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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 5

Le financement privé de la culture

Par Isabelle Picard / 21 février 2006

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La Chambre de commerce du Montréal métropolitain rendait public en novembre dernier une étude sur l'implication financière du secteur privé dans la culture. Elle met en lumière les mesures de rapprochement entre le milieu des affaires et celui de la culture, ici et à l'étranger, et fait également état des obstacles qui freinent l'investissement. Cette vaste enquête propose cependant surtout des pistes d'action concrètes qui seraient à la fois avantageuses pour les gens d'affaires et pour ceux du milieu culturel.

Pour mener son enquête, la Chambre de commerce a réalisé des entrevues de fond auprès de 50 cadres responsables des dons corporatifs ou des commandites. Ensuite, elle a invité 12 000 entreprises (membres et non membres de la Chambre de commerce) à participer à un sondage électronique. Le nombre de répondants à ce sondage est déjà un indice de l'intérêt suscité par la culture chez les gens d'affaires : sur les 12 000 entreprises sollicitées, seulement 210 ont répondu...

L'ampleur du défi que représente le financement privé est proportionnel à cette indifférence. Les répondants ont certes mentionné comme motivation pour investir le fait que la culture contribue à la qualité de vie, mais ils affirment d'un autre côté avoir la perception que la culture n'est pas une priorité dans la population en général. Et c'est là le principal frein à l'investissement.

La méconnaissance qu'ont les gens d'affaires des mesures déjà existantes pour encourager les investissements n'est rien hausser l'intérêt. Seulement 42% connaissent les avantages fiscaux liés aux dons pour les entreprises et 23% ceux qui sont liés aux commandites. Aussi, saviez-vous qu'une mesure fiscale provinciale permet aux entreprises d'obtenir une déduction de 100% du coût d'un abonnement à des activités culturelles telles que des concerts, opéra, danse, théâtre, expositions? Pourquoi votre employeur ne vous offre-t-il pas un abonnement, par exemple, à la saison de l'OSM? Peut-être parce que, comme 89% des répondants au sondage, il ignore que ces mesures existent.

Il ressort également que le fait d'investir ou non dans la culture est souvent une décision individuelle. Un président de compagnie sensible aux arts sera plus facile à convaincre. Ces affinités personnelles se développent surtout dans l'enfance, selon la place que l'art occupe dans la famille ou à l'école. Mais comme le dit l'étude, « on peut penser qu'en accroissant les contacts et en comblant le " fossé " qui se creuse entre les gens d'affaires et le monde de la culture, -- entre autres obstacles identifiés dans les entrevues --, il serait possible d'augmenter la proportion d'amateurs de produits culturels et, ultimement, l'importance de la culture pour ces individus ». Les amitiés sont aussi un facteur important. Le fait de connaître la personne qui nous sollicite a été identifié comme un des principaux éléments qui influencent le don ou la commandite : il est plus difficile de dire non à quelqu'un que l'on connaît, qu'il s'agisse d'un client, d'un employé ou d'une personne qui nous a déjà aidé auparavant.

Tout n'est pas que rationnel -- une personne interviewée a parlé de soutenir une forme d'art pour laquelle elle a eu un « coup de cœur » --, mais il reste quand même que le jeu du « donnant-donnant » est une règle d'or. Les commentaires montrent que de nombreux obstacles viennent du fait que les organismes culturels, dans leurs demandes de financement, ignorent les motivations des entreprises. L'étude rapporte que « certains membres de la communauté des affaires vont jusqu'à affirmer qu'ils ont des artistes une image de gens si centrés sur leurs projets qu'ils en oublient de proposer des avantages aux entreprises sollicitées ». Des participants ont également souligné que les meilleurs expériences de soutien étaient celles où le projet est élaboré en commun, dans un véritable partenariat où les besoins, objectifs et exigences de chacun sont pris en considération.

Les gens du milieu culturel auraient grand intérêt à apprendre les rudiments de la langue des affaires. Il ressort des commentaires des personnes interviewées que le manque de connaissance, de la part des organismes culturels, du monde des affaires (de ses besoins et de ses outils) est un obstacle. « On déplore notamment le manque d'expertise au niveau administratif, l'absence de plan d'affaires, de stratégie, le manque de compétence dans la collecte de fonds, les dossiers "mal montés", les communications qui manquent de rigueur et le fait que les demandes sont envoyées à la dernière minute. »

Le rapprochement entre les milieux d'affaires et de culture semble finalement être la clé de biens des solutions. Car dans un contexte où la compétitivité est liée à la qualité de vie, le financement de la culture est aussi dans l'intérêt des entreprises. Dans ses pistes de solution, la Chambre de commerce imagine l'institution d'un appui au milieu culturel comme une valeur corporative, au même titre que les mesures de conciliation travail-famille ou la mise en place d'une politique de respect de l'environnement. Espérons qu'elle sera écoutée.

Pour vous procurer une copie de l'étude: http://www.ccmm.qc.ca/financement-culture


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(c) La Scena Musicale 2002