Quelques suggestions pour découvrir la flûte dans (presque) tous ses états
18 octobre 2005
En périphérie... de la flûte
Beau soir
Emmanuel Pahud, flûte traversière ;
Mariko Anraku, harpe
EMI Classics 5 57740 2 (63 min 37 s)
Flûte
solo du Philharmonique de Berlin, Emmanuel Pahud est une valeur sûre pour tout
amateur désireux d'entendre une belle sonorité de flûte, pleine, colorée et
poussée par un souffle au contrôle parfait. Le programme, français et japonais,
est un peu un best of du genre : des arrangements d'œuvres de Debussy (1re
Arabesque, Beau soir, En Bateau), de Fauré (Berceuse,
Sicilienne), Ravel (...Habanera), Massenet (Méditation) ou
Satie (Gymnopédie 1), sans oublier Ibert, Noblot et Monti. La partie
japonaise du programme s'ouvre sur Toward the Sea III, de Takemitsu, qui
reste plus proche de Debussy que de la musique orientale, mieux représentée par
la pièce de Miyagi, écrite à l'origine pour shakuhachi et koto. Réjean Beaucage
Fantasia
Similia
Analekta AN 2 9819 (60 min 58 s)
Tout
nouveau, ce troisième disque des jumelles Annie (guitare) et Nadia Labrie
(flûte). Elles nous proposent ici des fantaisies, généralement des arrangements
d'œuvres populaires destinés à mettre en valeur les interprètes. Arrangements,
signés Annie Labrie, d'airs d'opéra (Carmen, Rigoletto, La
Traviata) ou populaires (Zigeunerweisen, de Sarasate), mais
aussi des œuvres originales (et contemporaines) de Erik Marchelie et Michael
Conway Baker. La flûtiste y est particulièrement mise en valeur par de nombreux
traits virtuoses, la guitare ayant souvent un rôle de soutient. Un programme
bien équilibré entre les airs bien connus et ceux qui le sont moins, ou pas du
tout. La prise de son révèle fréquemment les inspirations de la flûtiste, mais
cela fait aussi partie du charme de l'instrument. Réjean Beaucage
Antonio Vivaldi
Concerti per flauto e flautino
Dorothee Oberlinger, flûtes à bec ; Sonatori
de la Gioiosa Marca
Arcana A 330 (59 min)
Sur pas moins de cinq flûtes différentes, la jeune
Dorothée Oberlinger propose un programme de concertos de Vivaldi, qui, à part
"La Pastorella", ne sont pas très souvent joués. Clairement, on sent ici
l'influence des interprétations décapantes du célèbre ensemble Il Giardino
Armonico : virtuosité foudroyante, théâtralité extrême, instruments de
continuo qui changent constamment à l'intérieur des mouvements. Écoutez le
premier mouvement de "La Pastorella" ; le délire est irrésistible, parce que
parfaitement contrôlé, et bien servi par une prise de son spacieuse et aérée.
Les Sonatori, bien qu'ils jouent sur instruments anciens, utilisent un
diapason aussi haut que notre diapason moderne, affirmant se conformer ainsi à
un usage vénitien du dix-huitième siècle. La brillance en sera donc accrue,
sans que la flûte – même la sopranino ! – ne perde de son charme et de sa
douceur. Un peu plus d'abandon et de tendresse, tout de même, aurait été
souhaitable dans les mouvements lents, mais le disque suscite par ailleurs tant
d'enthousiasme et renouvelle si bien l'écoute qu'il paraît incontournable. Philippe
Gervais
Georg Philip Telemann
Quatuors pour flûte
Musica Antiqua Köln ; Reinhard Goebel, violon
et direction
Archiv 00289 477 5379 (70 min 02 s)
Il y avait longtemps que le renommé Musica Antiqua
Köln ne s'était penché sur Telemann, compositeur que l'ensemble servait jadis à
la perfection. Discipline germanique ? Sens du rythme ? Simple maîtrise te
chnique? D'autres approches de ce répertoire sont possibles et souhaitables,
certes, et on trouvera peut-être que l'énergie du groupe tourne un peu à la
raideur avec le temps, du moins par endroits. Mais comment se passer de ce
disque de quatuors, le genre de prédilection du compositeur ? D'autant qu'aux
côtés de pièces relativement connues, on en trouvera ici d'autres beaucoup plus
rares, mais tout aussi intéressantes, bien que certaines soient d'attribution
douteuse. Philippe Gervais
Arion
Telemann : Tutti flauti !
Solistes : Matthias Maute et Sophie Larivière,
flûte à bec ; Claire Guimond et Mika Putterman, flûte baroque ; Jaap ter
Linden, direction
http://www.early-music.com EMCCD-7763
(73 min 27 s)
Mettant en vedette autant la flûte traversière
baroque que la flûte à bec, ce disque met de l'avant quelques-unes des
multiples combinaisons de solistes que Telemann a exploitées : deux flûtes
traversières et violon ; flûte à bec et viole de gambe ; flûte à bec ; deux
flûtes traversières et basson ; deux flûtes à bec ; flûte traversière et flûte
à bec. Cette dernière combinaison, très rarement utilisée, donne pourtant
d'excellents résultats dans le Concerto en mi mineur (TWV 52 : e 1). Les
deux sonorités se marient admirablement. C'est un moment fort du disque, à la
fois pour la flamboyance des mouvements rapides et pour l'expressivité des
mouvements lents. Isabelle Picard
Aussi à souligner
Tãheke (20th Century Masterpieces for Flute and
Harp), du duo formé de Heidi Krutzen (harpe) et Lorna McGhee (flûte), chez
Skylark. Un disque sur lequel la harpe prend vraiment autant de place que la
flûte (qui est, par ailleurs très venteuse). Pour la puissance de
Lutoslawski et les extraits de Histoire du tango de Piazzolla, mais
surtout pour les Debussy (La fille au cheveux de lin, Syrinx et
un très bel arrangement – signé Judy Loman – du Prélude). Et la voici,
la harpiste Judy Loman, avec la flûtiste Susan Hoeppner et leurs amis (Musique
de chambre française, chez Marquis). Des œuvres pour des ensembles comprenant
la flûte et la harpe sans toujours leur donner la vedette. Encore Debussy (Sonate
pour flûte, alto et harpe), où l'altiste Steven Dann brille ; Ravel,
avec Introduction et Allegro pour harpe, accompagnée d'un quatuor à cordes,
flûte et clarinette, offre à Loman un véhicule parfait pour sa maîtrise
étonnante de l'instrument ; Hoeppner trouve l'équivalent chez Roussel (Sérénade,
opus 30) et Jolivet (Chant de Linos). Une prise de son parfaite en
bonus. Un très beau disque. Toujours du côté de la musique française, La Belle
Époque (Orpheus Recordings) présente des œuvres de Caplet, Fauré, Gaubert,
Poulenc et Franck interprétées par le montréalais d'origine Marc-André Fournel
(flûte), aujourd'hui basé en Suisse, et la pianiste Claire Pasquier. Fournel
produit une sonorité très puissante (voir le "Presto giocoso" de la Sonate
de Poulenc) qui sied bien à un accompagnement de piano, mais le ton général en
est justement très différent de ce qu'offre le duo flûte/harpe. Impossible de
passer sous silence le coffret Flute Sonatas paru récemment chez Brilliant, qui
recueille en trois disques les 18 sonates pour flûte de Pietro Antonio
Locatelli. Jed Wentz (flûte baroque) y est accompagné des instrumentistes de
Musica ad Rhenum, qui proposent une vision pétulante de l'univers baroque. Réjean
Beaucage
|
|