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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 9 June 2006

Jazz

June 7, 2006


PLEINS FEUX SUR LES FESTIVALS

Marc Chénard

Peu importe qu’on soit un averti ou un pur néophyte, tous savent que l’été est la saison de la «festivalite aiguë». Côté jazz, bien sûr, le gargantuesque FIJM a régné en roi et maître pendant 20 ans, mais depuis, d’autres manifestations ont vu le jour ici en ville, en l’occurrence le Suoni Per il Popolo, le Off Festival de Jazz et, le plus à part de tous, celui se déroulant à l’Hôpital général juif de Montréal. Certes, l’offre de concerts a de quoi faire tourner la tête au plus hardi des mélomanes, mais pour se retrouver dans ce grand dédale de spectacles, l’équipe jazz de La Scena Musicale a épluché les programmes, question d’attirer l’attention sur des concerts d’intérêt. À vous donc de choisir et à eux… de jouer.

Valeurs sûrs/Sure bets

Marc Chénard

Ravi Coltrane

(FIJM, Salle du Gesù, 29 juin, 22h30) Chapeautant un trio bien rodé, ce saxo ténor et soprano (fils de l’autre) joue avec aplomb un jazz qui saura plaire à coup sûr aux amateurs d’un jazz mainstream de bon aloi.

Écoute: In Flux (Savoy Jazz)

Trio Derome, Guilbeault, Tanguay (SUONI, Casa del Popolo, 22 juin, 21h et Off Festival, Lion d’Or, 29 juin, 20h) Trois de nos plus solides jazzmen montréalais qui connaissent leur jazz sur le bout des doigts, mais qui savent aussi le décliner au temps présent.

Écoute: The Feeling of Jazz (Ambiances Jazz)

McCoy Tyner Septet (FIJM, Spectrum, 2 juillet, 18h) L’un des grands pianistes, entouré d’une formation de grosses pointures (Dave Liebman, Nicholas Payton entre autres) qui rendront hommage à la célèbre étiquette Impulse des années 60. Il y aura du Coltrane dans l’air, c’est sûr.

Écoute: Illumination (Tel Arc Jazz)

Félix-Antoine Hamel

Wayne Shorter Quartet (FIJM, Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, 1er juillet, 18h) Avec Danilo Perez (piano), John Patitucci (contrebasse) et Brian Blade (batterie). Le retour de l’un des groupes les plus constants des dernières années, que l’on avait déjà vu avec plaisir à Montréal en 2003.

Écoute: Beyond the Sound Barrier (Verve/Universal)

Romano/Sclavis/Texier (FIJM, Spectrum, 3 juillet, 22h) Aldo Romano (batterie), Louis Sclavis (anches) et Henri Texier (contrebasse) ont enregistré ensemble trois disques sublimes. Une performance qui promet.

Écoute: African Flashback (Label Bleu)

Free Music Ensemble (SUONI, Sala Rossa, 20 juin, 21h) Le FME, c’est Ken Vandermark aux anches, Nate McBride à la contrebasse et Paal Nilssen-Love à la batterie. Après les avoir entendus secouer la baraque en septembre dernier, on trépigne déjà de les revoir en action.

Écoute: Voir chronique dans la section «Au rayon du disque».

Charles Collard

Joe Lovano (FIJM, Spectrum, 8 juillet, 22h) Avec le pianiste James Weidman, la jeune bassiste de 22 ans Esperanza Spalding et le batteur Francesco Mela. Saxophoniste capable de réchauffer les salles les plus guindées, Lovano s’entourera de trois jeunes talents de la relève.

Écoute: Joyous Encounter

(Blue Note)

Pat Martino (FIJM, Spectrum, 6 juillet, 22h) est un guitariste qui ne cherche pas à séduire par des effets de surface. Fils du célèbre «crooner» Al Martino, il prouve assez facilement qu’un fils peut être meilleur que son père!

Écoute: Remember: A Tribute to Wes Montgomery (Blue Note)

Frank Cassenti (FIJM, Cinémathèque québécoise, 29 juin au 9 juillet) Hommage à ce musicien et cinéaste, auteur de près de cent documentaires sur le jazz, dont A Tribute to Charlie Parker (2005). Deux représentations par jour, à 16h et à 18h.

Paul Serralheiro

Fire into Music (SUONI, Salla Rossa, June 19, 9 pm) A combination of master instrumentalists spearheaded by trombonist Steve Swell with reedman Jemeel Mondoc, and the stellar rhythm section of bassist William Parker and drummer Hamid Drake. Free-jazz and beyond to lift the bandstand.

Listening hint: Fire into Music Live (Ballroom Marfa)

Pharaoh Sanders Quartet (FIJM, Spectrum, June 30, 10 pm) Jazz legends are now a dying breed, so don’t miss the chance to see this New Thing pioneer. Famed for his mid-60s collaborations with John Coltrane, not to overlook his tenure with Sun Ra’s Arkestra, this tenor player plays both mellow and hard, but with plenty of soul to spare.

Listening hint: The Creator Has a Master Plan (Venus)

Dave Turner Quintet (Off festival, Lion d’Or, June 28, 11 pm) With trombonist Dave Grott, organist Vanessa Rodrigues, guitarist Michael Berard and drummer Jim Hillman in tow, Tuner will be sure to please all straight-ahead jazz lovers with his rich and mellow sound, though not on his usual alto sax, but rather on the larger baritone, an added incentive for sure.

Listening hint: Midnight Martini (Justin Time)

Coups d’audace/Bold strokes

Mark Dresser et Denman Maroney (Off Festival, Lion d’Or, 30 juin, 20h) Le duo contrebasse-piano réinventé du tout au tout par deux maîtres des techniques dites étendues de leurs instruments respectifs. De la créativité musicale de pointe.

Écoute: Duologues

(Les disques Victo) Marc Chénard

Sun Ra Arkestra (SUONI, Sala Rossa, 6 juin, 21h) Joli coup, en effet, que cette invitation à l’Arkestra, dirigé par Marshall Allen, saxophoniste et ancien compagnon d’armes de Ra. De plus, un atelier gratuit avec les musiciens aura lieu le lendemain à 13h, au même endroit. Apportez vos instruments!

Écoute: Music for the 21st Century (El Ra Records) Félix-Alexandre Hamel

Bireli Lagrène et le Alain Caron Big Band

(FIJM, Théâtre Jean-Duceppe, 2 juillet, 19h30) Le guitariste alsacien est le digne descendant de Django, mais on l’a aussi entendu réussir diverses fusions. Pour le concert de clôture de la série invitation accordée à ce guitariste, le swing bohème sera confronté à la puissance du Big Band. Charles Collard

Joëlle Léandre/Matthew Shipp (FIJM, July 5, Gesù-Centre de créativité, 10h30 pm) An important force in contemporary improvised music who has made impromptu collaborations her stock in trade, French double bassist Joëlle Léandre is matched here with another intrepid improviser, New-York pianist Matthew Shipp. A most auspicious musical meeting.

Listening hint: See review in the “Off the Record” section. Paul Serralheiro

Découvertes/Festival finds

Joost Buis and the Astronotes (FIJM, Musée d’art contemporain, 29 juin, 21h) Dirigé par un fieffé tromboniste, ce tentet hollandais a tous les ingrédients pour un spectacle des plus enlevants: swing, humour, saines folies, le tout semé de solos bien jouissifs.

Écoute: The Astronotes (Data records, importation hollandaise disponible au concert) Marc Chénard

Dragons 1976 (SUONI, Casa del Popolo, 16 juin, 21h) Ce trio (Aram Shelton au saxophones alto, Jason Ajemian à la contrebasse, Tim Daisy à la batterie) aurait pu passer inaperçu dans la programmation du Suoni. Pourtant, il nous offre sur son seul enregistrement un jazz contemporain nuancé qui pourrait surprendre ceux qui croyaient détester le free jazz.

Écoute: Voir chronique dans la section «Au rayon du disque». Félix-Alexandre Hamel

Stefano Cantini (saxophones) et Rita Marcotulli (piano) (FIJM, Cabaret Music-Hall, 5 juillet, 21h30) présentent l’Amico del Vento, accompagnés par un accordéoniste et un quatuor à vent. Un jazz post-impressionniste subtil et châtoyant.

Écoute: Voir chronique dans la section «Au Rayon du disque». Charles Collard

The Thing, with Joe McPhee (SUONI, June 18, La Sala Rosa, 8 pm) For those who tire of the tried and true, check out this foursome made up of the Scandinavian trio of Mats Gustafsson, reeds, Paal Nielssen-Love, drums, Ingebright H. Flaten, bass, and the American multi-instrumentalist McPhee, guesting for one set. If you’ve never seen McPhee, this match-up promises to be explosive.

listening hint: See review in the “Off the Record” section. Paul Serralheiro

Making the Link between

Music + Medicine

(Montreal’s Fourth Jazz Festival)

Paul Serralheiro

While many Montrealers and tourists are out in hordes at the downtown jazz festivals, others cannot enjoy such creative abandon because they are bedridden. But for seven years now, music therapist and local reed player Bryan Highbloom has been bringing the festival fervor to the sick. “Medicine and Jazz are the same: it’s all improvised. You can’t predict things before they happen. Everybody here improvises," Highbloom told LSM recently. "I’m trying to make this link between music and medicine.” The idea for the event, which takes place at the Jewish General Hospital, is to duplicate, for the patients, the atmosphere of the Montreal International Jazz Festival. Musicians appear on a voluntary basis. “It’s not about you as a musician; it’s about you as a person,” Highbloom states. One year, drummer Jack De Johnette came. This year’s JGH Jazz features a variety of events from June 27-30 and July 4-7th: an outdoor concert series, a music research series, a film series and a DJ series. With the goal to “provide something to the patients,” the music making is varied, from the more conventional to the outright experimental. “No matter how heavy people play,” says Highbloom, “people are always appreciative.” Info: www.jgh.ca 514 340-8222 x 2895

Relève

Up and comers

Nicolas Trottier Big Band (Off Festival, Lion d’Or, 2 juillet, 23h) Récipiendaire l’an dernier du prix décerné par la Guilde des musiciens à un jeune musicien, le tromboniste Nicolas Trottier présente une suite en quatre mouvements commandée par le festival pour son concert de clôture, le dernier mouvement étant une dédicace au regretté François Marcaurelle. Une grande formation entièrement constituée de jeunes musiciens. The future is now. Marc Chénard

Philippe Lauzier (Off Festival, Quai des Brumes, 24 juin, 17h) Un jeune saxophoniste et compositeur en trio avec Miles Perkin (contrebasse) et Robbie Kuster (batterie).

Écoute: voir chronique dans la section «Au rayon du disque»

Chet Doxas, en première partie de Wayne Shorter (FIJM, Théâtre Maisonneuve de la PdA, 1er juillet, 8h) Voir profil de ce musicien dans notre dossier «relève» du mois d’avril.

Écoute: Sidewalk Etiquette (Justin Time) Félix-Antoine Hamel

Miles Perkin: Common Thread (Off Festival, June 30, Lion d’Or, 11 pm) Jazz with a contemporary urban flavour, deftly delivered by Montreal bassist Perkin and his equally savvy colleagues, reedist Chet Doxas and Eric Hove, pianist Josh Rager on piano and drummer Thom Gossage.

Listening hint: Common Thread (Ombù) Paul Serralheiro

Alexandre Grogg et le trio Steppe (Off Festival, O’Patro Vys, 27 juin, 21h30) Avec Clinton Ryder à la contrebasse et Isaiah Ceccarelli. Un jeune pianiste de la relève à surveiller qui présente ici, en première, sa nouvelle formation.

Écoute: Jardin d’exil – avec l’Ensemble en pièces (Ambiances jazz)

Isaiah Ceccarelli (Off Festival, O’Patro Vys, 28 juin, 2h30) Un jeune batteur et compositeur à la fine pointe du jazz actuel. Six musiciens, dont Jean Derome et Frank Lozano, auront pour mission de développer une avant-garde riche en couleurs, inspirée par les cultures du terroir français.

Écoute: Disque de cet ensemble à paraître cet automne sur Ambiances Magnétiques. Charles Collard

Mentions spéciales

Honourable mentions

Jean Michel Pilc (FIJM, Chapelle historique du Bon-Pasteur, 7 juillet, 17h et 22h)

Voir chronique de ce disque dans la section «Au rayon du disque»

Sylvie Courvoisier et Ben Perowsky (Off festival, Lion d’Or, 28 juin, 20h) Après un franc succès à l’Off l’an dernier, retour de cette pianiste helvétique vivant à New York, cette fois avec le batteur Ben Perowsky. Marc Chénard

Don Byron (FIJM, Gesù, 8 juillet, 22h30) Un trio original qui pourrait surprendre. Écoute: Ivey-Divey (Blue Note)

Pour nos lecteurs de l’Outaouais et pour ceux qui seront dans cette région cet été, mentionnons aussi le Festival international de jazz d’Ottawa, qui se tiendra du 22 juin au 2 juillet. Quelques suggestions: Sonny Fortune et Rashied Ali (24 juin), le saxophoniste/clarinettiste Alberto Pinton (26 juin) et le quartette du pianiste Vijay Iyer, avec le saxophoniste Rudresh Mahanthappa (28 juin). Félix-Antoine Hamel

Enrico Pieranunzi, Ada Montellanico, Paul McCandles (FIJM, 5e salle de la PdA, 8 juillet, 19h30) Voir chronique du disque dans la section «Au rayon du disque».

Baptiste Trotignon (FIJM, Chapelle historique du Bon-Pasteur, 6 juillet, 17h et 20h)

Poésie & musique libre (Off Festival, Lion d’Or, 24 juin, 20h) Charles Collard

Yusef Lateef and Stephane and Lionel Belmondo (FIJM, July 1, Gesù-Centre de créativité, 10:30 pm). Paul Serralheiro

JAZZ

Au rayon du disque

Off the Record

Ada Montellanico et Enrico Pieranunzi: Danza di una ninfa

Egea SCA 121

****

Cet album est une plongée dans le passé de la variété italienne des années 60. Si le nom de Luigi Tenco a relativement peu d’échos en Amérique, en Italie il est devenu l’objet d’un véritable culte. Ayant fait ses débuts en jazz, cet artiste était autant un grand musicien qu’un grand écrivain, bien qu’il mit fin à ses jours en 1967, victime d’un malaise existentiel ou du manque de reconnaissance publique. Ce n’est pas pour rien qu’un connaisseur comme Enrico Pieranunzi a vu en Tenco une sensibilité proche de la sienne. Les interprétations nuancées de la chanteuse Ada Montellanico laissent entrevoir les déchirures de l’artiste alors que le pianiste Pieranunzi, qui signe tous les arrangements, en a relevé les moindres subtilités, exprimant tous les états d’âme de l’artiste défunt. Signalons enfin la participation du joueur d’anches Paul McCandles (du groupe Oregon) et de quatre autres accompagnateurs (en plus d’un quatuor à cordes sur trois des dix plages). Délaissant toute fioriture, ces artistes nous offrent un disque assez bouleversant. Charles Collard

FME: Cuts

OkkaDisk OD12061

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Le Free Music Ensemble est l’un des nombreux groupes de Ken Vandermark, un trio comprenant le contrebassiste Nate McBride (qui fait aussi partie de Spaceways Inc. et de Tripleplay) et le batteur suédois Paal Nilssen-Love (membre du quintette Atomic et de School Days). « Cuts », qui date de l’an dernier, est leur troisième album. Vandermark joue beaucoup sur les contrastes ici, comme on peut le constater dès la première pièce, Other Side Up/Boadas (dédiée à Joan Miró); après un assaut féroce en ouverture, avec un Vandermark explosif au baryton, cette plage se clôt sur un thème chantant, exposé à la clarinette. Nilssen-Love démontre constamment qu’il est l’un des batteurs les plus doués et stimulants de la scène actuelle, notamment dans ses variations à la fin de la deuxième pièce, Necessary?/Reset/Slip, et dans Broken (Sentence) Broken, lorsque le trio arrive peu à peu à un groove irrésistible. McBride cimente l’ensemble efficacement, et Vandermark utilise ténor, baryton, clarinette et clarinette basse judicieusement. Un autre excellent Vandermark pour vos tablettes. Félix-Antoine Hamel

Thom Gossage Other Voices: Five

Effendi FND 63

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Pour son troisième disque, la formation jazzistique montréalaise placée sous la férule du batteur Thom Gossage marque ici une nouvelle étape dans sa démarche artistique singulière. Influencé par une certaine musique avant-garde new-yorkaise (on pense ici à Tim Berne), le batteur et compositeur du groupe nous offre des pièces parfois très ouvertes (la première, Onus, semble être une improvisation structurée athématique), parfois minimalistes répétitives (la seconde, Ya Ya in Ha Ha, au rythme africain et sans improvisation). Chaotique et heurtée à certains moments (la pièce d’ouverture), planante ailleurs (à la toute fin du disque), ou tombant dans un groove presque rigide (February, la sixième plage), cette musique d’une grande imprévisibilité bouscule les conventions. À la première écoute, l’auditeur devra, à l’instar des musiciens, se frayer un chemin dans ce labyrinthe sonore qui, en dépit de sa diversité, arrive à une certaine unité après les huit plages et quelque 65 minutes de temps d’écoute. Pour la témérité, on accordera quatre étoiles, pour les résultats, disons trois et demie. Marc Chénard

Joëlle Léandre: At the Le Mans Jazz Festival

Leo CDLR458/459

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There is so much to discover on this twin-CD offering that capture the virtuosic improvising French bassist, heard here in five different settings and with a bevy of like-minded and equally-skilled musicians. Léandre thrives on improvised encounters, and the variety here shows off her talents wonderfully, starting with the trio of Léandre, vocalist Maggie Nicols and Irene Schweitzer on piano. This is followed by a brawny three-piece tête-à-tête with fellow bassist William Parker. Her set with violinist India Cook is especially noteworthy, as the two improvisers share a steady flow of fresh ideas for nearly 20 minutes. The trio with Mark Nauseef on percussion and Markus Stockhausen on trumpet yields a reflective kind of contemporary chamber music, while the quartet with Paul Lovens on percussion/drums, Sebi Tramontana, trombone, Carlos Zingaro on violin has a world-music tinge. All of these improvisations provide the listener with delights of the “third stream” kind, proving that, contrary to common belief, the genre never died. Paul Serralheiro

Dragons 1976: On Cortez

Locust Music CD48

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Sous ce nom quelque peu énigmatique (en fait, l’année de naissance des musiciens) se cache un trio de Chicago formé du saxophoniste alto Aram Shelton, du contrebassiste Jason Ajemian et du batteur Tim Daisy. Pour ceux qui connaissent la scène musicale de cette ville, on pourrait s’attendre à un free jazz musclé du genre auquel nous a habitués Ken Vandermark, mais cette formation semble avoir fait le pari d’une musique plus subtile. D’entrée de jeu, on sent que Shelton est un musicien qui prête une attention particulière au côté mélodique des choses ; dans les pièces plus corsées (Felt et le coltranien Humboldt), il n’a jamais recours aux procédés extatiques typés des saxophonistes « free ». Ajemian et Daisy, pour leur part, appuient l’altiste avec leur flair habituel tout au long de cet album de jazz contemporain qui pourrait même plaire aux esprits plus réfractaires. Notons qu’un second disque (intitulé Winter Break, prévu pour cet automne) se situe aussi dans la lancée du disque chroniqué ici, introduisant un langage plus agressif à certains endroits et, pour une pièce, des petites touches électroniques. Félix-Antoine Hamel

Chris Potter: Underground

Universal 9835155

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The main attraction of Underground is definitely Potter’s command of the tenor saxophone. From edgy, bursting-at-the-seams playing, to modal atmospherics, to lush ballad playing, Potter is always poised and expressive. The power of his sound comes through right from the opener’s (“Next Best Western”) contemporary, odd meter prance. In “Nudnik” it is served on a bed of funky guitar and electric piano groove, provided by Wayne Krantz and Craig Taborn, along with drummer Nate Smith (no bassist on this date). Although the saxophonist’s melodic conception comes a little too close to “easy-listening” mannerisms at times, this is counterbalanced by the challenging rhythmic displacements and metrical changes, most notable on. “Big Top” and “The Wheel.” Billy Strayhorn’s “Lotus Blossom” and the Kenny Wheeler-esque “Morning Bell” show the leader’s subtle and velvety ballad playing, as does the closer, the Beatles’ “Yesterday,” a rendition he manages to elevate to the status of a bona fide slow-tempo standard. Paul Serralheiro

The Thing: Live at Bla

Smalltown Supersound STSJ099CD

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This live set is intensity personified, as the Norwegian trio of reeds player Mats Gustafsson, bassist Ingebright Haker Flaten and drummer Paal Nilssen-Love dig in on two triptychs made up of themes by, among others, free jazz artists Joe McPhee (“Old Eyes”), Don Cherry (“Awake Nu”) and David Murray (“Dewey’s Circle”). After theme statements and a saw-toothed opening tenor solo, the trio take turns soloing, with unorthodox accompaniment, such as searing bleats from Gustafsson’s tenor, Flaten’s flapping, scraping or humming arco bass, and the harsh explosions of cymbals. All three musicians stretch the limits of their instruments, coaxing sounds and textures of all sorts with extended techniques, but balancing these with lyrical, lulling moments. With sets clocking in at 28:13 and 36:31, listeners are offered arcing forms with lots of development and variety. An appreciative crowd response reminds us that this is music that must be seen to be believed. Paul Serralheiro

Jean-Michel Pilc: Live at Iridium, New York

Dreyfus Jazz 36-677-2

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Pianiste français établi à New York, Jean-Michel Pilc a fait sa marque comme interprète imaginatif du répertoire des standards. Doué d’une technique éblouissante, il fait preuve de beaucoup d’intelligence et réussit à nous surprendre par des tournures ingénieuses. Outre un pot-pourri monkien et le Spiritual de Coltrane, Pilc nous offre surtout ses propres compositions, soit neuf des quatorze titres au programme. À deux cheveux des onze minutes, son No Print en ouverture est une excursion de grand panache, tout comme les trois thèmes de Monk enfilés sans interruption. Mais ce n’est pas de la haute voltige de bout en bout, car il y a des moments fort sobres et d’une maturité exemplaire (Moonlight with M joué en solo). À ses côtés, le batteur britannique Mark Mondésir (jadis avec Courtney Pine) est tout aussi impressionnant alors que le bassiste Thomas Bramerie est de béton. Salué au festival de jazz en 2001, Pilc revient le 7 juillet, cette fois-ci en solo. Compte tenu de ses habiletés, il ne sera certes pas gêné du tout par l’absence d’accompagnateurs. Marc Chénard

Stefano Cantini, Rita Marcotulli: L’Amico el vento

Egea SCA 120

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Enregistré en 2005 pour le compte du label italien Egea, ce disque présente le saxophoniste Stefano Cantini et la pianiste Rita Marcotulli, accompagnés de Raffaello Pareti à la contrebasse et du quatuor à cordes Arkê. L’essentiel du disque repose sur des sonorités aux accents classiques, qui bifurquent vers un sentimentalisme «nouvel-âge». Il s’agit donc d’une esthétique de musique de chambre et les arrangements pour cordes de Mauro Grossi sont certes très honorables, mais il reste à savoir si la musique jouée ici est du jazz. On s’étonne de retrouver Rita Marcotulli dans ce contexte. Depuis les années 80, cette pianiste se produit avec le gotha du jazz (Joe Lovano, Michel Portal, Dewey Redman) et a enregistré une vingtaine d’albums avec eux ou sous son nom. Toutefois, elle s’illustre dans son solo Interludio avec un jeu lyrique d’une exquise simplicité et la reprise en duo du thème de Brubeck In Your own Sweet Way. Évoquant la nostalgie d’un automne en Toscane, cette musique nous fait penser à de jolies cartes postales. Charles Collard

Dom Minasi Trio: Goin’ Out Again

CDN Records 1002

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There are some musicians whose approach may be perplexing at first listening, and guitarist Dom Minasi is surely one of them. A veteran plectrist, who nevertheless dropped out of the scene for 20 some years, he returned in 2001 with “Takin’ the Duke Out”, a live date where he in effect turned some of the maestro’s beloved themes not inside but definitely out. In 2003, he and his trio mates (bassist Ken Filliano and drummer Jackson Krall, the latter having worked with Cecil Taylor) presented a balanced program of four originals and four standards. Old evergreens like “Autumn Leaves”, “All Blues”, “On Green Dolphin Street” and “Well You Needn’t“ are put in the blender and by mid-track, few would know what tune is being referenced. And my, does he love making frenzied runs over his fretboard! Also worth noting, he uses no effects whatsoever, and his sound is round, even muffled. While his roots are unquestionably mainstream, he seems definitely inclined towards the camp of the outcats (like his sidemen), A name worth checking out live, like on the final evening the FIJM (9 pm at the Museum of Contemporary Art). Marc Chénard

Philippe Lauzier/Miles Perkin/Robbie Kuster: Today is a Special Day

Ambiances Magnétiques AM 149 CD

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Le label montréalais Ambiances Magnétiques continue sa série Jazz avec ce jeune trio, dirigé par le saxophoniste Philippe Lauzier. Auteur de la majorité des thèmes, Lauzier a aussi adapté deux pièces tirées des Mikrokosmos de Bartók, et le contrebassiste Miles Perkin contribue de deux compositions. Si l’album commence de façon plutôt polie, l’usage de la clarinette basse et du soprano varie judicieusement le son, et dès la quatrième piste, Broken Glass, le groupe explore un terrain un peu plus glissant. Les deux pièces de Bartók fonctionnent très bien dans ce contexte et rappellent celles du trio Romano/Sclavis/Texier. Un petit bémol: les pièces, plutôt courtes, ne permettent pas au groupe de vraiment « faire lever » le tout, quoique la batterie de Kuster sur la finale Ivresse (un thème qui rappelle un peu Thomas Chapin) laisse entrevoir un autre registre. Un quatre étoiles pour un début prometteur. Félix-Antoine Hamel

Les Projectionnistes: Vu

Rif RIF-02

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Les Projectionnistes est le groupe formé il y a dix ans par le tromboniste Claude St-Jean, qui s’est produit lors de spectacles d’improvisation musicale accompagnant des films muets surréalistes. Le concept développé par les musiciens est celui d’une construction structurée en blocs homogènes où l’ensemble prime sur les voix individuelles. Ce faisant, le concept du solo se démarque donc assez nettement de celui du jazz standard. L’amour du cinéma, un mariage heureux de cuivres mordants et de rock progressif sont de parfaits appuis pour Claude St-Jean et ses camarades, comme le confirme ce dernier CD gravé en studio. À noter cependant, le dernier titre, Digestif, est en fait une improvisation collective, captée au Festival des musiques de création à Jonquière en mai 2004. De bout en bout, les musiques de cet ensemble sont d’une tonicité et d’un humour contagieux. Le leader est en excellente compagnie avec les saxophonistes Pierre Labbé et Roberto Murray, le guitariste Bernard Falaise, le bassiste Tommy Babin et le batteur Rémi Leclerc. Tout se tient dans ce panorama varié qui comprend douze titres assez accrocheurs. [En concert, le 26 juin à 17h, dans le cadre du OFF festival] Charles Collard


(c) La Scena Musicale