Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 11, No. 10 août 2006

Lise de la Salle : Prendre le temps

Par Isabelle Picard / 6 août 2006


Comme un nombre assez important d’enfants, Lise de la Salle a débuté l’apprentissage du piano à l’âge de 4 ans. Ce qui est un peu particulier dans son cas, c’est qu’elle a commencé sa carrière publique vers 10 ou 11 ans et que son premier disque paraissait chez Naïve alors qu’elle avait à peine 14 ans. Maintenant âgée de 18 ans, elle vient de terminer l’enregistrement de son troisième disque et les engagements se multiplient.

Enfant prodige, Lise de la Salle ? Avec raison, la pianiste se méfie du terme, qui comporte une connotation péjorative. La jeunesse peut en intriguer, voire même en attirer certains, mais les réactions face aux jeunes interprètes sont le plus souvent teintées de scepticisme. « D’une manière générale, j’ai l’impression que les gens sont plus méfiants quand ils entendent parler d’un jeune interprète, et qu’ils ont peut-être un avis négatif avant même d’avoir écouté », explique-t-elle lors d’un entretien téléphonique. « Il y a un préjugé négatif, et peut-être le besoin, pour les jeunes interprètes, de prouver encore davantage que s’ils sont là, c’est simplement parce qu’ils font quelque chose qu’ils aiment et qu’apparemment des gens ont aimé aussi. »

C’est tout naturellement que les choses se sont enchaînées dans son cas. D’abord, depuis son très jeune âge, elle éprouve une véritable passion pour la musique. Maintenant adulte, la pianiste ne se sent pas du tout concernée par l’image – autre préjugé qu’on associe aux jeunes musiciens – de l’enfance sacrifiée au profit de la musique : « Je pense avoir eu une enfance différente de la majorité, ça c’est évident, mais c’était vraiment ce que je voulais faire. Je n’ai jamais ressenti ça comme quelque chose de forcé ou d’obligé, c’était toujours moi qui voulais le faire et qui le réclamais. Par contre, je pense – mais ça n’a rien à voir avec l’enfance – que dans une vie artistique, quel que soit l’art, on doit faire des sacrifices. Mais à la limite, dans tous les métiers on doit faire quelque part des sacrifices… Et la balance est tellement remplie de choses merveilleuses que vraiment, ce n’est pas un problème. »

Son premier disque était consacré à des œuvres de Rachmaninov et Ravel, le deuxième à Liszt et Bach, le programme qu’elle présentera à Québec en juillet fera entendre côte à côte Mozart et Prokofiev… des mariages qui à première vue ne vont pas nécessairement de soi. Mais ces choix sont tout réfléchis et Lise de la Salle y attache une importance particulière. « Il y a des liens entre les compositeurs, explique-t-elle, mais ce sont des associations auxquelles nous ne sommes pas habitués. J’aime bien pouvoir surprendre l’auditeur avec un programme qui va l’emmener dans un voyage musical inhabituel et nouveau. » Entre Mozart et Prokofiev, par exemple, elle note des points communs : « Une écriture très claire, limpide, organisée, méticuleuse. Et en même temps, de grands contrastes. Chez Mozart, on passe du rire aux larmes, on peut changer d’atmosphère en deux mesures. On retrouve ces mêmes contrastes chez Prokofiev, qui ne vont cependant pas du rire aux larmes, mais d’un univers presque violent, dur et froid (qui reflète le stalinisme) à des envolées lyriques, des élans d’amour très forts. »

Pour ce qui est de trancher en faveur d’un compositeur plutôt qu’un autre, en termes d’affinités, la pianiste s’abstient, rappelant qu’à son âge elle est encore à l’étape de la découverte. Elle mentionne quand même le trio Bach-Mozart-Beethoven, qui lui est très cher. Une chose est certaine, ses intérêts musicaux ne se limitent pas au piano, loin de là. L’opéra, la musique symphonique, les concertos pour violon, violoncelle, les quatuors… elle déclare adorer la musique en entier ! D’ailleurs, ses principales influences ne sont pas pianistiques mais vocales : la Callas, Gundula Janowitz et Elisabeth Schwarzkopf chez les femmes, et chez les hommes, les très beaux ténors comme Pavarotti et Placido Domingo. « La voix me fascine énormément. En fait, tout mon travail en ce moment, ce que j’essaie de faire au piano, tout se rapporte à la voix. J’essaie de trouver les émotions si fortes qu’une voix humaine peut faire ressentir ; j’essaie de transcrire ces
émotions au piano. Ce n’est pas évident, mais j’essaie ! »

Paradoxalement, même si à 18 ans sa carrière est déjà bien amorcée, Lise de la Salle accorde une grande importance au fait de prendre son temps. « Le temps permet deux choses, à mon avis. Il permet premièrement de ne pas être précipité, de travailler sereinement et calmement, et d’aller au fond des choses, au fond de l’interprétation. Deuxièmement, prendre son temps, ça permet d’avoir une vie à côté de la musique. Et cette vie à côté, elle est très importante, je dirais même essentielle, parce que c’est elle aussi, en grande partie, qui nourrit les interprétations. » n

Le 14 juillet 2006, 20 h 30

Lise de la Salle, piano

Œuvres de Mozart et Prokofiev

Festival d’été de Québec

Salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre

418-643-8131 – www.infofestival.com


(c) La Scena Musicale 2002