plages). Délaissant toute fioriture,
ces artistes nous offrent un disque assez bouleversant. Charles Collard
FME: Cuts
OkkaDisk OD12061
****
Le Free Music Ensemble est l’un des
nombreux groupes de Ken Vandermark, un trio comprenant le contrebassiste
Nate McBride (qui fait aussi partie de Spaceways Inc. et de Tripleplay)
et le batteur suédois Paal Nilssen-Love (membre du quintette Atomic
et de School Days). « Cuts », qui date de l’an dernier,
est leur troisième album. Vandermark joue beaucoup sur les contrastes
ici, comme on peut le constater dès la première pièce, Other Side
Up/Boadas (dédiée à Joan Miró); après un assaut féroce en
ouverture, avec un Vandermark explosif au baryton, cette plage se clôt
sur un thème chantant, exposé à la clarinette. Nilssen-Love démontre
constamment qu’il est l’un des batteurs les plus doués et stimulants
de la scène actuelle, notamment dans ses variations à la fin de la
deuxième pièce, Necessary?/Reset/Slip, et dans Broken (Sentence)
Broken, lorsque le trio arrive peu à peu à un groove irrésistible.
McBride cimente l’ensemble efficacement, et Vandermark utilise ténor,
baryton, clarinette et clarinette basse judicieusement. Un autre excellent
Vandermark pour vos tablettes. Félix-Antoine Hamel
Thom Gossage Other Voices: Five
Effendi FND 63
****
Pour son troisième disque, la formation
jazzistique montréalaise placée sous la férule du batteur Thom Gossage
marque ici une nouvelle étape dans sa démarche artistique singulière.
Influencé par une certaine musique avant-garde new-yorkaise (on pense
ici à Tim Berne), le batteur et compositeur du groupe nous offre des
pièces parfois très ouvertes (la première, Onus, semble être
une improvisation structurée athématique), parfois minimalistes répétitives
(la seconde, Ya Ya in Ha Ha, au rythme africain et sans improvisation).
Chaotique et heurtée à certains moments (la pièce d’ouverture),
planante ailleurs (à la toute fin du disque), ou tombant dans un groove
presque rigide (February, la sixième plage), cette musique d’une
grande imprévisibilité bouscule les conventions. À la première écoute,
l’auditeur devra, à l’instar des musiciens, se frayer un chemin
dans ce labyrinthe sonore qui, en dépit de sa diversité, arrive à
une certaine unité après les huit plages et quelque 65 minutes de
temps d’écoute. Pour la témérité, on accordera quatre étoiles,
pour les résultats, disons trois et demie. Marc Chénard
Joëlle Léandre: At the Le Mans Jazz
Festival
Leo CDLR458/459
*****
There is so much to discover on this
twin-CD offering that capture the virtuosic improvising French bassist,
heard here in five different settings and with a bevy of like-minded
and equally-skilled musicians. Léandre thrives on improvised encounters,
and the variety here shows off her talents wonderfully, starting with
the trio of Léandre, vocalist Maggie Nicols and Irene Schweitzer on
piano. This is followed by a brawny three-piece tête-à-tête with
fellow bassist William Parker. Her set with violinist India Cook is
especially noteworthy, as the two improvisers share a steady flow of
fresh ideas for nearly 20 minutes. The trio with Mark Nauseef on percussion
and Markus Stockhausen on trumpet yields a reflective kind of contemporary
chamber music, while the quartet with Paul Lovens on percussion/drums,
Sebi Tramontana, trombone, Carlos Zingaro on violin has a world-music
tinge. All of these improvisations provide the listener with delights
of the “third stream” kind, proving that, contrary to common belief,
the genre never died. Paul Serralheiro
Dragons 1976: On Cortez
Locust Music CD48
****
Sous ce nom quelque peu énigmatique
(en fait, l’année de naissance des musiciens) se cache un trio de
Chicago formé du saxophoniste alto Aram Shelton, du contrebassiste
Jason Ajemian et du batteur Tim Daisy. Pour ceux qui connaissent la
scène musicale de cette ville, on pourrait s’attendre à un free
jazz musclé du genre auquel nous a habitués Ken Vandermark, mais cette
formation semble avoir fait le pari d’une musique plus subtile. D’entrée
de jeu, on sent que Shelton est un musicien qui prête une attention
particulière au côté mélodique des choses ; dans les pièces plus
corsées (Felt et le coltranien Humboldt), il n’a jamais
recours aux procédés extatiques typés des saxophonistes « free ».
Ajemian et Daisy, pour leur part, appuient l’altiste avec leur flair
habituel tout au long de cet album de jazz contemporain qui pourrait
même plaire aux esprits plus réfractaires. Notons qu’un second disque
(intitulé Winter Break, prévu pour cet automne) se situe aussi
dans la lancée du disque chroniqué ici, introduisant un langage plus
agressif à certains endroits et, pour une pièce, des petites touches
électroniques. Félix-Antoine Hamel
Chris Potter: Underground
Universal 9835155
****
The main attraction of Underground
is definitely Potter’s command of the tenor saxophone. From edgy,
bursting-at-the-seams playing, to modal atmospherics, to lush ballad
playing, Potter is always poised and expressive. The power of his sound
comes through right from the opener’s (“Next Best Western”) contemporary,
odd meter prance. In “Nudnik” it is served on a bed of funky guitar
and electric piano groove, provided by Wayne Krantz and Craig Taborn,
along with drummer Nate Smith (no bassist on this date). Although the
saxophonist’s melodic conception comes a little too close to “easy-listening”
mannerisms at times, this is counterbalanced by the challenging rhythmic
displacements and metrical changes, most notable on. “Big Top” and
“The Wheel.” Billy Strayhorn’s “Lotus Blossom” and the Kenny
Wheeler-esque “Morning Bell” show the leader’s subtle and velvety
ballad playing, as does the closer, the Beatles’ “Yesterday,”
a rendition he manages to elevate to the status of a bona fide slow-tempo
standard. Paul Serralheiro
The Thing: Live at Bla
Smalltown Supersound STSJ099CD
****
This live set is intensity personified,
as the Norwegian trio of reeds player Mats Gustafsson, bassist Ingebright
Haker Flaten and drummer Paal Nilssen-Love dig in on two triptychs made
up of themes by, among others, free jazz artists Joe McPhee (“Old
Eyes”), Don Cherry (“Awake Nu”) and David Murray (“Dewey’s
Circle”). After theme statements and a saw-toothed opening tenor solo,
the trio take turns soloing, with unorthodox accompaniment, such as
searing bleats from Gustafsson’s tenor, Flaten’s flapping, scraping
or humming arco bass, and the harsh explosions of cymbals. All
three musicians stretch the limits of their instruments, coaxing sounds
and textures of all sorts with extended techniques, but balancing these
with lyrical, lulling moments. With sets clocking in at 28:13 and 36:31,
listeners are offered arcing forms with lots of development and variety.
An appreciative crowd response reminds us that this is music that must
be seen to be believed. Paul Serralheiro
Jean-Michel Pilc: Live at Iridium,
New York
Dreyfus Jazz 36-677-2
****
Pianiste français établi à New York,
Jean-Michel Pilc a fait sa marque comme interprète imaginatif du répertoire
des standards. Doué d’une technique éblouissante, il fait preuve
de beaucoup d’intelligence et réussit à nous surprendre par des
tournures ingénieuses. Outre un pot-pourri monkien et le Spiritual
de Coltrane, Pilc nous offre surtout ses propres compositions, soit
neuf des quatorze titres au programme. À deux cheveux des onze minutes,
son No Print en ouverture est une excursion de grand panache,
tout comme les trois thèmes de Monk enfilés sans interruption. Mais
ce n’est pas de la haute voltige de bout en bout, car il y a des moments
fort sobres et d’une maturité exemplaire (Moonlight with M
joué en solo). À ses côtés, le batteur britannique Mark Mondésir
(jadis avec Courtney Pine) est tout aussi impressionnant alors que le
bassiste Thomas Bramerie est de béton. Salué au festival de jazz en
2001, Pilc revient le 7 juillet, cette fois-ci en solo. Compte tenu
de ses habiletés, il ne sera certes pas gêné du tout par l’absence
d’accompagnateurs. Marc Chénard
Stefano Cantini, Rita Marcotulli:
L’Amico el vento
Egea SCA 120
***
Enregistré en 2005 pour le compte du
label italien Egea, ce disque présente le saxophoniste Stefano Cantini
et la pianiste Rita Marcotulli, accompagnés de Raffaello Pareti à
la contrebasse et du quatuor à cordes Arkê. L’essentiel du disque
repose sur des sonorités aux accents classiques, qui bifurquent vers
un sentimentalisme «nouvel-âge». Il s’agit donc d’une esthétique
de musique de chambre et les arrangements pour cordes de Mauro Grossi
sont certes très honorables, mais il reste à savoir si la musique
jouée ici est du jazz. On s’étonne de retrouver Rita Marcotulli
dans ce contexte. Depuis les années 80, cette pianiste se produit avec
le gotha du jazz (Joe Lovano, Michel Portal, Dewey Redman) et a enregistré
une vingtaine d’albums avec eux ou sous son nom. Toutefois, elle s’illustre
dans son solo Interludio avec un jeu lyrique d’une exquise
simplicité et la reprise en duo du thème de Brubeck In Your own
Sweet Way. Évoquant la nostalgie d’un automne en Toscane, cette
musique nous fait penser à de jolies cartes postales. Charles Collard
Dom Minasi Trio: Goin’ Out Again
CDN Records 1002
****
There are some musicians whose approach
may be perplexing at first listening, and guitarist Dom Minasi is surely
one of them. A veteran plectrist, who nevertheless dropped out of the
scene for 20 some years, he returned in 2001 with “Takin’ the Duke
Out”, a live date where he in effect turned some of the maestro’s
beloved themes not inside but definitely out. In 2003, he and his trio
mates (bassist Ken Filliano and drummer Jackson Krall, the latter having
worked with Cecil Taylor) presented a balanced program of four originals
and four standards. Old evergreens like “Autumn Leaves”, “All
Blues”, “On Green Dolphin Street” and “Well You Needn’t“
are put in the blender and by mid-track, few would know what tune is
being referenced. And my, does he love making frenzied runs over his
fretboard! Also worth noting, he uses no effects whatsoever, and his
sound is round, even muffled. While his roots are unquestionably mainstream,
he seems definitely inclined towards the camp of the outcats (like his
sidemen), A name worth checking out live, like on the final evening
the FIJM (9 pm at the Museum of Contemporary Art). Marc Chénard
Philippe Lauzier/Miles Perkin/Robbie
Kuster: Today is a Special Day
Ambiances Magnétiques AM 149 CD
****
Le label montréalais Ambiances Magnétiques
continue sa série Jazz avec ce jeune trio, dirigé par le saxophoniste
Philippe Lauzier. Auteur de la majorité des thèmes, Lauzier a aussi
adapté deux pièces tirées des Mikrokosmos
de Bartók, et le contrebassiste Miles Perkin contribue de deux compositions.
Si l’album commence de façon plutôt polie, l’usage de la clarinette
basse et du soprano varie judicieusement le son, et dès la quatrième
piste, Broken Glass, le groupe explore un terrain un peu plus
glissant. Les deux pièces de Bartók fonctionnent très bien dans ce
contexte et rappellent celles du trio Romano/Sclavis/Texier. Un petit
bémol: les pièces, plutôt courtes, ne permettent pas au groupe de
vraiment « faire lever » le tout, quoique la batterie de Kuster sur
la finale Ivresse (un thème qui rappelle un peu Thomas Chapin)
laisse entrevoir un autre registre. Un quatre étoiles pour un début
prometteur. Félix-Antoine Hamel
Les Projectionnistes: Vu
Rif RIF-02
***
Les Projectionnistes est le groupe formé
il y a dix ans par le tromboniste Claude St-Jean, qui s’est produit
lors de spectacles d’improvisation musicale accompagnant des films
muets surréalistes. Le concept développé par les musiciens est celui
d’une construction structurée en blocs homogènes où l’ensemble
prime sur les voix individuelles. Ce faisant, le concept du solo se
démarque donc assez nettement de celui du jazz standard. L’amour
du cinéma, un mariage heureux de cuivres mordants et de rock progressif
sont de parfaits appuis pour Claude St-Jean et ses camarades, comme
le confirme ce dernier CD gravé en studio. À noter cependant, le dernier
titre, Digestif, est en fait une improvisation collective, captée
au Festival des musiques de création à Jonquière en mai 2004. De
bout en bout, les musiques de cet ensemble sont d’une tonicité et
d’un humour contagieux. Le leader est en excellente compagnie avec
les saxophonistes Pierre Labbé et Roberto Murray, le guitariste Bernard
Falaise, le bassiste Tommy Babin et le batteur Rémi Leclerc. Tout se
tient dans ce panorama varié qui comprend douze titres assez accrocheurs.
[En concert, le 26 juin à 17h, dans le cadre du OFF festival] Charles
Collard |
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